Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Maât
ou la Sagesse humaine en soi Svelte
à la peau mate, un visage parfait aux yeux, au nez bien
dessinés, une stature
qui inspire une grande noblesse, une chevelure brune et lourde qui
recouvre des
épaules nues. Un collier à plusieurs rangs
habille son cou, un mince ruban
coloré orne son front et retient une plume toute droite, une
plume rectrice
d’autruche dit-on… C’est cette plume
qui, avant sa grande beauté, a d’abord
attiré mon attention sur cette créature
magnifique à plus d’un titre, sur cette
créature rencontrée au fil des pages de mes
lectures nocturnes. Mes yeux
glissent d’abord sur cette image en couleur puis reviennent
en arrière. Qui
est-elle ? D’où vient-elle ? Et
pourquoi cette plume, cette plume
rectrice qui est la plume de la queue des oiseaux qui leur permet de
rester en
équilibre dans l’air et de définir leur
direction ? Autant de questions
qui éveillent mes sens malgré l’heure
tardive. Et
bien cette plume, elle est sa marque, son
cachet, elle représente la rectitude, la droiture et
l’équilibre et cette jolie
dame, qui est résolument de bonne famille puisque fille
d’un Dieu, se nomme
Maât, fille de Rê, le Dieu solaire
considéré dans les temps de l’Egypte
ancienne comme le principe créateur central et originel,
rien de moins et de
plus, compagne de Thot, Dieu du savoir et de la sagesse. Rectitude,
droiture, équilibre, savoir, sagesse, principe
créateur, Egypte ancienne, Dieu
soleil, autant de termes et de symboles qui ne peuvent
qu’attirer encore
d’avantage l’apprenti maçon
égyptien que j’essaie d’être
vers cette divine
apparition. La
Vie est une succession de rencontres et ces rencontres n’ont
sans doute rien à
voir avec le hasard. Un jour, un être traverse votre vie,
cela se passe dans un
hall de gare, dans une rue, dans un bureau, au sommet d’une
montagne ou dans un
temple maçonnique. Ces rencontres nous font grandir et
illuminent notre chemin
vers la connaissance. J’ai
rencontré la
déesse Maât dans un livre, j’ai
longuement conversé avec elle et je voudrais ce
soir vous faire partager toute la magie bienfaitrice qu’elle
rayonne autour
d’elle… Maât
me raconta d’abord comment elle incarnait divinement un
concept fondamental qui
devint la pierre angulaire de la civilisation égyptienne.
Elle me raconta la
vision du monde de ces hommes, leur vision de la civilisation et de
l’homme qui
reposait sur une notion fondamentale qu’était la
quête de la sagesse et sa mise
en œuvre politique, sociale et économique.
Ce concept de Maât représentait
la justice divine, l’ordre universel, il
était le fondement, le principe philosophique sur lequel
reposait toute la
civilisation égyptienne, celui de
vérité, de justice,
d’équilibre et
d’harmonie. Elle était le contraire de
l’Isfet qui représente le Chaos, le
désordre, l’Injustice. Elle
incarnait l’Ordre du monde, de l‘Univers, la Loi
par laquelle le Monde
subsistait dans l’harmonie. Elle était la Force
qui soutenait la création et
l’empêchait de retomber dans le chaos initial. Elle
était le trait d’union
entre le monde d’en haut, et le monde d’en bas. Et
si elle était la justesse de l’Univers, elle
était aussi celle du comportement
de Pharaon. En pratiquant Maât, Pharaon mettait en
œuvre la clé du bonheur des
Hommes: la Solidarité. Solidarité de Pharaon avec
le Divin, de la communauté
des Hommes avec le sacré, de Pharaon avec toute
l’Egypte et enfin solidarité
des Hommes entre eux. Et si Maât régissait les
grands cycles cosmiques, elle
régissait également les rapports des hommes entre
eux et leurs devoirs
vis-à-vis de la société. Elle
était la clé de voûte de la Vie
sociale. L’observance
des règles définies par le concept de
Maât était indispensable au bon
fonctionnement de la société et au respect
d’autrui. S’écarter de Maât,
c’était
s’isoler de la société mais surtout se
condamner à jamais pour la Vie dans
l’au-delà car en effet, une fois la mort venue,
aucun défunt ne pouvait éviter
l’épreuve du jugement devant le tribunal divin
présidé par Osiris. Et dans la
balance du jugement, on plaçait sur un des deux plateaux la
plume de Maât, sur
l’autre le cœur du défunt qui devait
être maâti, c’est-à-dire en
accord avec
Maât. Le cœur, s’il
n’était pas chargé de
pêchés, si la conscience était pure,
ne devait pas peser plus lourd que la plume. Plus lourd que la plume,
le défunt
était livré à « la
grande Dévoreuse », créature
hybride à la fois lionne,
hippopotame et crocodile dont le rôle consistait à
faire disparaître à jamais
ceux qui n’ont pas respecté la règle
instaurée par les Dieux. Si
Maât constituait la référence absolue
au jugement rendu par le tribunal divin,
elle l’était également quand la justice
des Hommes devait être rendue. Pharaon
ou son vizir prononçaient des jugements conformes
à Maât pour régler les
différents opposants les habitants du royaume. Respecter
la Règle, respecter Maât,
c’était d’abord mener une Vie
harmonieuse dans le
respect de chaque être de la société et
cela quelle que soit sa condition
sociale et sa position dans la hiérarchie mais
c’était aussi respecter les
valeurs fondamentales humaines et religieuses afin de
s’assurer non seulement
une bonne intégration dans la société
des vivants, mais aussi une existence
heureuse dans l’au-delà. Maât,
fille du Dieu Soleil, symbole de la Vérité, de la
Justice et de l’Ordre était
donc au cœur de la civilisation égyptienne et dans
cette Egypte ancienne, le
but de l’initié était la recherche de
Maât, donc la recherche de la Justice et
de la Vérité mais cette même recherche
n’est elle pas une constante dans notre
quête en Franc-Maçonnerie. Je
comprenais alors pourquoi cette rencontre avec cette déesse
de la mythologie
égyptienne semblait devoir prendre un chemin plus intime,
semblait demander une
réflexion plus profonde, une recherche plus
intérieure. Je comprenais pourquoi
Maât résonnait si fort dans mon cœur,
comme si elle y vivait depuis toujours,
comme si sa présence au fond de moi devenait soudain une
évidence. Et
c’est quand je la ressentis en moi qu’elle se
dévoila plus clairement, qu’elle
me permit de comprendre que si elle avait été la
clé de voûte de la
civilisation égyptienne, elle existait bel et bien en chacun
des êtres de notre
Univers et cela quels que soient son époque, sa culture, sa
langue, sa couleur
de peau et même son sexe. En chaque être humain, il
existe une conscience
morale commune et universelle. Bien sûr, selon sa culture,
ses faims qui trop
souvent justifient les moyens, l’Homme a rajouté
à cette conscience morale
universelle des lois souvent complexes mais il existe des lois
naturelles dont
tous les êtres humains connaissent le principe du bien, du
mal, de la justice
et de la vérité et Maât est ce principe
issu des origines qui unit chaque être
à son propre monde et à l’Univers tout
entier dans une conscience de droits et
de devoirs inaltérable et éternelle. Elle est
cette conscience de la Morale que
nous avons tous en nous au plus profond et que nul ne peut transgresser
en
prétendant qu’il ignorait la Règle. Et
cette Morale universelle n’est pas le privilège de
quelques Hommes qui
se prétendent élus par un Dieu, elle ne
s’apprend pas à l’école, elle
ne se lit pas dans un livre même sacré, elle
n’a
pas besoin d’une cérémonie
spéciale, d’un baptême pour entrer en
nos cœurs,
elle est donnée à tous, à toutes, elle
est la Sagesse humaine en soi… Ne
vous a-t-on jamais conseillé, quand vous aviez une lourde
décision à prendre,
ne vous a-t-on jamais dit ces mots: « Ecoute ton
cœur » ou
« laisse parler ton
cœur », on aurait sûrement pu
vous dire tout
aussi bien: « Ecoute
Maât », c’est-à-dire
fais ce que tu crois bon et
beau pour toi mais également pour tous et pour
l’Univers tout entier. Combien
de proverbes dans notre société montrent
à quel point la communauté des êtres
aspire à suivre les règles de Maât:
« Bien mal acquis ne profite
jamais », « Les bons comptes font
les bons amis », « chose
promise, chose due », « Le soleil
luit pour tout le monde » et
bien d’autres encore. Autant de Paroles qui nous montrent que
la communauté des
êtres aspire au Bien et que la Morale commune et universelle
tend vers le Bien,
le Beau et le Vrai. Celui qui écoute Maât favorise
l’ordre universel, qu’il
soit social, politique ou cosmique. Celui qui respecte Maât
aura une Vie
heureuse sur terre avec des amis, la santé, du respect.
Celui qui est sourd à
Maât brise l’ordre universel, et cela
entraîne toujours des sanctions, c’est la
fameuse loi de cause à effet. Maât
est une Vérité
révélée à tous,
c’est un message direct à l’oreille de
chacun et
nul ne peut prétendre ignorer ses valeurs, elle est
présente depuis toujours
dans le cœur des Hommes et existe en dehors de toute
religion, elle n’a pas non
plus eu besoin d’attendre que l’homme invente
l’écriture pour se faire
connaître au travers de livres que l’on dit
sacrés. Elle ne demande pas de
croire en un personnage caché derrière elle mais
simplement d’œuvrer pour le
Bien de soi et de chacun. Maât
n’a pas besoin de prières ni qu’on lui
voue un culte particulier, elle n’a pas
besoin de messager, elle est le messager comme elle est le message,
elle est
dans la conscience de chacun et elle dit la même chose
à chacun des habitants
de la terre. Son message d’Amour est universel et elle
n’a pas besoin qu’on
croit en elle ou que l’on y croit pas, elle n’est
pas une Foi, elle est une
évidence. Maât
doit se vivre au quotidien et s’appliquer à tout
instant à chacun de nos actes
ou de nos réflexions, elle est une manière de
vivre. Elle est la manière de
vivre de tout maçon en quête de
l’inaccessible Etoile. Elle est cette envie de
grandir dans le grand Jardin de la Vie en y cultivant les fleurs du
Bien. La
petite Anne Frank, dans son journal écrivait ces mots:
« Je crois, je
continue à croire qu’au fond de leur
cœur, les Hommes sont bons. » Je
pense qu’elle avait pressenti la présence de
Maât en chacun des Hommes et elle
voyait en chacun de ces Hommes cette petite part de Lumière
que nous Maçons
nous connaissons bien car le fait d’être
reçu Maçon n’est-il pas
étroitement
lié à la réception de cette
Lumière, cette Lumière qui est en fait le symbole
des dons célestes et spirituels. Et comme dans
l’Egypte ancienne, le but de
l’initié était la recherche de
Maât, la Lumière à laquelle nous
aspirons tous
ici ne constitue-t-elle pas la plus grande partie de
l’enseignement initiatique
du Maçon, n’est-ce pas cette Lumière
qui est censée se dévoiler sous ces
différents aspects au fur et à mesure de notre
avancée dans la Voie de l’Art
Royal? Et ne peut-on pas aller jusqu’à penser que
cette Lumière est bel et bien
perçue par tout Homme naissant en ce Monde par intuition
directe et que
l’illumination de l’Initiation ne lui fait
finalement découvrir que ce qu’il
était déjà spirituellement
préparé à découvrir,
c’est-à-dire l’ensemble de
toutes les vertus, symbole du Grand Architecte de l’Univers. Tous
les matins, au lever du Soleil, Pharaon apportait en offrande aux Dieux
une
petite statuette représentant Maât pour
célébrer la renaissance du Soleil à
nouveau victorieux des ténèbres,
c’était une manière de rendre aux Dieux
ce
qu’ils avaient donné aux Hommes. Faire monter
Maât vers les Dieux assurait le
lien entre le monde visible terrestre et le monde invisible
céleste et vivre
sur terre selon la loi de Maât assurait une union symbolique
entre le monde des
Dieux et celui de la réalité temporelle. Et
ne peut-on pas penser que nous Maçons de
la vieille Egypte, comme Pharaon, au sein de nos temples, nous essayons
nous
aussi d’unir le ciel avec la terre et que nos rituels
parviennent à rendre
vivants les principes idéaux d’harmonie, de
Vérité et de justice inspirés par
Maât l’Egyptienne. Et
plus je conversais avec la déesse, plus je comprenais le
sens de notre
rencontre, elle me faisait revivre au plus profond de moi toutes les
étapes de
ma courte vie maçonniques, elle me faisait comprendre
combien la voie
initiatique que j’avais choisie dérivait de la loi
d’Amour, elle me faisait
comprendre combien elle serait difficile et demanderait
d’incessants efforts
pour retrouver cette « parole
perdue » sans laquelle la
Vie n’a plus de sens et le monde devient
incompréhensible. Elle me rappelait
comment et à quel point nous sommes tous ici
présents les dépositaires des
valeurs sacrées et immuables du Grand Architecte de
l’Univers et pourquoi nous
nous faisons appeler « les Fils de la
Lumière ». F\ J\ |
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