Obédience : NC | Loge : NC | 06/10/2010 |
Aux bords de la Mére On trouve parfois les traces de sa propre vie dans les mots/maux des autres et, à ce moment, on ne peut plus se séparer de ces phrases qui donnent à vivre la nostalgie de nos douleurs, de nos amours, de notre enfance, comme la nostalgie de ce drap dont la mère nous recouvre comme pour nous préparer à apprivoiser la mort. « Je retourne vers toi, Maman morte, et c’est mon pauvre bonheur de te faire vivre un peu encore, sainte sentinelle et gardienne de tes enfants, te faire vivre, un peu encore avant de te rejoindre bientôt ; c’est ma lamentable magie et mon pauvre truc pour ne t’avoir pas entièrement perdue, Maman… » Mais, c’est surtout à travers la mythologie que j’esquisserai une image de cette mère toute, de ma mère, de nos mères. La mère primordiale Il est des symboles immanents. Celui de la mère s’impose évidemment comme primordial. Le terme de mère est utilisé métaphoriquement pour désigner : la source ou le créateur, ce qui est premier dans la vie de quelqu'un (langue maternelle, loge mère), ce qui est le plus important (carte mère), ce qui est aux principes de toutes choses (Mère Nature), les bienfaits et la nourriture de l’esprit, l’alma mater qui après avoir désigné ce bel oxymore, la Mère-patrie est utilisé aujourd’hui pour nommer l’Université nourrissant l’étudiant du lait de sapience et de savoir. (C’est énorme) - Primordial en tant que premier Le mythe de la mère sera donc celui de toutes les cosmogénèses et anthropogenèses, prenons quelques exemples parmi d’innombrables. ì Les vestiges religieux les plus nets de la période néolithique (4500-2600) – retrouvés dans des tombes et dans ce qui devait déjà être des sanctuaires – sont des idoles, très généralement féminines, qui représentent des déesses au corps puissant, ramenant souvent les bras sur leur poitrine. Ces « Vénus néolithiques », prenant la succession des « Vénus stéatopyges » (aux fesses grasses) de l'époque paléolithique, incarnent les énergies vitales de l'univers ; elles donnent à leurs fidèles la fertilité pour leurs champs, la fécondité pour eux-mêmes et pour leurs troupeaux ; leur protection s'étendant même au-delà du tombeau, elles doivent leur assurer la survie. Les Modernes les appellent Grandes Mères ou Grandes Déesses ou encore Terres-Mères, et il est sûr qu'aux yeux de leurs fidèles elles concentrent en elles les forces infiniment puissantes de la Terre. ì En Inde, le dieu suprême est féminin, c’est la vie, c’est Sakti. Si notre culture prie « notre père », les indiens évoquent, eux, « notre mère ». Sakti construit et détruit les mondes « c’est de moi que vient tout ce qui se mange, tout ce qui se voit, tout ce qui se respire, tout ce qui s’entend…ma grandeur dépasse le ciel et la terre » lit-on sans le Rig Veda (1). Cette source de tout est confirmée par l’hindouisme orthodoxe – celui qu’on appelle smârta – qui reconnaît la prééminence de la figure féminine. Dans la Devî Upanishad (2) , les dieux s’interrogent : « Qui es-tu, Grande Déesse ? », ce qui lui donne l’occasion de répondre en une longue auto-célébration où elle s’identifie au brahman, à l’univers, au Veda, où elle se dit l’origine de toute chose, le refuge et la Mère des êtres. ì « Dieu fut d’abord une femme ; Dieu fut d’abord déesse » : La fertilité des femmes était aussi précieuse que celle de la terre pour la survie de ces sociétés. Depuis le paléolithique, la fécondité de la femme a assuré l’équilibre de la vie matérielle ; très naturellement on a honoré cet être. A cette époque le culte de la femme impliquait la suprématie de la femme. Et avant les invasions des peuples Aryens, toute la population Méditerranéenne et toutes ses divinités étaient noires ! Durant le millénaire qui précède notre ère et jusqu’aux cinq premiers siècles, la divinité majeur du monde méditerranéen était la Déesse ISIS (une déesse noire d’Afrique). Cette déesse africaine noire est à l’origine de l’existence de toutes les Madones et « Vierges noires ». On trouve des déesses mères dans presque toutes les religions de l'Antiquité, mais on ne doit pas confondre ces divinités, qui n'étaient d'ordinaire que des déesses de la fertilité et de la reproduction, avec la Grande Mère des dieux, que l'on regardait comme la dispensatrice de la vie. ì Et cette curieuse interprétation d’Elohim qui confirme ce que je viens d’exposer : Elohim ce troisième mot du verset qui ouvre la Bible (Berechit bara Elohim…) montre, en traduction littérale, un pluriel (dans le commencement les dieux créèrent…). Pour Adolph Grad, Elohim ne procèderait pas du nombre, du pluriel mais du genre, du féminin, parce qu’ici le pluriel désigneraient les menstrues, et Elohim serait la déesse mère des hébreux. C’est énorme ! - Primordial en tant qu’essentiel Le mythe de la mère représente un archétype, c'est-à-dire une « forme de représentation donnée a priori », ou encore comme une « image primordiale » renfermant un thème universel, commun à toutes les cultures humaines mais figuré sous des formes symboliques diverses, et structurant la psyché inconsciente. Les archétypes sont caractérisés fondamentalement par le fait qu'ils unissent un symbole avec une émotion, ce faisant, ils sont des « potentiels d'énergie psychique » constitutifs de toute activité humaine et orientant la libido. Les archétypes sont ainsi, dans l’espace mental, des dépôts permanents d’expériences continuellement répétées au cours des générations. C’est, cachée dans des histoires de déesses et de reines, que l’on trouve, surtout, la figure centrale d’une représentation primordiale de la mère. Dans la Grèce Antique, les historiens ont décelé dans les rites printaniers de Rhea, la Mère des Divinités, la trace d'une célébration particulière en l'honneur des mamans. La première mère qui a été fêtée, c'est Cybèle. On a commencé à la fêter en Phénicie puis dans l'empire romain. La fête durait chaque année du 15 au 27 mars. Ce culte a été abandonné au IVème siècle après JC. Qu’elles s’appellent Médée, Jocaste, Sémélé ou Héra, qu’elles s’appellent Gaïa, Amalthée, Cybèle ou Déméter… ces mères lient, souvent, leur souveraineté à leurs maternités. Leurs expériences de vie sont terribles. Ainsi, Gaïa, déesse primordiale identifiée à la « Terre-Mère », ancêtre maternelle des races divines enfante aussi de nombreux monstres. Médée trop amoureuse de Jason tue ses enfants par dépît. Jocaste épouse son fils Œdipe. Sémélé est la mère de Dyonisos pourtant sorti de la cuisse de son père Jupiter. Déméter, la déesse des céréales, dépasse par son action le seul monde agricole ; elle assure les fonctions de reproduction tant végétale qu’animale et humaine. Elle est invariablement associée à cette longue errance dès lors qu’elle entend le cri de sa fille Perséphone enlevée par Hadès. Son sacrifice ira jusqu’à abdiquer ses prérogatives de déesse pour retrouver sa fille disparue qu’elle laissera finalement repartir 6 mois par an vers les ténèbres. C’est par elle qu’il faut comprendre que le grain doit mourir afin de vivre. Dans cette histoire l’acceptation de l’autre va jusqu’à l’acceptation de la mort. C’est à partir de telles mères-images que la mère archaïque inspirera des imagos maternelles devenues universelles dans le temps et l’espace et c’est avec celles de la Bible que je vais essayer de comprendre le devenir-mère. Et d’abord, La mère dans l’ancien testament Le problème des femmes les plus imminentes, dans ce texte, appelées « les Mères » fut cependant celui de leur stérilité provisoire, problème résolu et dissolu, comme on va le voir, par l’épreuve de l’altérité. Ce qui apparaît de la capacité du devenir-mère dans l’infini textuel de la genèse est de l’ordre de la spiritualité, car c’est la volonté divine qui accordera la descendance comme récompense existentielle. C’est que que l’on peut lire de leurs histoires. Alors rions avec Sarah, rusons avec Rébecca, répétons l’histoire avec Rachel et avec d’autres encore qui pourraient illustrer ce terme récurrent de la Bible et qui ont eu nom Hanna, Ruth… Les patriarches, eux, sont des hommes féconds, leurs servantes en témoignent. Avram eu Ismaël avec la servante Agar. Pendant ce temps-là, sa femme SaraÏ a préservé son incomparable beauté dans la souffrance de sa stérilité. « Quand une femme est enceinte elle est enlaidie et manque de grâce. Ainsi pendant les 90 ans où Saraï n’eut pas d’enfant, elle était comme une fiancée sous son dais »se lit dans Genèse 45-4. On connaît la prédiction, on en connaît sa réalisation, on écoute encore le rire de bonheur de cette primipare de 90 ans qui met au monde l’enfant Itshak (en hébreu, mot qui signifie il rit). Mais ce qui est à entendre c’est que l’accomplissement de cette maternité se fait par le changement dans les noms du père et de la mère. Saraï devientt Sarah. Le midrash explique que le yod perdu (valeur 10) de SaraÏ est le signe du masculin et de la puissance. Il y a cassure de ce yod en 2 hé (valeur 5). La substitution de ce yod en hé (H) dans le nom de Sarah est l’indicatif du féminin et symbole de fécondité. C’est comme si Saraï donnait quelque chose d’elle à Avram, qui devient dans le texte Avraham comme si à partir du moment où elle reconnaissait l’Autre, Sarah devenait féconde par cette reconnaissance. « et ton nom ne sera plus appelé Abram*, mais ton nom sera Abraham**, car je t’ai établi père d’une multitude de nations… Quant à Saraï*, ta femme, tu n’appelleras plus son nom Saraï ; mais Sara** sera son nom. » (Genèse 17-5 et 17-15). (à rapprocher de Agar devenue Hagar après sa maternité). Rebecca, la femme d’Itshak, est aussi une grande beauté stérile : « Itshak intercède auprès d’Achem en présence de sa femme, oui, elle était stérile » lit-on en Genèse 25-21. Ils enfanteront pourtant les jumeaux Esaü et Jacob par la suite. Entre Jacob (celui qui saisit le talon) et Rachel (la brebis) existait un lien d’amour charnel passionnel. Tant que le désir d’enfant n’est autre que le « trans-faire » de l’amour de son époux, également marié avec sa sœur Léa dont il a eu plusieurs enfants, Rachel est privée de maternité. Comme sa sœur, c’est à travers la maternité que se joue pour elle la conquête de Jacob : « Rachel jalouse sa sœur. Elle dit à Jacob : offre moi des fils, sinon je suis morte moi-même ; et Jacob se fâcha contre Rachel, et dit : Suis-je à la place de Dieu qui t'a rendue stérile ? » lit-on dans Genèse 30-1 et 2. Dans cette relation d’amour passionné il n’y a guère de place pour un tiers, aussi Rachel souffre-t-elle de ne pouvoir enfanter comme s’il s’agissait d’une expérience de la mort en la vie. Elle exalte ce désir, et la Tradition affirme que Dieu aime entendre les larmes de justes et de ceux qui placent le souci d’un autre qu’eux-mêmes au cœur de leur désir et de leurs oraisons. Rachel offre sa servante à Jacob pour enfanter à sa place (Voici ma servante Bilha ; va vers elle, qu'elle enfante sur mes genoux, et par elle j'aurai, moi aussi, une famille) ; là encore l’idée de la mère porteuse. Dans cette ouverture à l’altérité, en acceptant une maternité de substitution, Dieu se souvient de Rachel, elle accède à une authentique maternité, elle enfantera Joseph (donne moi un autre fils) puis ce sera Benjamin. A considérer l’histoire de ces femmes au statut central dans le destin du peuple des hébreux, à penser l’éclairage si particulier de leur attente du devenir-mère accordé par Dieu, selon le texte, il s’impose que la capacité d’advenir mère n’est donnée qu’après une gestation spirituelle dans un temps de compréhension où cela ne va pas de soi et où il faut qu’il y ait de l’autre. Dans son ouvrage, « La stérilité comme épreuve de la loi » Assoun écrit : « Ce moment d’oubli de soi et de l’autre que signe la stérilité d’origine inconsciente ne serait donc pas quelque raté d’ordre fonctionnel mais un véritable grippage symbolique : non pas temps perdu à abolir par une technique ad hoc mais, pour qui de droit, temps de comprendre que là où une femme était, une mère peut advenir ». Dans l’ancien testament, la maternité apparaît comme le paradigme de l’altérité, comme une éthique procréative, voyons maintenant ce qu’il en est dans les évangiles. La mère dans les évangiles Ce qui nous intéresse dans la figure de la vierge-mère c’est le regard que l’Histoire porte sur sa virginité, surlignée par sa propre immaculée conception : vierge et elle-même conçue sans pêchés. La virginité perpétuelle de Marie (« toujours vierge ») est une doctrine commune aux catholiques et aux orthodoxes, inscrite dans le symbole de foi de saint Épiphane, en 374, et proclamée pendant le deuxième concile de Constantinople (553). La doctrine n'est pas reçue par les Églises protestantes, même si les réformateurs concevaient l'idée que Marie fut vierge avant la naissance de Jésus. Elle est admise par la majorité des Pères de l'Église. L'Immaculée Conception de Marie est un dogme de l'Église catholique, défini le 8 décembre 1854 par le Pape Pie IX dans sa bulle Ineffabilis Deus. La vierge tient son caractère d’exception polémique à l’égard des autres figures maternelles de ne pas se situer dans l’ordre du biologique ou du génétique, donc du sexe et par voie de conséquence de la mort, mais dans l’ordre du symbolique, c’est-à-dire du nom. ì Marie, vierge-mère nous renvoie à la scène primordiale et à cet impossible ou même impensable de parler d’elle autrement qu’en déniant son rapport à l’autre. Les évangiles posent l’existence de Marie, ne disent presque rien sur son histoire et ne la mentionnent que très rarement aux côtés de son fils notamment aux noces de Cana. Elle n’apparaît qu’aux confins de la vie de Jésus : à sa naissance, peu durant sa vie et à sa mort. La figure de la mater dolorosa est immortalisée par les Piétas de l’art méditerranéen. De la Piéta qui sort du cri de Michel Ange, Michel Serres dit dans son livre « Statues » : « Le verbe sort de la matrice qui elle sort de la masse. Morte, la parole retourne à la chair qui retourne à la mère qui retourne à la matière, qui retourne à la masse ou à la terre ». Cette mère de douleur ne meurt pas, elle est éternelle. C’est au moment de l’assomption qu’on la voit devenir petite fille dans les bras de son fils devenu désormais père. Elle inverse ainsi son rôle de mère en rôle de fille : « Vergine Madre, figlia de tuo Figlio » comme s’exclame Dante dans la Divine Comédie. ì La mère de la nativité est cette vierge en question, non entamée, celle qui dit à l’ange Gabriel apportant le kérigme de la fécondation « comment cela se ferait-il puisque je suis vierge ? »lit-on dans Luc 1,34. Cette image de Mère-vierge est sans doute la trace que l’on retrouve chez l’homme qui garde de son enfance une image virginale de sa mère si bien exprimée par Albert Cohen : « je me raconte une fois de plus que mon père n’est pour rien dans ma naissance, que je suis né par de la magie, qu’un prince a arrangé ma naissance par des mots puissants » Cette virginité est une construction dans laquelle le féminin se rétracte à la maternité dans laquelle disparaît le corps qui fait place à la filiation par l’Esprit. Ainsi Jésus, appelé fils de l’homme, n’est, tout compte fait, humain que par sa mère et nous devrions l’appeler « fils de la femme ». ì Pourtant, au moment de la mort du fils, Marie, semble être mère d’autres enfants que Jésus, puisque Luc, en 2-7 écrit : elle enfante son fils aîné et Mat en 12:47 "Quelqu'un lui dit : Voici, ta mère et tes frères sont dehors, et ils cherchent à te parler." Alors, permettons-nous de dire que, si dans l’Ancien Testament l’être-mère est une joie et une récompense de la place faite à l’autre, alors l’enfant est à naître pour une descendance à croître et multiplier, tandis que dans le Nouveau Testament cet être-mère-vierge serait l’altération de l’altérité dans le refus du rapport sexuel, alors l’enfant est crucifié et sa descendance vouée à non-être. L’islam, quant à lui, insiste surtout sur les égards qui sont dus à la mère à tel point que le prophète en fait mention juste après la déclaration de l’Unicité de Dieu et le devoir de L’adorer. Un hadith (c'est-à-dire un groupe de propos tenus par le prophète, ses paroles, ses actes actes ainsi que des situations qui se sont déroulées devant ses yeux et qu’il a approuvé ou désapprouvé) rapporte : Une personne est venue voir Mohamed et lui demande : « Qui, de tout le monde, mérite le meilleur traitement de ma part ? » Le prophète répondit : « ta mère ». L’homme dit : « et ensuite ? ». Le prophète répondit : « ta mère ». L’homme demanda encore « et ensuite ? ». Le prophète répondit : « ta mère ». L’homme demanda une quatrième fois. Le prophète répondit : « et ensuite ton père ». Mais quel dommage que le mot père qui se dit en arabe « abou » signifie aussi « propriétaire ». C'est en Angleterre, vers 1600, qu'on a fêté pour la première fois les mères de famille. Le jour s'appelait «Mothering Sunday» et, ce jour là, les personnes qui travaillaient comme domestiques dans des familles avaient le droit, à cette occasion, de retourner voir leur mère. Pour finir je voudrais déchiffrer ce mot « mère » au travers le prisme du langage. Le mot mère dans la langue hébraïque héritée de la Mésopotamie, berceau de la civilisation occidentale, se dit « ima »et si on déconstruit ce mot « comme c’est d’usage dans la lecture dans textes hébraïques et dont la finalité est la mise en mouvement du langage pour permettre à l’homme de s’inscrire dans un incessant dynamisme de significations » on se trouve devant une lecture éclatée. Le Sefer Yetsira (3) est le premier texte dans l’histoire de la pensée à avoir fait l’hypothèse que le monde s’explique comme une langue. Il dit clairement que le monde est structuré comme un langage. Alors, le mot « ima » se décompose en « im »et « ma ». « Im », équivalent de « Mi » en guématrie, nous pouvons dire que le mot mère en hébreu est fait des questions qui (« mi » qui renvoie au sujet) sur quoi (« ma » qui renvoie à l’objet). Ima, le qui-quoi est le rapport interrogatif du sujet à l’objet. Le mot mère, en hébreu, est donc le lieu fondamental du questionnement sur l’origine et du rapport de l’homme au monde. Les linguistes se sont intéressés au mot mère, plus exactement maman (terme couramment et familièrement employé) qui commence par la lettre « M » comme les possessifs ma, mon, mes, mien, possessifs qui signent d’emblée une fonction d’affectivité. Quittant la période d’indifférenciation, le petit d’homme prendra conscience qu’il est autre, qu’il ne forme pas une unité duale avec la mère et c’est à ce moment-là que le langage apparaitra. Cette absence à lui-même est alors inquiétude, égarement provoquant parfois un sentiment d’abandon. Le langage prend alors place de mouvement vers la mère. Mo, ma, me, mama, maman. Maman en français (le mot maman, qui résulte d'une formation enfantine par redoublement vient du latin et du grec mamma qui veut dire sein), mother en anglais, mama en italien, mà ou mama en arabe, madré en espagnol, Maë en portugais, Moeder en africaans, mater en latin, mayring en arménien, mamona en tchèque, Matka en slovène, Мать en russe et en letton. Ce « M », initiant les vocables de mère que l’on appelle, qui nous manque, vers qui le langage nous tend, est la lettre « mem » de l’hébreu dont le hiéroglyphe primitif est l’onde de l’eau, de la mer. Cette vague qui s’impose pour commencer à nommer la mère ne serait-elle pas comme la mémoire homéopatique des origines de la vie ? Mais la mère n’est pas qu’un commencement, et, les arts, de l’écriture en particulier, avec Marcel Proust, Hervé Bazin, Marcel Pagnol, Pearl Buck, Victor Hugo, Albert Cohen ou Romain Gary et tant d’autres, ont rendu hommage au rôle de la mère, sur ce qu’elle peut inspirer de tendresse, de vénération, de regrets, de remords, et, à leur manière, ils surent nous émouvoir profondément. Dans cette vision, la mère est ce rempart qui nous garde en deça de l’âge adulte, qui nous préserve de notre propre mort et «Pleurer sa mère, c'est pleurer son enfance. J'ai été une enfant, je ne le suis plus et je n'en reviens pas» (Albert Cohen). Voilà, je n’ai encore rien dit de toi, maman, ma constellation qui fait sens, dont les bras furent mon berceau, maman qui me manque tant. Solange Sudarskis (1) Connaissance révélée, ce recueil de bénédictions est le texte védique le plus ancien et aussi le plus important, le Veda fonctionne en principe comme un ouvrage de référence, qui a valeur normative dans tous les domaines intéressant la vie religieuse (rites, croyances) et sociale (organisation idéale de la société, éthique politique)
(2)
Poème composé à la
gloire de
Devi, la grande
déesse, ou « enseignements
spéculatifs »
(3) Ouvrage à caractère
ésotérique de la tradition juive
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