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Ladyboy
ou
Eternel féminin La
Divinité est pour nous une occasion
de penser
le rapport du genre et du sexe. Elle nous permet de comprendre que les
genres
ne sont pas réductibles au sexe ou, plutôt, que le
sexe n'est qu'une
manifestation, une expression parmi d'autres des genres. Ainsi homme et
femme
ne se réduisent pas à leur sexe: la femme n'est
pas un mâle de sexe différent
et vice versa. Si
les genres ne sont pas réductibles au sexe, le
féminin, donc, peut être une
qualité partagée par le mâle. Il n'y a
pas d'assignation "biologique"
ou essentialiste des genres aux sexes. C'est ce que l'on entend par
exemple
dans l'expression biblique "comme un père matriciel se fait
miséricordieux
envers ses fils" (Ps 103,13). La
miséricorde (rahamim) hébraïque est
matricielle (rehem /la matrice) parce
qu'exprimée avec la même racine
sémantique, alors qu'en Grèce la matrice
(hyster) donne l'hystérie. Pour la Bible
hébraïque elle est aussi une qualité
élective pour le père. Grâce et Rigueur
correspondent dans l'herméneutique de
la Cabale à féminité et
masculinité. Ce sont avant tout des
"qualités" divines, auxquelles l'homme doit s'efforcer de
ressembler. La
grâce, c'est justement cette qualité
attachée au retrait créateur de Dieu qui
porte l'homme comme une matrice portant un embryon... Tout
être est appelé à
l'expérience de la matrice, qui peut avoir ainsi une
traduction symbolique,
psychique ou relationnelle. Mais
il est aussi appelé à l'expérience de
la rigueur et de la Loi. Pour les
théosophes, on ne peut imaginer l'existence du monde sans
cette collaboration
des deux qualités en Dieu. Ainsi, retrait matriciel et
expérience du monde
constituent les deux moments de la condition humaine dans le monde. Dans
le rapport de l'homme et de la femme, est en jeu l'être de la
Divinité. Il met
en jeu l'univers. S'il est gagné par le
déséquilibre, c'est le Nom divin qui
n'est plus unifié. Cette idée typiquement
cabalistique découle de la notion de
l'homme créé "à l'image de Dieu". Cette
perspective nous aide à nous accoutumer à
l’idée que le référent
biologique est
impensable en termes bibliques et encore plus lorsqu’il
s’agit de définir
l’humain. La sexualité (qui est bien le fait
d’hommes et de femmes différents
sexuellement l’un de l’autre) est la
conséquence de la différenciation propre
à
la création plutôt que son origine, sa cause. Le
sexe est à prendre comme épreuve de
l’altérité et non comme son support. Sur la base de cette
complexité l'analyse cabalistique va ouvrir une
brèche dans le système de reconnaissance des
identités sexuelles risquant ainsi
de faire perdre aux institutions religieuses, garantes de la
stabilité sociale
son contrôle absolu sur les rôles, les
hiérarchies et les normes relatives aux
pratiques sexuelles, comme on l'a vu dans les syndromes du
mâle. L'éclairage
ésotérique met en évidence le concept
de bisexualité. La bisexualité simultanée caractérise des êtres qui sont des archétypes, des êtres primordiaux. Dans la mesure où c’est d’eux que dérivent les dieux, les hommes et les animaux qui, pourvus d’un seul sexe, masculin ou féminin, constituent notre monde, ces archétypes doivent être pourvus simultanément des deux sexes, car ils se trouvent en-deça de cette « sexion ». En l’être humain, le souvenir de cet état primordial suscite une nostalgie qui s’exprime avec une profonde émotion dans le mythe qu’Aristophane raconte dans le Banquet de Platon. Chaque couple, hétérosexuel ou homosexuel, aux moments les plus intenses de ses unions intermittentes, désire réaliser une impossible fusion permanente qui le ramènerait à cet état antérieur où l’être humain était double. La bisexualité divine
est un
phénomène des plus répandus
à
travers le monde. Et même des divinités masculines
ou féminines par excellence
sont communément regardées comme étant
androgynes. Ce schéma général de la
croyance en l’existence d’un être
suprême primordial et androgyne auquel
succède un premier couple, dont les membres peuvent
être aussi bien deux
frères, un frère et une sœur, le Ciel
et la Terre, le Soleil et la Lune, etc.,
est lui-même le paradigme d’une
l’humanité primitive dont le ou les premiers
représentants possèdent également les
deux sexes. Un couple divin primitif
fait, alors, fonction
de géniteur du
cosmos et il remplit la fonction démiurgique
assurée originellement par l’Être
suprême bisexué devenu trop lointain. C’est ainsi que les
religions
anciennes du Proche-Orient ont accordé une large place au
couple d’un dieu et
d’une déesse, aux liturgies
célébrant leur Mariage sacré,
appelé hiérogamie,
aux mythes relatant leurs amours et les enjeux cosmiques et sociaux de
leurs
unions. -
En Assyrie et en Mésopotamie, les couples
divins Dumuzi-Inana à
Sumer, Marduk-Sarpanit en Akkad, pour ne parler que des plus
célèbres, occupent
et obsèdent la conscience religieuse des hommes de
l’Antiquité. Un des mythes
les plus anciens qui a été conservé
met en scène le couple divinisé du Ciel
(mâle) et de la Terre (femelle), dont l’union donne
naissance à tous les êtres
vivants. Un poème liturgique sumérien
évoque leur union en termes non
équivoques: « La Terre grande et
plate
se fit resplendissante, para son corps dans
l’allégresse, la large Terre orna
son corps de métal précieux et de lapis-lazuli
[...]. Le Ciel se para d’une
coiffure de feuillage et parut tel un prince, la Terre
sacrée, la vierge,
s’embellit pour le Ciel sacré, le Ciel, le dieu
sublime, planta ses genoux sur
la large Terre, et versa la semence des héros, des arbres et
des roseaux en son
sein, la Terre douce, la vache féconde, fut
imprégnée de la riche semence du
Ciel, et dans la joie la Terre se mit à donner naissance aux
plantes de vie. » -
De même l’Égypte
pharaonique est-elle hantée par le souvenir des
figures d’Isis et Osiris et des couples mystérieux
des théogonies primordiales.
-
En Extrême-Orient, l’Inde
célèbre encore les couples que forment
ses plus grands dieux, comme Brahma et sa Shakti (Sarasvati ou
Brahmî) ou Shiva
et Kali. Quand un
couple n’occupe pas la première place,
c’est un dieu suprême androgyne, homme
et femme ou père et mère à la fois,
tel le Zeus des hymnes orphiques, qui
assume la création. Ainsi en est-il, de la religion des
Australiens aborigènes
à la mythologie grecque en passant par le zervanisme de
l’ancienne Perse, et
quelles que soient les formes spécifiques que
revêtent les dieux. Comme on
le voit, il semble que la croyance en l’existence
d’un couple primitif divin,
sexuellement différencié ou non et qui
succède souvent à un dieu premier
androgyne, soit enracinée au plus profond de la conscience
religieuse de
l’humanité, à toute époque
et en tout lieu. Cependant,
Il semblerait à première vue que la religion
biblique des Hébreux, héritiers à
plus d’un titre de ces civilisations, qui plongent leur
racine dans la
préhistoire de l’humanité, ait
évincé toute référence
à cette représentation
mythique au profit de la croyance en un Dieu unique. Cette
divinité suprême a cumulé la
totalité des traits que se partagent par ailleurs
les divinités mâles et femelles, ou
plutôt, abandonnant presque tout caractère
féminin, a fini par s’identifier à la
figure d’un Père unique.
L’émergence du
monothéisme hébreu est souvent même
présentée comme la victoire du système
de
société patriarcale sur un matriarcat
préexistant où la figure des déesses
mères avait une position centrale.
Pourtant,
la Bible, aussi, considère que
l’humanité dérive d’un
premier couple, mais Adam
et Eve perdent bien vite tout ce qui aurait pu les assimiler
à des êtres
divins: ils sont très vite chassés du jardin
d’Eden et condamnés à la
mortalité
et au travail. Cette déchéance du couple primitif
par laquelle il rejoint
l’existence ordinaire est une sorte d’intrusion
brutale du principe de réalité
venant rompre l’enchantement du monde mythique et
déplaçant l’enjeu de
l’aventure humaine sur le plan d’une histoire, dont
les hommes sont directement
responsables. Le
déchiffrement des drames des premières familles
humaines (meurtre d’Abel par
son frère Caïn, déluge, dispersion des
peuples et des langues à cause de la
tour de Babel) devient le matériau édifiant
d’une histoire orientée par le
désir de surmonter cette faillite originelle.
Généralement,
l’histoire des premiers couples, divins ou humains,
n’est pas une histoire
heureuse. Quelque accident survient, qui dérègle
le bon déroulement de leurs
amours et de leurs engendrements, comme si le surgissement de la
dualité était
marqué du sceau du malheur, et que la
déchéance nécessaire du principe
unique
primordial, sa scission en deux entités distinctes,
entraînait invariablement
une série de drames qui s’enchaînaient
l’un à l’autre. Malgré
ses inévitables répétitions,
marquées comme partout ailleurs par des rites de
recommencement, le temps cesse d’être la pure et
simple répétition du même et
la déchéance du premier couple apparaît
comme le point de départ irréversible
d’une humanité sur laquelle pèse la
charge de son propre destin. Mais, ce
fait patent et qui paraît incontestable d’une
disparition de toute figure
féminine de rang divin au sein du monothéisme
hébreu, se heurte à un autre fait
historique contradictoire : l’apparition au Moyen
Âge d’un système de pensée
religieux au sein du judaïsme appelée Cabale ou
«tradition», évoluant dans le
cadre du monothéisme ancien, qui a accordé
à la forme féminine du divin – et
à
la notion d’un couple divin formé d’une
face masculine et féminine – une place
qu’il n’est pas exagéré de
dire fort grande. Dans le
christianisme, l’émergence de la figure de la
Vierge Marie, et même à certaines
époques l’apparition d’une
féminisation de la figure du Christ appelée
«Jésus
notre mère», voire son androgynisation dans des
courants anciens de certaines
écoles gnostiques de la fin de
l’Antiquité ou médiévaux,
ont atténué aussi dans
une large mesure la masculinité exclusive du Dieu de
l’Ancien Israël. Malgré
l’extrême diversité des
représentations et des croyances religieuses, il semble
que l’on puisse apercevoir très
schématiquement qu’au cours de
l’évolution des
civilisations et des systèmes de représentation,
chaque époque de
renouvellement, chaque tournant culturel important, qui est toujours
aussi une
époque où est relancée la
quête des origines, soit l’occasion d’une
confrontation et d’une nouvelle combinaison entre un principe
primordial unique
et un couple d’opposés. La religion traditionnelle
chinoise, quant à elle,
se fonde sur
l'ancienne conception de l'organisation du cosmos. Tout ce qui existe,
y
compris le ciel, la terre, les hommes et les dieux, est fait de la
même
substance vitale, le QI. Le QI se manifeste essentiellement sous la
forme de
deux forces complémentaires, le yin et le yang. A l'origine yin signifiait le
versant ombragé d'une colline
et yang
son versant ensoleillé. Selon la philosophie
chinoise toute chose est faite de yin et de yang, en proportions
variables. Les
yin est le complément du yang. Il peut représenter non
seulement deux choses opposées, mais aussi deux aspects
opposés au sein d'une
même chose. Cette
notion de
complémentarité est importante, d'autant plus que
la pensée occidentale pense
plus volontiers le dualisme sous forme d'opposition que de
complémentarité. La pensée chinoise fait
remonter
la manifestation du monde au yang et au yin,
rapportés aussi au Ciel et à la Terre. En effet,
dans les textes sapientiels
comme le Tao
Te King
de Lao-tseu, il est dit que le Tao, le Principe
absolu ou "vide suprême", engendre l'Etre comme sa
première
détermination, au sein duquel se forme la dyade
métaphysique du yin et du yang, polarité-racine du
Multiple, à savoir de la Manifestation. De leur
fusion, selon différents équilibres, naissent
donc les êtres humains, la nature
vivante et tout le cosmos. En nous
référant à la
symbolique des nombres, nous pourrions dire que du Zéro
métaphysique (le Tao)
naît l'Un (l'Etre), puis de celui-ci le Deux, le yin et le yang, qui, en s'unissant, donnent
naissance aux "dix mille
êtres". Cela n'est pas sans
évoquer la
Tétratkis de Pythagore quand elle est en quelque sorte une
représentation
imaginale des métamorphoses de tous les aspects de
l'origine. Pour Pythagore, le triangle
signifie la triple nature de la première substance
différenciée ou la
consubstantialité de l'Esprit manifesté, de la
matière, et de l'Univers leur
fils. Le point unique du haut du
triangle est l'unité d'où tout procède
et tout est de la même essence que lui.
Le sommet Pythagoricien est dit le père, le
côté gauche est la duade, la mère,
le côté droit représente le fils que
l'on retrouve comme époux de la mère dans
beaucoup de cosmogonies. La base est l'univers, naturé en
père-mère-fils, dans
le monde phénoménal Cette monade trinitaire est
un triangle équilatéral. Le sommet est le UN, (en ces temps le zéro,
chez les grecs, n’était pas
encore inventé) non
pas le
nombre mais l'unité qui est en contact avec le vide,
l'Aïn-sof de la gnose
hébraïque, le Mystère des
Mystères, le Qi chinois. L'unité contient le 2
qui
est le premier nombre parce qu'il faut qu'il y ait le 2 pour qu'il y
ait soit
augmentation, soit division, pour qu'il y ait autre chose et c'est ce quelque chose d'autre qui permet de dire que le 2 fonde
le 1, qui alors se
différencie de l'unité indénombrable. Avec
le 2, le 1 se sépare de l'unité. La
différenciation des sexes, c'est cette séparation
de l'unité primordiale. L'humanité apparaît au
terme d'une série de séparations, de divisions,
de classements, comme dans
une décantation des créatures:
séparation entre le Créateur et la
créature, le ciel
et la terre, le règne végétal et
animal "selon leurs
espèces". C'est pourquoi, des
enseignements, tissés à travers ces mythes et
légendes, vont
décrire, sous forme symbolique, la
méthode et les conditions par lesquelles l'initié
peut retrouver son chemin de
retour vers une terre promise édénique dont nous
serions issus. Et parmi ces
conditions on trouve bien sûr la
complémentarité des genres. Ainsi
est attestée,
dans l'Évangile de Thomas
qui témoigne de l'atmosphère mystique du
christianisme naissant, de la
nécessité de la bisexualité. Dans
l'Évangile de Thomas, Jésus, s'adressant
à ses disciples, leur dit : "
Lorsque vous ferez les deux < être > un, et que
vous ferez le dedans
comme le dehors et le dehors comme le dedans, et le haut comme le bas !
Et si
vous faites le mâle et
la femelle en un seul,
afin que le mâle ne soit plus mâle et que la
femelle ne soit plus femelle,
alors vous entrerez dans le Royaume.
L'expression " devenir un " est encore
mentionnée plusieurs
fois. C'est
ce qu'écrit l'épileptique Paul aux Galates, 3, 28
: « Il n'y a plus ni
Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni mâle ni femelle ;
car vous tous
n'êtes qu'un dans le Christ Jésus. Cette
unité est celle de la première
création, avant la création d'Ève,
lorsque 1'homme n'était
« ni mâle ni femelle ». On peut
souligner, ici, une
contradiction avec sa lettre aux Corinthiens, interdisant la parole aux
femmes! Centrée
sur l'unité primitive de l'être humain, une
même doctrine fut soutenue par Scot
Érigène (théologien
écossais du 9ème
siècle), qui s'inspirait d'ailleurs de Maxime le Confesseur
(580). Pour
Érigène, la séparation des sexes
faisait partie d'un processus cosmique. La
division des Substances avait commencé en Dieu et
s'était effectuée
progressivement jusque dans la nature de l'homme, qui fut ainsi
séparé en mâle
et femelle. C'est pourquoi la réunion des Substances doit
commencer dans
l'homme et s'achever de nouveau sur tous les plans de l'être,
Dieu inclus. En
Dieu, il n'existe plus de division, car Dieu est Tout et Un. Pour
Scot Érigène, inspiré par le
néo-platonicien Denys l'aréopagite, la division
sexuelle fut une conséquence du péché,
mais elle prendra fin par la
réunification de l'homme, qui sera suivie par la
réunion eschatologique du
cercle terrestre avec le Paradis. Le Christ a anticipé cette
réintégration
finale. Pour Erigène, le Christ avait unifié les
sexes dans sa propre nature,
car, en ressuscitant, il n'était " ni mâle, ni
femelle, bien qu'il fût né
et mort mâle ". Mais
ce sont surtout certaines sectes gnostiques chrétiennes qui
ont donné à l'idée
de la bisexualité une place centrale dans leurs doctrines.
Selon les
enseignements transmis par saint Hippolyte (évêque
et martyr 3ème siècle),
Simon le Mage (magicien de Samarie, époque Jésus)
nommait l'esprit primordial
arsénothélys, " mâle-femelle ", en
anglais lady-boy. Ce
n'est pas ici le lieu d'étudier
l'origine de ces formules gnostiques et para-gnostiques sur la
totalité divine
et l'androgynie de " l'homme par-fait ". On sait que les sources du
gnosticisme sont extrêmement disparates ; à
côté de la gnose juive, des
spéculations sur l'Adam primordial et sur la Sophia, on y
retrouve l'apport des
doctrines néo-platoniciennes et
néo-pythagoriciennes, et des influences
orientales, surtout iraniennes. Saint
Paul et l'Évangile de Jean comptaient
déjà l'androgynie parmi les
caractéristiques de la perfection spirituelle. En effet,
devenir " mâle et
femelle ", ou n'être " ni mâle ni femelle ", sont
des
expressions plastiques pour lesquelles le langage s'efforce de
décrire la
metdnoia, la " conversion ", le renversement total des valeurs. Après
tout il est tout aussi paradoxal d'être " mâle et
femelle " que de
redevenir enfant, d'avoir 3 ans, de naître de nouveau, de
passer par la "
porte étroite ". Ce
qui intéresse notre recherche, c'est le fait que, dans la
spéculation
métaphysique de Platon aussi bien que dans la
théologie d'un Philon
d'Alexandrie, chez les théosophes
néo-platoniciens et néopythagoriciens comme
chez les hermétistes qui se réclament de
Hermès Trismégiste à travers son
dialogue du Poemander
qui lui serait
attribué (traduit par Marsile Ficin), ou chez nombre de
gnostiques chrétiens,
la perfection humaine était imaginée comme une unité
sans fissures. Celle-ci
n'était d'ailleurs qu'une réflection de la
perfection divine, du Tout-Un. Dans
le Discours parfait, Hermès Trismégiste
révèle à Asclépius que "
Dieu n'a
pas de nom ou plutôt il les a tous, puisqu'il est
à la fois Un et Tout.
Infiniment rempli de la fécondité des deux sexes. L’advenue de
l’alter ego
féminin c'est l’épreuve
proposée par Dieu aux yeux d’Adam, c’est
une sorte de
rite initiatique que Dieu propose en liant l’union et
l’accouplement à ce qui
était consubstantiel en Adam, son Ève. « L’Amour
» naquit donc pour
la tradition judéo-chrétienne d’un
double constat : celui d’une unité
originelle (même chair, même séparation)
et celui d’une
césure fondamentale génératrice
d’un « face à face » dans
l’union et la
recherche de ce qui
manque à l’absolue symbiose du principe
mâle et du principe femelle. Ainsi, il
n’y aurait pas d’« adâm
mâle » ni d’« adâm
femelle » mais d’un coté
l’homme et
de l’autre la femme, deux corps, distincts de nature, mais
cherchant dans
l’accouplement le manque de l'Unité transcendante. L’exégèse
juive et la langue hébraïque permettent de relier
substantiellement masculin et
féminin en utilisant les termes ‘ish et
‘ishshah. En chacun de ces termes se
trouve une lettre du nom divin qui marque ainsi chaque sexe de deux
substrats
constitutifs de la divinité. Si Dieu créa
l’homme mâle et femelle cela laisse
supposer que l’un comme l’autre, Adam comme
Ève, s’intègrent à la
grâce de la
restauration continue de l’image de Dieu. Le mythe
redoutable devient récit édifiant, histoire
exemplaire, et la frontière entre
le monde religieux et celui de la vie profane perd son
étanchéité. C’est de ce
mouvement de profanisation du sacré (simplification,
élucidation) et de
sacralisation du profane (identification, humanisation des
héros et des
sauveurs), que les
civilisations judéo-chrétiennes
sont nées et se sont développées
jusqu’à l’époque
contemporaine où les limites
du religieux et les bornes du monde profane deviennent de plus en plus
flous et
difficiles à définir. Il
est certes vrai qu’il y a eu dans
l’histoire des lectures de la Bible multiples et
contradictoires, sur la base
desquelles des édifices religieux complets ont
été construits. Il faut
néanmoins toujours revenir au texte, dans sa version
originale, pour voir si
les lectures déjà faites en ont
épuisé tous les possibles et si notre
époque
peut s’en forger une compréhension
inédite De la
qualité de leur inter-pénétration, de
ses effets heureux ou désastreux, dépend
aujourd’hui plus que jamais le destin des humains dans les
cultures des peuples
croyants. Solange Sudarskis |
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