GODF | Loge : NC | Date : NC |
Il pleut comme pour le début de l’Apocalypse ? «
Moi, je
t’offrirai des perles de pluies venues de pays où
il ne pleut pas » Ne me
quitte pas, »
Jacques BREL Du ciel, domaine des dieux proviennent la pluie, la grêle et les bombes. L’eau, source de vie, sous le feu de la colère céleste, amène parfois la mort. Même si les épisodes de déluges ont été multiples, doit-on attribuer au divin ce qui est peut-être tout simplement de l’ordre de l’humain ou de la nature ? Propos liminaires V\ M\ et vous tous mes FF\, mes propos d’aujourd’hui portent sur cette réflexion que d’aucuns utilisent parfois quand un profane s’approche d’une conversation maçonnique, « il pleut » s’exprime-t-on alors. Et que dire du « parapluie », l’annuaire solidaire de tous les FF\ de la Loge. Bien sûr le sujet, déborde sur les catastrophes climatiques en général et les inondations en Dracénie en particulier. Ce sont d’ailleurs ces pluies diluviennes qui se sont abattues subitement sur l’Est du Centre Var un 15 juin qui ont inspiré ce travail qui, au-delà d’un témoignage, inscrit en lettres capitales la solidarité que nous déployons face aux colères de la nature et aux éléments déchaînés. Alors, je suis persuadé que l’expression « il pleut » n’aura plus désormais la même signification aux oreilles de Geneviève, de Danielle, de Roger, de Christian, de Jean-Pierre et des autres qui, dès lors qu’un orage grondera au dessus de leur tête seront pris d’une peur panique, de cette angoisse de l’eau qui surgit de nulle part pour se frayer le chemin qui était jadis le sien. L’eau source de vie, source d’envie L’eau, c’est la vie, l’origine du monde : eau de pluie, eau de mer, eau tranquille des lacs, eau tumultueuse des torrents. L’eau est mère et matrice, source de toutes choses. La notion d’eaux primordiales, d’océan des origines, est quasi universelle. L’eau est partout, même dans les déserts, sous forme d’oasis. L’eau est l’origine et le véhicule de toute vie, le fluide vital, le sang de nos veines, la sueur de nos efforts, les larmes de nos yeux. L’être humain est composé de plus de 60 % d’eau. L'eau est fluide, elle épouse toutes les formes qu'elle rencontre sans les contrarier, l'eau suit son cours, elle semble faiblesse alors qu'en réalité elle est la force. Des trois éléments terrestres, elle domine toujours. Que ce soit par la douceur lorsqu'elle érode les rochers au fil des siècles et dessine les côtes en forme de dentelles. Par ses colères, en torrent ou en pluie, elle soumet la terre à son courroux. Même le feu, qui possède lui aussi la vertu symbolique de purification, ne lui résiste pas. Si par hasard le feu devient vengeur, l'eau le ramène toujours à la raison. L’eau est libre et sans attaches. Elle se laisse couler en suivant la pente du terrain ou en suivant le courant. L’eau s’abandonne. La force de l’eau est une force Yin, dite féminine. Elle a aussi ses côtés sombres. La force de l’eau, on peut la constater lors d’une inondation ou d’un tsunami et d’ailleurs, on a subi ses foudres un certain mardi 15 juin, une pluie incessante du matin au soir. Elle s’insinue partout, elle va dans tous les sens. On peut arrêter un incendie, on ne peut contenir une inondation. Les eaux descendent du flanc de la montagne dans la vallée et rejoignent la mer, où toutes se retrouvent pour retourner à un état indifférencié. De là, elles regagnent le ciel sous la forme de nuages. Poussées par le vent, elles terminent leur course en averses au-dessus des sommets et recommencent ainsi un nouveau cycle. Au fil de l’eau, les enjeux sont colossaux. Les sociétés de captation et de distribution de l’eau figurent parmi les premières fortunes mondiales. L’eau est une ressource qui se raréfie. Ainsi, la pression démographique, les changements climatiques, la production alimentaire vorace dans l’utilisation de l’eau en agriculture notamment et les besoins énergétiques… L’eau est aujourd’hui une ressource rare, mal utilisée et mal répartie dans le monde. Dans les prochaines années, les « crises de l’eau » risquent même de « s’aggraver et de converger », selon un rapport des Nations Unies présenté à l’occasion du 5ème forum mondial de l’eau, d’Istanbul. Plus d’un milliard de personnes sont privées d’eau potable sur la planète. Cinquante millions d’êtres humains meurent de maladies liées à un mauvais assainissement de l’eau, remettant en cause sa gestion et une consommation excessive de cette ressource naturelle. Le Monde Diplomatique, dans son dossier de mars 2005 intitulé « Ruée vers l’or bleu », dénonce la mainmise des compagnies privées sur la distribution de l’eau, notamment dans les villes. D’après cette analyse, les quatre leaders mondiaux de l’eau, dont trois sont français (Veolia, ex-Vivendi, Ondeo, filiale de Suez-Lyonnaise, et la Saur, propriété du groupe Bouygues), se partagent le gâteau du marché de l’eau et cherchent avant tout le profit en augmentant les prix à la consommation, parfois avec la complicité des autorités locales. « L’eau pour tous » qui pourrait être le leitmotiv de groupements publics n’est pas l’objectif majeur de ces groupes privés. Qui plus est, de tels dysfonctionnements et abus ont été constatés que certaines collectivités ont même propension à reprendre en régie la gestion de l’eau. L’eau, tout un poème En littérature, la pluie fait couler de l’encre sous les ponts. Cette petite molécule H2O est de façon récurrente mise à l’honneur ou à l’index. Je ne vais pas faire ici une liste exhaustive, ce n’est pas mon propos. En premier lieu, la comptine « il pleut, il pleut bergère, rentre tes blancs moutons, allons sous ma chaumière… » que d’aucuns ont entonné dans leur prime jeunesse est un air d’opérette de Fabre d’Eglantine qui s’adresse à Marie-Antoinette qui se plaisait à jouer à la fermière dans le parc du château de Versailles et, d’ailleurs l’orage qui gronde, puisque c’est le titre initial de cette chanson, pourrait bien faire allusion aux tumultes de la révolution naissante. Par ailleurs, l’empressement de la première strophe fait penser aux vers de Ronsard qui invitait sa belle à aller voir au jardin si la rose était éclose. Je voudrais évoquer les vers de Verlaine « il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville » C'est toujours la même fatalité, la mélancolie qui l'emporte sur la raison. Le poète nous conte sa tristesse en établissant un lien entre pluie et ennui. On est loin de la comédie musicale « Chantons sous la pluie ». J’aurais été tenté de faire le parallèle entre pleurer et pleuvoir mais en vieux français pleurer tire son origine de l’égratignure, de l’écorchure puisqu’on disait « peleure » qui signifiait fourrure, pelage et le peleu était l’écorcheur. Le mot pleuvoir qui se prononçait « plouvoir » désignait l’arrosage et les inondations. Dans son poème intitulé « Il pleut », Guillaume Apollinaire, associe musique mélancolique passée et pluie, je cite : « Écoute s'il pleut tandis que le regret et le dédain pleurent une ancienne musique ». Pour sa part, Emile Verhaeren personnifie l’onde : « La pluie, la longue pluie, avec ses longs fils gris. Avec ses cheveux d'eau, avec ses rides ». Les pleurs sont originellement liés à la souffrance physique mais ces larmes qui déferlent sur nos joues peuvent être des larmes de joie jusqu’à mourir de rire, si elles sont composées de 1 % d’eau, elles sont faites de 99 % de sentiments. D’ailleurs, il n’est pas rare de rire à grandes eaux quand on se rappelle les moments pénibles que l’on a traversés. De la même façon, il peut parfois pleuvoir, lorsqu’on est chanceux, des euros, quand la vache est en forme et lorsqu’on est moins vernis, des bombes ou que sais-je encore. Il est vrai que la pluie provient souvent d’une dépression atmosphérique, un peu comme les larmes surviennent après une émotion trop souvent assimilée à la peine, « ça fait pleurer le bon dieu » est bien ces gouttes de pluie que le ciel en colère nous envoie comme pour noyer nos exactions, nos forfaitures et nos vilénies. Et comme après la pluie, le beau temps, nous serons lavés de toutes nos bassesses. La symbolique de l’eau « Il pleut », l’annonce faite quand un profane s’approche d’une conversation maçonnique ou « il neige », s’il s’agit de l’intrusion d’une femme, nous nous mettons à couvert, bien à l’abri des oreilles indiscrètes. L’eau est un des quatre éléments symboliques. Elle fait référence à trois notions : elle est à la fois source de vie, de purification et de régénérescence. Elle est omniprésente dans la cérémonie d’initiation. Dans le cabinet de réflexion, elle marque la source de la vie. Et un peu plus tard, le V\M\ nous dit « Une coupe va vous être présentée pour que vous en buviez le contenu. Cette épreuve de la coupe sacrée, fatale au parjure, renouvelle dans la Franc Maçonnerie le rite fort ancien destiné à éprouver la sincérité des témoignages. Si votre engagement est sincère, vous pouvez boire sans crainte. Si votre intention est de nous tromper, craignez que la douceur de ce breuvage ne se transforme en poison subtil. ». La douceur de l’eau se transforme en amertume, ce breuvage est purificateur. Au cours du premier voyage, la route est sinueuse, irrégulière et pleine d’embûches, nous sommes loin d’être affranchis des combats qu’il nous faudra mener pour triompher de nos passions. L’épreuve de l’eau représente le milieu du gué, et montre que le chemin parcouru ne doit pas nous faire oublier la distance qu’il faut encore franchir. Ainsi s’exprime le F\ Orateur, dans notre rituel Gabrielo, « Vous avez été purifié par l’eau. Il s’agit là d’un rite très ancien connu sous le nom d’ablution ou lustration. Il fut, et est encore pratiqué dans toutes les parties du monde. Pour nous, il ne s’agit pas d’un sacrement mais d’un symbole de régénérescence. » Le V\M\ complète ces propos en nous disant : « Il vous indique le renouvellement complet que l’on attend de vous et la nécessité de renaître de la vie naturelle à la vie spirituelle. ». Ces voyages, et particulièrement cet épisode de l’eau, conduisent de la mort du profane à la naissance de l’initié. D’ailleurs, s'immerger dans les eaux et en ré-émerger signifie passer par une phase de désintégration, de dissolution suivie d'une phase de réintégration et de régénération comme dans le baptême et tous les rites initiatiques. Il s'agit d'une mort dans un état, suivie d'une renaissance dans un autre. Les tumultes pourraient signifier également que l’homme qui persévère dans l’effort et dans la vertu peut aplanir peu à peu les difficultés rencontrées sur son chemin de vie, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille même si la pluie et la rosée symbolisent la semence ou la bénédiction du ciel tant attendues parfois, qui fertilisent la Terre. L’eau est à la fois source de vie, le liquide amniotique a baigné nos premiers jours d’existence, et à la fois véhicule de vie puisque nous y puisons, notre vie durant, notre énergie et nos forces. Et parfois les éléments se déchaînent L’eau, élément protecteur des bons et destructeur des méchants, se retrouve dans l’épisode du passage de la Mer Rouge par Moïse, lui même « sauvé des eaux » à sa naissance. Ce dernier fait également surgir une source en tapant sur un rocher avec son bâton : c’est cette eau, symbolisant la Loi, qui sera bue pour fonder la civilisation de Moïse. Il dut aussi laver son corps et ses vêtements pour recevoir la loi divine. L’épisode du déluge montre ensuite le caractère destructeur et purificateur de l’eau : les hommes qui ne respectent pas la loi divine sont noyés et seul Noé et son Arche survivront aux flots dévastateurs. De nombreux travaux ont démontré l’existence d’un tel épisode dans les textes fondateurs des grandes civilisations, comme l’Amérique Latine, l’Egypte ou la civilisation mésopotamienne, où l’on retrouve des éléments de déluge liés à une notion de jugement et de sélection par les flots, à la fois dévastateurs et purificateurs. Il ne s’agit pas de développer ici la thèse selon laquelle l’ordre naît du désordre appuyée sans doute par le dicton « il faudrait une bonne guerre ». A ces gens là, je dirai qu’il faut l’avoir vécue la guerre, qu’il faut l’avoir vécu le désordre pour affirmer de telles inepties. Purifier et moraliser les hommes et la société pour relancer la machine, cela passe-t-il nécessairement par le chaos et la souffrance ? J’ai vécu des situations personnelles, comme d’autres, qui passent par ces phases de destruction et de reconstruction. La guerre d’Algérie avec le déracinement, les déménagements successifs, la maison en proie aux flammes, complètement détruite, et après. Bien sûr ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort. Bien sûr, nous sommes tentés de dire « pourquoi moi encore, qu’est-ce que j’ai fait au ciel ou au bon dieu ? ». Bien sûr, ce cri d’injustice est justifié, mais qu’est-il à côté de ceux qui ont perdu des êtres chers, de ceux qui ont souffert dans leur chair ? Les biens matériels se reconstituent, les plaies du corps aussi, celles de l’âme non. Les bleus au cœur, des cicatrices qui laisseront à jamais leur empreinte. Ainsi, à Draguignan comme à Figanière, aux Arcs, au Muy, à Roquebrune ou ailleurs, des habitants désemparés après avoir tout perdu peuvent dire que « c’est toute une vie qui s’en va », impuissants devant la montée des eaux et face à la force des flots, ils assistent à l’envol de leurs souvenirs, de ces photos au mur, de tous ces documents qui témoignaient de leur identité, pire encore de leur entité. Désormais amnésiques, ils tentent de sauver désespérément ce qui peut encore l’être. Partout c’est l’effervescence, avec un mètre d’eau, certains munis de simples balais tentent d’éponger et combien ont ouvert leur porte pour héberger des voisins sinistrés ou des inconnus, combien ont sauvé des vies parfois au péril de la leur. Et comment saluer tous ces élans de solidarité car se sentir utile aux autres, c’est se sentir utile à soi-même, c’est grandir. A l’heure où j’écris cela, je pense aux traumatismes engendrés par cette catastrophe, ces plaies qui ne se refermeront pas, marques indélébiles jusqu’à devenir peut-être même phobies, la peur de l’eau ou la peur de l’orage. Et c’est à qui la faute, à l’homme et aux constructions intempestives et irrespectueuses de l’environnement ou aux lois de la Nature ? Nous avons tellement l’habitude de penser que la Nature est désormais domestiquée par l’homme, que lorsqu’une catastrophe se produit, nous sommes comme interdits et tétanisés par l’événement. Comprendre, expliquer, interpréter ne sont pas forcément synonymes de lois. En 1827, lors de la dernière catastrophe en Dracénie, les ouvrages de l’homme n’étaient pas aussi importants qu’aujourd’hui et pourtant le déluge s’est abattu avec la même intensité. Mais le fait d'affronter ensemble les catastrophes peut nous fortifier et nous donner de la compassion. Ces expériences peuvent nous aider à apprendre, à progresser et à nous épauler les uns les autres. Conclusion Nous vivons sur terre, nous mourrons là aussi. Nous sommes condamnés à vivre ensemble avec les éléments. Soigner l’homme, c’est prendre soin de la terre, c’est être attentif aux messages qu’elle nous délivre. Après la pluie, le beau temps. Après George Bush, Barak Obama. Après Raymond Domenech, Laurent Blanc. L’espoir fait vivre et nous plaçons tous nos espoirs dans les successeurs, nous croyons en la suite, à la limite de l’intransigeance, sans attendre, le plus vite possible, nous leur demandons de réaliser des miracles. Plus que jamais, c’est dans ces moments là que nous devrions faire montre de patience, de foi en l’avenir que nous devons reconstruire ensemble. Nous sommes acteurs de nos vies, si le coup de pouce est apprécié, c’est en rassemblant nos forces que nous franchirons la porte du futur que nous espérons toujours meilleur. Du moins, c’est par cette porte basse par laquelle nous sommes nés à la vie maçonnique que nous nous reconstruisons en polissant la pierre brute. En la libérant de ses aspérités formées par nos passions, nous étamons le miroir pour regarder non pas le passé mais l’avenir. J’ai dit J\ G\ |
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