Vous ne vous
forgerez point d’idoles humaines…
Cette phrase du rituel, est plus qu’une invite à
suivre, c’est presqu’un ordre
à respecter, et à tout le moins à
observer. Il faut toujours se demander si le
rituel est bien légitime dans sa recommandation ; si nos
Anciens nous ont
transmis autre chose qu’un ordre, et si ils ne nous ont pas
indiqué les chemins
à ne pas prendre dans notre marche vers une
réalisation spirituelle.
Comme toujours, je
vais me rendre dans les temps anciens, voir ce que nous
apprend l’histoire, en essayant de remonter le plus loin
possible.
A
l’aube de l’humanité, l’homme
émergeant de l’animalité,
commençant bien
modestement à se poser des questions sur sa place dans une
nature hostile, et
constatant son impuissance à comprendre et à
dominer les phénomènes naturels, a
cru bon de se concilier les forces hostiles de la nature.
J’imagine
nos ancêtres craindre la foudre, les coups de vents, le jour
et la
disparition du soleil, puis la venue de la lune et des
étoiles, fuir devant les
irruptions volcaniques, et mettre leurs espoirs dans une tentative
d’amadouage
des forces naturelles, afin de se protéger.
Cette première ébauche de religion, le mot
étant pris dans son sens
étymologique, a pris différents aspects,
l’animisme, le panthéisme, le
paganisme. Toutes ces croyances ayant une multitude
d’approches contradictoires
de la Réalité humaine.
Nous rencontrons donc les premières idoles de pierre, de
bois, d’argile, d’os
ou d’ivoire, dans les grottes préhistoriques.
J’avoue que j’ai un faible pour
la Vénus de Brassempouy. Vraisemblablement une
déesse de la fécondité, avec des
attributs ma -maires et fessiers certainement destinés
à suggérer à nos lointains
ancêtres, le désir de procréer.
S
ans faire le tour du
monde de l’idolâtrie, je vais simplement parler un
peu du
bassin méditerranéen, puisqu’une grande
partie des rituels maçonniques, nous
viennent de la Bible et plus précisément du
Temple de Salomon.
Tout le monde connaît BAAL ou MOLOCH en usage chez les
Phéniciens, tout aussi
connue, la statuaire grecque et romaine., représentant le
monde imaginé des
dieux Plus tard, nous avons aussi la statuaire chrétienne,
mais il faut dire
que la différence est diamétralement
opposée. Je dirais que les statues
chrétiennes ne sont pas des objets d’adoration,
mais des symboles utiles à la
progression de la Foi. C’est un peu comme nos symboles
maçonniques, qui ne sont
pas le résultat, mais les moyens.
Voyons cela de plus près :
Parti
d’Egypte, et vraisemblablement des Egytiens, le Dieu Unique
avec Moïse
fait son entrée dans les croyances des Hommes de la haute
antiquité. C’est une
révolution dans le monde
méditerranéen, au culte des Idoles donc de la
multiplicité anthropomorphique de la création, ou
plutôt des manifestations de
la création, nous passons à
l’unicité d’un Dieu Créateur.
Maître unique de sa
Création.
Cette nouvelle religion de Moïse, avec
l’épisode du Veau d’or qui
démontre
aisément que l’homme est plus enclin à
l’adoration d’un objet, que de croire en
un concept abstrait, simplement parce que c’est plus facile ,
et Abraham marque
la rupture avec le culte des Idoles. Il y a aussi Enoch,
précisant que les
démons convertiraient en idolâtrie tous les
éléments, toutes les substances du
monde… ! Il faut bien le dire le culte des Idoles, autorise
toutes sortes de
licences, et l’humanité de cette époque
ne s’en prive pas. Le Dieu unique
impose une rigueur morale à respecter C’est le
Pentateuque, suites de lois et
de préceptes, qui organisent la vie religieuse du
Monothéisme, par une série
d’interdits comme entre autre le culte de Idoles. Je ne sais
pas si notre
rituel est un héritage du Pentateuque, mais en tout cas sur
ce point précis, il
est en véritable concordance.
Si le Pentateuque marque une véritable frontière,
c’est je crois avec une juste
raison. Une Idole en représentant d’une
manière matérielle un culte quelconque,
délimite le savoir humain à nos cinq sens. Mais
l’Idole est incapable de faire
passer la croyance humaine en connaissance spirituelle. Et si ma
lecture de la
Bible est bonne, forger une idole ne serait que rendre hommage au monde
matériel ; et pour prendre une
référence proche du vocabulaire
maçonnique, le
vocabulaire de Mani, qui dit je cite : que la Lumière est le
bien et l’esprit,
et le mal est les ténèbres et la
matière. C’est une piste pour comprendre les
injonctions de notre rituel.
Autre piste, le
désir de l’Homme de re-créer son
univers, il faut aller en
Europe Central, au 17éme siècle, dans la diaspora
juive, pour voir ce désir
obscur, enfoui dans notre personnalité, prendre racine dans
l’imaginaire avec
la légende du Golem, qui devient au 19éme
siècle : Frankenstein . Pourtant la
Halakha juive interdit de donner une quelconque forme physique au
Créateur.
C’est simplement que nous sommes incapables de
représenter un pur Esprit sous
une forme matérielle, car il y a un grand fossé
d’incompréhension, entre
l’Homme ordinaire que nous sommes, et le Créateur.
Les Initiations, elles nous
permettent si nous persévérons
d’approcher d’un peu plus près le monde
spirituel.
Après ces généralités,
revenons à la Maçonnerie, en donnant
l’étymologie du mot
Idole. Ce mot nous vient du Grec, eidoj signifiant forme où
image et ei/dolon,
utilisé comme diminutif. Donc forger une Idole
relèverait pour un Maçon qui
aurait cette intention, de vouloir bien qu’ayant perdu la
Parole et les mots
sacrés, remplacer le GADLU ! Et si je lis Tertullien, je
comprends mieux le
rituel. Tertullien pense que l’idolâtrie est le
plus grand crime du genre
humain ; aussi les Saintes Ecritures se servent elles toujours du mot
fornication pour flétrir l’idolâtrie ;
tout comme l’idolâtrie fait un vol à
Dieu (ou au GADLU) en lui dérobant les hommages qui lui sont
dus pour les
transporter à d’autres … ! Mais
Tertullien dit aussi que ce crime est perpétré
contre l’homme lui-même.
En fait, Tertullien nous indique que l’Homme en honorant les
idoles, ne reste
qu’au niveau de la Matière, et qu’il se
trompe de cible, en adorant la matière
mise en forme.
De même,
dans la Halakha juive, le deuxième commandement du
Décalogue
concernant la représentation et l’image dans la
Tora, il est dicté l’interdit
global concernant l’idolâtrie :
« Tu n’auras point d’autre Dieu que Moi.
« Tu ne feras point d’Idole, ni une image
quelconque de ce qui est en haut dans
le ciel ou en bas sur la Terre.
« Tu ne te prosterneras pas devant elles, tu ne les adoreras
point !
Le Pentateuque nous dit que Yahvé se moque des autres
pratiques qui n’apportent
rien (les faux prophètes, et les statues en
bois…) en fait il dit très
clairement que seul Yahvé est en mesure d’apporter
le salut à Israél…
Comme constructeur, le maçon opératif, comme le
maçon spéculatif, pourrait être
tenté avec ses mains, comme avec sa raison de construire
soit dans la pierre,
soit dans les textes, une représentation du GADLU, qui ne
serait que la
conjugaison et la représentation des défauts bien
humains ; mais qui par vanité
et orgueil se voudrait être la seule valeur
réelle, digne d’adoration.
Le Rituel dans cette injonction, en réalité nous
évite un écueil mortel pour la
progression initiatique, celui de nous prendre pour un
Créateur, et en réalité
il nous recommande de rester humble, mais non pas inexistant.
L’Idole c’est la matière, et
dès le début de notre démarche
maçonnique, nous
avons remis si j’ose dire la matière à
sa place, à travers les quatre épreuves
de l‘initiation. Dans le déroulement de cette
épreuve, la terre, l’eau, l’air
et le feu, ont cédé la place, à la
Lumière beaucoup plus immatérielle que les
quatre éléments.
Si dans un premier
temps, on peut craindre que le nouvel initié se trompe et
prenne comme idoles matérielles, nos symboles
maçonniques, comme l’équerre, le
compas, le fil à plomb et autre niveau. Le
quatrième degré nous rappelle que
nous ne devons pas nous fourvoyer dans notre démarche, et
que toutes les
analyses plus ou moins brillantes de nos symboles, ne sont à
prendre qu’avec
une grande prudence, car n’étant qu’une
simple approche, ou plus exactement un
moyen pour passe au degré supérieur.
C’est analyse faisant appel à la
compréhension individuelle, nous éloigne, au
moins en apparence de l’unité
recherchée.
Et si observe bien cette phrase, elle me rappelle une autre phrase tout
aussi
importante : il faut rassembler ce qui est épars.
Pour terminer ce travail, je vais donner, si je puis dire la parole
à Saint
Augustin qui dit dans son œuvre, la Cité de Dieu,
en parlant de Caïn, il dit
ceci : pour une part sa faute réside dans le sacrifice
qu’il a offert, avant
son meurtre, pour « jouir du monde en usant de Dieu, et non
pour jouir de Dieu
en usant du monde ! »
De même,
je pense que nous avons un autre héritage :
l’histoire des Martyrs
appelés les « Quatuor Coronati » (Quatre
Couronnés). Ces tailleurs de pierre
chrétiens, martyrisés en 287 sous
Dioclétien, qui préfèrent la mort
plutôt que
de sculpter une idole.
Pour le Maçon, la voie est toute tracée,
c’est la voie recommandée par la
GADLU, qui lui permettra d’utiliser le monde pour sa
réalisation nitiatique
J’ai dit !
P\ L\
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