FFDH | Loge : Le Trident - Orient de Marseille | 06/10/2009 |
Refusons la Trahison ·
Présentation 1.
Des
exemples 2.
Le
visage et la
destinée du traître 3.
L’enjeu
de la trahison 4.
Le
traître est-il toujours condamnable ? ·
Conclusion Présentation : La trahison est un
phénomène omniprésent dans
l'histoire, l'imaginaire et l'expérience sociale. Pensons
simplement aux
figures qui l'incarnent - de la
« balance » au
déserteur, du
« collabo » à la
« girouette ». Le concept
recouvre des réalités
diverses. Les actes de trahison divisent les chroniqueurs, analystes,
romanciers qui ne les interprètent pas de la même
manière et qui leur donnent
quantité de noms différents : trahison,
défection, félonie, désertion,
malice, méchanceté… Les associations
systématiques de termes ne sont pas
rares : « traître et
larron », « traître et
félon »,
« traître
déloyal ». Je rappellerai par ailleurs cette
évidence : il nous
est à tous arrivé un jour d'être trahis
ou de trahir à notre tour, de révéler
un secret, d'être infidèles, d'être pris
dans des loyautés conflictuelles ou de
faire défection. Plus banale et commune qu'on ne le croit
généralement, cette
expérience n'en est pas moins spectaculaire et
bouleversante : la trahison
frappe de stupeur et met en crise aussi bien l'individu que l'ensemble
social
qui en est la victime. Le dictionnaire historique de la
langue française rapproche
le terme de transgressum, transgredi : qui signifie
à l’origine
« passer de l’autre
côté »,
« dépasser », puis,
qui en est
venu à signifier
« enfreindre ». La trahison est
l’abandon de la
confiance accordée précédemment
à un individu, à une institution, un groupe,
l’abandon d’un engagement, d’un contrat.
C’est la violation d’un pacte de
fidélité, basée sur une parole (qui
n’a pas toujours été
prononcée). Elle
soulève la question de la promesse et de
l’action : le faire sans le dire
ou le dire sans le faire. L’étymologie nous
ouvre encore d’autres pistes. Trahir
vient du latin tradere qui a donné transdare :
« livrer,
transmettre », en d’autres termes, il peut
s’agir de livrer quelqu’un, une
information, un secret. Dans le monde médiéval,
nombreux sont les traîtres qui
livrent un homme à ses ennemis, les renégats, les
transfuges... Quand on pense
au mot trahison viennent les mots félonie,
mensonge,
tromperie, adultère, reniements,
hérésies. La trahison ne fait pas partie en
tant que telle de la liste des commandements reçus par
Moïse (le décalogue). Et
pourtant, la plupart des commandements ont un rapport avec la trahison
: croire
à d'autres dieux c'est bien une trahison, voler c'est bien
trahir son prochain,
mentir c'est bien trahir son interlocuteur, etc. etc. .. En politique, dans la
société médiévale
très codifiée,
c’est le vassal qui rompt son serment de
fidélité et refuse de servir
correctement son seigneur ou pire qui ose prendre les armes et se
révolter
contre son seigneur. La trahison prend l’aspect du crime de
lèse-majesté, et
rompt l’équilibre établi, parfois de
longue date, la cohésion de la société
et
son organisation traditionnelle. Des
exemples :
pendant des siècles, la figure de Judas a
été l'incarnation du
traître par excellence, mais aujourd'hui encore, les
interprétations quant à
ses motivations profondes divergent. Je vous renvoie au livre de Paul
Maskens «
On a trahi JUDAS ». Quelques
cas de traitres dans
l'histoire ancienne:
Et
dans l'histoire récente:
Si nous
quittons la politique, la trahison touche aussi la sphère
domestique :
c’est l’infidélité de la
femme, ou de l’homme, l’hostilité des
fils envers leur
père, le rapt… autant de comportements qui
troublent les normes sociales et
familiales. C’est Brutus
qui participe au complot contre César. Mais là
où ça blesse véritablement c'est la
trahison amoureuse. Faire confiance, c'est
déjà un grand cadeau que l'on offre à
l'autre personne. La trahison est vécue
par la personne trahie comme une déception à
l'égard de la partie qui ne l’a
pas respecté, et fait beaucoup de mal parce qu'elle porte
atteinte à un
sentiment que partage Dieu et l'humanité : je veux parler de
l'amour. Ainsi,
lorsque vous aimez quelqu'un et qu'il vous trahit c'est très
difficile à vivre.
Le plus grand risque est de basculer de l'amour à la haine.
Dans les légendes
de la table ronde, Guenièvre,
épouse du
roi Arthur, aime en secret Lancelot. Enfin, la trahison peut aussi avoir
une dimension
religieuse. Le terme fides désigne la
fidélité, mais aussi la foi.
Sont renégats ceux qui rompent avec le
rite
et ses symboles ; ceux ne respectent pas le sacré
et prêtent sur les
saintes reliques des serments hypocrites. On peut citer la dure
condamnation de
Jan
Hus,
qui était théologien, universitaire et
réformateur religieux tchèque, et qui
fut excommunié en 1411, brulé sur le bucher en
1415, duquel on a dit « de
Jan Hus, il ne doit rien rester » . Le
visage et la destinée du traître : L’attitude
du traître provient le plus souvent d’une mauvaise
nature : ses
agissements ne sont que la manifestation d’une
prédisposition psychique où
s’enracine la propension à trahir dans tous les
domaines. Ainsi le traître
est-il le plus souvent coupable de trahisons multiples. Son visage, tel
qu’on
le trouve dans les chroniques ou la littérature de fiction
révèle quelque chose
de maléfique ou de monstrueux. Le traître est la face
cachée du personnage enfin
dévoilée : son autre face,
nécessairement inquiétante parce
qu’inconnue
jusque-là. La trahison suppose une volte face du
traître : c’est un
retournement de soi. Dans les récits, la trahison marque les
corps et les
visages. La mauvaise âme devient visible et, sous la plume
des auteurs du Moyen
Age, la métamorphose est souvent animale (loup, chien
enragé…). Dans la légende
d’HIRAM, le terme de ‘mauvais’ est retenu
pour qualifier les 3 compagnons.
Comment les imaginer ? Surement, ils
sentent le souffre, témoin
cette chanson ‘ Les mauvais compagnons ‘ par Plume
Latraverse, chansonnier du
début du siècle,
qui commence
ainsi : « les mauvais compagnons sont les
amis du démon… Démasquer
le traître est la hantise des sociétés
qui, comme la société
médiévale reposent
très largement sur un code d’honneur et sur une
parole donnée. L’accusation de
trahison appelle le châtiment car il s’agit
d’une faute grave. Sous la révolution
française, on parlait de traître à la
patrie :
c’était la guillotine assurée. Au 20e
siècle, on parle toujours de
traître, mais aussi de dissident. Le traitre
démasqué y est toujours aussi
souvent exécuté de manière sommaire.
En Russie, il part pour le goulag ou l’hôpital
psychiatrique, en Europe, pour le camp de travail ou de
déportation, en Asie,
pour le camp de rééducation.
· l'effacement des cartouches du pharaon hérétique Akhenaton par ses successeurs ; · l'interdiction à Éphèse de citer le nom d'Érostrate, incendiaire de l'Artémision ; · le recouvrement du portrait du doge de Venise Marino Faliero, après son coup d'État manqué. · l'oubli dans lequel furent rejetés, par ordre de Napoléon Bonaparte, les héros de la Révolution Française comme le général Dumas et le chevalier de Saint-Georges. Judas est pris de remords, et se pend.
Au 3e degré, on ne
nous dit pas ce que deviennent les
compagnons après le meurtre.
Parviennent ils à
s’échapper, sont ils
rattrapés ? Condamnés ?
Comment ? Sont-ils pris de remords ? Se suicident-ils
comme
Judas ? on peut tout imaginer.. Et sûrement dans la
saga qui nous attend
dés le 4e degré. Mais
imaginons un instant que les compagnons ne
soient pas
coupables : les indices
laissés près de la tombe sont trop
évidents pour être réels. Avançons
l’hypothèse que les meurtriers ne soient pas des
compagnons mais
des maîtres qui voulaient prendre la place d’HIRAM.
La cérémonie
d’élévation
devient alors un simulacre destiné à masquer
leurs responsabilités. Ce
symbolisme donne au compagnon une nouvelle dimension de ses
responsabilités, il
ne doit plus faire confiance aux autres et devenir autonome dans sa
recherche.
Il renaît aidé par les surveillants et le
vénérable maître mais devra
s’en
éloigner pour prendre en main, seul, sa
destinée. L’enjeu
de la trahison : La trahison résulte
d’une interprétation des comportements.
C’est un jugement de valeur :
l’accusation de trahison traduit un
mécontentement, une jalousie, une peur ou
une incompréhension face aux agissements d’un
individu qui, soudainement, ne
coïncident plus avec les pratiques sociales, culturelles et
religieuses
communément admises ou attendues. Elle peut honorer les
traîtres ou les perdre.
Mais toujours, elle révèle les hommes pour ce
qu'ils sont vraiment et permet de
révéler un pan du secret de chacun. La trahison se produit quand il y a
déjà un lien et une
certaine fidélité entre les personnes
concernées, basée en
général sur un
certain nombre d'ententes explicitement dites ou non dites entre soi et
l'autre. Le trahi a le sentiment que l'autre serait toujours solidaire
et
fidèle. On peut sombrer dans la phobie des autres et le
manque de confiance en
le genre humain. Et comme dit le proverbe marocain : " celui
qui a été mordu par un serpent aura
peur d'une ficelle." La trahison est souvent
causée par l’envie, la soif de
pouvoir, l’ambition, la volonté de
s’élever au dessus de sa condition, de
sortir d’un état de dépendance, de
s’affranchir d’une domination. Le traître
viole une relation qui s’était
sacralisé : il abandonne le sacré pour
retomber dans le profane. Le traitre tombe du ciel pour se faire
engloutir par
l’enfer. L'effet de surprise augmente la
trahison et lui donne toute
son ampleur : elle arrive quand on ne l'attend pas. Je dirai que le moment de
trahison est comme
dans un bal masqué au moment ou les masques tombent tout
d’un coup. C’est par
exemple l’instant qu’ont choisi les comploteurs
pour passer à l’action. Elle
peut être vécu de manière
très violente et avec beaucoup d'amertume. Le braconnier devient garde-chasse. Le
théoricien de la
liberté devient le traître qui la poignarde. Le
traître, c’est celui qui après
avoir provoqué l’émeute, sauve la
société en danger en passant de l’autre
côté
de la barricade. Mais
revenons au mythe d’HIRAM : Les 3
réclamants jugent donc qu’ils en savent
assez et qu’il est temps de leur donner la
maîtrise. Ce à quoi HIRAM répond que
le conseil des maîtres ne l’a pas
décidé et se refuse à parler. Il me
semble
que les 2 parties en présence manquent un peu de souplesse.
Pour la partie
réclamante, il est temps et urgent. Pour l’autre,
il faudra attendre. N’est pas
le signe que les maîtres en seraient venus à
confondre l’esprit avec la
lettre ? Ou que la maitrise se serait laissé
corrompre par un certain
pouvoir ? Les
3 compagnons exigent
que l’attestation de l’achèvement de
leur état leur soit donnée. Il n’est
pas
dit que ceux-ci refusent le rite, puisqu’ils en demandent
l’esprit,
c'est-à-dire le signe, les mots et attouchements, par
contre, ils récusent la
cérémonie ou en quelque sorte la lettre.
Qu'attendre sur un chantier qui serait
presque terminé ? le salaire semble donc
réclamé en toute justice !.
On peut interpréter ainsi que les compagnons vont
bientôt se retrouver
remerciés et risquent de se retrouver au chômage. Les compagnons, sans
être blanchis, apparaissent tout à coup
à
nos yeux moins noirs. Ainsi
donc,
le traître est-il toujours condamnable ?
De
héros, certains sont devenus
traîtres, honnis et bannis dans leur propre camp. D'autres, en revanche,
sont devenus héros en trahissant. La
trahison est une question de point de vue, et reste relative aux lieux
et aux
époques ; elle peut grandir ou défaire un homme, servir
un pays ou le
condamner, être un acte de courage ou un aveu de faiblesse. La trahison est une notion qui
dépend du contexte politique
et juridique car l’interprétation des
comportements change en fonction de la
conjoncture et de l’évolution des institutions et
du droit. Ainsi le contenu de
la trahison reste-t-il parfois difficile à
déterminer et les divers degrés
entre haute trahison et petite traîtrise difficile
à évaluer, plus ou moins
louable. Clemenceau
disait « Un traître
est celui qui quitte
son parti
pour s'inscrire
à un autre ; et un converti,
celui qui quitte
cet autre pour s'inscrire
au vôtre ». Transgresser,
c'est en quelque sorte franchir le Rubicon
éthique ou moral, ne pas respecter une loi, ne pas se
conformer à des règles
considérées comme acquises,
intégrées et acceptées de
tous. Pourtant, la
désobéissance
citoyenne ne peut – elle pas se justifier dans certains
cas ? En 1944, qui
reprochera à Charles de Gaulle
d’avoir appelé à continuer le combat en
Juin
1940 ? En 2009, Le 1er
ministre Fillon qui décide d'apposer une plaque de plus, sur
les murs de Matignon,
évoquera dans
son discours le
"rebelle visionnaire". Celui
qui remet en cause l’ordre établi peut passer pour
un traitre, alors qu’il
pense sincèrement qu’il faut évoluer ou
faire évoluer. Il
est facile de le taxer de traître alors
qu’il pense seulement pouvoir
s’émanciper. Faire dissidence,
transgresser
sont des termes qui sont en lisière de la trahison. Lorsqu’un
atelier a initié pour la première fois une femme,
peut-on dire que la loge a
trahi l’esprit maçonnique ? Une
obédience mixte a-t-elle moins de
légitimité aujourd’hui qu’une
obédience masculine ? Faisons une dernière
hypothèse à propos du mythe
d’HIRAM et imaginons que les 3 compagnons ne
soient pas coupables et qu’ HIRAM soit
décédé de mort naturelle :
les
maîtres souhaitent camoufler cette mort en assassinat. Explication :
Pour ne pas démobiliser
les ouvriers, des
maîtres organisent le
psychodrame de la légende de la mort d’HIRAM.
Cette version semble plus vraisemblable car lorsque
le corps est
retrouvé, il est déjà en
décomposition : la chaire quitte les os, tout se
désunit…
Le symbolisme est alors
celui de la continuité de la vie car la disparition
du meilleur ne doit
pas arrêter le chantier. Hiram
m’agace un peu, parfois, car il apparaît comme un
être parfait. Mais lui-même,
n’a-t-il pas essayé de tuer son maître
un jour ? Qu’en savons-nous ? Le
maître c’est le père spirituel. Tuer le
père, dans la métapsychologie
freudienne, c’est au-delà du complexe
d’Oedipe, arriver enfin à être adulte
à
son tour. Pour Jung toutefois, en stipulant que le soi inconscient est
son
propre père, Jung fait pièce au meurtre
originaire de Freud. Quoi
qu’il en soit, cette envie de tuer pour liquider une
situation que l’on
juge révolu
ne serait pas choquante en
soi, sauf si elle est barbare et violente. Elle s’inscrit
pourtant dans le
mouvement du monde naturel. Dans notre civilisation, dans telle
discipline,
artistique par exemple on entend dire parfois «
l’élève a dépassé
le
Maître ». Cela
sous-tend la notion de
transmission initiatique. Nous sommes en plein dans notre symbolisme de
franc-maçon où il est dit ‘ transmettre
par l’exemple’. CONCLUSION : Laissons en paix nos
compagnons surtout s’ils ne sont coupables, ou alors laissons
les à leur
remords, qui est un sentiment terrible, Caïn en sait quelque
chose ! Ce qu’incarnent les
compagnons, ce sont nos défauts, nos
vices… Il faut les combattre, il faut se combattre, mais
aussi il faut savoir
se pardonner et se réconcilier avec soi-même. On
se juge souvent de manière
très dure, sans complaisance. La
légende montre les risques de l’ignorance,
du fanatisme et de l’ambition. HIRAM perd sa vie physique (la
gorge), sa vie
sentimentale (le cœur) et sa vie spirituelle (le front) mais
renaît par
l’acacia grâce à ses
qualités. HIRAM sera donc resté fidèle
à son engagement et
n’aura pas trahi. A son image, soyons fidèles
à notre engagement maçonnique
(vaste sujet). Car au fond de soi, on
sait dans notre quotidien, au plus profond de soi, à quel
moment on trahit.
Alors avant de passer à l’acte, demandons-nous
s’il n’y a pas une autre
solution, une autre voie… Et si malgré tout, cela
doit arriver, pouvoir
expliquer, pouvoir s’expliquer avant …
c’est toujours possible si l’intention
est sincère, si on joue la carte de
l’authenticité.
Péguy nous dit : "
le véritable traître est celui qui vend sa foi,
qui vend son âme ". On
peut toujours évoluer, mais on peut le faire, le dire, de
manière fraternelle. Pour conclure, mes biens
chères sœurs, mes biens chers
frères, je dirai que l’honneur du
franc-maçon est de ne jamais
trahir ! J’ai dit |
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