Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Cuisine
et Franc-Maçonnerie
Historique :L’histoire de la cuisine se confond avec celle de l’humanité. A tel point que les chercheurs considèrent que le véritable point de départ de la culture humaine, c’est la découverte de l’usage du feu de cuisine et de la cuisson des aliments. Avec la mémorisation des techniques culinaires, des hommes et des femmes vont être des personnages clefs de cette évolution : ce sont les maîtres queux, dépositaires d’un savoir-faire capable de magnifier l’un des besoins de base de l’homme, qu’est la nourriture, et capables de décliner toutes les nuances de leur art, la cuisine. Au-delà de la simple satisfaction d’un besoin vital, et depuis la plus haute antiquité, le rôle de la cuisine connaît une dimension supplémentaire : la convivialité. Dans les sociétés initiatiques, cette dimension est non seulement symbolique, mais aussi mystique. Que ce soit chez les initiés des civilisations antiques, dans les traditions religieuses, ou dans les loges maçonniques, l’institution d’un repas, qu’il se nomme festin, banquet, réveillon, ou agapes, qu’il commence ou qu’il clôture une cérémonie rituelle, a toujours été une consécration symbolique et initiatique. A l’exception des communautés qui pratiquent l’ascèse, toutes les religions et sociétés initiatiques ont balisé avec des repas rituels le déroulement annuel de leurs différentes cérémonies. La cuisine réjouit le corps de l’homme, et fait exulter ses sens. En contrepartie des plaisirs terrestres de la table, et pour maintenir le lien avec les Dieux, les religions ont institué des rites de purification par le jeûne. Le musulman jeûne pendant le Ramadan, le Juif pendant le Yom Kippour et le chrétien pendant le Carême. Une alternance de périodes d’abondance et de privations procure à l’homme un équilibre. Alternativement, il communie avec le Sacré par la privation de plaisirs terrestres, puis, par la pratique des repas collectifs, reste en contact avec ses semblables et la réalité du monde. En Franc-maçonnerie, c’est dans des tavernes que tout a commencé. En 1717, à Londres, les membres des quatre Loges qui se réunissaient habituellement dans les tavernes « L'Oie et le Grill », « La Couronne », « Le Pommier », et « Le Gobelet et les Raisins » s’assemblèrent pour former une Grande Loge. Cette Grande Loge devint l’organe supérieur chargé de la régularité des groupes existants et de l'ouverture de nouvelles loges. Pendant les réunions ordinaires, les membres prenaient place autour d’une table chargée de verres et de bouteilles, mais sans nourriture. Le Grand Maître occupait un fauteuil à haut dossier au bout de la table. On fumait et on portait des santés accompagnées de hourras, dans un joyeux tumulte. Un rituel beaucoup plus élaboré avait lieu chaque 24 juin. On n’y servait pas d’alcool avant le commencement du repas. On y récitait le catéchisme, on procédait à des réceptions de nouveaux membres, puis on élisait le nouveau Grand Maître. Un banquet, accompagné de musique, terminait l’assemblée. Le banquet est une des plus vieilles traditions maçonniques. Il s’est rapidement transmis en France, où fut établi un cérémonial compliqué, qui édictait avec soin comment les Frères doivent se comporter : boire en trois temps, porter les santés d’obligation et les santés facultatives aux ordres du Vénérable Maître, ne pas parler à haute voix ni fumer, sans l’autorisation du Vénérable Maître. Pour des raisons de commodité, ces agapes se sont très vite retrouvées dans des restaurants ou chez des traiteurs, ce qui faisait dire à l’opinion publique de l’époque que la Franc-maçonnerie n’était que le prétexte à des beuveries ou à des réunions bacchiques. En réalité, les Francs-maçons, comme les profanes, appréciaient la bonne chère. Sans le matériel culinaire actuel, il était difficile d’élaborer un repas digne de ce nom au sein d’une Loge, et il était plus commode à l’époque de s’en remettre au savoir-faire des cuisiniers de métier. Certains de ces maîtres queux, initiés ou non, connaissaient déjà un certain renom, et brillaient par leur talent. Cuisine et initiation : Le talent d’un cuisinier, comment le définir ? C’est l’inventivité, la compétence, la maîtrise absolue des produits et des techniques. C’est une poursuite sans fin de la qualité, une recherche de la perfection. Mais l’art culinaire n’est pas apparu brusquement, par une révélation soudaine. Comme toutes les techniques, il est d’abord le fruit de recherches empiriques, où le hasard trouve souvent sa place. Cette lente progression a permis de fixer des savoir-faire, de trouver les bons dosages, les bonnes formules, et de constituer ainsi les premières recettes. Depuis le 14ème siècle de Taillevent, les maîtres queux se sont succédés : Vatel, Escoffier, puis Paul Bocuse, Alain Ducasse, Joël Robuchon et bien d’autres. La cuisine est un art, et dans tout art, il y a un travail, une progression qui comporte des degrés. Tout savoir-faire est initiatique par essence, la cuisine n’échappe pas à la règle. Sur la transmission du savoir, on peut ici parler d’initiation à caractère opératif, d’une influence spirituelle de maître à disciple, en une chaîne ininterrompue dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Parmi tous les nobles et beaux métiers que nous pourrions citer, la cuisine et ses secrets appartient plus que jamais à la pure tradition de ce que l’on a appelé la « Maçonnerie Opérative » Le parcours d’un cuisinier, comme celui d’un F.M., comprend plusieurs étapes : d’abord commis de cuisine, il apprend, comme l’apprenti F.M., dans le silence. Il commence par laver le sol, récurer les casseroles, puis on lui enseigne la maîtrise du feu, le nettoyage des légumes, la préparation des bouillons. Plus tard, comme le compagnon, il se perfectionne et apprend son métier, dans le respect du travail bien fait. Enfin, après des années de pratique, il peut accéder à l’excellence, et son tablier de maître, c’est un titre de meilleur ouvrier de France, ou une troisième étoile. Mais il doit garder à l’esprit que ces attributs constituent un commencement, et pas une fin. La cuisine, au-delà de sa capacité à flatter agréablement le palais, est un art, capable de faire éclore le génie, de révéler des personnalités exceptionnelles, c’est une manifestation du génie humain, mais un génie orienté vers les autres, vers le partage et la convivialité. Le franc-maçon cherche le symbole sous l’image. Les fameuses étoiles, si appréciées des grands cuisiniers et des gastronomes, peuvent être comparées au pentagramme. Avec ses 5 pointes, la symbolique maçonnique peut y trouver les 5 sens, qui, à des titres divers, ont tous leur importance dans l’art culinaire : - Le goût : sens primordial du plaisir culinaire, il permet grâce aux papilles d’apprécier les 4 saveurs de base, qui sont le salé, le sucré, l’acide et l’amer. - L’odorat : Il est étroitement lié au goût, car le nez participe dans une grande mesure à l’appréciation des arômes, notamment pour l’évaluation des vins. Grâce à lui, le cuisinier peut déjà appréhender la réussite de son plat, et le convive se régale à l’avance en humant les effluves qui lui parviennent de la cuisine. - La vue : elle permet d’évaluer une cuisson, d’admirer le bel ordonnancement d’un plat ou d’une assiette par l’harmonie de la présentation et des couleurs. - L’ouïe : elle nous fait apprécier le croustillant d’un feuilleté, qui craque sous le couteau, le glouglou d’une sauce qui réduit, ou le frémissement de la croûte, en train de se former à la surface d’un cassoulet, dans le four brûlant. - Le toucher : il permet, grâce à la bouche et sa grande sensibilité, d’apprécier la consistance d’un aliment, de sentir le velouté d’une sauce, de juger si un plat a été servi à la bonne température. Toutes ces sensations participent au plaisir gastronomique, et en sont indissociables. La cuisine est une alchimie. Le cuisinier, avec la pierre philosophale que représentent ses 5 sens, et son expérience, opère une synthèse des ingrédients, en les ordonnant selon des schémas variables à l’infini. La cuisine, c’est rassembler ce qui est épars, c’est une des meilleures représentations de l’ « ORDO AB CHAO » l’ordre qui émerge du chaos, le plat sublime qui rassemble les ingrédients disparates. L’art du cuisinier, c’est d’assembler les produits, de valoriser les goûts, les arômes, les saveurs. Mais comme tous les arts qui demandent l’excellence, le cuisinier doit s’appuyer sur une technique sans faille, qui s’acquiert dès l’apprentissage. Désosser une volaille, lever les filets d’un poisson, parer une viande sont avant tout des gestes professionnels, qu’il faudra pratiquer sans relâche pour en maîtriser la technique. De même que le peintre apprendra les rudiments de son art en dessinant des natures mortes posées sur une table, de même que le musicien devra apprendre le solfège, et faire des gammes et des arpèges à l’infini, avant d’exceller dans son art, le cuisinier devra s’imprégner de toutes les techniques de base, afin de les maîtriser parfaitement, jusqu’à être capable de s’affranchir de leur difficulté, il pourra dès lors donner libre cours à son imagination. Au sommet de son art, le cuisinier est comme un peintre devant sa toile, qui, avec sa palette et ses quelques couleurs, peut décliner à l’infini les possibilités picturales. Comme le musicien, devant les touches de son piano, il n’est limité que par sa propre imagination. Le respect du rituel pour un franc-maçon est comparable au respect des règles de l’art pour un cuisinier. Ce respect permet à l’un et à l’autre, par la parfaite maîtrise du geste de base, d’oublier les difficultés matérielles, et de se consacrer entièrement à la conception de son édifice. En matière de spiritualité, le REAA constitue une méthode de progression initiatique qui permet l’accession à une connaissance de plus en plus élevée. L’apprenti franc-maçon qui pénètre dans le Temple découvre peu à peu le rituel et ses symboles, l’apprenti cuisinier découvre les règles de base de son art, qui lui permettent de baliser sa lente progression vers son perfectionnement individuel. Le rituel pratiqué en commun cimente la communauté franc-maçonne, mais n’altère en rien la personnalité de chacun. De même, l’apprentissage difficile auquel sont soumis les cuisiniers leur permettent d’acquérir un savoir commun, mais la spécificité de chaque individu est préservée, et chaque cuisinier élaborera sa propre cuisine. Les Francs-maçons utilisent le terme « agapes » pour définir les repas qu’ils prennent en commun. Ce mot, au singulier, était le nom donné au repas que prenaient entre eux les premiers chrétiens, ils commémoraient ainsi la Cène. Au pluriel, selon le Robert, ce mot désigne un repas entre convives unis par un sentiment de fraternité. Sur le plan maçonnique, les agapes constituent le repas qui prolonge naturellement la tenue. Elles en sont le complément indispensable, et apportent, par leur chaleur amicale, et les conversations qu’elles permettent, un important développement des relations fraternelles, dans une ambiance détendue, qui contraste de façon très positive avec la rigueur dépouillée de la tenue qui les a précédées. Mais dans l’absolu, le mot grec « agapê » signifie affection, tendresse, amour. Cet amour, il est indispensable au cuisinier. Car pour moi, la cuisine, c’est un acte d’amour. Pourquoi se lever tôt, passer des heures en cuisine, pour élaborer un plat qui sera dévoré en quelques minutes ? Par amour. La cuisine est un mode d'expression animé par l'amour, une main tendue vers l'autre, un partage. Et si transformer la matière brute est un travail, la passion en est le moteur. Pour donner aux autres, et pour recevoir aussi. La cuisine est une de mes passions. Si je passe du temps en cuisine, c’est pour montrer que j'aime, à défaut de savoir le dire. Les plats que je prépare, c’est aussi une déclaration d'amour à celles et à ceux pour qui je cuisine. Et je rends hommage à tous ceux qui cuisinent, professionnels ou amateurs, et qui savent bien que ce qu’ils mettent dans les assiettes, c’est plus que de la nourriture. Cuisiner, c’est se donner aux autres, c'est essayer de les découvrir, de les séduire, de les surprendre, c’est leur donner du plaisir. Cuisiner c’est aimer.C\ R\ |
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