Des limites de l'interprétation
symbolique
« En quoi consistent les secrets de
l'Ordre ? »
« En la connaissance des
Vérité abstraites dont le symbolisme
maçonnique est la traduction sensible.»
Le chemin nous est montré en ces termes dans le
Mémento de l'A\, si nous voulons que notre esprit et notre
cœur puissent un jour saisir la majesté de ces
Vérités, nous devons travailler sans
relâche à l'interprétation de nos
symboles, clefs de voûte de « l'Art Royal
».
Au moment où nous franchissons la porte du Temple et
où les travaux commencent, nous nous retrouvons
immergé dans un océan de symboles.
Lorsque la Loge est ouverte, la lumière resplendit de
l'Orient à l'Occident, du Nadir au Zénith,
partout sur les murs, le sol, le plafond, il n'y a que des symboles.
Dans chacun de nos gestes, de nos pas, de nos mots il y a des symboles.
Il est crucial pour chacun d'entre nous de s'interroger sur eux, de les
interpréter et c'est de cette question de
l'interprétation des symboles que je vais essayer de vous
parler ce soir.
J'ai appris parmi vous qu'aucune de mes certitudes n'était
réelle, que seules les questions sont immuables, pas les
réponses. J'ai appris que l'initiation ne dure pas le temps
d'une cérémonie, mais que c'est l'histoire d'une
vie. J'ai appris que « renaître
à la vie nouvelle que confère cette initiation »
était un acte au quotidien.
Pour pouvoir suivre la voie qui m'est tracée, je dois
renoncer sans regret à l'homme que j'étais,
à mes idées reçus, à mes
certitudes qui ne sont que préjuger. Je dois douter de ce
que je suis, pour espérer devenir.
Préjuger, c'est juger à priori,
juger avant expérience, juger sans soumettre au travail de
la réflexion. C'est dire sans savoir pourquoi on le dit.
Cela ne signifie pas qu'un préjugé est faux, cela
signifie juste qu'il n'est pas fondé, qu'il n'a pas
été éprouvé par ce
merveilleux outil qu'est le doute.
J'ai toujours eu la certitude que l'interprétation des
symboles ne saurait avoir de limites.
Pourtant j'ai eu l'occasion de lire une planche qui sous le titre
suivant : « Pour une meilleure
interprétation des symboles. »,
abordait cette délicate question : « Existe-t'il
une limite à l'interprétation des symboles ?
».
Si je ne puis à moi seul répondre à
cette question, j'aimerai cependant y apporter ma pierre.
Pour ce faire, je vais dans une première partie vous exposer
le plus fidèlement possible les arguments de l'auteur de
cette planche (à la première personne).
Puis je vous donnerai mon opinion sur ce sujet des plus
délicat, car touchant à l'essence même
du travail maçonnique.
Dans nos loges et dans un nombre grandissant d'ouvrages
maçonnique, les interprétations symboliques
semblent prendre de plus en plus leurs aises avec la rigueur des
raisonnements et l'honnêteté intellectuelle et ce
sous deux prétextes fallacieux et récurrents.
Tout d'abord, s'agissant de spiritualité, la raison commune
perd ses droits. La rigueur de la logique ne s'appliquerait pas
à la réflexion spirituelle. Secondement : On a le
droit de tout penser et de tout démontrer, tout raisonnement
est respectable, tout est démontrable et son contraire
aussi, au nom de la liberté de chacun a
développer une opinion iconoclaste ou originale.
Le symbole est ouvert, certes, mais c'est bien cela qui pose
problème car si sous le couvert d'une opinion nous nous
permettons toutes les interprétations, à force de
tout vouloir dire, nos symboles ne voudront bientôt plus rien
dire.
Prenons quelques exemples.
Si je fais une planche sur l'« Equerre
», je peux considérer qu'elle est un symbole de la
terre, de la matérialité, de même, je
peux dire lors d'une planche sur la colonne B\ qui signifie «
En force » que « selon moi » elle est
également un symbole de la matière, idem lors
d'un travail sur la pierre brute, idem aussi si je parle de tous les
symboles de la loge puisque c'est la mon humble opinion et qu'on doit
le tolérer. Tous nos symboles ont donc « pour moi
» la même signification et leur multiplication est
donc inutile.
Allons au bout du raisonnement, si je décide de faire une
planche sur la symbolique du « chausse-pied » je
peux également démontrer « à
mon avis » qu'il est une représentation de la
terre et de la matière de même que l'Equerre.
Et pour aller encore plus loin, je peux au cours d'un travail sur le
« Pavé mosaïque » dire en toute
liberté que cette juxtaposition de carrés blancs
et noirs qui ne sont jamais en contact induit « à
mon avis » la nécessité de
séparer les hommes blancs des hommes noirs.
Ai-je le droit de dire cela au nom de l'ouverture des symboles et de la
tolérance des opinions en matière de symbolique ?
J'aimerai à présent vous donner 2
exemples de ce que l'on pourrait appeler la méthode de la
post-rationalisation.
Permettrez moi tout d'abord de vous illustrer ce principe par une
histoire :
« un officier de l'armée cherche partout des
tireurs d'élite pour les enrôler, il arrive alors
dans un petit village où sur de nombreux murs il voit des
cibles peintes et chacune d'entre elle a été
atteinte en son centre par une balle. L'officier convoque alors le
village et demande qui est ce fabuleux tireur. On lui
présente alors un très vieil homme qui tient
à peine sur ses jambes. L'officier interloqué
demande tout de même une démonstration. Le vieil
homme soulève alors à grand peine son fusil,
l'arme et fait feux sur le mur d'en face, puis il se munit de peinture
blanche et trace un cercle autour de l'impact. L'homme sage du village
s'approche alors de l'officier et lui dit : « beaucoup
d'hommes utilisent leur pensée comme ce vieil homme son
fusil, ils commencent par faire une affirmation sans la fonder, puis
ils construisent tout autours une théorie qui la justifie.
»
Et c'est ainsi mes FF\ que bien souvent l'on interprète nos
symboles.
Prenons l'exemple du cheminement des surveillants lors
de l'ouverture de la Loge. Dans un ouvrage maçonnique des
plus respecté l'on peut lire que lors de la phase du rituel
d'ouverture où les deux surveillants vérifient
que tous les assistants sont apprentis francs-maçons,
à leur place et à leur office, les trajectoires
des deux surveillants ont une haute valeur symbolique : Ils montent
d'abord vers l'orient, vers la lumière, symbolisant la
tentative de progression des hommes vers la connaissance, puis ils se
croisent, nouant une certaine relation qui est explicitée
(mais je ne vais pas dans le détail), puis ils redescendent
vers les ténèbres de l'occident, et cela
signifierait à l'évidence que l'accession
à la lumière est une bataille sans fin qui ne
saurait avoir d'achèvement. C'est joli, c'est
poétique, c'est symboliste, ça sonne bien,
ça sonne vrai et, finalement, pourquoi pas ?
Que fait-on dans cette démonstration ?
On part du fait observable patent, c'est-à-dire de la
trajectoire des surveillants telle qu'elle est, et on lui trouve une
signification cachée, qui apparaît
séduisante parce qu'adéquate avec les faits, et
ensuite on explique que cette vision des choses est personnelle et
n'engage que soit. On pourrait aussi bien dire que les surveillants se
croisent et se tournent le dos pour marquer la haine qu'ils
éprouvent l'un pour l'autre et le
dégoût que leur inspire leur vue
réciproque, ce serait effectivement cohérent avec
le rituel objectif.
Mon avis sur la question, oserai-je le dire, est que quel que soit la
trajectoire des surveillants, s'ils ne reviennent pas a leur place, ils
devront assister debout à la tenue et s'en trouveront
fatigués. Leur « redescente » de
l'Orient est donc une conséquence obligée de leur
montée.
Ils retournent à leurs places, rien de plus.
Nous devons prendre garde, car si tout est symbole, alors rien n'est
symbole.
Les jeux habiles de l'esprit, et les belles démonstrations
ne sont souvent rien d'autres que des métaux, et ils n'ont
rien à faire dans le temple et dans les livres
maçonniques à vocation didactique.
Tentons un autre exemple, que j'ai malheureusement du
amputer en partie car inapproprié à des travaux
du 1er degré.
Je vais essayer de vous le montrer très simplement en
appliquant la technique que je dénonce à mon
stylo qui, jusqu'à ce jour, n'était pas un
symbole maçonnique.
Imaginons un stylo de marque Montblanc en argent, à bille
bleue.
Ici, trois chiffres : 925. Certains esprits étroits,
dénués de toute spiritualité,
pourraient penser qu'il s'agit du titrage en argent de 925/1000. En
réalité, il s'agit d'un code
numérologique kabbalistique.
Le premier chiffre, 9 est le carré de 3, une triple
trinité, comme lors de l'ouverture et de la fermeture d'une
Loge quand le VM et les 2 surveillants frappent chacun 3 fois leur
maillet. La somme interne de ce nombre donne 7. Par ailleurs, 925
mètres est rien moins que le périmètre
de la base de la grande pyramide de Chéops.
Le mot Montblanc contient 9 lettres, soit de nouveau trois fois trois.
Sa hauteur est de 13,5 centimètres, dont la somme interne
fait curieusement 9 et enfin, il écrit d'une encre bleue, et
nous sommes dans la maçonnerie bleue.
Le métal dont il est fait, l'argent, me rappelle que les
métaux, s'ils ne peuvent être physiquement laisses
à la porte du temple, ne peuvent entrer qu'en prenant une
fonction humble, ici celle d'outil à tracer.
Et, pour finir en beauté, voici que je décrypte
une inscription kabbalistique sur sa bague dorée :
« Meisterstuck ». Serait-ce
le nom du modèle, ou plutôt, c'est
évident, la révélation finale de la
nature maçonnique de l'objet : La pièce du
Maître.
Voilà, cet objet serait donc apparemment un
véritable agrégat de signes hautement
symboliques, et certains sont certainement caches à mon
analyse. Qui l'eut cru ?
C'est cela de la post-rationalisation.
Que dire lorsque à la prise de
liberté avec la rigueur du raisonnement, on associe
l'utilisation en rafale de termes donc la signification est si
importante en volume qu'un seul de ceux ci par page demanderait
déjà prudence et explications. Ah!
L’éblouissant mirage des mots, qui, bien
mélangés, remplissent de signification ce qui
n'est que vacuité :
Deux exemples :
« L'Egrégore » est le
réceptacle de l'énergie sacrée qui
provient des deux pôles : la gnose spirituelle, et le travail
temporel ».
Autre phrase :
« Le temple est un athanor sacré pour
l'homme ou se rencontre les forces qui relient le corps au monde
cosmique de l'esprit ».
Joli, n'est ce pas? Et tellement vrai !
Sauf que l'une de ces deux phrases est tirée de «
Mystères et actions du Rituel » d'Alain Podzarnik,
l'autre est de l'auteur qui vous promet qu'elle ne veut strictement
rien dire.
A présent mes FF : Je vous repose la question : « Existe-t'il
une limite à l'interprétation des symboles ?
»
Ceux d'entre vous qui avant que je ne débute cette planche
pensaient que « Oui » doivent être
conforté dans leur position, pour certains de ceux qui
pensent que « non », tout comme je le pensais,
peut-être sont-ils un peu troublés, comme je
l'étais après avoir lu cette planche.
Le sujet dont je vous entretien est bien au-delà de mes
capacités pour le moment, j'aimerai cependant apporter ma
pierre aussi modeste soit-elle.
Je me suis demandé pendant plusieurs jours quelle
était selon moi la réponse à cette
question, sans résultat.
Refusant de me laisser abattre, j'ai du changer mon angle de vision et
me poser la question suivante : « Quelle
méthode dois j'utiliser pour répondre
à cette question ? » et bien
bizarrement mes FF c'est grâce à cela que j'ai pu
commencer à travailler ma pierre.
« quels sont les outils dont je dispose
? »
Je me trouve en apparence en face d'une dichotomie, il y
a ou il n'y a pas de limite, c'est l'un ou l'autre, pas les
deux…
Que faire si j'ai en face de moi deux solutions qui
s'opposent…
Et oui mes FF pour vous qui avez bien plus d'expérience la
réponse saute peut-être aux yeux, mais permettez
moi de la développer quand même.
Mémento de l'Apprenti :
« Souvent l'homme assigne artificiellement des
bornes à ce qui est en réalité est Un
et sans limite… Deux représente un antagonisme
qu'il convient de concilier. »
Et comment ?
« En ramenant la Dualité à
l'Unité par le moyen du nombre trois. »
Trouver un troisième terme, une autre réponse, ni
oui, ni non, ni même peut-être, juste autre chose,
qui n'oppose pas mais qui rapproche, qui rassemble, qui uni.
Si je veux répondre en maçon à cette
question, alors je dois me comporter comme tel et utiliser les
méthodes, les outils, les connaissances que la
maçonnerie met à ma disposition.
Si je veux unir ce qui me semblait opposé, je dois remplir
mon cœur d'amour, de vérité, garder
à l'esprit la Loi morale et la Fraternité.
Sans même m'en rendre compte la réponse
à la question de cette planche est
déjà donnée.
Amour / Loi morale / Fraternité.
Si je vous dis que le pavé mosaïque
justifie ou encourage l'apartheid, j'encourage à la haine,
non à l'amour, je sépare au lieu d'unir, il n'y a
nulle fraternité dans ce propos.
Les 2 surveillants ne font-ils que retourner à leur place ?
Peut-être, mes FF mais si je dis cela, je n'ai rien dit.
Mais si je vous dis qu'ils suivent la course du Soleil pour
nous rappeler que rien n'a de fin, que la fin est le commencement, si
je rappelle aux Apprentis que le Soleil monte et descend comme ils
devront le faire le long de la perpendiculaire que leur montre leur
surveillant, si je leur dis que le jour disparaît et
réapparaît, toujours le même mais
différent, comme eux lorsqu'ils s'enferment dans le cabinet
de réflexion qu'est leur esprit et qu'ils travaillent sur
eux même sans relâche.
Si je dis cela mes FF ai-je raison, rien ne le prouve, j'utilise mon
intuition bien plus que ma logique, tout cela n'est pas très
rationnel, nulle preuve ne vient à l'appui de mes propos.
Mais quelle importance, quand je dis cela, je ne cherche pas avoir
raison, je cherche seulement à travailler, à
m'aider moi-même et mes FF sur ce chemin de
Vérité que nous parcourons ensemble, quand je dis
cela je ne veux que progresser, aimer aider.
Le stylo de notre FF est-il un objet rempli de symbolique
maçonnique ?
Sa démonstration est-elle ridicule comme il le dit
lui-même.
Je ne connais nul objet qui ne soit rempli de symbolique
maçonnique, car aucune limite ne doit entraver ma
pensée. Tous les objets qui m'aident symboliquement
à travailler, qui me font me dépasser, sont
maçonniques. Il ne me semble pas par ailleurs, qu'il existe
des objets maçonniques, c'est l'homme qui les regarde et les
utilise qui est maçon.
Quelle est la limite de l'interprétation
symbolique ? Et si mes FF ce n'était que notre
cœur.
Remplis d'Amour et de sincérité, fraternel et
loyal, cherchant à unir ce qui est épars, dans le
respect de la Loi moral, pour qu'avec ses FF il progresse vers la
Vérité.
Un homme avec de tels sentiments ne peut avoir ni tort, ni raison dans
ses interprétations, tel ne me semble pas être son
but, il ne cherche qu’à apporter sa pierre, il
travaille au perfectionnement de lui-même et de
l'humanité tout entière.
Lorsqu'un maçon parle de symbolique, c'est un peu de
lui-même qu'il nous offre, un peu de sa pensée, de
son histoire, la préparation de cette planche a
été pour lui un moment de questionnement, de
remise en question, de doute. Il a cherché à
progresser, non à convaincre. Il a cherché
à aimer, non à briller.
Nous avons nos mots, notre passé, nos espoirs, nos
rêves et nos craintes, c'est avec ce que nous sommes de plus
vrai à un instant donné que nous
interprétons un symbole.
Je n'ai pas les même mots, le même
passé, les même espoirs, les même
rêves ni les même craintes qu'aucun d'entre vous.
J'ai frissonné, pleuré et ris en Loge, toujours
en silence, mais jamais au même instant que vous, ni pour les
même raisons.
Alors pourquoi donc est-ce que je parle de symbolique avec vous puisque
nous ne serons peut-être jamais d'accord sur
l'interprétation d'un symbole.
Mais parce que chacun d'entre vous a déjà
frissonné, ris et pleuré dans cette Loge, parce
que chacun d'entre vous a interpréter les symboles qui nous
entourent avec sincérité.
Parce que certains soirs lorsque nous nous unissons en
fraternité, mains dégantés, je sens
votre amour qui me submerge et je vous offre le mien sans retenu.
Parce que je parle de symbolique pour moi, pour vous, grâce
à vous sûrement.
Ai-je raison ou tort dans mes propos, vais-je trop loin dans mes
interprétations, possible, mais je ne veux que
m'améliorer et le chemin est long et ardu.
Si un jour, mon cœur cessait d'être
animé par tous ces sentiments dont je vous parle, aurai-je
d'avantage raison ou tort dans mes propos ?
Ni l'un, ni l'autre, car jamais je ne comprendrais un symbole si je ne
suis plus motivé dans ma recherche par mon Amour des Hommes,
par mon Amour de mes FF, par mon Amour de la Lumière et mon
envie de Vérité.
J'ai dit.
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