Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Athée
et laïque
Je ne crois pas en l’existence de dieu. Je suis athée. Je crois en l’Homme tout en restant lucide sur la complexité de sa nature. Je suis à son égard sans enthousiasme béat, car je sais que le monde se compose d’autant de Dr Jekyll que de Mr Hyde. A la réflexion, je crois plutôt au génie humain, à ses potentialités, à la raison qui l’anime, aux sciences qu’il produit. C’est l’intelligence et la connaissance qui font progresser l’humanité, qui font grandir les individus et les sociétés, à la condition qu’elles ne génèrent pas des monstres à la manière du Dr Frankenstein. Donc je suis athée, ce qui est une pensée communément acceptée aujourd’hui : l’athéisme représente une des premières, sinon la première religion en France si j’ose dire ! Cela n’a pas toujours été le cas. L’athéisme fut pendant longtemps le mal absolu. Même pour les penseurs les plus libéraux comme John Locke qui écrit, dans « Lettre sur la tolérance » à la fin du 17e siècle, la phrase suivante : « Ceux qui nient l’existence d’une puissance divine ne doivent être tolérés en aucune façon ». A cette époque, celui qui ne croit pas en dieu ne croit en rien. Néanmoins John Locke, philosophe des Lumières, prône l’esprit de tolérance pour celui qui pratique une autre religion que la religion d’Etat : « Personne n’est tenu d’avoir une religion plutôt qu’une autre ». C’est un progrès, après des siècles de persécution entre religions concurrentes. Mais c’est une tolérance a minima (à géométrie variable dirions-nous aujourd’hui), car Locke condamne l’athéisme quand il ajoute : « Ceux qui nient l’existence d’une puissance divine ne doivent être tolérés en aucune façon ». John Locke et Isaac Newton, Jean Théophile Désaguliers et James Anderson, leurs cadets, étaient tous membres de la Royal Society londonienne, illustre société où furent élaborées en 1723 les premières constitutions de la franc-maçonnerie auxquelles le Grand Orient de France se réfère. Alors, il n’est pas étonnant d’y retrouver l’esprit de John Locke dans les obligations du maçons : « Un maçon est obligé, de par son titre, d'obéir à la loi morale. S'il entend bien l'Art, il ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux. Si, dans les temps anciens, les maçons étaient obligés, en tous les pays, de suivre la religion de ce pays ou de cette nation, on juge plus commode de nos jours de ne les obliger qu'envers la religion sur laquelle tous les hommes se mettent d'accord, laissant à chacun la liberté de ses opinions personnelles ». Alors qu’on ne mesure pas en France, en ce début du 18e siècle, les dégâts provoqués par la Révocation de l’Edit de Nantes, l’Ecosse et l’Angleterre tolèrent des religions minoritaires. Le texte sur les obligations du maçon poursuit ainsi : « Cette religion consiste à être hommes de bien et sincères, hommes d'honneur et de probité quelles que soient les dénominations ou les croyances qui puissent les distinguer ». Clairement, on est libre de pratiquer la religion de son choix, on est libre de croire dans les représentations de son choix. Le franc-maçon se rapproche d’une liberté de conscience pour chacun. Il va dès lors contribuer à l’évolution de la pensée que Montaigne annonçait déjà au 16e siècle, où l’homme n’est pas seulement à l’image de dieu, mais aussi porteur de la totalité de l’humaine condition. L’homme devient maître de son destin. C’est la raison, c’est l’esprit critique qui l’emporte sur le dogme. Cette maturation de la pensée demandera 150 ans après la parution des Constitutions d’Anderson. Elle aboutira à une révolution spirituelle au Grand Orient de France. En 1877, les maçons s’émancipent de la croyance en l’Immortalité de l’âme. Ils abandonnent la référence à Dieu. C’est la libre pensée qui s’impose. C’est la laïcité qui est en marche. Elle se traduira en 1905 par la loi de séparation qui établit de nouveaux rapports entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Cette loi du 9 décembre 1905, quelle est-elle en deux mots ? Elle est le fruit du combat républicain et du militantisme laïque de la seconde moitié du 19e siècle où la franc-maçonnerie prend toute sa part. C’est une loi de compromis et d’émancipation dont les deux principaux rédacteurs ( non maçons ) sont Aristide Briand et Jean Jaurès. La loi concerne la liberté absolue de conscience et la séparation des Eglises et de l’Etat. Mais pas seulement ! Car, me semble-t-il, la démarche laïque contenue dans la loi concerne aussi la solidarité - pas la charité – et le combat pour la dignité de l’homme, ainsi que la transmission d’un destin humaniste et commun - ici et maintenant - sans attendre la promesse d’une vie meilleure après la mort ! *
Aujourd’hui, beaucoup croit qu’ils sont laïques parce qu’ils sont athées. C’est faux. Athéisme et laïcité ne sont pas synonymes ! C’est parce que je suis laïque que j’ai, d’une part, la liberté d’affirmer mon athéisme et, d’autre part, l’obligation en société de respecter les convictions philosophiques ou religieuses des autres. En démocratie, la laïcité n’est pas une opinion, c’est la liberté d’en avoir une parmi d’autres. C’est la liberté de croire ou de ne pas croire. Nombreux sont ceux qui confondent, par ignorance ou à dessein, athéisme et laïcité. Leurs discours opposent les valeurs laïques aux pratiques religieuses, les rationalistes aux croyants, la liberté de penser à la liberté religieuse, comme s’ils souhaitaient mettre le feu dans les esprits, renforcer des communautés de pensée pour mieux détruire la seule communauté que la République et les francs-maçons reconnaissent : la communauté nationale. Au regard de la loi de 1905, c’est une obligation pour l’Etat de rester neutre à l’égard des religions, et une obligation pour les religions de ne pas s’immiscer dans les affaires de l’Etat. C’est le fond du Titre Premier de la loi dont l’esprit n’est pas toujours respecté ni par l’Etat, ni par les religions. Depuis 1905 en effet, on compte une quarantaine d’ « accommodements » de l’Etat avec la loi. Il se fonde sur des décisions du Conseil d’Etat, sur des lois parlementaires ou sur des décrets des gouvernements. Par les pressions qu’elles exercent auprès des élus de la République et des autorités de l’Etat, ce sont toujours les églises qui en sortent gagnantes. Ce sont elles qui sortent, en toute impunité, du cadre de la loi en la rognant patiemment. Cette dérive des institutions confessionnelles se traduit par un lobbying forcené auprès des élus. Ce fut le cas pour la révision de la loi sur la bioéthique au printemps 2011. Le Cardinal Vingt-Trois parlait alors de « recul de civilisation » si la loi autorisant la recherche sur les cellules souches embryonnaires passait en l’état après son adoption par les sénateurs. Le rétropédalage des députés empêcha l’adoption de la révision des lois de bioéthiques, plaçant la France à la traîne dans ce domaine. On assiste aux mêmes postures et aux mêmes pressions exercées par les églises sur le gouvernement et sur les élus en ce qui concerne le droit de mourir dans la dignité. Elle sont contre, bien sûr, et souhaitent empêcher la révision de la loi Léonetti sur la fin de vie. Contre, comme ce fut le cas auparavant quand il s’est agit des lois sur le divorce, la contraception, l’IVG, le PACS, ou le contenu de l’enseignement. Quant au projet de loi sur le mariage pour tous, on atteint des sommets dans l’obscurantisme. (planche présentée en 2013). - C’est le Cardinal Barbarin qui ouvre la voie en faisant le lien étonnant entre le mariage homosexuel, la polygamie et l’inceste (14/09/2012). Même s’il s’en défend depuis, ces relents d’homophobie sont repris et s’amplifient actuellement sur les réseaux sociaux. - L’archevêque de Paris, le Cardinal Vingt-Trois se lâche en qualifiant le projet de loi de « supercherie ». Si la loi est votée, il évoque des « mutations profondes de notre législation qui pourraient transformer radicalement les modalités des relations fondatrices de notre société ». - Enfin, la lettre du Secrétariat général de l’enseignement catholique adressée aux 8500 écoles privées, le 12 décembre dernier, est une façon à peine déguisée d’appeler l’ensemble de leurs communautés éducatives - enseignants, parents, élèves – à la manifestation contre le mariage pour tous de samedi prochain. Ce sont des écoles libres, mais subventionnées, sous contrat d’Etat, dont nous parlons. Cette prise de position de l’enseignement catholique viole délibérément la neutralité de l’école, les lois Jules Ferry des années 1880, la loi laïque de 1905 et la loi Debré de 1959 qui assure pour cette dernière, en contrepartie du financement public, la liberté de conscience à tous ceux qui fréquentent ces établissements… Combien d’autres exemples, combien de lignes rouges franchies volontairement par les associations cultuelles qui testent, aujourd’hui comme hier, la résistance de la République aux coups de boutoir que ces organisations lui inflige. Or, la séparation des églises et de l’Etat impose que le champ d’expression des institutions confessionnelles et religieuses se limite à la sphère de leurs fidèles. L’Etat se mêle-t-il des modalités du mariage à l’église, au temple, à la mosquée ou à la synagogue ? Pierre, nous a démontré qu’il n’en est rien. Je respecte sa foi, sa pratique du judaïsme, car elle s’inscrit dans l’esprit émancipateur des lois laïques qui conjugue à tous les temps la devise républicaine avec la liberté de conscience, donc avec la liberté religieuse, avec la solidarité, avec la dignité humaine, avec la transmission d’un destin commun et humaniste. La franc-maçonnerie du Grand Orient de France participe pleinement à ces valeurs fondamentales. En privé, athée, croyant ou agnostique, chacun est libre de mettre en adéquation ses convictions et ses pratiques philosophiques ou religieuses. A la condition que soient respectées les lois de la République indivisible, démocratique, sociale et… laïque. Publié avec l'aimable autorisation de : Jean-Philippe Marcovici |
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