GLTMF | Loge : NC | Date : NC |
Promenade
autour du plateau de Secrétaire
Qui n’a joué avec le mot
“Secrétaire” et
découvert tout aussitôt que dans secrétaire, il y a évidemment secret
?… Voilà
qui est rassurant, ce n’est pas lui qui dévoilera ce qui lui sera
confié… Les
frères peuvent aller en paix. Le secrétaire sera d’autant plus
rigoureux que,
comme on le remarque, le mot secrétaire est une forme pléonastique
puisque à
secret il rajoute le verbe “taire”… Infinitif certainement
très impératif
tant on sait qu’est grande la tentation de révéler qu’on détient un
secret… Mais si le
rôle du secrétaire s’arrêtait au silence, y-aurait-il besoin d’un
secrétaire
dans une loge pour dire qu’il n’y a rien à dire ?… Je crois que nous
pouvons
aller plus loin. En effet,
on peut encore entendre “taire” comme “la terre”… Et voilà qui nous
rapproche
tout d’un coup de notre “chez-nous” maçonnique et ne surprendra
personne de
considérer la terre comme le lieu de tous les secrets. Rappelons-nous,
rapidement, l’histoire du roi Midas. Ce roi de Phrygie affublé
d’oreilles d’âne
et qui les cachait à son peuple sous un bonnet. Seul son barbier était
fatalement dans la confidence. Mais le secret était lourd à porter,
tellement
lourd qu’un jour, n’en pouvant plus, notre barbier décide de s’en
débarrasser.
Il traverse la ville, s’en va dans la campagne, et là, creuse un trou
dans la
terre, il se penche et enfin dit son secret. Il referme le trou et
rentre chez
lui d’un cœur léger. Quelque
temps plus tard des roseaux poussèrent à l’endroit où la terre avait
été
remuée, agités par le vent, ils répétèrent les paroles du
barbier et
apprirent à tout le pays que le roi Midas avait des oreilles
d’âne ! Alors
puisque nous, “Maçons” avons le goût très prononcé de jouer avec nos
origines
et de nous enchanter des plus diverses, il me plaît de voir dans cette
histoire, dans cette terre, le lieu de naissance de la fonction du
secrétaire
et dans ces roseaux, ancêtres des premières plumes, l’outil de son
travail. Le secret
est donc dans la terre… et le secrétaire devient alors le jardinier des
mots
qui le formulent. Mais il
doit comprendre que si son travail est de consigner les moments qui
nous
unissent ce n’est pas pour les enterrer afin de les taire, même la
terre ne le
peut pas, on l’a vu, mais pour qu’au contraire, sous la plume, sur le
papier,
dans ce séjour végétal, ces moments précieux, prennent tout leur essor…
Afin
que la parole qui a volée ici et là, ne s’oublie pas, mais qu’une fois
posée
sur le papier, « la lecture,
comme le disait François
Mauriac, soit le
baiser qui la réveille”. “Mon
F… secrétaire, dit le V.M. le jour de l’installation, vous
êtes la
mémoire de la Loge, en rappelant les décisions prises, vous
contribuerez à leur
application. Cette phrase du Vénérable, situe le secrétaire
non comme un
rapporteur qui se dépêcherait de tout cacher, mais le place dans le
sens d’une
action ; il s’agit de savoir si notre parole a bien été transformée en
travail. Les
paroles s’envolent et le secrétaire reste. Le secrétaire est donc le
temps qui
demeure dans celui qui passe. Il a pour mission d’être le témoin du
présent
pour rappeler aux Frères, dans le futur, leurs engagements. C’est
pourquoi, la planche tracée, loin d’être une trahison du secret est une
forme
de contrat qui rapporte ce sur quoi tous les frères de l’atelier
s’engagent. Les Frères
ne se déterminent pas seulement pour confirmer qu’ils sont tous
d’accords sur
la liste des présents ou des absents, ou les dates des
cérémonies, on ne
dérange pas un vote pour cela. Le vote est alors la démonstration que
la loge
se reconnaît dans la trace ainsi laissée, la planche devient miroir… le
miroir
du travail de l’atelier. Et pour
éclairer ce miroir, le secrétaire n’est pas n’importe où dans le
temple. Il n’est
pas au fond pour voir tout de loin, il n’est pas de ceux qui décorent
les
colonnes, il est sur les hauteurs de l’Orient ; il est de ce point où
le jour
se lève et où monte le bruit des hommes qui se mettent au travail et
d’où
parviennent leurs interrogations. De là, il
pourra tout réunir, rien ne demeurera épars, et de ce flot d’éléments
divers,
il pourra reconstituer la vie un moment, ici, assemblée. Mais s’il
est plus haut, il ne faut pas qu’il se croit plus puissant pour autant,
il est
dans un coin, ce qui lui ôte toute velléité de domination. Cette
position tout
en étant probablement une facilité technique dans le commerce qu’il
doit
entretenir avec le Vénérable au cours de la cérémonie, révèle encore un
autre
élément : Le Secrétaire fait face à l’Orateur. Le verbe et l’écrit se
regardent.
Et chacun voit, en même temps, le Maître de la loge. A chacun son
profil. Rien
ne leur échappera. Sont-ils placés ainsi pour le surveiller ?…
N’oublions
pas, l’Orateur est la conscience de la Loge, le Secrétaire sa mémoire…
Il y a
un peu de juge là-dedans… Ou
sont-ils comme des instruments bien posés de chaque côté du praticien
et que
celui-ci utilise tour à tour, selon ses besoins, pour répandre la
lumière ?… Ou encore,
renonçant à les distinguer, faut-il les lier, tous trois, dans le même
flux et
représentent-ils alors ce qui distingue l’homme dans l’ordre de la
création :
la pensée qui naît, la parole qui la dit, et l’écriture qui la transmet
?… Mais le
questionnement est sans fin et même s’il y a encore bien des secrets
enfouis,
il est temps de poser les outils et de cesser de creuser le
champ : un bon
jardinier sait qu’il faut laisser se reposer la terre. |
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