Paix, amour et joie

Ce soir, mes Frères, je vais vous parler de la Paix, de l'Amour et de la Joie. Le sujet étant vaste, je suis parti de la dernière triple invocation du rituel du premier degré : Que la Paix règne sur la terre, que l’Amour règne parmi les hommes, que la Joie soit dans les cœurs. Mon propos ce décomposera en quatre parties : Cette petite introduction, une partie générale, symbolique et Maçonnique, une partie plus personnelle dévoilant mes sentiments Maçonniques, et autres, sur ce sujet, et une petite conclusion, assez surprenante.

En début de tenue, la première triple invocation est la suivante :

Que la Sagesse préside à la construction de notre édifice !
Que la Force le soutienne !
Que la Beauté l’orne !

Nous ouvrons les travaux dans cet espace sacré, pour construire le Temple de la Fraternité, et pour cela améliorer et affiner notre Temple intérieur, et il va en falloir de la Sagesse, de la Force et de la Beauté. Tout comme de l'écoute, de la tempérance et de l'ouverture d'esprit.

A la fin de la tenue, dernière triple invocation :

Que la Paix règne sur la terre !
Que l’Amour règne parmi les hommes !
Que la Joie soit dans les cœurs !

On quitte la tenue, on sort du Temple : Ce message est clair, pour nous Francs Maçons : Que la Lumière qui a éclairée nos travaux continue de briller en nous et que nous achevions au dehors l'œuvre commencée dans ce Temple. Après le travail sur nous même, le travail collectif, exportons, diffusons ces bienfaits et essayons de rayonner dans la vie profane pour espérer que la paix règne sur la terre, que l’Amour règne parmi les hommes, et que la Joie soit dans les cœurs !

L'ordre d'invocation n’est pas innocent, la Paix avant l’Amour, l’Amour avant la joie. Effectivement, comment aimer pleinement dans un environnement de guerre, de haine, de violence, de barbarie. Pas évident, donc la Paix avant l'Amour. Et une fois que l'Amour est en nous, la Joie nous habite naturellement. Donc, la Joie après l'Amour. Ça se tient.

Détaillons à présent ces 3 termes.

Pour commencer, la Paix.

Dans la vie profane, nous vivons en paix en fin de compte sans y penser, comme on oubli la maladie lorsque l'on est bien portant, et c'est très bien ainsi. Mais comme la santé se rappelle à nous lors de douleurs ou de maux divers et variés, la paix prend toute sa valeur lorsque la guerre sévie dans un coin du monde, proche de préférence. Comme l'exprimait Jacques PREVERT avec humour : « La vraie paix, c'est quand il y a la guerre ailleurs ».

Mais cette paix collective ne doit pas être retenue que comme le seul contraire de la guerre, du conflit et de la haine. C'est également un désir de tranquillité de l'être, du bien vivre avec les autres mais également et avant tout avec soi-même. Car comment être en paix avec son Frère, son voisin, son prochain si nous ne sommes pas en paix avec nous même. En cela, le travail Maçonnique est au combien bénéfique et important. Travailler sa pierre brute, la dégrossir, la tailler, la polir, non par pour qu'elle soit la plus belle, loin de là, mais tout simplement pour être en accord avec nos actes et que cette pierre s'ajuste le mieux possible aux grands édifices que sont notre Temple Maçonnique, notre Temple Intérieur et la société. Petit extrait d'un livre Maçonnique que je suis en train de lire :

« Demandez vous si vous êtes en paix avec vous-même, car être serein c’est pouvoir accéder à la Sagesse, si vous vous aimez, car s’aimer c’est pouvoir aimer les autres, en sachant que Paix et Amour représentent le chemin d’Initiation de tout Franc Maçon ». C'est beau, non ?

Alors, Que la Paix règne en nous, entre nous et sur la terre. Même si c'est une utopie, nous avons tous nos démons intérieurs et les peuples sont ce qu'ils sont, essayons tout de même, essayons toujours. Comme le disais le CHE : « Soyons réalistes, demandons l'impossible ». Nous, Francs Maçons, nous ne sommes en aucune façon des ermites se contentant d'un travail purement spéculatif et stérile en Loge, bien au contraire. Nous vivons bien au milieu des autres, avec les autres, par les autres, dans nos sociétés. Alors, quoi de plus normal que de diffuser ces belles vertus, chacun à son rythme, à son niveau et en fonction de ses possibilités. Mais un petit pas grand-chose vaut mieux qu'un rien du tout. Donc, rien qu'un changement positif de comportement vis-à-vis de son prochain, c'est déjà une belle victoire. Autre petit extrait tiré du même livre Maçonnique : « Nous devons être philanthropes et agir par des actes plutôt que par de belles paroles, il vaut mieux un petit acte qui apporte un grand plaisir que de belles phrases alambiquées qui ne sortiront pas d’un cercle restreint et finiront par ne faire plaisir qu’à nous-mêmes ».

Passons à l'Amour.

Ah l'amour, quel beau et grand sentiment. Mais que de douleur parfois. Très diverse également :

J'aime la blanquette de veau, j'aime ma maison, j'aime mon Frère de Loge, j'aime mes enfants, mes parents, mon épouse… Un océan entre la blanquette de veau et mon épouse, quoique, elle l'a réussie à merveille, c'est un véritable cordon bleu.

Dans ce terme Amour, j'y vois avant tout partage et émotions fortes. Tomber en Amour, ce peut être le signe d'un bouleversement de vie, d'une transformation du cœur, c'est surement le sens du partage avec gratuité.

Dans la Grèce antique nous trouvons quatre sentiments distincts :

la PHILIA qui se rapproche de l'amitié entre les personnes
EROS, le plus célèbre qui désigne le désir, l'attirance sexuelle
L'AGAPE : c'est l'amour de son prochain, la charité en quelque sorte
La STORGE décrit l'amour familial

En Maçonnerie, on pratique un Amour se rapprochant de l'Agapé, un Amour de bienveillance, de prévenance, de courtoisie, rien à voir avec l'amour passionnel de nos vies profanes. Apprendre à s'écouter, à travailler ensemble, à unir nos différences, les comprendre, à maîtriser la parole, à dompter nos émotions, apprendre à reconnaître l'autre dans sa différence, dans son intégralité, dans son égalité, dans sa liberté, n'est ce pas une preuve d'Amour ?

Mais avant d'aimer les autres, il faut apprendre à s'aimer soi-même. Comment peut-on aimer sans s'aimer. Si je n'ai pas l'estime de moi, celle qui me permet d'être en paix avec moi-même, comment pourrais-je venir en aide ou partager un Amour simple et sincère avec mon Frère.

Alors, l'Amour Maçonnique serait il ce qu'on nomme la Fraternité qui nous unit à l'autre et à l'humanité ? En effet, la Fraternité ne nous permettrait-elle pas de réunir ce qui est épars, de relier le moi au nous ? Mais également d'accéder à une réintégration à l'Unité ? Nos passions nous entrainent parfois dans le jeu de l'opposition, de la frustration et de la dualité. Si j'apprends à mieux aimer mon Frère, comme moi-même, si nous apprenons à nous aimer plus sincèrement les uns les autres, la dualité s'effacera doucement et pour tendre vers l'Unité. Le je et le tu vers le un. Pour clore ce chapitre, posons-nous cette petite question : Préférerons nous aimer ou être aimer ?

Enfin, nous arrivons à la Joie.

Elle apparait plusieurs fois dans le rituel du premier degré : « Le Second Surveillant : Pour observer le soleil au méridien, et appeler les Frères du travail à la récréation et de la récréation au travail afin qu'ils en retirent profit et Joie ». Quand j'étais minot, ça j'aimais bien la récréation, ça me mettais toujours en joie. Puis avec l'âge, on apprend à aimer le travail et la récréation devient loisirs. Nouvel extrait : « Il est donc l'heure de les renvoyer. Puissent-ils continuer à travailler dans la Liberté, la Ferveur et la Joie ». Voir ci-avant. Pour SPINOZA, « la joie est un élargissement de l'Etre qui provient du passage d'un moindre Etre à une augmentation d'Etre ». Très belle définition de la méthode Maçonnique, n'est ce pas ? Chaque Franc Maçon devrait en fin de compte être touché par la joie de la découverte, du labeur, de l'accomplissement, de la progression, de l'élévation, de la transmission en loge, mais aussi du partage, du rayonnement, de la diffusion dans la vie profane.

Mais les actes et la raison ne sont pas forcément le siège de la joie, même quand les deux mènent à la victoire sur une partie de soi, démarche Maçonnique de base (dompter ses passions et cultiver les nobles comportements, afin de grandir toujours et encore). Ne s'agirait-il pas plutôt du cœur ? La joie ne serait elle pas plutôt de l'ordre des sentiments et des émotions. Je le pense, tout comme je pense que notre démarche Maçonnique doit s'accomplir non seulement avec la tête, la raison, mais également avec le cœur et les sentiments. Pour terminer ce chapitre, un petit extrait pioché dans un autre ouvrage :

« Pour que la joie soit dans les cœurs il est primordial de distribuer l’amour autour de soi, et ce sans attendre rien en retour, l’amour est un acte gratuit, gratuit pour celui qui donne et si cher pour celui qui reçoit. Sans amour pas de joie, et pour commencer, il faut s’aimer soi-même, s’accepter, c’est le travail commencé dès le cabinet de réflexion où l’on s’accepte, l’on se tolère ; sans pour autant abandonner la quête du mieux, c’est une asymptote, on n'aura jamais fini de se perfectionner, mais on se doit de le faire. C’est vers une marche de progrès que doivent se diriger nos pas, marche de progrès pour nous, marche de progrès pour l’humanité ». Alors si la Paix règne sur la terre et l'amour parmi les hommes, quoi de plus normal que d'avoir la joie dans son cœur.

La Paix et moi. Ah, ça j'aime bien, la Paix. La Paix des autres, la Paix pour moi. Et j'avoue que depuis que je chemine en Maçonnerie, j'ai trouvé une certaine sérénité, un calme certain, une Paix intérieur dans mes vies familiale, professionnelle et Maçonnique. Ma vie de couple est un régal, mes fistons sont des gars très très biens, mon boulot, je m'en sors et je ne m'ennui pas encore trop en Loge, donc tout va pour le mieux. Le travail n'est pas simple et souvent laborieux. Bien entendu, parfois, voir trop souvent peut être, ça dépend de mon entourage mais surtout de moi, mes vieux démons remontent des profondeurs. Alors, je me remets à la tache pour essayer de les calmer, de les dompter. Je travaille ma pierre avec mon ciseau et mon petit maillet. Tous autant que nous sommes avons nos caractères, nos identités, nos passions, et c'est très bien, sinon on s'ennuierait ferme, comme de bons petits soldats. Travaillons chacun sur soi, sur ses propres tâches noires, solitaire et/ou ensembles, sans jugement, et la paix régnera toujours parmi nous.

L'Amour et moi. Bonne nouvelle, je m'aime ! Certaines langues diront que je ne suis pas difficile, mais au diable ces gens là. J'ai bien quelques petits complexes, mais qui n'en a pas. Moi, je suis prêt à aimer tout le monde, tous les Frères, toutes les Sœurs, même Serge, y'a qu'à voir. Mais à une condition, c'est qu'on ne juge pas sur des sujets légers, pour de petits écarts, pour de touts petits faux pas. Je ne suis qu'un éternel Apprenti, mon chemin est encore bien long, alors, un peu d'indulgence lors de mes petits « dérapages ». Des conseils, oui, des reproches, non. L'Amour Fraternel, je veux y croire, j'y crois, mais jusqu'à un certain point. L'hypocrisie n'est malheureusement pas absente de nos Loges. J'ai connu l'amour physique et la passion en Maçonnerie… Ne chercher pas mes Frères, ne vous regarder pas en coin pour deviner l'objet de la faute. Il ne fait pas parti de la Loge. Mais l'amour s'est vite transformé en enfer. Encore mes vieux démons. Je m'en suis sortis, en grande partie grâce à mon épouse en premier lieu, à mes enfants, mes amis, à un Frère psychiatre, que je ne connaissais pas du tout avant les faits et qui s'est dévoilé lors de mon internement, et à une mission en Nouvelle Calédonie. Avec leurs aides, gratuites ou payantes, tout s'est apaisé, tout est rentré dans l'ordre, ce qui était épars a été rassemblé, et j'ai retrouvé l'Amour et la Paix. Et donc la Joie. C'est beau l'Amour, et avec mon épouse, l'Unité est totale, bonne, heureuse, apaisante et joyeuse.

La Joie et moi. Je crois que vous me connaissez tous assez bien pour ne pas m'étendre plus en avant sur le sujet. Certains diront que je suis stupide, d'autres incorrecte, d'autres encore branleur. Chacun son humour mes Frères. J'aime venir ici en Loge, travailler bien sur, écouter et réfléchir sur les Planches de mes Frères surtout. Mais ce qui me met également en joie c'est ce qu'il y a à coté : Les Hommes, nos discutions profanes, nos blagues potaches, nos boutades, même si elles sont parfois un peu gauloises. Alors, merci à ceux qui m'aiment comme je suis, au moins avec ces derniers on se paye de bonnes tranches de rigolade et de joie simple et pure.

Alors, en conclusion, une petite découverte pour moi, peut être pas pour vous. Je vous propose un extrait du livre de notre Frère Jean-Claude MONDET, la première lettre, l'Apprenti au Rite Ecossais Ancien et Accepté. Attention, après l'avoir écouté, mes efforts vous paraitront bien ternes, mais GO, allons y : « Que la paix règne sur la terre, que l’Amour règne parmi les hommes, et que la Joie soit dans les cœurs. A ces trois belles invocations correspond l'extinction des étoiles Sagesse, Force et Beauté et, simultanément, de l'Orient, de l'Occident et du Midi. Elles datent d'après la seconde guerre mondiale et sont bien dans l'esprit qui régnait alors, après les atrocités qui avaient été commises. Plus jamais ça. Et pourtant, ça s'est reproduit et se reproduit quotidiennement dans l'une ou l'autre partie du monde, plus ou moins loin, de façon plus ou moins cachée. Cette constance dans l'horreur, que s'ingénie à perpétuer l'espèce humaine, amène des Frères à penser que les invocations de clôture, comme les paroles prononcées dans la chaine d'union, sont des vœux pieux. Il est vrai qu'elles ne peuvent pas être suivies d'effets immédiats, mais on pourrait dire la même chose de tous les espoirs d'amélioration de l'Homme, qui ne peuvent concerner que le très long terme. Les invocations de clôture sont des utopies, comme la Franc Maçonnerie elle même est une utopie. Mais ce sont les utopies qui ont fait et feront progresser l'humanité, malgré les ricanements des esprits qui se croient forts ».

J'ai dit V\ M\

D\ G\