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Du meurtre au relèvement J’ai
été invitée un jeudi
soir de décembre, aux alentours de midi, à la
suite d’un meurtre dans le temple
de Salomon. Trois surprises m’attendaient ce soir
là. La première était de
pénétrer dans le temple à reculons, la
seconde était de découvrir le temple
tendu de noir, désorienté, et la
troisième, et non la moindre, d’être
soupçonnée
du meurtre d’un homme que je ne connaissais pas. Après
disculpation, j’ai pris
part à la reconstitution du meurtre d’Hiram.
J’ai pris sa place en tant que
victime. Morte une première fois avant mon initiation,
j’ai vécu une seconde
mort. Le
relèvement qui a suivi m’a
profondément questionnée. Cette planche retrace
le cheminement de ma pensée et
le sens que j’ai pu donner à cet acte. Le Mythe L’action
se déroule dans le
temple de Salomon, première version, vers 960 avant JC,
alors que les travaux
s’achèvent, et qu’ Hiram
termine son
inspection journalière. En ce qui concerne les
protagonistes, d’un côté trois
compagnons, contrariés de ne pas être
maîtres à l’approche de la fin des
travaux. Trois mauvais compagnons dont on ne connait pas le nom,
l’âge ou le
métier, mais qui, par principe sont mauvais. De
l’autre, Hiram, ou plus
précisément Hiram Abi,
célèbre Architecte, envoyé au roi
Salomon par Hiram, roi
de Tyr, pour diriger les travaux de construction du Temple. Les armes
du crime
sont trois outils de chantier : une règle pour un 1er
coup
porté à l’épaule gauche, un
levier pour un 2ème coup
porté à
l’épaule droite et un maillet pour un 3ème
et dernier coup fatal porté à la tête. Le
scénario maintenant :
à l’approche de la fin de la construction du
temple, trois Compagnons veulent
connaitre les mots signes et attouchements des maitres et
s’adressent à Hiram.
Il aurait pourtant été plus simple de questionner
n’importe quel autre maitre
... Trois mauvais compagnons, pas très futés, qui
vont laisser des traces de
sang dans le temple, qui vont déplacer le corps du mort ,
pour l’enterrer dans
une position à mi chemin entre la position à
l’ordre des compagnons et celle
des maitres, en laissant des outils à
côté de la tombe, et qui iront même
jusqu’à marquer l’emplacement de la
sépulture d’une branche d’acacia. Et
pourquoi pas un panneau indicateur aussi?
A première vue, c’est le crime
de la bêtise. Mais
une telle accumulation
de maladresses devient rapidement suspecte et m’incline
à penser
qu’il y avait une
impérieuse
nécessité à retrouver le corps
d’Hiram… Pour
finir, la version
officielle, sous forme allégorique, se termine sur une
leçon de morale où les
trois mauvais compagnons représentent l’ignorance,
le fanatisme et l’ambition.
Elle oppose le courage et l’incorruptibilité
d’Hiram à la bêtise des trois
assassins. Ainsi,
il y aurait donc d’un
côté Hiram, le maitre exemplaire, et de
l’autre trois mauvais compagnons
particulièrement stupides
et
misérables. Le blanc, le noir. La lumière et les
ténèbres. Tiens revoilà une
association bien connue en F\M\….
Une juxtaposition des contraires qui me pousse à aller de
l’avant dans ma réflexion. Cette
reconstitution du
meurtre a suscité chez moi beaucoup de questions. Si Hiram
était aussi sage et
clairvoyant que l’on dit, il aurait dû
déceler le complot. Il ne faut pas
oublier qu’Hiram a embauché ces ouvriers, les a
initiés et même
élevés au grade de compagnons.
Comment comprendre
ce mauvais
choix ? En était ce vraiment un ? Il
n’y a pas d’App et de Comp
sans Maitre. Un Maitre qui n’a pu instruire que des Compagnons ou des Apprentis meurt
avec eux. Mais lorsque
le compagnon devient Maitre, alors
le Maitre meurt comme la fleur meurt quand le fruit la remplace. Hiram
meurt
pour mieux renaitre au travers du Comp\
qui va être relevé. Hiram CHOISIT
de mourir. En instruisant les mauvais compagnons, il instruit ses
meurtriers.
En emportant avec lui le mot des maitres, il initie la quête
de la parole
perdue et enclenche le cycle de sa recherche. Par sa mort, il devient
un
éveilleur de conscience. En tuant Hiram, et en
m’identifiant à lui, je
m’intègre et je renforce ce cycle. Hiram
meurt par les trois
mauvais compagnons, qui participent ainsi à
l’émancipation de l’ensemble des
maitres. Dans cette optique, les trois mauvais compagnons et Hiram ne
font
qu’Un. Comme la fleur et le fruit ne font qu’un.
Les trois mauvais compagnons
ne disparaissent pas. Ils font partie d’Hiram. Ils sont
toujours en nous, on
pourrait dire qu’ils se transmutent en Hiram. C’est
là tout le symbole de la
branche d’acacia. Et l’obligation de retrouver le
corps devient alors évidente.
Hiram se fait assassiner par lui même. Il ne peut revivre que
si son corps est
retrouvé. Il
se fait relever par lui
même puisque les Maitres qui le lèvent par les 5
points parfaits de la maitrise
sont d’autres Hiram relevés. Les mauvais trois
compagnons et les trois maitres
sont les mêmes. Les trois compagnons et les maitres sont Un,
c'est-à-dire
l’unité. La
mort d’Hiram est similaire
au schéma : mort par assassinat suivie
d’une résurrection, opéré
par
Osiris et Seth C’est
une association
paradoxale mais pourtant inséparable, une dualité
réussie, un équilibre entre
le civilisé et le barbare, qui s’opère
en chacun de nous. En tuant son frère,
Seth détruit
ses formes révolues pour
provoquer une mutation de son être. Il ne le verrouille pas,
mais le libère de
ses blocages, de son horizontalité. Il assure ainsi la
dynamique de ses cycles
régénérateurs. Le Relévement Grâce
aux mauvais compagnons
que je suis, je suis morte à moi même.
J’ai quitté le plan horizontal pour être
relevée. Je suis passée de
l’équerre au compas. Les mauvais compagnons sont
en
moi, je me reconnais en eux comme en Hiram. Je dois apprivoiser ma part
d’ignorance, de fanatisme et d’ambition.
Espérer les faire disparaitre est pure
chimère. Seth ne disparait jamais. Horus ne le tue pas. Et c’est un
choix délibéré. La
force et la volonté qui
émane des seuls Trois compagnons passés
à l’acte, comme l’agressivité
Séthienne
doivent être jugulées, canalisées,
contrôlées, pour être
utilisée à de
meilleurs dessins. La
mythologie Egyptienne là
encore, me montre la voie, en plaçant Seth,
l’Agressif, en protecteur, à la
proue de la barque solaire, en lutte perpétuelle contre le
chaos et le serpent
Apophis. Je
dois apprendre à canaliser
mon agressivité, à l’éduquer
pour ne pas être emportée par elle.
Apprivoisée,
cette part destructrice sera, pour moi, une source
d’énergie vitale et de
dynamisme créateur. Les ténèbres et la
lumière sont une seule et même chose. Par
la marche du M.M\,
je suis passée de l’équerre au compas.
Alors qu’App.App\
ou
Comp.Comp\,
ma marche
se faisait sur un plan horizontal, vers l’avant, vers la
lumière, désormais je
change de dimension. La dimension spirituelle s’ouvre
à moi. Je n’ai pas été
relevée
à l’issue de voyage. C’est la Maitrise
elle même qui devient le voyage. Elle
est même plus que cela. Mes
voyages de Comp.Comp\
n’avaient pas de but précis. L’errance
n’était pas loin. J’ai mis du temps
à comprendre que le voyage était avant tout
intérieur et que c’est avant tout moi
même que je cherchais. Désormais j’ai
une
quête à poursuivre. Celle de la parole perdue,
celle de rassembler ce qui est
épars. Mais est ce si différent de ma recherche
précédente? Je
suis DEBOUT maintenant, sans Surveillant,
en capacité pleine et entière d’agir,
responsable de mes actes. Libre de
parcourir le temple et le monde. A la merci des mauvais compagnons que
je
porte, mais aussi portée par la force d’Hiram dans
lequel je me reconnais. L’une
des principales choses qui m’ait été
transmise, c’est la possibilité de me
révéler à moi-même. Quand
je prends conscience de
ce que je suis, de mes zones d’ombre et de
lumière, je peux me développer,
m’épanouir, selon mes désirs et mes
capacités. Passer de la matière à
l’esprit,
de l’affectif au fraternel. Je dois conserver des mauvais
compagnons la volonté
de progresser, mais écarter ma violence, mes passions et mes
vanités. Être en
capacité de séparer l’essentiel de
l’accessoire, le matériel du spirituel,
voilà mon travail en chambre du Milieu. Si
je suis en capacité de
faire cela, alors
les
forces en apparence opposées se résoudront
dans l’Unité, dans l’axe vertical. Debout,
je suis un axe entre
la terre et le ciel. Entre l’équerre et le compas.
Entre l’ordre de la nature
et celui de l’esprit. Juste milieu si difficile à
réaliser et maintenir
individuellement. Ce relèvement marque le dynamisme
vainqueur de l’inertie. Je
suis sortie de la léthargie de la mort. Je suis vivante, je
suis debout. Mon
chaos intérieur est,
pour un instant,
vaincu. Comme le pilier Djed, redressé lors de la
résurrection d’Osiris,
l’ordre intérieur est rétablit. ORDO AB
CHAO. J’ai
été reçue en chambre du Milieu. Ce qui
m’a été donné, je dois
non seulement le rendre, mais avant tout le faire fructifier. Je suis
Hiram
désormais et sa mission devient mienne. J’ai un
Temple à construire. J’ai des
devoirs. Car
Hiram n’a pas ressuscité.
S’il se réincarne dans le corps du nouveau Maitre
que je suis, c’est parce que
JE CHOISIS de m’identifier à lui. Pas parce que je
suis habitée ou hantée par
l’esprit du maitre assassiné. J’agis par
Devoir et non par Obligation car je le
fait de ma libre volonté. En faisant ce choix, je fais vivre
le mythe. Celui de
la transmission. Transmission
et cycles S’il
fallait retrouver la tombe et le corps d’Hiram,
c’est pour le
relever, pour me relever. Hiram est mort pour renaitre à
travers moi. Je devais
être relevée pour intégrer le cycle. Car
le 3ème degré, plus encore
que les précédents,
renvoie aux cycles. Au passé, par la marche à
reculons. Au futur, par le
relèvement qui m’a fait mourir pour grandir. Je
sais désormais qu’il y a
un temps pour chaque chose. Un
temps
qui me fait vivre plusieurs vies simultanément : je
suis éplorée par le
meurtre que j’ai moi même commis, je suis le
gardien d’un tombeau où j’ai
enseveli un corps que jadis j’occupai. Le jeune maitre que je
suis a conscience
de tous ces cycles : je suis dans le passé, le
fruit de l’amour des
Maitres qui m’ont précédée
et m’ont instruite, le présent car j’ai
la
responsabilité de la construction du temple, et le futur par
la transmission
que je dois opérer vers les App.App\
ou les Comp.Comp\. Quelle
est la différence fondamentale
entre la mort/renaissance de l'initiation au premier degré
et celle de l'exaltation
au 3ème ? Dans
le premier cas, le F\M\
renaît EN LUI-MÊME, après avoir
traversé l'épreuve de
la terre c'est-à-dire un voyage en lui-même. Dans
le deuxième cas, il renaît EN
L’AUTRE. Il le fait après avoir connu la trahison,
mais il le fait GRACE aux
autres, pour se réincarner, non dans un message, mais dans
une œuvre
collective. A
mon sens, et c'est ce que j’ai découvert
en tant que surveillant, en Maçonnerie, il y a non seulement
une résonnance à
trouver en soi, pour chacun de nos symboles, mais également
à trouver dans la
démarche initiatique elle même. Après
être mort à ses certitudes, avoir
envisagé le fait que la lumière était
chemin, avoir été à la rencontre des
vérités des autres, avoir connu le doute, la
trahison (celle souvent anecdotique
des autres, celles, plus ennuyeuses de ses propres convictions), le M.M\ peut espérer
sa survie dans l'autre. Comme ce n'est pas un gourou et qu'il ne s'agit
pas de
se réincarner dans quelques doctrines ou la foi de quelques
fidèles, cette
préservation, c'est grâce au travail des autres,
dans la valeur et le sens
qu'il saura donner à ce travail, qu'elle s'opère.
Il
a fallu 3 MM pour relever Hiram. Ce
relèvement c’’est la
fraternité mise en acte. Isolée, je ne suis rien.
J’ai été
relevée par
les 5 points parfaits de la
maitrise, par l’action collective des M.M\
qui m’ont précédée et qui
vont à travers moi, donner
vie au travail qu’ils ont accompli. Ainsi,
au travers de cette transmission,
le fil ténu qui lie les parts de
vérités mises à jour au cours du
temps, par
les F\M\,
court, de générations en
générations et le Temple
s’élève. En
me permettant de retrouver en lui I'Hiram qui sommeille en
chaque initié dont la conscience est transcendée
par la mise en œuvre du
rituel, ce mythe m’apprend l'éternel
recommencement de la vie en montrant que
la mort d'un maître humain, aussi inspiré fut-il,
est immédiatement suivie par
la venue d'un nouveau maître auquel est
transférée la capacité de ramasser les
outils déposés par le
précédent afin de poursuivre
l’œuvre qui n'est jamais
achevée. Ce
mythe constitue également une formidable leçon
d'humilité en ce
qu'il traduit de manière opérative l'impermanence
et la relativité de la
grandeur, réelle ou supposée, des hommes
même les plus vertueux et les plus
remarquables. Conclusion « Je
sui mort parce que
je n’ai pas le désir,
Je n’ai pas le désir parce que je crois posséder, Je crois posséder parce que je n’essaye pas de donner, Essayant de donner, on voit qu’on n’a rien, Voyant qu’on n’a rien, on essaye de SE donner, Essayant de se donner, on voit qu’on n’est RIEN Voyant qu’on n’est rien, on désire devenir, Désirant devenir, on VIT. » René
Daumal
Lors
de mes impressions sur
la cérémonie d’exaltation, je vous
avais fait part de l’immense joie qui
m’avait envahie, de voir ce
soir là,
réunis
dans ce temple, tous
les M.M\
qui avaient œuvré de près ou de loin,
à mon
instruction. Avec
le temps, je réalise que
l’amour, solide et sincère, que vous me portez, me
change profondément. Il m’a
fait intégrer un cycle vertueux où je me
construis PAR et AVEC vous. Ce
soir de décembre, il n’y
pas eu de révélation. Juste une transmission.
Celle d’une quête qui me concerne
et m’est intime, mais aussi d’une autre bien plus
grande, qui me nourrit et où
je ne suis qu’un maillon. Une
chaine qui existait bien
avant moi et qui perdurera bien après, mais à
laquelle je choisis de
travailler, car, debout, devant vous, ce soir de décembre,
du meurtre au
relèvement, l’amour a été
plus fort que la mort. T\R\M\ j’ai dit. L\
T\ |
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