La
Mémoire
Dans quelques jours la France va
commémorer l’Armistice de la guerre de 1914. Sous
l’arc de triomphe se trouve la tombe du soldat inconnu dont
la présence rappelle constamment les hommes
tombés au combat. Il suffit de poser les yeux sur un
calendrier, de lire sur les murs les plaques commémoratives,
pour prendre conscience d’un fait : les hommes veulent garder
la mémoire de certains événements,
soit qu’ils les considèrent comme heureux soit
qu’ils les jugent si horribles qu’ils tentent
d’éviter leur répétition
dans le futur en les gardant présents à
l’esprit.
Nous en faisons de même dans notre vie personnelle ; ne nous
rappelons nous pas avec émotion les
événements qui ont marqués notre vie.
J’ai donc choisi de vous parler ce soir de la
mémoire.
Par le terme de mémoire, on entend la
capacité de retenir une idée, une image, un fait
et de les mettre en quelque sorte en réserve soit dans son
cerveau soit à l’aide d’un support pour
pouvoir les restituer à n’importe quel moment.
Tout d’abord, nous verrons comment la notion de
mémoire a évolué depuis
l’antiquité, car ce
phénomène a toujours intrigué les
hommes.
La légende grecque veut que la déesse de la
mémoire soit une Titanide née de
l’union incestueuse de Gaïa (la terre) et de son
fils Ouranos. Mnémosyne est la demi-sœur de
Chronos, le temps. Il est vrai que mémoire et temps sont
inséparables mais que comme tout frère et
sœur, ils ont quelques fois des problèmes de
communication ! Après neuf nuits d’amour avec le
fils de son demi-frère, Zeus, elle met au monde neuf filles
: les Muses. Ainsi poésie, théâtre,
chant, danse, histoire, astronomie sont filles de la mémoire.
Au cours des siècles les philosophes se sont
penchés sur ce phénomène.
Pour Socrate et Platon, la mémoire est une simple
résurgence de connaissances acquises dans une autre vie,
l’âme étant immortelle.
Aristote y voit une simple image mentale et bien qu’ayant
étudié l’anatomie, il ne pense pas une
seconde à la mettre la mémoire en relation avec
le cerveau.
Pour Simonide de Céos, la méthode est essentielle
à la mémoire. Pour la petite histoire, Simonide
vivait de ses poèmes. Un certain Scopas l’invita
à un dîner pour distraire ses invités
mais refusa de payer le prix du poème et l’envoya
chercher son salaire chez les Dioscures. A cet instant du
dîner on vint prévenir Simonide que deux jeunes
gens l’attendaient à
l’extérieur. A peine était-il sorti que
le toit de l’édifice s’effondrait tuant
tous les participants. Simonide se remémorant avec ordre le
plan de table, permit aux survivants de récupérer
les corps de leurs morts. Il comprit alors que seule la
méthode donne lumière à la
mémoire et il plaça celle-ci sous
l’autorité des jumeaux: mémoire divine,
lumineuse du souvenir et son pendant mortel, l’ombre
poussiéreuse de l’oubli.
Avec Saint Augustin, on commence à distinguer les
différentes sortes de mémoire :
mémoire sensible (celle des odeurs, des sons…) et
la mémoire intellectuelle (celle de
l’apprentissage, celle du réflexe…).
Pour Spinoza et Descartes « plus une chose
est intelligible, plus on la retient facilement ».
La mémoire doit pouvoir répondre aux questions
simples : « quand »,
« où »…pour
pouvoir ensuite répondre à des questions de plus
en plus précises.
Au XVIII siècle Maine de Biran distingue trois sortes de
mémoire : la mécanique (celle des
répétitions) la représentative (le
rappel du signe entraîne une idée claire) enfin la
mémoire sensitive (le signe entraîne une
modification affective).
Dans « aventure de la mémoire »
de Voltaire Mnémosyne dit aux humains après les
avoir durement éprouvé en leur ôtant
transitoirement la mémoire : « Imbéciles,
je vous pardonne mais souvenez-vous, sans les sens, il n’y a
point de mémoire et sans la mémoire, il
n’y a point d’esprit ».
Tandis que les philosophes cherchent à comprendre le
phénomène de la mémoire, les
médecins cherchent à savoir où elle se
niche et comment elle fonctionne.
Dans l’antiquité au deuxième
siècle après Jésus-Christ Galien, le
premier, établit la corrélation entre
mémoire et cerveau contredisant Aristote. Mais les
véritables corrélations entre mémoire
et cerveau seront établies au XIX° siècle
par les travaux d’anatomo-pathologistes et de neurologues
comme Déjerine et Charcot qui découvrent que la
reconnaissance ne se produit que si la perception peut être
comparée avec une trace mnésique
« engrammée »
(codée) dans une aire spécialisée du
cerveau.
Puis les psychanalystes et les psychiatres
s’intéressent à la mémoire.
Freud ne croit pas à son caractère
« stable ». Pour lui les
souvenirs se distinguent de la réalité parce
qu’ils ont perdu toute connotation affective,
d’où leur inexactitude. C’est lui qui le
premier parle d’un processus intéressant
l’ensemble du cerveau.
Mais c’est Bergson, médecin et philosophe, qui
pressent la malléabilité de la mémoire
liée à la multitude possible des interconnexions
des neurones.
Quant au rôle de la sensibilité et de
l’intellect individuel il est mis en évidence par
l’Anglais Barlett. Dans son étude
« Remembering »
il fait étudier un conte à un auditoire dont les
participants sont de milieu et de capacité intellectuelle
différents. Il demande ensuite la restitution de ce conte
à plusieurs reprises. En conclusion, si la valeur morale du
conte est bien restituée, il y a autant de versions du conte
que de participants à l’étude. Il en
tire la conclusion que le rappel de nos souvenirs est
influencé par notre tempérament, notre
caractère et notre intellect; en extrapolant à la
mémoire collective, il démontre le rôle
de la subjectivité dans le récit historique.
Plus récemment avec le développement des
nouvelles technologies c’est la science fondamentale qui a
fait irruption dans les recherches sur la mémoire.
En 1972, Edelman reçoit le prix Nobel pour sa
découverte de la mémoire immunitaire et il
compare la mémoire au phénomène de
sensibilisation immunitaire. La mémoire immunitaire est une
mémoire acquise alors que la mémoire
héréditaire est innée,
déterminée par un code
génétique.
Actuellement on sait que la mémoire est située
dans l’ensemble de la structure
cérébrale. Nos cinq sens nous apportent
des éléments qui sont analysés dans
des zones spécialisées parfaitement connues
aujourd’hui. Les cellules nerveuses sont environ
trois milliards et chaque cellule émet plusieurs milliers de
connections avec les cellules qui l’entourent. Certaines
structures cérébrales sont en rapport avec les
zones spécialisées
« sensitives » et en rapport
entre elles. C’est grâce à ces
structures que la mémoire existe.
Quand Proust déguste la fameuse madeleine imbibée
de thé, ses papilles gustatives et son odorat portent leurs
informations, chacune dans sa zone privilégiée,
c’est alors que les interactions de ces centres font
« tilt » et vont
réveiller les souvenirs de son enfance le faisant revivre
ses émotions d’alors.
Tout ce que je viens de dire concerne le processus intellectuel et
physiologique de la mémoire individuelle.
Depuis le début de son évolution
l’homme a vécu en groupe. Animal de faible
constitution, handicapé par des jeunes totalement
dépendants, il a du lutter contre des prédateurs
et l’a fait en groupe. La survie du groupe
dépendait alors de la mise en commun des connaissances, des
forces et des intelligences de chacun.
Vous allez me dire que la mémoire
n’existe pas que chez l’homme.
C’est vrai, même une cellule unique a une
mémoire, mémoire génétique
certes mais une mémoire. Quand l’œuf
éclôt, le poussin, avant même que
l’observation des autres volailles de la basse-cour ne fasse
son éducation, commence à picorer sur le sol tout
ce qui de près ou de loin ressemble à une graine.
Le petit kangourou, ou plutôt la larve du kangourou,
à peine sorti du vagin de sa mère, commence une
difficile escalade vers la poche où il continuera son
développement, scotché à la mamelle de
maman.
Alors qu’est ce qui nous
différencie du reste des êtres vivants ?
La faculté de faire partager cette mémoire ? Mais
non, les oiseaux migrateurs ne connaissent pas le chemin de
l’éden, ils l’apprennent en volant avec
le groupe, le petit chat apprend la propreté de sa
mère, les petits fauves apprennent à chasser.
Ce qui différencie l’homme des
autres vivants n’est pas la faculté de
transmettre à ses descendants proches mais la
possibilité qu’il a de savoir transformer sa
mémoire en traces matérielles à partir
desquelles n’importe quel homme peut recréer une
mémoire qu’il pourra faire sienne même
s’il y a plusieurs générations entre
eux. Ayant conscience de sa mort inévitable et de la
disparition des monceaux de connaissances acquises qu’elle
représente, l’homme a peut être
souhaité, en laissant des traces, acquérir une
certaine immortalité.
Dans la préhistoire, le langage permet mieux que la
gestuelle, la mise en commun des informations. Apparaissent alors le
conteur, qui enrichit sa mémoire des récits de sa
famille, de son clan, de son village, qui raconte le passé
lors des veillées et le chaman qui, lui, est la
mémoire du sacré. Il connaît les
remèdes, sait communiquer avec les Dieux. Malheureusement
pour nous, cette mémoire n’ayant laissé
aucune trace, elle est perdue pour nous.
Par bonheur pour le présent, l’homme ne
s’est pas contenté de parler, il a
dessiné. Nous avons toutes en tête des peintures
rupestres ou des pétroglyphes. Nous y retrouvons
des animaux disparus ou des symboles qui nous parlent.
Le sacré avec le culte des morts nous raconte
l’histoire de l’homme, ses techniques, ses armes,
sa nourriture, ses vêtements. Tous ces vestiges
étant autant de traces mémorielles que nous
interprétons. Certaines coutumes comme le cannibalisme, qui
s’est poursuivit jusqu’à très
récemment, avait souvent pour finalité de
conserver une mémoire des ancêtres en les
intégrant « au sens
propre » aux vivants.
La sédentarisation et l’élevage font
découvrir à l’homme la
nécessité de pouvoir mémoriser ses
biens et on passe à l’écriture. Et oui,
si on en croit les cunéiformes et les
hiéroglyphes, les nobles écrits ont tout
d’abord été de vulgaires
relevés de cadastres ou des listes des possessions
d’un propriétaire terrien.
L’écriture apporte une fiabilité du
rapport, autant le conteur pouvait être influencé
par sa personnalité, son auditoire, autant
l’écriture reste permanente dans son expression.
Elle est fiable mais elle a un effet un peu pervers :
l’inutilité
« apparente » de
l’effort de mémoire. Notre civilisation
n’a rien fait pour éviter la disparition de
l’effort de mémoire et combien de fois ai je
entendu mes deux filles soupirer : « mais,
maman, faut pas l’savoir par cœur, elle
l’a bien dit la maîtresse... ».
L’écriture inventée, reste alors le
support. De la paroi rocheuse de la caverne on passe à la
tablette de cire (tablette de cire qui fut d’ailleurs une des
premières métaphores de la mémoire) au
papyrus, aux ostraca, au parchemin, au papier. Les écrits
étaient au début assez confidentiels, car le
peuple, analphabète dans sa majorité,
n’y avait pas accès et les parchemins
étaient la propriété de quelques
privilégiés. Le clergé et une certaine
frange de la noblesse monopolisaient l’écrit. Il
faut noter le premier livre qui sort des presses de
Gütemberg est « la
Bible ».
C’est donc l’alphabétisation qui va
permettre au commun des mortels d’avoir accès
à la mémoire collective. Actuellement les
données et leurs supports sont pléthore,
l’écrit est en réseau, le livre est un
E-Book, le dessin est devenu photo numérique et
même vidéo, le conteur s’est
transformé en reporter de télévision.
La mémoire collective du village est devenu la
mémoire collective du monde. Cependant le support est un
bien fragile, il s’abîme, se corrode,
brûle, moisi et même, actuellement, les nouvelles
techniques numériques permettent des manipulations
indécelables, porte ouverte sur le mensonge sans risque.
Si le support est destructible ou manipulable, donc peu
sécurisé, qu’en est il de la
mémoire elle même.
Il y a là un
problème :
Nous savons bien, à
l’échelon individuel, que la mémoire
n’est pas fiable. En dehors des sujets, dits
« hyper mnésiques »
qui ont le malheur de ne rien oublier, qui sont sans arrêt
submergés par des souvenirs de petits riens inutiles et qui
affirment qu’un « trop de
mémoire » n’est pas un don mais
plutôt un handicap, la plupart des gens se plaignent de la
faiblesse et des lacunes de leur mémoire.
La mémoire est moins performante aux âges
extrêmes de la vie. On n’a
généralement pas de souvenirs avant
l’âge de 5-6 ans et en vieillissant, la
mémoire des faits récents diminue.
Quant aux faits marqués par des sensations trop fortes (dans
le cas des incestes par exemple) ils peuvent être
refoulés et disparaître où
être masqués par un
« faux » souvenir.
De plus, notre mémoire est souvent sélective,
nous nous souvenons bien mieux des faits heureux que des faits
malheureux.
La maladie peut, elle aussi, toucher la mémoire. La maladie
d’Alzheimer transforme les individus qu’elle
atteint en êtres déconnectés du
réel. Quant aux accidents qui ébranlent la
matière cérébrale, ils
entraînent des amnésies partielles
particulièrement pénibles pour les patients qui
en ont conscience.
Cependant souvenons nous que déjà, dans le mythe,
Mnémosyne était parente de
Léthé, l’oubli, le fleuve des Enfers,
lui même frère de Thanatos, la mort et
d’Hypnos, le sommeil. Je vois pourtant l’oubli
d’un meilleur œil car l’oubli peut
être un filtre efficace en effaçant les petits
souvenirs mais en respectant les grands.
Ce qui existe sur le plan de la mémoire individuelle se
retrouve sur le plan de la mémoire collective : la
fiabilité n’existe pas.
La masse des informations mise à notre disposition chaque
jour par les médias (journaux, radios,
télévision, Internet) est énorme. Or
toute cette information est le terreau de la mémoire
collective de demain. Une particulière vigilance doit
être observée de la part des responsables, des
décideurs, des courants de pensée afin de traquer
dès l’origine la désinformation ;
d’où l’importance du débat
permanent et de la démocratie garant d’une
approche au plus près de la vérité
historique. Les médias peuvent être un moyen de
pression invisible mais particulièrement actif pour certains
gouvernements totalitaires. Souvenons nous des films de propagande
réalisés pendant la dernière guerre,
celui de 1936 entre autres sur les jeux olympiques de Berlin glorifiant
une supposée race élue, des expositions
antimaçonniques ou les affiches parlant de la menace du
« Juif gouvernant le monde »
réalisées par la France du Maréchal
Pétain. Voyons le détournement d’une
page de notre histoire en la personne de Jeanne d’Arc par le
Front National. Rappelons nous également la Chine de Mao Tse
Toung, les gardes rouges et la tentative de gommage d’une
page de leur histoire par la destruction de la mémoire
collective que représentaient les livres, les
œuvres d’art et les monuments anciens.
L’utilisation de la mémoire des enfants en tant
que futurs consommateurs est déjà visible dans
les publicités quotidiennes mais encore plus
accentuée dans les périodes encadrant les
fêtes. Les intérêts financiers et, dans
certains pays, les intérêts religieux peuvent
utiliser cette mémoire collective dans des buts douteux
voire même intolérables.
J’insiste vraiment sur la vigilance indispensable
à l’élaboration de cette
mémoire collective car souvenons nous: après la
seconde guerre mondiale, alors qu’on avait jugé
pour la première fois de l’histoire des criminels
de guerre, la Shoah était connue et reconnue par tous.
Pourtant, dans les années 80, négationnisme et
révisionnisme ont fait une entrée
médiatique fracassante à partir d'une posture
simple et efficace : c'est prétendument au nom de la
quête de la vérité historique que se
fondait leur démarche. Ce piège pervers a
fonctionné à partir du succès
potentiel que tout discours de contestation peut rencontrer
auprès d'un public amnésique, fasciné
et amusé par le scandale. Si toutes ici avons
vécu cette époque, nous même ou par
parents ou grands-parents interposés, qu’en sera
t-il dans le futur. Si personne ne transmet la
vérité comment les individus du
troisième millénaire interprèteront il
les données du net ?
Nous avons un DEVOIR de MEMOIRE pour que plus jamais ne puissent
exister de telles choses.
La mémoire collective a d’autres vecteurs que les
médias. La terre elle-même par ses
phénomènes géologiques a
contribué à cette mémoire collective
en conservant dans ses entrailles des traces fossiles (les sables
d’Egypte et ses momies, les glaciers et leurs mammouths
congelés, leur homme des Alpes, les enfants
sacrifiés des Andes, la momie des tourbes nordiques).
Tout au long de l’histoire, des hommes ont vécu
qui nous ont laissé des traces mémorielles sans
même en avoir conscience. Quand nous visitons les ruines de
Pompéï, nous entrons brutalement dans le monde de
Pline l’Ancien, les constructions nous retracent la vie du
temps de leur architecte. Les peintres, les poètes, les
écrivains nous forcent à revivre leur
époque. Pour parler d’un sujet futile, les
couturiers et les modes nous font toucher du doigt des
problèmes plus sérieux; à titre
d’exemple, les robes transparentes au col gravé
d’un « découpez
suivant le pointillé » des
merveilleuses nous rappellent la fragilité de
l’existence dans une révolution où la
moindre peccadille pouvait vous envoyer sur
l’échafaud. Autre exemple les costumes
austères des Amish ou le foulard de l’Islam
marquent la pesanteur d’un système religieux mieux
que toute parole.
Le cinéma, pas le film à grand spectacle
hollywoodien, mais celui que nous allons voir dans les petites salles
pour initié, est également un bon pourvoyeur de
mémoire (« un
été à la goulette »
ou « Kadosh »
nous renseignent mieux que les médias sur un vécu
que nous ne partageons pas.)
Il existe actuellement des associations qui se font un devoir de
transmettre de justes valeurs c’est le cas par exemple de
« Mémoire 2000 »
dont les quelques premières lignes du site Internet
m’ont particulièrement touchée.
(je cite)
« Quelle mémoire?
:
Notre mémoire : celle que nous
avons reçue en héritage et qui constitue le fil
conducteur des générations. Celle qui nous met en
présence de notre inhumanité sans cesse
redécouverte, en dépit des
déclarations solennelles, des constitutions et
malgré toutes les condamnations.
Mais pas seulement la nôtre ! celle de tous les hommes et de
toutes les femmes, de tous les temps, sous toutes les latitudes, qui
ont défendu la reconnaissance des droits de l'homme au
péril de leur vie ou de leur liberté.
La mémoire, pour que l'histoire serve à quelque
chose !
Pour qui ?
Pour ceux qui écoutent : nos enfants, les adolescents, ceux
qui fréquentent l'école publique ou
privée, à Paris ou ailleurs ; mais aussi ceux qui
l'ont quittée et qui sont accessibles au dialogue avec des
adultes qui ne sont ni leurs parents ni leurs professeurs. Ils ont tout
à découvrir de ce que la
télé ne leur montre pas et que pourtant elle
pourrait fort bien leur montrer. Ils ont beaucoup à nous
apprendre et nous avons encore beaucoup à leur donner pour
qu'ils évitent plus tard nos erreurs et se souviennent de
nos conquêtes et de nos espoirs.
La mémoire peut servir à la fois de monnaie
d'échange entre les générations et de
« préservatif »
à l'humanité contre cette maladie qui s'appelle
le racisme. » (fin de citation)
Il faut parler ici d’un fait
récent, médiatique, une
émission de télévision d’un
caractère exceptionnel : la retransmission du
procès de Klaus Barbie que la chaîne Histoire
diffuse depuis lundi dernier et ce pour 72 heures
d’émission, et non seulement la
chaîne télévisuelle le diffuse mais
quiconque a un accès Internet peut aller sur le site :
www.histoire.fr consulter ces archives. Ce témoignage,
filmé en direct, permet à chacun
d’appréhender
« immédiatement » la
valeur des témoignages et cela sera encore possible quand
tous les participants auront disparu. C’était en
France une grande première que de filmer un
procès d’assise pour qu’il constitue un
témoin dans l’histoire. Tout est parti de la loi
votée le 11 juillet 1985 ; la loi « tendant
à la constitution d'archives audiovisuelles de la justice »,
directement issue de la volonté de Robert Badinter, alors
garde des Sceaux, d'inscrire le procès dans la
mémoire de la France et de servir l'Histoire. Le
procès Barbie est le premier à faire l'objet d'un
enregistrement audiovisuel. Le procès de Eichmann
l’avait été, en Israël mais
n’a donné lieu qu’à une
retransmission, de quelques heures tout au plus de documentaires
incomplets dont un grand nombre de témoignages ont
été coupés. Les procès de
Touvier et de Papon ont également été
filmés et seront aux aussi utilisés comme
élément de mémoire de
l’histoire.
D’autres tentatives pour parler de notre époque
dans le futur sont également tentées, pour
mémoire, le disque d’or gravé
envoyé dans l’espace soit pour être
récupéré par
d’éventuels extra-terrestres ou pour revenir sur
la terre après une longue course dans l’espace,
l’instauration des fêtes commémoratives,
la création de musées de
thèmes multiples et variés (musée de
l’homme, musée de la découverte,
musée de l’holocauste, musée de
l’aviation et de l’espace…), les
expositions autour d’un thème, les
cimetières militaires (tel celui du champ de bataille de
Gettysburg ou l’Ossuaire de Douaumont), enfin les visites
organisées sur les sites des camps de concentration.
Un certain nombre de municipalités développent
cette mémoire en envoyant des « collecteurs
de mémoire » chez les
particuliers et en faisant rédiger des livres à
partir de leurs souvenirs et de leurs iconographies propres rendant
ainsi aux personnes âgées le rôle de
mémoire vivante et de référents que
les anciennes civilisations leur accordaient de droit.
Pour nous enfin, membres d’une société
initiatique la Mémoire est notre principal outil. La
transmission maçonnique est une transmission orale. Les mots
de semestre ne sont jamais écrits, ils circulent
à voie basse dans une chaîne d’Union
(mémoire vivante de la Loge) ; certains mots ne sont jamais
écrits, eux non plus comme les mots sacrés, on se
contente de les épeler à
l’oreille de celle qui nous les demande. Les formules comme
celle que j’ai dite pour commencer ce travail ne sont elles
non plus jamais inscrites en clair et nous nous contentons
d’écrire une majuscule suivie de trois points pour
représenter certains mots ? N’est-il pas vraie,
mes T\ C\ S\ ?
Parmi les officières, deux siègent à
l’Orient aux côtés de la
Vénérable Maîtresse :
l’Oratrice, qui est la Loi de la Loge et la
Secrétaire, qui en est la Mémoire. Son travail
consiste à relater par écrit tout ce qui se fait,
se dit, se vote, se planche, se discute, se décide. Le
rituel dit d’ailleurs « il en
sera fait mention dans la planche de ce jour ».
Tous les faits importants se retrouvent inscrits sur ces planches, de
la présence matérielle des Sœurs qui
assiste à la Tenue, à la plus haute
spiritualité d’un travail.
Lors de l’installation du nouveau collège, la
Très Respectable Sœur Grande Inspectrice
déclare à celle qui est choisie par la Loge pour
tenir la charge d’Oratrice : « vous
êtes la Mémoire de la Loge, vous engagez-vous
à prendre note de tout de qui doit être
retenu… ». Dans cette petite
phrase je retiens quelques mots : « vous
êtes, vous engagez vous, tout et doit ».
Nous avons coutume de direde la Loge : « trois
la composent, cinq l‘éclairent, sept la rendent
juste et parfaite ». La
Secrétaire est une des 5 qui éclairent la Loge.
La Mémoire est en effet une des lumières de la
Maçonnerie. La Mémoire est un devoir
auquel nous nous engageons envers
l’Humanité. Mais il importe que cette
Mémoire soit fiable (tout) et vigilante
(doit) afin que nos valeurs, celles que nous nous
sommes engagées à défendre, fut-ce au
péril de notre vie, soient sauvegardées.
Dès le banc du septentrion, dans le silence nous nous
imprégnons du savoir, du rituel, de la gestuelle, nous nous
enrichissons des planches de chacune et du débat qui les
suit. La Mémoire est
l’élément commun aux trois
générations maçonniques qui composent
l’Atelier. Mémoire, chaîne
d’Union entre le passé et l’avenir, elle
soude et relie les générations. A chaque tenue
nous accumulons des richesses qu’il nous faudra transmettre
à celles qui vont nous rejoindre comme vous, nos
aînées, l’avez fait pour
toutes celles qui nous ont précédées
et comme vous le faites pour nous. Nous avons à
« la Chaîne d’Union »
la grande chance d’avoir sur nos colonnes quelques unes des
Sœurs fondatrices de l’Atelier, elles
même ont connu les débuts de notre
Obédience (quand le convent tenait dans cette
pièce !). Elles sont en quelque sorte notre
Mémoire vivante tant au niveau de la Loge que de
l’Obédience.
Alors, mes Sœurs exerçons notre mémoire
avec vigilance pour que survive le groupe de la Maçonnerie
Universelle.
J’ai dit
C\ C\
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