GLDF Loge : Le Voile d'Isis - Orient d'Evry Corbeil 09/01/2012

Cette planche s'accompagne de la chanson : "Le Temps des Cerises" par Yves Montant

Jean Batiste Clément

 ou

La fraternité en chanson


Le Second surveillant que je suis à eu envie de quitter momentanément l’étude des symboles ainsi que des rituels pour aller à la découverte d’un personnage historique hors du commun et de vous entrainer dans le 19éme siècle, début de la révolution industrielle.

Je vais tenter de soulever le voile de celui qui à écrit une chanson très connue, que nous connaissons tous et avons fredonnée, mais dont la plupart ignorent son auteur, son histoire, un personnage hors du commun, un homme d’une grande humanité.

De fait, la chanson que vous allez entendre n’est qu’une facette de cet homme ayant consacré sa vie entièrement aux autres, surtout les plus faibles.

Cette synthèse vous convie à découvrir son œuvre humaniste, et souhaite qu’elle provoque en vous le même enthousiasme que j’ai éprouvé lors de mes recherches.

                                      Musique !...

Sa célébrité ayant été acquise, auteur de nombreuses comptines et chansons, en particulier « le Temps des Cerises », Jean Baptiste Clément reste pour beaucoup  un inconnu et pourtant de nombreuses rues et places en France portent son nom.

Curieusement, « le Temps des Cerises », délicieux poème d’amour est devenu en passant à la postérité, un chant révolutionnaire, emblème du sort tragique d’une partie de la population ouvrière parisienne massacrée par l’armée Versaillaise.

Qui fut donc Jean Baptiste Clément que les F:. M:. revendiquent à juste titre comme l’un des leurs ?

L’auteur du « Temps des Cerises », en effet a été Franc-maçon les 5 dernières   années de sa vie, de son initiation en 1898 à sa disparition en 1903.

Pour me rapprocher fraternellement de celui que je vais vous conter, me permettre la familiarité de le nommer tout au long de mon récit, Jean Baptiste…

Histoire…
Il y avait sur la Seine au début du XIX siècle, au lieu dit « La gare du port » à Boulogne Billancourt, un moulin-bateau amarré au dixième pilier du pont de Saint-Cloud, étrange bâtiment construit sur pilotis, flanqué d’une grosse roue de moulin et soutenant une maison d’habitation.
C’est dans cette singulière demeure, dans la nuit du 30 mai 1836 qu’à la lueur des bougies, naquit Jean Baptiste Clément. Il était l’enfant d’un jeune couple :

Le meunier, son père Jean-Baptiste Clément venait de prendre en charge le moulin, n’était âgé que de 23 ans et sa mère, Marie-Thérèse Compoint à peine 20 !

Arrivé précocement dans ce ménage, cette naissance ne fut pas accueillie dans la joie. De plus l’enfant venait au monde avec un défaut dans le regard, un strabisme de l’œil gauche.
Appartenant à des familles aisées et ayant le sentiment de faire partie de la petite bourgeoisie de l’époque, les époux Clément en observèrent les traditions.
Le 6 juin 1836, en présence de nombreux membres de sa famille, l’enfant fut baptisé à l’église Notre-Dame de Boulogne ; on lui donna les deux prénoms de sont père et, après le fête familiale, comme il en était l’usage dans les familles disposant de certains revenus, on le plaça chez une nourrice du Morvan…

Lors de la réfection du pont de Saint-Cloud, en 1842 la direction des Ponts et Chaussées, estimant que l’amarrage du moulin-bateau menaçait la solidité de l’ouvrage, somma le Maître-meunier Clément de quitter les lieux.

Abandonnant définitivement Boulogne ce dernier vint s’installer au centre de Paris, près des Halles, ou il ouvrit un commerce de graineterie qui s’avéra particulièrement prospère.
J B, dans son enfance, ne fut guère gâté sur le plan affectif, n’ayant bénéficié que de peu d’affection chez sa mère nourricière, il n’en trouva pas davantage à son retour chez ses parents. Ceux-ci trouvant sa présence encombrante, s’empressèrent de le faire admettre en qualité d’interne dans un pensionnat  parisien rue Buffault.
Dans cette institution ou le directeur estimait que la connaissance constituait l’élément essentiel pour l’émancipation des hommes, Jean Baptiste fit de bonnes études.

À 14 ans, ses études primaires terminées, J.B sortit donc de son pensionnat en possession d’un solide fond de connaissances élémentaires, d’une bonne pratique du français et d’un très vif désir d’apprendre.

Mais ses parents, le considérant comme suffisamment instruit estimèrent qu’il était en âge de travailler.
Chez les Clément ou l’on était meunier de père en fils on ne pouvait lui proposer qu’un travail de minoterie, ce qu’il refusa obstinément.
Sa mère décida de le placer en apprentissage chez un artisan « tourneur de cuivre », ou il exercera le métier de garnisseur de cuivre, métier qu’il qualifiait lui-même de « plus insignifiant » de tous les métiers.

Pendant 5 ans J.B travailla chez cet artisan.

S’insurgeant contre l’autorité paternelle et devenant rebelle à toutes entraves, à l’âge de 19 ans, il rompit brusquement les liens professionnels et familiaux.
Il travaillera  en qualité de terrassier, dans une sablière à Argenteuil pour la construction du viaduc de Nogent, il sera là confronté aux conditions de travail que l’on imposait aux ouvriers et connaîtra la misère. Il sombra dans le désespoir et songera au suicide.
Il avait pourtant dans son enfance vécu des jours heureux : c’était chez ses grands-parents paternel, ou ses parents l’envoyaient régulièrement pendant les vacances.
Ils étaient les seules personnes de la famille qui lui eurent prodigué des marques de tendresse et d’amour, et dans sa détresse c’est auprès d’eux, qu’après une année d’errance et de vagabondage il alla chercher refuge, dans l’île du Chatelier, au milieu de la Seine ou se trouvait leur moulin, dit le « Moulin de Cage ». Un bac assurait la traversée pour livrer le grain et ramener la farine.
C’est alors que le grand-père de J.B eut l’idée d’acquérir à proximité de son moulin une grande parcelle de terrain et d’y faire construire un restaurant tenu par sa femme, à l’enseigne de « la Bellangère » qui deviendra la guinguette du « Moulin de Cage ».
Les artistes parisiens, poètes, musiciens ou peintres devinrent rapidement les habitués de l’établissement ; aux repas on buvait bien, on discutait, on chantait, « on allait cueillir des pendants d’oreilles…au temps des cerises. »

C’est dans ce contexte que J.B retrouva le goût de vivre, se fit des amis parmi les artistes et découvrit sa vocation.

Très sensible aux mystères de la nature, il éprouvait dans l’ile des sensations très vives.
Au cours de ses dernières années de pensionnat, il avait, comme le font beaucoup d’adolescents, composé des poèmes exprimant sa solitude.
Pour J.B qui n’avait bénéficié que d’un enseignement primaire, ce fut une énorme découverte…
Il fut pris par la passion du livre, se donne une culture d’autodidacte lisant Balzac, Flaubert, Hugo, Dickens avant de découvrir Proudhon puis Marx.

Ses lectures, ses rencontres le conduisirent à exprimer lui-même ses besoins d’amour et de liberté.

Les artistes qui fréquentaient et chantaient dans la guinguette lui montraient la voie. Son séjour au « Moulin de Cage » fixa son destin.
De sa grand-mère, la Charlotte, il écrira quelques trente ans plus tard avec émotion…
                       - J’étais son enfant gâté. Elle m’a laissé son souvenir.
                       - je l’ai enfoui dans mon cœur et caché comme un trésor.
A l’époque Montmartre était le lieu préféré de la jeunesse romantique avait conservé son caractère villageois.
Vivre un grand amour dans une chambrette de Montmartre devint le rêve de notre jeune poète épris de liberté.
En 1859, il s’y installa au dernier étage d’une maison de la rue du télégraphe.

La poésie étant devenue une passion il passait de longs moments à chercher des rimes et commence à composer poèmes et chansons.

Afin de gagner quelques argents, il chercha du travail et en trouva chez un marchand de vin.
Plus tard il avoua toutefois avoir à cette époque souffert souvent de la faim et tout en affirmant son courage, il se plaignait de sa solitude.
On peut aussi penser qu’il souffrait intimement de son strabisme qui l’isolait, lui donnant l’impression parfois de n’être pas tout à fait comme les autres. Un sentiment qui le poursuivra toute sa vie.

La chance allait toutefois lui sourire lorsqu’un de ses amis le présenta à un éditeur connu. Celui-ci trouva que dans le domaine de la chansonnette, il était porteur d’un certain talent et lui accorda sa confiance, édita trois chansons.

A ce sujet je cite J.B :
« Je fis des chansons que j’ai appelées des morceaux de pain »…

L’année 1866 marqua un tournant dans sa vie de chansonnier.

Il avait rencontré à Paris une jeune couturière, de trois ans sa cadette, qui partageait ses idées, s’attachait à lui et répondait au joli nom d’Isoline Marcillac, ils s’installent à Montmartre.
Très tôt Isoline se trouva enceinte et le 7 octobre 1866, J.B devint père d’une petite fille, Madeleine.
                           -J’en arrive à la naissance de la chanson en 1866.
                                  « Le Temps des Cerises »
Initialement poème d’amour écrit en 1866, petit chef-d’œuvre qui allait l’immortaliser.
Exilé à Bruxelles en novembre 1867 pour avoir écrit la chanson « Quatre-vingt-neuf », considérée comme une offense à l’Empereur Napoléon III…..c’est dans cette ville qu’il apprit que le directeur du théâtre ‘le Casino’ cherchait un parolier. Ayant été retenu, il y rencontra Antoine Renard, ténor et musicien,  avec qui il devint ami.
Il faisait très froid à Bruxelles, son amis Renard sachant qu’il était désargenté lui donna une pelisse, J.B pour le remercier lui échangea « en toute propriété » son poème d’amour « le temps des cerises ».

De retour à Paris en avril 1868 J.B apprit que son ami Renard ayant mis en musique son poème, qu’il interprétait à Bruxelles, obtenais un succès sans précédent.

Flatté J.B n’en réclama pas les droits... ! et tira pour la chaude pelisse qu’il déposa en gage au monde de Piété pour obtenir 14 Francs !!
Les heures de bonheur sont souvent brèves. Les beaux jours de vie commune avec Isoline ne durèrent hélas guère plus d’une année.
Ne pouvant plus payer l’intégralité de son loyer J.B fut assigné devant un tribunal qui prononça son expulsion du logement. Il se retrouva à la rue avec femme et enfant.
Dans sa détresse, il ne fît pas appel à sa riche famille.

Il exerce plusieurs autres métiers dont journaliste, il est condamné pour offenses à l’Empereur Napoléon III, pour provocation à « commettre des crimes », il est emprisonné à la prison sainte Pélagie jusqu'à la chute de Second Empire suite au soulèvement républicain du 4 Sep. 1870.

Membre de la garde nationale, il participa aux différentes combats contre les Prussiens dans le 129ème bataillon de marche, prendra part aux journées du 30 octobre 1870, du 22 janvier et du 18 mars 1871.
Le 26 mars 1871, il est élu à la mairie du XVIIIème arrondissement, il sera le successeur de Clémenceau.
Il sera membre de la commission des services publics et des subsistances.
La 16 avril, il est nommé délégué à la fabrication des munitions, puis le 21 avril à la commission de l’enseignement.
Ayant combattu sur les barricades pendant la semaine sanglante, il écrit peu après la chanson « La semaine Sanglante », qui dénonce la violente répression contre les communards. Un véritable génocide, (trois fois plus de morts qu’à la Saint-Barthélemy), d’atroces événements qu’on a voulu dissimuler qui restent comme une affreuse éclipse de la conscience dans l’histoire de notre pays, et pour moi d’évoquer, sans plus de détails, le mur des fédérés…

Dans le journal  « le cri du peuple », il proteste contre la fermeture de certains journaux d’opposition à la commune.

Condamné à mort par contumace le 24 octobre 1874, il réussi à fuir Paris, se réfugie à Londres, d’ou il poursuit son combat en attendant l’amnistie générale de 1880.
Revenons au sujet qui nous intéresse, qui s’attache au personnage de J.B ainsi que de sa célèbre chanson.
Le temps des cerises n’est pas une chanson maçonnique, mais elle fut « accaparée » par la Franc-maçonnerie 32 années plus tard.
Ce poème d’amour a curieusement acquits l’immortalité parce que associé ultérieurement au sort de ceux qui ayant connu l’espoir de faire sortir le petit peuple de la misère, furent ensuite massacrés par l’armée Versaillaise durant les journées sanglantes de la commune.
Il dédiera plus tard cette chanson à une ambulancière de la commune dénommée Louise.

Son combat ne fut pas celui d’un modeste poète, mais d’un ardent défenseur de la laïcité, républicain convaincu qui se consacra entièrement à la lutte contre la misère, à la défense du monde du travail, sa foi en un avenir meilleur pour l’humanité.
Par la suite  il défendra la cause de l’émancipation des femmes.

Analyse de la chanson


Une raison stylistique explique cette assimilation du « Temps des Cerises » au souvenir de la commune de paris : son texte suffisamment imprécis qui parle d’une plaie ouverted’un souvenir que je garde au cœurde cerises d’amour…tombant en gouttes de sang. Ces mots peuvent aussi bien évoquer une révolution qui a échoué qu’un amour perdu. On est tenté de voir là une métaphore poétique parlant d’une révolution en évitant directement les cerises représentant les impacts de balles, auxquelles il est fait allusion sous l’image des « belles » qu’il vaut mieux éviter. La coïncidence chronologique fait aussi que la semaine sanglante fin mai 1871 se déroule justement durant la saison des cerises. Les cerises renvoient aussi au sucre et à l’été, et donc à un contexte joyeux voire festif. Ainsi la chanson véhicule une certaine nostalgie et une certaine idée de gaité populaire.

Ainsi d’interpréter les cerises d’amour, vermeilles, aux robes pareilles, tombant sous la feuille  évoquent le sang répandu sur le sol parisien pendant la commune de Paris…Plus de vingt-cinq mille victimes, hommes, femmes et enfants, un monde modeste qui rêvait simplement de sortir de la misère.
Le but de ce travail n’est pas de vous relater les événements tragiques qui ont eu lieu à ce moment de l’histoire, mais de placer l’auteur de la chanson
« Le Temps des Cerises » dans son contexte historique.

Donc, 32 ans après avoir écrit son célèbre poème, il fut initié Franc-maçon à l’âge de 62 ans le 28 octobre 1898, à la Loge "Les Rénovateurs" à l’Orient de Clichy, loge qui lui confère les grades de Compagnon, et de Maître le 6 juillet 1901. Il sera également membre de la loge « La Raison » puis de la loge « L’Évolution sociale »

Il est meurt à Paris le 23 février 1903.

Le conseil municipal de paris lui ayant voté l’octroi d’une concession perpétuelle, il fut inhumé au cimetière du Père Lachaise près du mur des Fédérés, entre 4 et 5 mille personnes assistèrent à la cérémonie.
 
Le Frère Sincholle de la loge « les rénovateurs » prendra la parole :

« Le souvenir d’un tel homme ne s’effacera jamais, la distance et le temps le rende plus cher encore à ceux qui purent apprécier toutes les qualités foncièrement bonnes de son cœur de poète. »
Une délégation de la loge « l’évolution sociale » était également présente.

Son souvenir revient lorsque qu’on évoque « Le Temps des Cerises », cette chanson qu’Yves Montant une centaine d’années après sa création, a repris dans son répertoire et interprétée avec son magnifique talent.

Vénérable maître, J’ai dit…     

Musique...

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