Obédience : NC | Loge : NC | 15/08/1832 |
SS GREGORIUS XVI
Mirari Vos LETTRE ENCYCLIQUE DE N. S. P. LE PAPE GRÉGOIRE XVI À tous les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques VÉNÉRABLES FRÈRES Salut et bénédiction apostolique De balneis Etruriae Grégoire XVI –
254éme
Pape - 02/02/1831 – 01/06/1846
Vous
êtes
sans doute étonnés que, depuis le jour
où le fardeau du gouvernement de toute
l’Église a été
imposé à notre faiblesse, nous ne vous ayons pas
encore adressé
nos lettres comme l’auraient demandé, soit la
coutume introduite même dès les
premiers temps, soit notre affection pour vous.
C’était bien, il est vrai, le
plus ardent de nos vœux de vous ouvrir tout d’abord
notre cœur, et de vous
faire entendre, dans la communion de l’esprit, cette voix
avec laquelle, selon
l’ordre reçu par nous dans la personne du
bienheureux Pierre nous devons
confirmer nos frères (LUC. XXII, 32). Mais vous savez assez quels
maux, quelles calamités, quels orages nous ont assailli
dès les premiers
instants de notre Pontificat, comment nous avons
été lancé tout à coup au
milieu des tempêtes, ah ! si la droite du Seigneur
n’avait manifesté sa
puissance, vous auriez eu la douleur de nous y voir englouti, victime
de
l’affreuse conspiration des impies. Notre
cœur se refuse à renouveler, par le triste tableau
de tant de périls, la douleur
qu’ils nous ont causée, et nous
bénissons plutôt le Père de toute
consolation
d’avoir dispersé les traîtres, de nous
avoir arraché au danger imminent et de
nous avoir accordé en apaisant la plus terrible
tempête de respirer après une
si grande crainte. Nous nous proposâmes aussitôt de
vous communiquer nos
desseins pour la guérison des plaies
d’Israël, mais le poids énorme de soucis
dont nous fûmes accablé pour le
rétablissement de l’ordre public, retarda
encore l’exécution. À
ce
motif de silence, s’en joignit un nouveau :
l’insolence des factieux qui
s’efforcèrent de lever une seconde fois
l’étendard de la rébellion.
À la vue de
tant d’opiniâtreté de leur part en
considérant que leur fureur sauvage, loin de
s’adoucir, semblait plutôt s’aigrir et
s’accroître par une trop longue impunité
et par les témoignages de notre paternelle indulgence, nous
avons dû enfin,
quoique l’âme navrée de douleur, faire
usage de l’autorité qui nous a
été
confiée par Dieu, les arrêter la verge
à la main (I
Cor. IV, 21), et
depuis, comme vous pouvez bien conjecturer, notre
sollicitude et nos fatigues n’ont fait qu’augmenter
de jour en jour. Mais
puisque, après des retards nécessités
par les mêmes causes, nous avons pris
possession du Pontificat dans la Basilique de Latran, selon
l’usage et les
institutions de nos prédécesseurs, nous courons
à vous sans aucun délai,
vénérables Frères, et comme un
témoignage de nos sentiments pour vous, nous
vous adressons cette lettre écrite en ce jour
d’allégresse, où nous
célébrons,
par une fête solennelle, le triomphe de la très
sainte Vierge, et son entrée
dans les cieux. Nous avons ressenti sa protection et sa puissance au
milieu des
plus redoutables calamités : Ah !
qu’elle daigne nous assister aussi
dans le devoir que nous remplissons envers vous, et inspirer
d’en haut à notre
âme les pensées et les mesures qui seront les plus
salutaires au troupeau de
Jésus-Christ ! C’est il est vrai, avec
une profonde douleur et l’âme
accablée de tristesse, que nous venons à
vous ; car nous connaissons votre
zèle pour la religion et les cruelles inquiétudes
que vous inspire le malheur
des temps où elle est jetée. Nous pouvons dire en
toute vérité, c’est
maintenant l’heure accordée à la
puissance des ténèbres pour cribler, comme le
froment, les enfants d’élection (LUC. XXII, 53). « La terre est
vraiment
dans le deuil ; elle se dissout, infectée par ses
habitants ; ils ont
en effet transgressé les lois, changé la justice
et rompu le pacte
éternel » (ISAI. XXIV, 5). Nous vous parlons,
vénérables
Frères, de maux que vous voyez de vos yeux, et sur lesquels
par conséquent nous
versons des larmes communes. La perversité, la science sans
pudeur, la licence
sans frein s’agitent pleines d’ardeur et
d’insolence ; la sainteté des
mystères n’excite plus que le mépris,
et la majesté du culte divin, si
nécessaire à la foi et si salutaire aux hommes,
est devenue, pour les esprits
pervers, un objet de blâme, de profanation, de
dérision sacrilège. De là, la
sainte doctrine altérée et les erreurs de toute
espèce semées partout avec scandale.
Les rites sacrés, les droits, les institutions de
l’Église, ce que sa
discipline a de plus saint, rien n’est plus à
l’abri de l’audace des langues
d’iniquité. On persécute cruellement
notre Chaire de Rome, ce Siège du
bienheureux Pierre sur lequel le Christ a posé le fondement
de son
Église ; et les liens de
l’unité sont chaque jour affaiblis de plus en
plus, ou rompus avec violence. La divine autorité de
l’Église est
attaquée ; on lui arrache ses droits ; on
la juge d’après des considérations
toutes terrestres, et à force d’injustice, on la
dévoue au mépris des peuples,
on la réduit à une servitude honteuse.
L’obéissance due aux évêques
est
détruite et leurs droits sont foulés aux pieds. On
entend retentir les académies et les universités
d’opinions nouvelles et
monstrueuses ; ce n’est plus en secret ni sourdement
qu’elles attaquent la
foi catholique ; c’est une guerre horrible et impie
qu’elles lui déclarent
publiquement et à découvert. Or dès
que les leçons et les examens des maîtres
pervertissent ainsi la jeunesse, les désastres de la
religion prennent un
accroissement immense, et la plus effrayante immoralité
gagne et s’étend.
Aussi, une fois rejetés les liens sacrés de la
religion, qui seuls conservent
les royaumes et maintiennent la force et la vigueur de
l’autorité, on voit
l’ordre public disparaître,
l’autorité malade, et toute puissance
légitime
menacée d’une révolution toujours plus
prochaine. Abîme de malheurs sans fonds,
qu’ont surtout creusé ces
sociétés conspiratrices dans lesquelles les
hérésies
et les sectes ont, pour ainsi dire, vomi comme dans une
espèce de sentine, tout
ce qu’il y a dans leur sein de licence, de
sacrilège et de blasphème. Telles
sont, vénérables Frères, avec beaucoup
d’autres encore et peut-être plus
graves, qu’il serait aujourd’hui trop long de
détailler et que vous connaissez
tous, les causes qui nous condamnent à une douleur cruelle
et sans relâche,
puisqu’établi sur la Chaire du Prince des
Apôtres, nous devons plus que
personne être dévoré du zèle
de la maison de Dieu tout entière. Mais la place
même que nous occupons nous avertit qu’il ne suffit
pas de déplorer ces
innombrables malheurs, si nous ne faisons aussi tous nos efforts pour
en tarir
les sources. Nous réclamons donc l’aide de votre
foi, et pour le salut du
troupeau sacré nous faisons un appel à votre
zèle, vénérables Frères,
vous dont
la vertu et la religion si connues, vous dont l’admirable
prudence et la
vigilance infatigable augmentent notre courage et répandent
le baume de la
consolation dans notre âme affligée par tant de
désastres. Car c’est à nous
d’élever la voix, d’empêcher
par nos efforts réunis que le sanglier de la forêt
ne bouleverse la vigne et que les loups ne ravagent le troupeau du
Seigneur.
C’est à nous de ne conduire les brebis que dans
des pâturages qui leur soient
salutaires et où l’on n’ait pas
à craindre pour elles une seule herbe
malfaisante. Loin de nous donc, nos très chers
Frères, au milieu de fléaux, de
dangers si multipliés et si menaçants, loin de
nous l’insouciance et les craintes
de pasteurs qui abandonneraient leurs brebis ou qui se livreraient
à un sommeil
funeste sans aucun souci de leur troupeau ! Agissons en
unité d’esprit
pour notre cause commune, ou plutôt pour la cause de
Dieu ; et contre de
communs ennemis unissons notre vigilance, pour le salut de tout le
peuple,
unissons nos efforts. C’est
ce
que vous ferez parfaitement si, comme votre charge vous en fait un
devoir, vous
veillez sur vous et sur la doctrine, vous redisant sans cesse
à vous-mêmes que
« toute nouveauté bat en
brèche l’Église
universelle » (S. Cœlest. PP. Ep. XXI ad
Episc. Galliar.), et d’après
l’avertissement du
saint pape Agathon, « rien de ce qui a
été régulièrement
défini ne
supporte ni diminution, ni changement, ni addition, repousse toute
altération
du sens et même des paroles.” (S. Agath. PP. Ep.
ad Imp. apud
Labb. tom. XI,
pag. 235. edit. Mansi)
C’est ainsi que demeurera
ferme, inébranlable, cette unité qui repose sur
le Siège de saint Pierre comme
sur sa base ; et le centre d’où
dérivent, pour toutes les églises, les
droits sacrés de la communion catholique,
« sera aussi pour toutes un mur
qui les protégera, un asile qui les couvrira, un port qui
les préservera du
naufrage et un trésor qui les enrichira de biens
incalculables. » (S. Innocent. PP. Ep. XI, apud Coustant) Ainsi donc pour réprimer
l’audace de ceux qui s’efforcent, ou
d’anéantir les droits du Saint-Siège,
ou
d’en détacher les églises dont il est
le soutien et la vie, inculquez sans
cesse aux fidèles de profonds sentiments de confiance et de
respect envers lui,
faites retentir à leurs oreilles ces paroles de saint
Cyprien :
« C’est une erreur de croire
être dans l’Église lorsqu’on
abandonne le
Siège de Pierre, qui est le fondement de
l’Église. » (S. Cyp. de Unitate Eccles.) Le
but
de vos efforts et l’objet de votre vigilance continuelle,
doit donc être de
garder le dépôt de la foi au milieu de cette vaste
conspiration d’hommes impies
que nous voyons, avec la plus vive douleur, formée pour le
dissiper et le
perdre. Que tous s’en souviennent : le jugement sur
la saine doctrine dont
on doit nourrir le peuple, le gouvernement et
l’administration de l’Église
entière appartiennent au Pontife romain,
« à qui a été
confié, par
Notre-Seigneur Jésus-Christ », comme
l’ont si clairement déclaré les
Pères
du concile de Florence, « le plein pouvoir de
paître, de régir et de
gouverner l’Église
universelle » (Conc. Flor. sess. XXV, in
definit. apud Labb. tom XVIII, col. 528. edit. Venet.). Quant aux
évêques en particulier, leur devoir est de rester
inviolablement attachés à la Chaire de Pierre, de
garder le saint dépôt avec
une fidélité scrupuleuse, et de paître
le troupeau de Dieu qui leur est soumis.
Pour les prêtres, il faut qu’ils soient soumis aux
évêques et « qu’ils
les
honorent comme les pères de leurs
âmes » (S.
Hieron. Ep. 3, ad Nepot, a. I, 24), selon l’avis de saint
Jérôme ; qu’ils
n’oublient jamais
qu’il leur est défendu, même par les
anciens Canons, de rien faire dans le
ministère qui leur a été
confié, et de prendre sur eux la charge
d’enseigner et
de prêcher, « sans l’approbation
de l’évêque, à qui le soin
des fidèles a
été remis et qui rendra compte de leurs
âmes. » (Ex can. Ap.
XXXVIII,
apud Labb. tom. I, pag. 38, edit. Mansi) Qu’on tienne enfin pour
une
vérité certaine et incontestable, que tous ceux
qui cherchent à troubler en
quoi que ce soit cet ordre ainsi établi,
ébranlent autant qu’il est en eux la
constitution de l’Église. Ce
serait donc un attentat, une dérogation formelle au respect
que méritent les
lois ecclésiastiques, de blâmer, par une
liberté insensée d’opinion, la
discipline que l’Église a consacrée,
qui règle l’administration des choses
saintes et la conduite des fidèles, qui détermine
les droits de l’Église et les
obligations de ses ministres, de la dire ennemie des principes certains
du
droit naturel, incapable d’agir par son imperfection
même, ou soumise à
l’autorité civile. Mais
puisqu’il est certain, pour nous servir des paroles des
Pères de Trente, que
« l’Église a
été instruite par Jésus-Christ et par
ses Apôtres, et que
l’Esprit Saint, par une assistance de tous les jours, ne
manque jamais de lui
enseigner toute vérité » (Conc. Trid.
sess. XIII, decr. de Eucharist in prœm.), c’est le comble de
l’absurdité et de l’outrage envers
elle de prétendre qu’une restauration et
qu’une régénération lui sont
devenues
nécessaires pour assurer son existence et ses
progrès, comme si l’on pouvait
croire qu’elle aussi fût sujette, soit à
la défaillance, soit à
l’obscurcissement, soit à toute autre
altération de ce genre. Et que veulent
ces novateurs téméraires, sinon
« donner de nouveaux fondements à une
institution qui ne serait plus, par là même, que
l’ouvrage de l’homme » et
réaliser ce que saint Cyprien ne peut assez
détester, « en rendant
l’Église toute humaine de divine qu’elle
est ? » (S. Cyp. Ep. LII,
edit.
Baluz.)
Mais que
les auteurs de semblables manœuvres sachent et retiennent
qu’au seul Pontife Romain, d’après le
témoignage de saint Léon « a
été
confié la dispensation des Canons », que
lui seul, et non pas un simple particulier,
a le pouvoir de prononcer « sur les
règles sanctionnées par les
Pères », et qu’ainsi, comme le
dit saint Gélase, « c’est
à lui de
balancer entre eux les divers décrets des Canons, et de
limiter les ordonnances
de ses prédécesseurs, de manière
à relâcher quelque chose de leur rigueur et
à
les modifier après mûr examen, selon que le
demande la nécessité des temps,
pour les nouveaux besoins des églises » (S.
Gelasius PP. in Ep. ad Episcop. Lucaniæ). Nous
réclamons ici la constance de votre zèle en
faveur de la Religion contre les
ennemis du célibat ecclésiastique, contre cette
ligue impure qui s’agite et
s’étend chaque jour, qui se grossit même
par le mélange honteux de plusieurs
transfuges de l’ordre clérical et des plus
impudents philosophes de notre
siècle. Oublieux d’eux-mêmes et de leur
devoir, jouets de passions séductrices,
ces transfuges ont poussé la licence au point
d’oser, en plusieurs endroits,
présenter aux princes des requêtes, même
publiques et réitérées, pour obtenir
l’abolition de ce point sacré de discipline. Mais
nous rougissons d’arrêter
longtemps vos regards sur de si honteuses tentatives, et plein de
confiance en
votre religion, nous nous reposons sur vous du soin de
défendre de toutes vos
forces, d’après les règles des saints
Canons, une loi de si haute importance,
de la conserver dans toute son intégrité, et de
repousser les traits dirigés
contre elle de tous côtés par des hommes que
tourmentent les plus infâmes
passions. Un
autre
objet appelle notre commune sollicitude, c’est le mariage des
chrétiens, cette
alliance honorable que saint Paul a appelée
« un grand Sacrement en
Jésus-Christ et en son
Église » (Ad Hebr.
XIII, 4).
Étouffons
les opinions hardies et les innovations
téméraires qui pourraient compromettre
la sainteté de ses liens et leur indissolubilité.
Déjà cette recommandation
vous avait été faite d’une
manière toute particulière par les Lettres de
notre
prédécesseur Pie VIII, d’heureuse
mémoire. Cependant les attaques de l’ennemi
vont toujours croissant ; il faut donc avoir soin
d’enseigner au peuple
que le mariage, une fois légitimement contracté,
ne peut plus être
dissous ; que Dieu a imposé aux époux
qu’il a unis l’obligation de vivre
en perpétuelle société, et que le
nœud qui les lie ne peut être rompu que par
la mort. N’oubliant jamais que le mariage est
renfermé dans le cercle des
choses saintes et placé par conséquent sous la
juridiction de l’Église, les
fidèles auront sous les yeux les lois
qu’elle-même a faites à cet
égard ;
ils y obéiront avec un respect et une exactitude religieuse,
persuadés que, de
leur exécution, dépendent absolument les droits,
la stabilité et la légitimité
de l’union conjugale. Qu’ils se gardent
d’admettre en aucune façon rien de ce
qui déroge aux règles canoniques et aux
décrets des conciles ; sachant
bien qu’une alliance sera toujours malheureuse,
lorsqu’elle aura été formée,
soit en violant la discipline ecclésiastique, soit avant
d’avoir obtenu la
bénédiction divine, soit en ne suivant que la
fougue d’une passion qui ne leur
permet de penser ni au sacrement, ni aux mystères augustes
qu’il signifie. Nous
venons maintenant à une cause, hélas !
trop féconde des maux déplorables
qui affligent à présent
l’Église. Nous voulons dire
l’indifférentisme, ou cette
opinion funeste répandue partout par la fourbe des
méchants, qu’on peut, par
une profession de foi quelconque, obtenir le salut éternel
de l’âme, pourvu
qu’on ait des mœurs conformes à la
justice et à la probité. Mais dans une
question si claire et si évidente, il vous sera sans doute
facile d’arracher du
milieu des peuples confiés à vos soins une erreur
si pernicieuse. L’Apôtre nous
en avertit : « Il n’y a
qu’un Dieu, qu’une foi, qu’un
baptême »
(Ad Ephes. IV, 5) ; qu’ils
tremblent donc ceux qui s’imaginent que
toute religion conduit par une voie facile au port de la
félicité ; qu’ils
réfléchissent sérieusement sur le
témoignage du Sauveur lui-même :
« qu’ils sont contre le Christ
dès lors qu’ils ne sont pas avec le
Christ » (LUC.
XI, 23) ;
qu’ils dissipent
misérablement par là même
qu’ils n’amassent point avec lui, et que par
conséquent, « ils périront
éternellement, sans aucun doute, s’ils ne
gardent pas la foi catholique et s’ils ne la conservent
entière et sans
altération » (Symb. S. Athanas.). Qu’ils
écoutent saint Jérôme
racontant lui-même, qu’à
l’époque où
l’Église était partagée en
trois partis,
il répétait sans cesse et avec une
résolution inébranlable, à qui faisait
effort pour l’attirer à lui :
« Quiconque est uni à la chaire de
Pierre est avec moi » (S. Hier. Ep. LVIII). En vain essayerait-on de se
faire illusion en disant que soi-même aussi on a
été
régénéré dans
l’eau, car
saint Augustin répondrait
précisément : « Il
conserve aussi sa forme,
le sarment séparé du cep ; mais que lui
sert cette forme, s’il ne vit point
de la racine ? » (S. Aug. in
Psal. contra part. Donat.) De
cette
source empoisonnée de
l’indifférentisme, découle cette maxime
fausse et absurde
ou plutôt ce délire : qu’on
doit procurer et garantir à chacun la liberté
de conscience ; erreur des plus contagieuses, à
laquelle aplanit la voie
cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour
la ruine de l’Église
et de l’État, va se répandant de toutes
parts, et que certains hommes, par un
excès d’impudence, ne craignent pas de
représenter comme avantageuse à la religion.
Eh ! « quelle mort plus funeste pour les
âmes, que la liberté de
l’erreur ! » disait saint
Augustin (S.
Aug. Ep. CLXVI).
En
voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les
retenir dans les
sentiers de la vérité,
entraînés qu’ils sont
déjà à leur perte par un naturel
enclin au mal, c’est en vérité que nous
disons qu’il est ouvert ce « puits
de l’abîme » (Apoc. IX, 3), d’où saint
Jean vit monter une
fumée qui obscurcissait le soleil, et des sauterelles sortir
pour la
dévastation de la terre. De là, en effet, le peu
de stabilité des
esprits ; de là, la corruption toujours croissante
des jeunes gens ;
de là, dans le peuple, le mépris des droits
sacrés, des choses et des lois les
plus saintes ; de là, en un mot, le
fléau le plus funeste qui puisse
ravager les États ; car
l’expérience nous l’atteste et
l’antiquité la plus
reculée nous l’apprend : pour amener la
destruction des États les plus
riches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus florissants, il
n’a
fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette
licence des discours
publics, cette ardeur pour les innovations. À
cela
se rattache la liberté de la presse, liberté la
plus funeste, liberté
exécrable, pour laquelle on n’aura jamais assez
d’horreur et que certains
hommes osent avec tant de bruit et tant d’insistance,
demander et étendre
partout. Nous frémissons, vénérables
Frères, en considérant de quels monstres
de doctrines, ou plutôt de quels prodiges d’erreurs
nous sommes accablés ;
erreurs disséminées au loin et de tous
côtés par une multitude immense de
livres, de brochures, et d’autres écrits, petits
il est vrai en volume, mais
énormes en perversité, d’où
sort la malédiction qui couvre la face de la terre
et fait couler nos larmes. Il est cependant, ô
douleur ! des hommes emportés
par un tel excès d’impudence, qu’ils ne
craignent pas de soutenir opiniâtrement
que le déluge d’erreurs qui découle de
là est assez abondamment compensé par la
publication de quelque livre imprimé pour
défendre, au milieu de cet amas
d’iniquités, la vérité et la
religion. Mais c’est un crime assurément, et un
crime réprouvé par toute espèce de
droit, de commettre de dessein
prémédité un
mal certain et très grand, dans
l’espérance que peut-être il en
résultera
quelque bien ; et quel homme sensé osera jamais
dire qu’il est permis de
répandre des poisons, de les vendre publiquement, de les
colporter, bien plus,
de les prendre avec avidité, sous prétexte
qu’il existe quelque remède qui a
parfois arraché à la mort ceux qui s’en
sont servis ? Mais
bien différente a été la discipline de
l’Église pour l’extinction des mauvais
livres, dès l’âge même des
Apôtres. Nous lisons, en effet, qu’ils ont
brûlé
publiquement une grande quantité de livres (Act.
Apost. XIX).
Qu’il
suffise, pour s’en convaincre, de lire attentivement les lois
données sur cette
matière dans le Ve Concile de Latran
et la Constitution publiée peu
après par Léon X, notre
prédécesseur d’heureuse
mémoire, pour empêcher
« que ce qui a été
heureusement inventé pour l’accroissement de la
foi et
la propagation des arts utiles, ne soit perverti en un usage tout
contraire et
ne devienne un obstacle au salut des
fidèles » (Act. conc. Lateran. V. sess. X,
ubi refertur Const. Leonis X. Legenda est anterior Constitutio
Alexandri VI, Inter
multiplices, in qua multa ad rem). Ce fut aussi l’objet des
soins les plus vigilants des Pères
de Trente ; et pour apporter remède à un
si grand mal, ils ordonnèrent,
dans le décret le plus salutaire, la confection
d’un Index des livres qui
contiendraient de mauvaises doctrines (Conc.
Trid. sess. XVIII et XXV).
« Il faut combattre avec
courage », disait Clément
XIII, notre prédécesseur d’heureuse
mémoire, dans sa lettre encyclique sur la
proscription des livres dangereux, « il faut
combattre avec courage,
autant que la chose elle-même le demande, et exterminer de
toutes ses forces le
fléau de tant de livres funestes ; jamais on ne
fera disparaître la
matière de l’erreur, si les criminels
éléments de la corruption ne périssent
consumés par les flammes » (Lit. Clem. XIII, Christianæ,
25 nov. 1766.) Par
cette constante sollicitude avec laquelle, dans tous les
âges, le Saint Siège
Apostolique s’est efforcé de condamner les livres
suspects et dangereux et de les
arracher des mains des hommes, il apparaît clairement combien
est fausse,
téméraire, injurieuse au Siège
Apostolique, et féconde en grands malheurs pour
le peuple chrétien, la doctrine de ceux qui, non contents de
rejeter la censure
comme trop pesante et trop onéreuse, ont poussé
la perversité, jusqu’à
proclamer qu’elle répugne aux principes de la
justice et jusqu’à refuser
audacieusement à l’Église le droit de
la décréter et de l’exercer. Nous
avons appris que, dans des écrits répandus dans
le public, on enseigne des
doctrines qui ébranlent la fidélité,
la soumission due aux princes et qui
allument partout les torches de la sédition ; il
faudra donc bien prendre
garde que trompés par ces doctrines, les peuples ne
s’écartent des sentiers du
devoir. Que
tous
considèrent attentivement que selon
l’avertissement de l’Apôtre,
« il
n’est point de puissance qui ne vienne de Dieu ; et
celles qui existent
ont été établies par Dieu ;
ainsi résister au pouvoir c’est
résister à
l’ordre de Dieu, et ceux qui résistent attirent
sur eux-mêmes la
condamnation » (Ad. Rom. XIII, 2). Les droits divins et humains
s’élèvent donc contre les hommes, qui,
par les manœuvres les plus noires de la
révolte et de la sédition, s’efforcent
de détruire la fidélité due aux
princes
et de les renverser de leurs trônes. C’est
sûrement pour cette raison et pour ne pas se couvrir
d’une pareille honte, que
malgré les plus violentes persécutions, les
anciens chrétiens ont cependant toujours
bien mérité des empereurs et de
l’empire ; ils l’ont clairement
démontré,
non seulement par leur fidélité à
obéir exactement et promptement dans tout ce
qui n’était pas contraire à la
religion, mais encore par leur constance et par
l’effusion même de leur sang dans les combats.
« Les soldats
chrétiens », dit Saint Augustin,
« ont servi l’empereur
infidèle ; mais s’agissait-il de la cause
du Christ ? Ils ne
reconnaissaient plus que celui qui habite dans les cieux. Ils
distinguaient le
Maître éternel du maître temporel, et
cependant à cause du Maître éternel,
ils
étaient soumis au maître même
temporel » (S.
Aug. in Psalm. CXXIV, n. 7).
Ainsi pensait Maurice, l’invincible martyr, le chef de la
légion thébaine, lorsqu’au rapport de
saint Eucher, il fit cette réponse à
l’empereur : « Prince, nous
sommes vos soldats ; mais néanmoins
nous le confessons librement, les serviteurs de Dieu... Et maintenant
ce péril
extrême ne fait point de nous des rebelles ; voyez,
nous avons les armes à
la main, et nous ne résistons point, car nous aimons mieux
mourir que de
tuer » (S.
Eucher. apud Ruinart. Act. SS. MM. de SS. Maurit. et soc. n. 4). Cette
fidélité des anciens chrétiens envers
les princes
apparaît plus illustre encore, si l’on
considère, avec Tertullien, que la force
du nombre et des « troupes ne leur manquait pas
alors, s’ils eussent voulu
agir en ennemis déclarés. Nous ne sommes que
d’hier, dit-il lui-même, et nous
remplissons tout, vos villes, vos îles, vos forteresses, vos
municipes, vos
assemblées, les camps eux-mêmes, les tribus, les
décuries, le palais, le sénat,
le forum... À quelle guerre n’eussions-nous pas
été propres et disposés même
à
forces inégales, nous, qui nous laissons égorger
avec tant de facilité, si par
la foi que nous professons il n’était pas
plutôt permis de recevoir la mort que
de la donner ? Nombreux comme nous le sommes, si, nous
étant retirés dans
quelque coin du monde, nous eussions rompu avec vous, la perte de tant
de
citoyens, quel qu’eût été
leur caractère, aurait certainement fait rougir de
honte votre tyrannie. Que dis-je ? Cette seule
séparation eût été votre
châtiment. Sans aucun doute, vous eussiez
été saisis d’effroi à la vue
de votre
solitude... Vous eussiez cherché à qui
commander ; il vous fût resté plus
d’ennemis que de citoyens ; mais maintenant vos
ennemis sont en plus petit
nombre, grâce à la multitude des
chrétiens. » (Tertull. In
Apolog.
Cap. XXXVII) Ces
éclatants exemples d’une constante soumission
envers les princes, tiraient
nécessairement leur source des préceptes
sacrés de la religion
chrétienne ; ils condamnent l’orgueil
démesuré, détestable de ces hommes
déloyaux qui, brûlant d’une passion sans
règle et sans frein pour une liberté
qui ose tout, s’emploient tout entiers à renverser
et à détruire tous les droits
de l’autorité souveraine, apportant aux peuples la
servitude sous les
apparences de la liberté. C’était
vers le même but, aussi, que tendaient de concert les
extravagances coupables
et les désirs criminels des Vaudois, des
Béguards, des Wicléfistes et d’autres
semblables enfants de Bélial, la honte et
l’opprobre du genre humain, et pour
ce motif il furent, tant de fois et avec raison, frappés
d’anathème par le
Siège Apostolique. Si ces fourbes achevés
réunissent toutes leurs forces, c’est
sûrement et uniquement afin de pouvoir dans leur triomphe se
féliciter, avec
Luther, d’être libres de tout ; et
c’est pour l’atteindre plus facilement
et plus promptement qu’ils commettent avec la plus grande
audace les plus noirs
attentats. Nous
ne
pourrions augurer des résultats plus heureux pour la
religion et pour le
pouvoir civil, des désirs de ceux qui appellent avec tant
d’ardeur la
séparation de l’Église et de
l’État, et la rupture de la concorde entre le
sacerdoce et l’empire. Car c’est un fait
avéré, que tous les amateurs de la
liberté la plus effrénée redoutent par
dessus tout cette concorde, qui toujours
a été aussi salutaire et aussi heureuse pour
l’Église que pour l’État. Aux
autres causes de notre déchirante sollicitude et de la
douleur accablante qui
nous est en quelque sorte particulière au milieu du danger
commun, viennent se
joindre encore certaines associations et réunions, ayant des
règles
déterminées. Elles se forment comme en corps
d’armée, avec les sectateurs de
toute espèce de fausse religion et de culte, sous les
apparences, il est vrai,
du dévouement à la religion, mais en
réalité dans le désir de
répandre partout
les nouveautés et les séditions, proclamant toute
espèce de liberté, excitant
des troubles contre le pouvoir sacré et contre le pouvoir
civil, et reniant
toute autorité, même la plus sainte. C’est
avec un cœur déchiré, mais plein de
confiance en Celui qui commande aux vents
et rétablit le calme, qui nous vous écrivons
ainsi, vénérables Frères, pour
vous engager à vous revêtir du bouclier de la foi,
et à déployer vos forces en
combattant vaillamment les combats du Seigneur. À vous
surtout, il appartient
de vous opposer comme un rempart à toute hauteur qui
s’élève contre la science
de Dieu. Tirez
le
glaive de l’esprit, qui est la parole de Dieu, et donnez la
nourriture à ceux
qui ont faim de la justice. Choisis pour cultiver avec soin la vigne du
Seigneur, n’agissez que dans ce but et travaillez tous
ensemble à arracher
toute racine amère du champ qui vous a
été confié, à y
étouffer toute semence
de vices et à y faire croître une heureuse moisson
de vertus. Embrassez avec
une affection toute paternelle ceux surtout qui appliquent
spécialement leur
esprit aux sciences sacrées et aux questions
philosophiques : exhortez-les
et amenez-les à ne pas s’écarter des
sentiers de la vérité pour courir dans la
voie des impies, en s’appuyant imprudemment sur les seules
forces de leur
raison. Qu’ils se souviennent que c’est
« Dieu qui conduit dans les routes
de la vérité et qui perfectionne les
sages » (Sap.
VII, 15), et
qu’on ne peut, sans Dieu, apprendre à
connaître Dieu, le
Dieu qui, par son Verbe, enseigne aux hommes à le
connaître (S.
Irenæus, lib. IV, cap. X). C’est à
l’homme superbe, ou plutôt à
l’insensé de peser
dans des balances humaines les mystères de la foi, qui sont
au-dessus de tout
sens humain, et de mettre sa confiance dans une raison qui, par la
condition
même de la nature de l’homme, est faible et
débile. Au
reste
que les Princes nos très chers fils en
Jésus-Christ favorisent de leur
puissance et de leur autorité les vœux que nous
formons avec eux pour la
prospérité de la religion et des
États ; qu’ils songent que le pouvoir
leur a été donné, non seulement pour
le gouvernement du monde, mais surtout
pour l’appui et la défense de
l’Église ; qu’ils
considèrent sérieusement
que tous les travaux entrepris pour le salut de
l’Église, contribuent à leur
repos et au soutien de leur autorité. Bien plus,
qu’ils se persuadent que la
cause de la foi doit leur être plus chère que
celle même de leur empire, et que
leur plus grand intérêt, nous le disons avec le
Pape saint Léon, « est de
voir ajouter, de la main du Seigneur, la couronne de la foi
à leur
diadème ». Établis comme les
pères et les tuteurs des peuples, ils leur
procureront un bonheur véritable et constant,
l’abondance et la tranquillité,
s’ils mettent leur principal soin à faire fleurir
la religion et la piété
envers le Dieu qui porte écrit sur son
vêtement : « Roi des rois,
Seigneur des seigneurs ». Mais
pour que toutes ces choses s’accomplissent heureusement,
levons les yeux et les
mains vers la très sainte Vierge Marie. Seule elle a
détruit toutes les
hérésies ; en elle nous mettons une
immense confiance, elle est même tout
l’appui qui soutient notre espoir (Ex S.
Bernardo, Serm. de Nat. B.M.V., § 7). Ah ! que dans la
nécessité pressante où se trouve
le troupeau du Seigneur, elle implore pour notre zèle, nos
desseins et nos
entreprises les plus heureux succès. Demandons aussi, par
d’humbles prières, à
Pierre, prince des Apôtres, et à Paul
l’associé de son apostolat, que vous
soyez tous comme un mur inébranlable, et qu’on ne
pose pas d’autre fondement
que celui qui a été posé.
Appuyé sur ce doux espoir, nous avons confiance que
l’auteur et le consommateur de notre foi,
Jésus-Christ, nous consolera tous
enfin, au milieu des tribulations extrêmes qui nous
accablent, et comme présage
du secours céleste, nous vous donnons avec amour,
vénérables Frères, à vous
et
aux brebis confiées à vos soins, la
bénédiction apostolique. Donné
à
Rome, à Sainte-Marie-Majeure, le 18 des calendes de
septembre, le jour solennel
de l’Assomption de cette bienheureuse Vierge Marie,
l’an 1832 de l’incarnation
de Notre Seigneur, de notre Pontificat le deuxième. |
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