Obédience : NC | Loge : NC | Date : NC |
Martinès De Pasqually à Bordeaux 1762
- 1772 Rompant avec l'ordre chronologique suivi jusqu'ici, nous étudierons, dans ce bulletin, l’année 1772. En effet, nous avons découvert des documents qui éclairent d’un jour nouveau cette période. Ils nous paraissent suffisamment importants pour être présentés sans plus attendre. Il s’agit, d’une part, d’un acte notarié dressé à la demande de Martinès, et, d’autre part, d’un procès, peut-être à l’origine de son départ pour St Domingue. DATES EVENEMENTS REFERENCES Martin: conseils, instructions et date du travail d'équinoxe tion du Traité de la Réintégration par Martinès. d'équinoxe. prévue malgré la demande de W. par le beau-frère de Martinès et destinés à A.D. de la Gironde Mme Adelaïde de France arrivent avariés. 3E 15481. Constat devant notaire. Strasbourg, élu-coën depuis 1770, s'affilie à "l'Amitié" de Bordeaux. Mr de La Beaume. A.D. G. 12 B 344 01 - 03 Arrestation de de La Beaume et de sa femme. Id 3 élus-cohens s. d. "Brûlure de papiers un mardi-gras lors de SM p.158 n° 294 l'arrestation de Monsieur de Labeaume". l'échec du travail de W. de Saint-Domingue dont le “Duc de Duras”. A.D.G. 4 L 1369 Départ prévu entre le 12 et le 15 avril. attestant qu'il a été militaire. 29 - 04 Inscription de Martinès sur le registre des pas- Brimont p.53 sagers du “Duc de Duras” à destination de Léogane à St-Domingue. le 7 mai par W. Martinès lui annonce son VR II p.160 départ pour Saint-Domingue. Pendant son absence, elle sera sa "procuratrice par M.Marcenne générale et spéciale". AD 3E 17592 BIBLIOGRAPHIE : BRIMONT (Renée de), "Le mariage de Martinès de Pasqually", le Voile d'Isis, n°121, janvier 1930, 35e année. COUTURA (Johel), Les francs-maçons de Bordeaux au 18e siècle, Marcillac, 1981. MARCENNE (Christian)"Martinès de Pasqually militaire", Bulletin de la Société Martinès de Pasqually, n°6, 1996. PAPUS, Louis-Claude de Saint-Martin, Réimp.,Editions Déméter, Paris, 1988.<Papus SM> PAPUS, Martinès de Pasqually, Réimp., Paris, Dumas, 1976.<Papus M de P> SAINT-MARTIN, Mon portrait historique et philosophique, Paris, Ed. Julliard, 1961 <SM> VAN RIJNBERK (Dr Gérard), Un thaumaturge au XVIIIe. Martines de Pasqually, Réimp. Plan de la Tour, 1980. <VR>. Rappelons brièvement le contexte de l'année précédente, l'année 1771. Le dernier document concernant l'année 1771 est une lettre en date du 24 décembre. Elle est rédigée par un élu-coën du régiment de Foix, Grainville, à l'attention de Willermoz. Il dit qu'il tient à l'Ordre à cause de la Chose, même s'il a pris conscience de certaines faiblesses ou limites de Martinès [3] . *
En
ce début d'année 1772,
Martinès
semble se consacrer aux instructions et à la
rédaction du Traité si on en juge
par les lettres écrites à Willermoz et par la
fréquence du courrier. En un
mois, quatre lettres partent de Bordeaux, entre le 13 janvier et le 14
février.
Ces lettres précisent les instructions de façon
très détaillée pour le travail
d'équinoxe car la date du
5 mars -
choisie par Martinès selon des critères lunaires-
rassemblera dans un travail
simultané des élus-coëns, là
où ils seront. Elles nous apprennent que Martinès
continue à rédiger le Traité, ce qui
retardera les instructions pour la
réception des femmes. * * Il n'est pas question, dans le cadre de cet article, de rapporter les étapes de l'affaire de Labeaume avec les réseaux d'influences qui semblent graviter autour du procès, d'analyser le cas de toutes les personnes qui y sont plus ou moins impliquées. Il s'agit d'essayer de démêler les rapports de cette affaire avec Martinès. Parmi les nombreux témoins qui sont très rapidement convoqués, trois nous intéressent : Fatin, Joseph Laborie et Bernard Raymond Blanquet. Fatin, qui n’est pas répertorié jusqu’ici comme élu-coën, mais dont Saint-Martin parle[10], rencontre le couple en septembre 1771 alors que Martinès est à Paris. Il est sensible à leur position sociale, à leur train de vie, à leur “science” ainsi qu’aux discours plein de sagesse qu’ils tiennent. En décembre, il commence à douter et cherche à se renseigner car il a l’impression que le couple essaie de l’escroquer. En novembre, Fatin leur a présenté Joseph Laborie, un négociant des Chartrons ; sans doute, l’élu-coën qui accompagne Martinès lors de son second séjour à Paris[11]. Labeaume lui a prêté des livres. Parmi les familiers des Labeaume, il y a Bernard Raymond Blanquet aîné, avocat, ancien élu-coën, qui s’est éloigné de Martinès depuis 1766, et, est même devenu son ennemi[12] Parmi les objets saisis chez les Labeaume, il reconnaît[13]: Mais qui est donc ce Labeaume ? Au cours de l’interrogatoire, il se présente ainsi : Que de similitudes avec ce que nous savons maintenant de Martinès. Ils sont tous les deux militaires, ont servi dans l’armée aux mêmes époques et dans les mêmes campagnes. Ils ont créé, semble-t-il, l’un et l’autre, un mouvement maçonnique à l’intérieur de la maçonnerie ; ils sont originaires de Grenoble et ont à peu près le même âge ; Labeaume dit posséder une maison à Aix-en-Provence, ville où le père de Martinès était vénérable..... Les deux hommes se connaissent-ils ? Devant les doutes de Fatin, Martinès a-t-il provoqué la dénonciation de Labeaume ? Tout au long des mois de mars et avril, les témoignages et les contre-interrogatoires se poursuivent. C’est durant cette période que Martinès dépose des documents concernant sa qualité de militaire et part pour St Domingue. L’instruction se poursuit, elle est rondement menée et la sentence tombe le 13 juillet : Labeaume est condamné aux galères et sa femme à la prison à vie[15]. Il faut remarquer, dans ce procès, que Labeaume n’a pu faire la preuve d’aucun des faits qu’il avançait, que ce soit sur son nom, ses qualités, son lieu de naissance ou sa carrière militaire ...Les Labeaume font aussitôt appel auprès du Parlement de Bordeaux[16]qui casse le premier jugement et les condamnent au bannissement hors de France[17]. C’est seulement dans cette deuxième période du procès que le nom de Martinès apparaît. Son nom n’a jamais été cité pendant l’instruction des Jurats ni prononcé par les témoins. Il apparaît dans un document intitulé “Mémoire pour le Sieur Laporte de Berry de Labeaume, Ecuyer et la dame son épouse ; appelant d’une sentence rendue par les Sieurs Maire et Jurats”[18]. Ce mémoire est “imprimé et répandu dans la Ville et dans la Province” nous apprend Fatin qui réagit dans une supplique adressée au Parlement datée des 27 et 28 août. Il le considère comme “un libelle diffamatoire, dont l’unique objet a été de calomnier, de décrier et déchirer le Suppliant”, et demande au Parlement la condamnation publique et la destruction de ce mémoire qui dit, en particulier, ceci : Venant aux dépositions, attaquons d’abord ce témoin, que le public désigne hautement pour dénonciateur. C’est Fatin jeune, Notaire, déjà connu par quelques anecdotes assez publiques, éleve d’un certain Martine Pasqualis, prétendu Franc-Maçon, mais chassé comme imposteur de toutes les loges, noté, dans tous les lieux où il a passé, flétri, & qui vient de s’enfuir au-delà des mers. Fatin ne sçaurait nier son intimité avec cet homme ; mille voix s’éleveroient pour arrester que Pasqualis étoit son idole. Fatin avoit d’ailleurs porté sa déposition, qui est sans fin, toute écrite, avec cette circonstance, que ce n’est point son ouvrage, mais du Pasqualis tout pur ..... La découverte de ce procès pose plus de questions qu'elle n'en résoud, mais ce qui est étonnant, alors qu'il a dû avoir un impact très important sur la ville, il semble, ensuite, avoir été occulté, effacé, comme s'il avait mis au jour des choses tenues secrètes qu'on s'est empressé ensuite de cacher de nouveau et d'oublier. Même Lamontaigne, pourtant rapporteur du mémoire de Labeaume auprès du Parlement, n’y fait pas allusion dans sa chronique[19]. *
Une
autre source peut nous donner
quelques indications sur les derniers mois de Martinès
à Bordeaux. Ce sont les
dernières pages du Traité[20] qui est resté
inachevé,
brutalement interrompu. Martinès va-t-il faire allusion
à ce qu’il vit ou
ressent dans sa vie quotidienne tout en tranmettant à ses
disciples son
interprétation des textes de l’Ancien Testament ?
Peut-être pouvons-nous, en
effet, considérer comme des références aux
événements en cours, les remarques sur les
opérations et les
habitudes scandaleuses qui pervertissent l’homme et sur le
seul conseil qui peut
guider les élus, celui de l’Eternel (p. 230). Il
fait dire à la Pythonisse “Ils
(les hommes méchants et impurs) t’avaient
persuadé de me faire mourir ... mais
apprends, Seigneur-roi, que le Dieu d’Abraham
protège les justes...” (p.231).
Il insiste sur le danger de la croyance dans les devins, magiciens et
sorciers,
hommes ou femmes. “Reconnais que tout être de cette
espèce ne peut mériter de
confiance puisque l’homme ne peut être instruit
dans aucune connaissance des
opérations de l’univers qu’en subissant
de pénibles et formidables travaux” (p.232)
et, presque à la fin du texte, il ajoute “
Quiconque donne le nom de devin au
Créateur ou à sa Créature insulte
l’un et l’autre, péche contre
l’esprit et
sera horriblement puni” (p.234).
* *
*
Un
mémoire de
l’Amitié[21] conservé à
la Bibliothèque
de Bordeaux et signalé dans ce bulletin par
Jean-Claude Drouin pourrait faire allusion
à Martinès et à son départ.
Seule l’initiale M est donnée mais dans les faits
rapportés, on pourrait
reconnaître le récit du séjour de
Martinès à Bordeaux. * * Dans ce mémoire, l’Amitié souligne qu’elle s’est toujours opposée à l’établissement de nouvelles loges, en accord sur ce point avec la Loge Française, ce qui l’a conduit encore une fois à exclure des membres. Elle décrit le cas d’un M. comme l’exemple des malheurs qui frappent ceux qui veulent transgresser sa décision : “ Il erre dans le monde qui n’est plus pour lui qu’un affreux désert, rebuté par tout, par tout démasqué”. M\ N\ et M\ F\
[1]
<THOMAS
(Albéric)>,"Nouvelle notice sur le
martinésisme et le martinisme",
dans VON BAADER (Franz), les
enseignements secrets de Martinès de Pasqually,
Réimp., Paris, Dumas, 1976,
p. XXXVIII.
[2]
NAHON(Michelle), FRIOT
(Maurice),"Les domiciles bordelais de Martinès de Pasqually
(1762-1772)
dans Revue archéologique de
Bordeaux,
tome LXXIX, Année 1988, p.163-166.
[3]
JOLY (Alice), Un mystique
lyonnais et les secrets de la Franc-maçonnerie
Paris,
Demeter, 1986, p. 32.
[4]
PAPUS, op. cit.,p.
100
[5]
SAINT-MARTIN, op.cit., p.
157, n° 294
[6]
VAN RIJNBERK, op.cit.,
II p. 154, lettre du 1er novembre
1771
[8]
A.D.G. 12 B 134 Registre d’écrou
[9]
SM p.158 n° 294
[12]
Notre article “le départ de
Martinès de Pasqually pour Saint Domingue” dans
Bulletin Martiniste, n° 2
[13]
Interrogatoire du 4 mars
[14]
Interrogatoire des 13 et 15 mars
[15]
A.D.G. 12 B 15 Hôtel de Ville
sentences
[16]
Le 22 avril, Labeaume avait
adressé un “factum” au Conseiller de
Lamontaigne qui était le rapporteur de
l’affaire auprès du
Parlement. A.D.G. Fonds
Lamontaigne Ms 1696/2 (113) (cf. en annexe).
[17]
7 septembre 1772. Archives
municipales de Bordeaux,
FF 5c
[18]
M. Christian Marcenne, à
qui nous avions parlé de
nos recherches sur l’affaire Labeaume, nous a
indiqué les références IX
h 801 Mémoire du Sieur Laporte de Berry de Labeaume et IX h 802 supplique de Fatin à l’attention du parlement en date du 22 août 1772 aux Archives municipales de Bordeaux. Nous tenons le remercier chaleureusement ici.
[19]
Chronique
bordelaise de François de Lamontaigne, conseiller au
Parlement, texte inédit
publié par la Société des
Bibliophiles
de Guyenne, Bordeaux, Delmas, 1926.
[20]
MARTINES DE PASQUALLY,
Traité de la Réintégration
des Etres, Réimp. Ed. Traditionnelles, 1977 p. 228.
[21]
Bibliothèque de Bordeaux,
D 69508 S, sans date mais
très certainement écrit fin 1773.
|
7551-2 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |