Le Maître est retrouvé et il reparait plus radieux que prévu

Vous m’avez imposé : « Le Maître est retrouvé et il reparait plus radieux que prévu » pour l’exposer à votre Respectable Loge « Le Ponant ».

C’est une phrase du rituel de réception au grade de Maître et elle me parait d’actualité pour moi qui espère une réception à un degré supérieur.

Je vais commencer par la problématique des Maîtres. Dès qu’on a un statut de Maître, que ce soit Maître à penser ou de construction, on est envié par ceux qui ne se sentent pas la capacité de faire cela, tels les mauvais Compagnons. De ce fait, comme c’est arrivé pour Hiram, ceux qui ne s’en sentent pas la capacité essayent de le devenir par des biais annexes ; soit brutaux, comme le meurtre, ou en s’appropriant éventuellement les mots secrets.

PLANTAGENET nous dit « Le Maître est celui qui s’est surmonté, qui s’est affranchi de l’influence des basses contingences grégaires, qui ne cherche pas à convaincre mais à comprendre celui qui a su se quitter lui-même pour vivre dans les autres ».

Le grade de Maître n’est pas un grade de commandement, il apprend à dépasser la mort symbolique, notre propre mort virtuelle, mais celle-ci n’arrête pas le chantier.

Le Maître maçon sait qu’il sera toujours un éternel cherchant aux cotés des FF\ Apprentis, Compagnons et Maitres et qu’il travaillera inlassablement à sa propre construction, à la pérennité de la Loge et au maintien de l’esprit qui doit y régner. Aussi le F\ Maître, par son identification à Hiram, se vit plus en devoirs qu’en droits.

Ce souci d’exemplarité m’a amené non seulement à travailler dans ma Loge au service de mes FF\, mais aussi à faire évoluer ma personnalité par le travail sur moi-même, mais aussi par la fraternité qui me relie à chaque F\ en considérant sa différence ; ayant reçu et vécu l’exaltation à la Maîtrise. Je me suis fait un devoir de chercher, de creuser le mythe d’Hiram, fondateur de mon état maçonnique. En ce sens, j’ai travaillé sur ce sujet et ma Loge m’a permis de présenter 3 planches sur le thème de la mort d’Hiram. Et, comme tout Maître, je suis à la recherche d’une vérité que je pourrais nommer sagesse, en ce qui me concerne.

Si la maçonnerie spéculative a forgé son identité sur le mythe d’Hiram, d’autres courants symbolistes et initiatiques ont intégré d’autres mythes fondateurs.

En effet, dans les traditions orientales et occidentales, on s’aperçoit que le mythe de l’Homme universel démembré, à l’origine d’une vie nouvelle occupe souvent une place primordiale. Un certain nombre d’entre eux font allusion à une régénération voire une résurrection, d’autres pas :

Bien sûr, le plus connu est celui d’Egypte, en l’occurrence d’Osiris que vous connaissez tous.

Il y a, aussi, la légende de Noé qui dans l’ancien testament n’a pas de similitude avec ce que nous cherchons. Mais de nombreux siècles plus tard, dans le manuscrit Graham de 1726 et selon la traduction de Patrick Négrier, il est cité la légende de Noé qui préfigure celle d’Hiram, écrite 4 ans plus tard. C’est la tradition Noachite qui s’est perpétuée dans l’ordre maçonnique.

Enfin et c’est le plus connu, l’histoire, ou le mythe selon, de Jésus Christ qui se présentait comme un Maître d’enseignement et que le Grand prêtre Caïphe, jaloux, a fait condamner. Par contre, c’est le seul cas ou le Maitre est ressuscité, c’est-à-dire réapparu vivant sous la même apparence.

Notre rituel du REAA au 3ème degré plonge ses racines dans l’ancien testament au travers du personnage d’Hiram. Ce personnage mythique permet par la palingénésie le retour du nouveau maître, celui-là même qui reparait radieux. Avec le Christ, qu’il soit un de nos Grands initiés ou le fils de Dieu de la religion, la nouvelle vie de l’initié se fera par l’imitation et l’identification au modèle. Le croyant met ses pas dans ceux du Christ.

On constate que la F\ M\ avait un choix parmi les anciens mythes et celui-ci apparait pour la première fois dans le « massonery dissected » de Samuel Pritchard en 1730.

Pourquoi a-t-elle choisi celui d’Hiram ?

Je vais m’avancer en disant que, d’une part, c’est parce que Hiram construisait un Temple et que c’est le lieu de prédilection ou nous travaillons et que, d’autre part, il était incomplet puisque, selon les récits qu’on peut en trouver, il n’y a pas de manifestation apparente d’Hiram après sa mort et que c’est pour que les FF\ puissent le régénérer en leur propre personne que ce mythe a probablement été choisi. Si la maçonnerie s’était approprié exclusivement le mythe ou l’histoire de Jésus, nous aurions eu à faire à une religion bis.

On s’aperçoit que la légende d’Hiram est tellement importante en F\ M\ que le grade de Maitre et cette légende ont été adoptés dans tous les rites maçonniques et constituent un lien fondamental de la maçonnerie universelle.

Par les 5 points de la Maitrise, Le T\ V\ M\ relève le corps en putréfaction, aidé par les FF\ Surveillants ; il le fait passer de l’équerre au compas…

Il y a là un passage d’une potentialité de son passé à une virtualité de son futur. L’Homme véritable est né à partir de l’Homme relevé.

Quand le Maître est retrouvé, face au T\ V\ M\, et qu’il s’exclame « A Seigneur mon Dieu », il n’exprime aucune apparence de souffrance ou de regret ; son visage parait serein et émane de lui une profonde émotion. Il a compris, ressenti que sa nouvelle vie émanait de la mort et qu’il en assumait l’héritage.

Comme l’a dit un de nos éminents FF\ : « que serait la F\ M\ si le Maître d’œuvre mourrait de vieillesse, dans son lit, honoré par sa famille et entouré de ses petits - enfants ». Comme nous enseigne la tradition initiatique, la matière vivante meurt et va se décomposer, elle deviendra de la matière inerte et servira de nourriture à d’autres vivants. C’est la vie tirant sa substance de la mort. De la même façon, la vie de la pensée des FF\ vivants se nourrit de la pensée des Maitres disparus.

En instruisant les mauvais Compagnons, Hiram instruit ses meurtriers : Hiram meurt sous les coups de l’ignorance, du fanatisme et de l’ambition en emportant avec lui le mot des Maîtres : le mot sacré est perdu et le nouveau Maître a le mot substitué pour avancer sur le chemin de l’initiation. Par sa mort, il devient éveilleur de conscience. En tuant Hiram et en m’identifiant à lui, je m’intègre et je renforce le cycle. Car Hiram n’a pas ressuscité. S’il se réincarne dans le corps du nouveau Maître que je suis, c’est parce que je choisis de m’identifier à lui.

Le mystère du mythe d’Hiram est-il une renaissance, une transfiguration ou une résurrection ?

Dans l’instruction maçonnique du REAA, à la question « quelle peut donc en être la signification ? ; il est répondu « On peut l’interpréter par rapport à la marche du Soleil, en assimilant les trois meurtriers aux trois derniers mois de l’année pendant lesquels le Soleil descend dans les signes inférieurs, après l’équinoxe d’automne, et semble éloigné à jamais de notre hémisphère. Cependant, après le solstice d’hiver, on le voit se relever et il reparaît dans tout son éclat. De même, le Respectable Maître Hiram sort du tombeau et revient à une « Vie nouvelle »… »

Dans ma vie profane et alors que j’avais un peu plus de 18 ans, j’ai pu vivre un épisode qui peut s’assimiler a une renaissance. En effet, j’ai eu un accident de voiture alors que j’étais seul a 130 km/h. J’aurais pu mourir. J’ai totalement perdu connaissance pour un temps indéterminé. Je me suis réveillé un certain temps plus tard alors que j’étais dans une voiture particulière qui m’amenait à l’hôpital. Eh bien, j’étais radieux, car je revivais et je m’aperçus rapidement que j’allais tenircompte de cet accident pour être meilleur dans ma vie à venir. Toute filière initiatique offre une renaissance en contrepartie d’un sacrifice physique par les épreuves, et psychique par l’intégration agissante des symboles et mythes.

WIRTH nous dit : « Après l’application des 5 points parfaits, la revivification d’Hiram n’est pas encore complète : seule la vie végétative circule à nouveau, mais l’esprit reste engourdi. Pour le réveiller, des paroles de vie sont prononcées tout bas à l’oreille du récipiendaire substitué au cadavre d’Hiram ».

La Maîtrise est une transmutation qui part d’une manifestation périssable à quelque chose de la nature de l’impérissable, car étant principe de renaissance permanente. Après le relèvement, les anciens rituels déclaraient « Le Maître est plus resplendissant que jamais ». Maintenant le rituel dit « plus radieux que prévu ». Pour ma part, je m’interroge sur cette évolution rituellique.

En effet, quand on subit les épreuves qui précédent la mort on est enclin à la tristesse... ; tristesse de la violence, tristesse de la trahison.

Le fait de vivre cette régénération, au-delà du drame, ne peut que développer un espoir, une joie qui peut s’exprimer par cette expression radieuse du nouveau Maître qui existe et vit la volonté qu’avait Hiram de former ses FF\ Compagnons. Joie de dépasser, de surmonter la trahison des mauvais Compagnons, de concevoir que les mots perdus et les secrets véritables envolés ne sont pas une entrave à la recherche de la vérité puisque les mots substitués y suppléent.

Pour devenir Maitre, le F\ Compagnon doit symboliquement prendre la place du Maître Hiram pour que, par la force du rituel, Hiram puisse revivre en lui. Demain, il sera lui-même sous l’acacia et ce jour-là il faudra qu’un autre jeune Maître soit relevé pour prendre la relève. Un Maître maçon sait qu’il vivra au-delà de la mort puisque rien ne se perd dans l’univers et que ses actes lui survivront ; car le Maître agit et, se placer à l’ordre de Maître, c’est dire : Me voici, je suis prêt.

Ce mythe nous permet d’appréhender la mort symbolique, non comme une fin, mais comme une délivrance afin d‘accéder à des niveaux vibratoires et énergétiques supérieurs.

Tel le phénix qui renait de ses cendres, le Maître est plus radieux que jamais car il a puisé dans l’énergie mystique du troisième degré qui, exécutée dans la commune union des 3 piliers de la Loge, à travers les 5 points parfaits de la Maîtrise, va faire surgir la vie et donc redonner corps à l’esprit.

En conclusion, Maître, devant l’image d’Hiram, intégrant sa vertu, son premier devoir sera de ré intégrer la raison et l’intuition dans l’intelligence afin d’élever son niveau de pensée et de reculer ses horizons de recherche. C’est reconnaitre qu’il y a une métaphysique rationnelle et une imaginative, l’une qui, partant de la réalité, la dépasse par induction logique, l’autre qui la complète par les facultés intuitives que va développer le Maître maçon.

On ne sera réellement Maître que lorsqu’on aura conclu qu’il faut semer pour récolter, sans soucis des temps favorables ou hostiles, sans préjuger de l’heure ou la récolte aura muri, détaché de toutes les contingences humaines, sans espoir de récompense, sans autre soutien que l’approbation d’une conscience pure empreinte d’une ineffable sérénité.

Comme Maître Hiram et son Maitre Salomon, le nouveau Maître a un devoir sacré, celui d’illuminer de son savoir, de sa sagesse et de sa tolérance. Cette lumière ne rayonne pas pour lui-même, elle a été placée dans son cœur afin qu’il rayonne pour les autres hommes.

Si les Maîtres maçons ne sont pas radieux, s’ils ne font pas rayonner cette Lumière, alors tout ce chemin qu’ils ont parcouru ne servira à rien.

Le vécu du mythe d’Hiram, de l’exaltation que j’ai pu vivre avec joie m’a aussi permis, par le temps qui coule, de dépasser des angoisses morbides qui me froissaient l’âme depuis longtemps.

Je conclue cette planche par une poésie de René Daumal :

« Je suis mort parce que je n’ai pas le désir
Je n’ai pas le désir parce que je crois posséder
Je crois posséder parce que je n’essaye pas de donner
Essayant de donner, on voit qu’on n’a rien
Voyant qu’on n’a rien, on essaye de SE donner
Essayant de se donner, on voit qu’on est RIEN
Voyant qu’on est rien, on désire devenir
Désirant devenir, on VIT »

T\ C\ F\ Président, j’ai dit.

B\ K\