Obédience : NC Loge : NC 24/03/2011

 

Islam et Laïcité

Laïcité signifie indépendance de toute immixtion des autorités religieuses qui invoquent Dieu ou les révélations divines pour réglementer la vie civile.  En France, l’ingérence du pouvoir religieux dans les affaires publiques avait débuté avec l’intronisation de Clovis à la fin du 5°s, et elle prit fin sous la III° République qui adopta la loi de séparation des Eglises et de l’Etat en 1905.

Qu’en est-il dans le monde muslman ?

Au 7°s, le Prophète Mohammed avait récité à ses partisans la parole d’Allah transcrite dans le Coran, et il en avait donné ses commentaires transcrits dans les Hadiths. Il avait aussi dirigé le petit Etat de Médine, comme chef spirituel et temporel qui conquit l’Etat voisin de La Mecque dont il était originaire. Après sa mort, ses 4 premiers successeurs (dits Califes) connurent des tensions politiques jusqu’à ce qu’en 661, l’expansion de l’Islam aboutisse à la création de l’empire des Omeyyades avec Damas pour capitale. Face à l’empire byzantin régi par le Code Justinien, l’empire Omeyyade organisa son administration, son enseignement, sa justice et sa fiscalité.

Par coup d’Etat, les Abbassides succédèrent aux Omeyyades en 750. C’est alors que se manifestèrent des oppositions doctrinales insurmontables du fait que l’Islam n’a plus de nouvel envoyé d’Allah pour trancher, le Calife n’étant qu’un chef spirituel et temporel sans compétence en matière de révélation divine de la vérité.

C’est ainsi que le Calife abbasside Al Ma’moun (813-833) imposa le mutazilisme comme doctrine officielle, ralliant tous les hauts fonctionnaires contre les oulémas qui monopolisaient l’interprétation des textes et avaient en charge l’éducation de la population. Or, ils n’enseignaient que les seules disciplines religieuses, excluant la philosophie et les sciences profanes, que le calife Al Ma’moun affectionnait particulièrement en considérant Aristote comme son grand maître à penser. Aussi, favorisa-t-il un grand bouillonnement intellectuel, en réunissant dans sa « Maison de la Sagesse » créée en 813 à Bagdad, les plus grands esprits de 17 Ecoles de pensée.

Le mutazilisme, fondé au VIII° siècle, se caractérise par son rationalisme. Il se distingue par l’affirmation d’un Koran créé et non incréé (=un attribut de Dieu, Sa parole). Cela implique la liberté et la responsabilité individuelle de chaque homme envers Dieu dans l’interprétation des textes sacrés. De ce fait, le croyant a le droit de contredire ou de se révolter contre l’imam.

Cette négation du Koran incréé fut durement combattue par les traditionalistes à partir de 847. Et la réflexion mutazilite perdit sa prédominance en 910 au profit du hanbalisme qui n’autorise pas la raison de se substituer à la foi, et réhabilite la conception du Koran incréé, donc le respect littéral de la Tradition, puisque l’homme n’a pas le pouvoir de créer comme Dieu mais seulement d’acquérir ce que Dieu a créé en tant qu’unique créateur de toutes choses.

Au XII° siècle, le sultanat turc imposa l’acharisme d’El Ghazali (1058-1111), professant la certitude de la foi face à la raison qui est impuissante à atteindre la Vérité que seul Allah détient. Le champ de la raison se limite à critiquer les sensations, l’imagination et les actes de l’homme, dont la raison ne peut trouver sa quiétude que dans la certitude de sa foi, dans l’abandon de soi à Allah. Cette doctrine du comportement du croyant musulman va désormais rythmer sa vie quotidienne, la soumettant à des règles religieuses simples mais exigeantes.

Une Foi logique, simple et sans mystères, mais exigeante dans les actes

C’est pourquoi, en discutant  religion  avec  mes  amis mouslimin’ (musulmans  en arabe), j’ai l’impression que seuls comptent les droits d’Allah, ce qui occulte les droits de l’Homme. L’homme doit d’abord observer ses devoirs envers son Créateur, qu’il doit toujours invoquer dans ses actes quotidiens pour obtenir sa miséricorde, qui est infinie. Cette miséricorde signifie que le muslim se fera toujours pardonner ses péchés, s’il déclare sincèrement sa foi en tous moments de son existence et de ses actes.

Dans le mental du muslim, l’Islam est la jonction entre Dieu et l’homme. C’est Dieu qui a doté l’homme, seul parmi toutes les créatures, des 2 dons de la parole et de l’intelligence, et c’est justement par la Parole qu’Allah révèle la Vérité à l’homme, lequel peut seul la comprendre grâce à son intelligence. De la sorte, l’homme a reçu de son Créateur tout ce qu’il faut pour pouvoir user de sa libre volonté en vue de découvrir la Science (ilm) contenue dans le Koran, qu’il a révélé à l’homme par son Envoyé, le Prophète Mohammed.

Par conséquent, il suffira au croyant de lire et de réciter le Koran et d’y réfléchir avec ardeur (= Ijtihad) jusque dans la méditation mystique, qui lui permettra de suivre la Voie (= tariqua) qui mène à Allah, le Transcendant, l’Absolu. Ainsi, aux yeux du croyant rationnel, l’Islam justifie « l’abandon de soi » à Allah, dans une soumission totale et sans conditions, ce que signifie littéralement le mot « Istilam » dont dérive « Islam ». La boucle se trouve ainsi bouclée, par le retour de la créature à son Créateur.

Le croyant muslim’ est ainsi convaincu, d’une façon logique, sans ambages ni mystères, que l’Islam est la dernière et la meilleure des 3 religions monothéistes qui se sont succédées sous la paternité de leur  fondateur commun, Abraham. Par la même occasion, et sans mystère, il est tout aussi convaincu que Mohammed est le dernier Envoyé de Dieu, venu pour clôturer le cycle des Révélations, mais avec la différence essentielle qu’il s’agit, cette fois, d’une récitation non déformée des Paroles d’Allah qui sont intégralement transcrites dans le Koran (ce mot signifiant récitation mot à mot). Et de plus, cela justifie, aux yeux des croyants, l’apprentissage obligatoire de la langue arabe qui est la langue d’Allah, afin de lui permettre de réciter les propres d’Allah, par lecture ou par mémorisation du Koran.

En vue d’obtenir la miséricorde du Tout-puissant Allah, le muslim s’impose d’observer scrupuleusement tous les préceptes de l’Islam, contenus dans le Koran, la Sunna et la Chari’a. Or, ces textes sacrés ne dissocient pas le spirituel du temporel, ni la foi des oeuvres de l’homme au quotidien. Leur contenu très diversifié couvre tous les domaines de la vie courante de l’époque du prophète (de 611 à 632), et notamment, la lutte contre les idolâtres et les hypocrites, les relations avec les juifs et les chrétiens de Médine,  le statut juridique des personnes comme le mariage, le divorce et les successions, les transactions entre croyants, le respect des biens et droits d’autrui, les bonnes œuvres, l’équité, la justice, les châtiments pour vol, fornication, adultère et calomnies contre des femmes honnêtes, les interdits comme le vin, la viande de porc, les jeux de hasard, la divination et l’usure, de même que la condamnation du gaspillage et de l’avarice, etc…

A travers la Sunna du Prophète, le muslim apprend les « bonnes manières » à pratiquer par les musulmans pour toutes circonstances. C’est un code des usages quotidiens ou « adab ». Ainsi est-il recommandé de ne pas souffler sur la nourriture, de manger de la main droite, d’éviter de manger de l’ail ou de l’oignon crus avant de se rendre à la mosquée, de ne pas boire directement à l’outre, comment s’habiller, notamment le port recommandé du turban et l’usage du parfum pour les hommes, l’interdiction de la perruque chez la femme et la recommandation du voile pour la protéger des regards indiscrets, tandis que les lieux d’aisance sont interdits dans la maison,…etc. En Islam, il ne s’agit donc pas seulement de croire, mais aussi de le manifester par une conduite appropriée.

De la sorte, le croyant n’est plus enclin au doute. Sa seule observance des règles de vie lui permet d’éviter l’erreur et le péché. Cela lui assure un équilibre moral et psychologique, d’autant plus que c’est par sa propre intelligence qu’il décide librement d’obtenir le salut de son âme au Jugement Dernier, pour l’éternité.

Tout cela explique ce qui nous frappe en observant la vie des musulmans : le caractère inébranlable de leur conviction et la combativité tenace de leur foi, les rendant inaccessibles au doute. L’Islam se révèle ainsi comme la condition d’une vie équilibrée et sereine.

Un rituel ordonnancé et accaparant, mais rassurant pour le Fidèle

C’est à travers la conception globale de l’homme, totalement soumis à la volonté d’Allah, qu’il faut comprendre le sens des « 5 piliers de l’Islam » (arkân), qui ont pour but l’étroite intégration de la communauté musulmane au niveau mondial, la « Oumma  islamiya ». Leur observation permet au muslim’ de mériter la miséricorde d’Allah pour le pardon de ses péchés avant le Jugement Dernier.

Parmi ces 5 obligations basiques, rien n’est plus important que la prière canonique (la salat’) qu’il faut exécuter 5 fois par jour, entre le lever et le coucher du soleil, en se prosternant une trentaine de fois en  direction de la Kaaba tout en invoquant à haute voix la miséricorde d’Allah, par l’une de ses 99 appellations du Koran. Cette répétition didactique a pour effet de conditionner la conviction doctrinale du croyant en lui rappelant constamment le but de son existence qui doit toujours être dirigée sur Allah. Ce but vise donc à rejoindre Allah à travers 3 épreuves: la Foi (« el-imân » ou la certitude en Allah), la Loi (« el-islâm » ou l’abandon de soi entre les mains d’Allah) et la Voie (« el-ihsân » signifiant le perfectionnement vertueux par un effort constant sur soi pour mériter d’Allah).

Pour le croyant, le sens du sacré se trouve ainsi solidement ancré dans son esprit en meublant toute son existence dans le sens tracé par le Prophète. C’est pourquoi, tous comptes faits, il vaut mieux que le croyant se perfectionne en se reliant à son Créateur toujours miséricordieux envers lui, plutôt que de vouloir réformer le monde séculier où règnent la passion, le culte du matérialisme, la cupidité et la ruse, étant bien entendu que tous ces vices résultent des errances de la raison détachée de Dieu. Et tant pis pour les autres, mécréants ou infidèles, qui refusent le message de Mohammed.

Cette fidélité à la Tradition est exprimée dans plusieurs Hadiths du Prophète disant par exemple, que « Ma communauté ne déchoira pas tant qu’elle portera des turbans », ou que « Le turban est une frontière entre la foi et l’incroyance », ou encore « Au jour du Jugement Dernier, l’homme recevra une lumière pour chaque tour de turban autour de sa tête », convaincu de ce que le port du turban fera gagner le croyant en générosité tout en enveloppant sa pensée pour lui éviter de se dissiper et d’oublier la Tradition.

La sauvegarde de la Tradition s’exprime également au sujet de la femme musulmane qui incarne le foyer, ce foyer qui revêt un caractère sacré pour l’intimité de l’homme et qui doit donc rester inviolable. C’est ce qui explique le voile et la réclusion de la femme permettant au foyer de demeurer à l’abri des tentations de la pensée à la dissipation et à l’infidélité.

Or, la dépravation des mœurs est réputée devenir une pratique courante dans la civilisation moderne qui demeure détachée du sacré en détournant l’homme d’Allah du seul fait qu’elle dévore son temps et l’éloigne donc d’Allah. C’est justement là que les passions et la malice dominent l’esprit du matérialiste au détriment de la contemplation et de la prière, qui, seules, nous rapprochent de l’Absolu. L’interdiction du vin, par exemple, s’explique par le fait qu’il égare l’esprit en le détachant de Dieu, en le menant à l’erreur et au péché, par le déséquilibre qu’il génère en le consommant.

Cette civilisation moderne, matérialiste, est attribuée à l’Occident qui se retrouve condamné pour sa décadence spirituelle, que l’on constate dans sa littérature profane et son art dégénéré, notamment à travers les sculptures et les peintures qui sont prohibées dans le Koran et la Tradition. L’occidental est méprisé du fait qu’il consacre tous ses efforts à la course à la productivité et au progrès matériel, au lieu de chercher à s’épanouir en glorifiant son Créateur dans la contemplation par l’ijtihad. Aussi, un proverbe musulman ne dit-il pas que « la lenteur est de Dieu et la hâte de Satan » ?

La doctrine islamique aboutit donc à une religion de la certitude et de l’équilibre intérieur, à travers une Foi convergente qui se présente comme une évidence, sans jamais se poser des questions métaphysiques. Il n’y adonc ni mystère ni doute. Cette absence de doute peut servir de tremplin au fanatisme.

Le caractère inébranlable de la solidarité et la combativité de la foi  

L’équilibre de l’âme se trouve ainsi assurée dans l’Islam en offrant au croyant une ascension spirituelle par sa propre intelligence qui comprendra les « signes » qu’Allah lui envoie, le guidant dans ses efforts sur son chemin de la « vérité essentielle », « al haquiqua’ ». Mais pour atteindre cette Vérité, il faut suivre « la voie », (al tariqua’) qui finit par rejoindre la « grande route commune » ou « Chari’a ».

La Chari’a est ainsi légitimée par ce qu’elle encadre le muslim’ sur la voie qui le mène à Allah, en réglementant tous les aspects de sa vie privée et sociale, à travers le rituel de son comportement au  quotidien, le statut familial, le droit commercial, le code pénal, la réparation des dommages, la justice… etc.

Et en préconisant la pauvreté, le jeûne, l’aumône, la solitude dans les 5 prières quotidiennes et le silence dans la contemplation d’Allah, la Chari’a prédispose le croyant à une ascèse qui contribue à créer une solidarité organique et indéfectible entre tous les membres de la communauté islamique, dite la « oumma islamiya ».

De la sorte, la « chari’a » est considérée comme la Loi sacrée. Elle est le tronc unificateur, soudant toute la communauté islamique à travers le monde.

Or, la base fondamentale de la Chari’a est le Cor’an, présenté comme la Parole incréée de Dieu, c.à.d. que Allah s’y exprime au travers d’éléments créés par Lui, tels les mots, les sons et les lettres. C’est pourquoi l’on ne peut que le réciter, s’agissant des paroles même d’Allah qui en a choisi le contenu exprès pour être à la portée de l’intelligence humaine.

Néanmoins, un texte sacré n’étant pas toujours évident pour ses lecteurs qui ne peuvent saisir les sous-entendus du discours divin, il a fallu des commentaires donnés par le Prophète de son vivant. C’est ce qui constitue justement la Tradition orale ou la « Sounna ».

Par son caractère reconnu comme divin, dans un langage parfait en arabe, le Koran possède ce pouvoir magique de subjuguer le lecteur croyant, qui est amené à considérer chaque phrase comme un « plan divin ». Et c’est justement son caractère « incréé » qui fait du Koran le Livre sacré absolu, supérieur et plus vrai que tous les autres Livres sacrés qui l’ont précédé, sous la forme de manuscrits de scribes, repassés de main en main à travers les siècles, avec toutes les imperfections que cela peut induire.

Dans ces conditions la lecture du Koran permet d’éteindre toute agitation mentale, favorisant la Paix sociale. Et pour conforter la certitude de sa foi, le croyant doit scander à répétition « allah akbar », qu’il invoque à chacune des 30 prosternations dans chacune des 5 prières quotidiennes, ainsi que dans toute manifestation de rue ou de combat, fût-ce en jetant des cailloux contre les chars des infidèles.

L’Islam et la République

En perpétuant cette tradition dogmatique, renforcée par le hanbalite Ibn Tamiyya (mort 1328), refusant toute intervention de la raison humaine dans l’intelligence du dogme inscrit dans la Chari’a, les intégristes empêchent même tout effort d’ijtihâd pouvant adapter les principes religieux aux contingences historiques. Cela rejette le principe de séparation de la religion et de l’Etat. Ils n’admettent aucune représentativité aux organisations professionnelles ni aux marchands qui n’ont aucun pouvoir et ne peuvent donc pas jouer le rôle moteur de la bourgeoisie dans le développement européen. Seul compte le « consensus communautaire » (ijmâ’ al oumma) orchestré par l’imam sunnite ou le cheikh sunnite, à l’exclusion du débat pluraliste et par conséquent démocratique.

Face à cela, il existe un courant humaniste et laïc, affirmant que l’Islam n’enjoint pas d’adopter une forme de gouvernement, qui a toujours résulté, à travers l’expérience de l’Histoire, des rapports de forces politiques. Ce courant estime même que la législation doit s’adapter aux besoins de la communauté que le pouvoir politique peut très bien percevoir et satisfaire. A cet effet, ce mouvement appuie les valeurs de la philosophie des droits de l’homme. Il rejette la doctrine du retour à « l’Etat islamique » du Prophète dans son Hégire à Médine, où la loi et la foi étaient confondues. Ce courant, d’inspiration mutazilite, prône que le « bien-être de l’homme » (al aslah’) et « le bien public » (al maslahha ‘l  âmma) sont le but de toute religion.

Néanmoins, la grande majorité des mouvements de pensée islamique soutiennent l’approche dogmatique qui fusionne le temporel dans le spirituel, refusant « sécularisation » et « Droits de l’homme ». Cette préférence est corroborée par une crise identitaire, favorisée par le malaise social et l’indigence économique, et entretenue par les humiliations répétées en Palestine et Irak. Tout cela a dû générer frustration et culture du ressentiment. C’est pourquoi certaines classes, moyenne et intellectuelle, rejoignent les mouvements nihilistes, en y espérant une ascension sociale, politique ou céleste par le martyr.

L’instrumentalisation du dogmatisme religieux en idéologie de combat, se trouve alors coupée de toute spiritualité et de tout « ijtihad », en promettant seulement le paradis céleste, avec ses fleuves de miel et de lait et les 70 houris vierges qui attendent chaque martyr des quartiers déshérités. Alors, l’ambition commune de tous ces exclus, subissant leur misère face à l’opulence des infidèles occidentaux qui favorisent l’implantation de régimes despotiques chez eux, fait que leur solidarité devient fusionnelle dans le même esprit de haine et de vengeance légitimées. De la sorte, le mot d’ordre des chefs islamistes devient le Djihad, considéré comme un combat sur le champ de bataille international contre tous ces infidèles occidentaux et leurs valets locaux, traités d’hypocrites, trahissant le Koran et méritant donc la mort dans l’Enfer éternel.

Conclusion

L’Islam n’ayant pas de théologie du fait qu’Allah est l’Absolu et donc inconnaissable, les fondamentalistes soutiennent que la Chari’a est « La Loi » suprême, intouchable parce que le Koran est incréé. C’est bien ce texte sacré, récitant la Parole d’Allah dictée au Prophète Mohammed par l’archange Gabriel (Jibril), qui fonde leur solidarité organique dans une action sociale et politique commune à travers le monde entier, menant leurs adeptes sur le chemin de la haine du Djihad contre la société libérale occidentale.  Pour l’intégriste, plus proche est l’apocalypse du Jugement Dernier, plus proche est le paradis céleste.

Pour y remédier en terre républicaine laïque, il faudrait faire en sorte d’insérer les croyants musulmans dans l’espace économique, social et culturel. L’islam se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : il accédera à la modernité si ses fidèles lettrés décident de se libérer de certains carcans obsolètes légués au 7°s, et ce d’autant plus qu’ils doivent comprendre que la modernité occidentale fut conquise progressivement au cours des 3 siècles 16°s/17°s/18°s grâce aux découvertes de l’astronomie moderne par Copernic-Galilée-Kepler-Newton et grâce aux philosophes humanistes du siècle des Lumières, qui ont permis l’émergence des idées modernes qui ont remplacé certaines idées des saintes écritures qui empêchaient le progrès de la connaissance du monde terrestre et humain.

Il faut donc adapter les saintes écritures à la modernité, de façon à rendre la pratique de l’Islam compatible avec la laïcité, comme cela fut pratiqué en France vis-à-vis de la religion catholique. Et il faut comprendre que ces efforts d’adaptation sont conformes à l’Ijtihad qui invite le croyant musulman à se renouveler constamment, l’amenant à s’adapter aux changements de son environnement en assimilant les valeurs républicaines de son pays d’accueil.

C’est dans cette logique que le Professeur Mohamed Arkoum rappelle les propos du Cheikh Abbas, alors Recteur de la Mosquée de Paris : « Si certains Maghrébins en France ne respectent pas les prescriptions des lois coraniques, c’est qu’ils les ignorent ». D’ailleurs, les Hadiths recommandent ceci : « Chez quelque peuple que tu ailles, conforme-toi à ses habitudes de vie ». Et le professeur Arkoum d’ajouter : « Respecter les citoyens du pays d’accueil, c’est ne pas les offenser par des comportements contraires à leur habitudes de vie façonnées par leur histoire ».

Donc, pour un musulman, ne pas respecter le pays d’accueil relève d’une très mauvaise éducation coranique, de la méconnaissance de la langue arabe, du mépris pour la culture arabe, et donc du dédain pour soi en même temps que pour les autres. En décriant la culture républicaine du pays d’accueil, il refuse l’intégration dans la communauté nationale et s’en trouve donc exclu. Et s’il continue d’y satisfaire ses besoins primaires de nourriture, d’éducation, de santé et de liberté tout en récusant ses devoirs républicains, il se comporte en parasite et devient indésirable. Il tombe alors dans ce qu’écrit Montesquieu: « Le droit à la différence peut rapidement conduire à la différence des droits ».

Le remède à ce déséquilibre, se trouve dans l’instruction civique étendu à la connaissance des 3 religions monothéistes qui meublent l’espace français, de façon à amener chaque citoyen à connaître l’autre, celui qui est différent de lui certes, mais qui l’enrichit de sa différence. Le sentiment républicain et humaniste en sortirait grandi. A cela, je dis « Inch’Allah ! ».

Rationalité et irrationalité en Islam

Le Prophète Mohammed ne se considérait pas comme fondateur d’une nouvelle religion, mais comme le restaurateur de la véritable religion monothéiste qui avait déjà été révélée à Noé (Nouh’). C’est ainsi qu’il reconnaît Abraham comme le 1er Prophète, Moïse comme le Prophète Législateur qui a transmis la Thora au peuple Juif, et Jésus comme le Prophète le plus illustre, son prédécesseur direct. Il déclare qu’avec lui, la chaîne des prophètes se trouve bouclée grâce à la dictée directe des paroles de Dieu par la voix de l’Ange Gabriel durant 20 ans, entre 612 et 632 à son décès. Ainsi affirme-t-il que Allah l’a envoyé en dernier pour offrir à l’humanité l’accès à l’ultime connaissance de La Vérité. Et il avait espéré être bien accueilli par les Juifs et les Chrétiens parce qu’il venait leur annoncer ce que leur Dieu commun, celui d’Abraham, lui a directement révélé par la voix de l’Archange Gabriel, reconnu par eux.

Le contexte socio-culturel du temps de Mahomet

Mohammed est né vers l’an 570 dans une tribu  bédouine, les Kouraïch’, qui avaient conquis La Mecque au V° siècle. Il avait perdu son père 2 mois avant sa naissance, sa mère à 6 ans et son grand-père à 8 ans. Il fut alors confié à son oncle paternel qui commandait le clan Kouraïchite à La Mecque.

Sillonnant durant plus de 30 années les déserts d’Arabie et les villes commerçantes de Syrie à la tête de caravanes marchandes qui effectuaient de longs, périlleux et fructueux voyages entre La Mecque et les riches bazars de Damas, Mohammed avait longuement acquis l’art de l’observation des us et coutumes d’ailleurs. Il avait découvert la Syrie chrétienne d’alors qui faisait partie intégrante de l’Empire byzantin, qui était parfaitement organisé par l’empereur Justinien, dont le fameux Code Justinien réglementait toutes les activités de la nation, la religion chrétienne étant religion d’Etat imposée à toutes les populations de l’empire depuis 396.

Toutefois, le christianisme oriental de cette époque n’était pas du tout serein du fait que les chrétiens étaient divisés entre ceux qui croyaient au dogme de la Trinité de Dieu et ceux qui préféraient le Monophysisme du Christ réunissant en sa nature unique à la fois le divin et l’humain. Cette doctrine étant condamnée par le Concile de Chalcédoine en 451, de nombreux moines chrétiens avaient échappé aux persécutions en devenant «anachorètes », réfugiés dans le désert, où ils prêchaient contre cette Eglise catholique qui ne reconnaissait plus, à leurs yeux, l’unicité de Dieu. Cette polémique, très vivace à l’époque, avait dû le marquer d’autant plus qu’il avait été impressionné tout jeune par l’anachorète BAHIRA vivant en plein désert du sud de la Syrie, qui  avait «vu » en lui un futur homme de Dieu qui rencontrerait l’opposition farouche des adeptes d’autres religions. Aussi, Mohammed avait-il l’habitude de discuter les  problèmes religieux avec un «hanif », cousin de sa 1ère épouse Khadija, et qui l’accompagnait dans ses périples entre La Mecque et Damas.

D’autre part, il faut savoir que, depuis la fin du 1er siècle, l’Arabie avait accueilli un grand nombre de familles juives qui avaient fui la Palestine après la prise de Jérusalem par les Romains en l’an 70 ainsi qu’après la dure répression du soulèvement des Juifs à Bar Kacheva en l’an 135. Cette diaspora juive fut bien accueillie dans la population arabe locale, encore polythéiste et animiste. C’est ce qui explique qu’à cette époque, nombre de populations d’Arabie s’étaient converties au judaïsme, notamment au Yémen, où le Roi Himrayite, Dhù Nuwas, avait imposé cette religion à sa population.

Par ailleurs, dans le nord de l’Arabie, il y avait plusieurs petits royaumes chrétiens, alliés aux Byzantins chrétiens. Par contre, le centre de l’Arabie était peuplé de tribus bédouines animistes et polythéistes, dont la Koraïchite, tribu d’origine de Mohammed.

En somme, les tribus bédouines se trouvaient isolées dans un environnement géographique religieux à dominante monothéiste. Leurs croyances comportaient des superstitions liées au désert, notamment les Djinns malfaisants dont il faut se protéger par des sacrifices offerts à des idoles et divinités, capables de défendre leurs fidèles contre la puissance surnaturelle de ces Djinns. Il y avait 360 idoles que le Prophète Mohammed détruira dans la Kaaba à sa conquête de La Mecque en 630.

Cette Kaaba était considérée, depuis des temps immémoriaux, bien avant l’Islam, comme le sanctuaire descendu du ciel pour abriter les divinités, et donc comme le centre du monde où il faut régulièrement se rendre en pèlerinage pour faire acte de soumission à sa divinité pour se protéger contre les Djinns malfaisants. D’où cette coutume bédouine de prénommer son fils «Abd’ ou Abdel», suivi du nom de son idole protectrice à vénérer. D’où aussi cette obligation traditionnelle de faire le pèlerinage de La Kaaba pour s’assurer de la protection de son idole contre les malfaisances des Djinns, capables de rendre l’impénitent stérile, impuissant,  dément ou infirme.
Dans ce contexte d’angoisse spirituelle permanente renforcée par l’analphabétisme (l’écriture arabe commençant à émerger à partir de fin V°s), la population bédouine de cette région désertique, demeurée à l’écart de la colonisation des empires byzantin et sassanide, attendait un « signe du ciel », comme cette venue d’un prédicateur de génie, à l’image de Jésus qui voulait sauver le peuple juif du joug romain en lui promettant un nouveau royaume. Tout était prêt pour la prédication du Prophète Mohammed, avec la Kaaba, lieu de pèlerinage traditionnel et le puits «zemzem » dont l’eau intarissable était réputée pour sanctifier les pèlerins.

D’où vient le nom de « Allah » ?

ISLAM signifie littéralement la soumission totale à son vainqueur, notamment à la volonté d’un dieu tout puissant pour bénéficier de sa protection et de sa miséricorde. Il faut savoir que la conception d’un dieu unique, tout puissant et miséricordieux était antérieure à Mahomet qui a choisi le nom de « Allah » pour l’incarner. En effet, dans le Hedjaz antéislamique il y existait beaucoup d’adeptes de la foi d’Abraham en un Dieu tout puissant, toutefois sans croire en une religion révélée. C’était les «Hanif » que le Cor’an reconnaît comme descendant d’Abraham et préparant l’avènement de l’Islam.

Cet attachement au monothéisme d’Abraham était propre à tous les peuples sémitiques, originaires de Mésopotamie, où l’on adorait à la fois un dieu tout puissant et miséricordieux, dénommé « EL », et un autre dieu dénommé « BAAL », lui aussi tout puissant mais cruel. C’est ce qui explique le nom donné à Dieu dans la Genèse est bien ELOHA (au pluriel ELOHIM), provenant de la racine « EL ». De même, Jésus mourant sur la Croix, s’était écrié : « Eli, Eli, lamasa bactani », paroles araméennes signifiant : « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné », El désignant Dieu.

Dans un autre ordre d’idées, il y a lieu de s’interroger pourquoi le prénom du père de Mohammed, « Abd’Allah », c.à.d. « soumis à Allah », existait avant le Coran, alors que sa tribu Koraïchite était animiste ! Ce détail signifierait-il qu’une divinité du nom d’ALLAH figurait dans le panthéon des croyances Koraïchites à la naissance du père de Mohammed ? A moins que le mot de « Allah » ne soit la déformation bédouine du mot araméen « El » et que son grand père fût un « Hanif » croyant en ce dieu sémitique tout puissant et miséricordieux auquel il aurait dédié son fils en l’appelant « Abd’Allah »…

Or, un Hadith déclare que 360 idoles ou «sanam » peuplaient le sanctuaire de la Kaaba avant que Mohammed ne les détruise par le feu à son retour triomphal à La Mecque en 630, après 8 années d’exode (ou l’Hégire) à Médine. Dans ces conditions, l’on pourrait se demander si le Prophète Mohammed n’a pas choisi ALLAH parmi les 360 divinités bédouines adorées à La Mecque pour en faire le seul Dieu à adorer. Ce choix ne résulte-t-il pas de ses contacts spirituels au cours de ses nombreux voyages en caravane de La Mecque à Damas, ainsi qu’à son attachement à la divinité protectrice de son père « Abd’Allah » qui aurait failli à ses devoirs de prières et de vénération envers sa divinité protectrice « Allah », entraînant sa punition par une mort prématurée le privant de voir naître son fils unique Mohammed ?

Et cette crainte du jeune Mohammed envers Allah a dû être attisée par son regret de n’avoir pas connu son père dont il aurait pu être très fier parce qu’il était le plus bel homme de La Mecque, et ce, d’autant plus que dans la civilisation patrilinéaire bédouine le culte du père est poussé à l’extrême, chaque ressortissant masculin étant reconnu par sa filiation « ibn’ » depuis son père jusqu’à l’ancêtre paternel.

Les droits d’Allah et les devoirs des hommes

Le Croyant Muslim est soumis à ses devoirs envers Allah, son créateur tout puissant et miséricordieux. C’est ce qui unit tous les muslimin’ à travers le monde, dans une soumission totale et inconditionnelle à ALLAH, dont ils doivent invoquer le nom  par des formules sacrées à réciter à chaque acte tout au long de leur vie. Il s’agit d’un Dieu très présent et actif, ordonnançant tout ce qui nous arrive, décidant «ce qui est bon » pour chacun d’entre nous. C’est pourquoi le croyant doit accepter tout ce qui lui arrive.

Et si le croyant doit tout à Allah, c’est parce qu’il l’a créé avec de l’argile qu’il a insufflé de son esprit (min’ ruhi), ce pourquoi il doit toujours implorer sa miséricorde. Ce comportement est conforme au sens du mot Islam, qui est la contraction du mot guerrier « Istilam », signifiant abandon total de soi à son vainqueur qui, au temps du Prophète, décidait du sort du vaincu : la mort ou la vie sauve en état d’esclave. Et c’est bien cet état d’esclave de son Créateur qu’évoque le sens du qualificatif «muslim » attribué à tout Croyant en Allah et en ce que Mohammed soit son messager (rassoul).

Dans cette attitude il y a une manifestation d’humilité extrême que ressent le Muslim envers son maître absolu Allah. Cela le distingue du Chrétien qui s’identifie en Christ Fils de Dieu, ou du Juif qui dialogue avec Jéhovah. L’abandon total de sa personne à la volonté d’Allah conduit le Muslim à renoncer à toute réclamation de droits humains face à ALLAH, considéré comme le tout Puissant et miséricordieux, régentant la destinée de chacun (le Mektoub). C’est ce qui motive tout croyant à toujours implorer la miséricorde d’Allah en toutes choses.

Dans ces conditions, il est blasphématoire envers ALLAH de réclamer des droits autres que ceux dictés par Lui à son Messager Mohammed. Ces Paroles de Dieu ont été recueillis dans le Cor’an après la mort du Prophète qui les a commentées dans les Hadiths, à la suite de quoi fut élaborée la Charia qui énonce les règles de vie en société pour tous les Musulmans.

Et c’est ce qui explique pourquoi, dans tous ses actes, le Muslim invoque l’expression « Inch’ Allah », signifiant « qu’Allah le veuille bien ! ». Cet encadrement idéologique permanent explique l’élan de crainte et de soumission totale que le Croyant musulman ressent envers Allah, car tout vient d’Allah et tout doit revenir à Lui.

Comme tout vient d’Allah miséricordieux, il n’y a pas lieu de se soucier des Droits de l’Homme. Il suffit de se conformer à la volonté d’Allah dictée à son Envoyé Mohammed, transcrite dans le Coran, commentée par les Hadiths et traduite dans la vie publique et privée dans la Chari’a qui sert de code civil et pénal à la fois.

Et, pour aider le Croyant à comprendre les textes sacrés et leur traduction dans la vie courante, un Imam ou un Ouléma lui prodigue ses recommandations, qu’il doit suivre à la lettre pour être délivré de toute responsabilité de ses actes s’ils y sont conformes. Si la question de droit a une portée collective, sa conclusion juridique ou Fatwa doit être rendue par consensus d’une assemblée d’Oulémas ou Ijma, dégageant ainsi les fidèles de toute responsabilité de leurs actes. Et la justification de cela se trouve dans un Hadith du Prophète affirmant : « Ma communauté ne  saurait jamais tomber d’accord sur une erreur ».

Dans cet esprit d’apaisement et de paix intérieure le Croyant sent agir de bonne foi devant Allah, pour mériter le paradis le Jour du Jugement Dernier.

La force persuasive de la pensée Coranique

Le pacte de confiance conditionné par la soumission absolue à la volonté divine, conclu entre le premier Prophète Abraham et son Dieu Unique El, devait être aussi transmis à les descendants sémites arabes de son autre fils aîné Ismaël, né de sa servante Zohar. Mais, comme cela n’a pas été compris par les deux religions monothéistes, juive et chrétienne, se réclamant d’Abraham et antérieures à l’Islam, le Dieu d’Abraham, Allah pour les Arabes, a dû envoyer son Dernier Prophète, Mohammed, pour parfaire sa révélation et compléter les Ecritures Saintes. A cet effet, Il lui dicta directement sa volonté par la voix de l’Ange Gabriel durant 20 années, entre l’an 612 et l’an 632 à sa mort. C’est ce qui a été transcrit dans le Coran qui signifie « récitation », sous entendu de la parole divine.

A partir de ce dogme de l’origine du Coran, des Oulémas ont sacré son caractère immuable, obligeant les fidèles à respecter à la lettre son contenu proprement divin, à la différence de la Bible et des Evangiles qui ont été rédigés par des rédacteurs rapportant les dires de divers Prophètes. De la sorte, pour le musulman traditionnaliste le Coran ne permet pas d’échapper à la Vérité de Dieu, si ce n’est par ignorance ou par mauvaise foi. Et pour y remédier, l’ignorance doit être vaincue par l’enseignement de la Parole d’Allah récitée dans le Coran, tandis que la mauvaise foi sera vaincue par la Guerre Sainte du Djihad. Ainsi, tout semble clair pour préférer l’Islam à toute autre religion.

Par le Coran, la Parole de Dieu est récitée par le Prophète pour régler la vie de tous les jours, sans plus risquer d’errements personnels. Et ces paroles divines s’adressent à tous les humains sans distinction de race, de sexe ni de religion antérieure, dans un langage simple à comprendre et à appliquer. Il n’y a pas de «mystères » religieux qui dépassent notre capacité d’entendement, ni d’exclusion pour non-appartenance congénitale au peuple élu de Yahvé. Allah existe pour tous, sans nous poser de question sur sa nature, et l’égalité de tous se traduit par les 5 prières obligatoires par jour et par la soumission commune et totale à la volonté d’Allah.

Aussi, est-ce grâce à cet ensemble idéologique très persuasif que les 2 premiers Califes succédant au Prophète (Aboubakar et Omar) réussirent à conquérir facilement en 10 ans, de 634 à 644, leur immense voisinage géographique allant des possessions byzantines de l’Egypte et de la Syrie jusqu’à l’empire sassanide couvrant la Perse et l’Irak. Cette guerre sainte reçut le nom de Djihad, exprimant la ferveur de la foi du Croyant dans ses efforts de remplir ses devoirs. Il faut aussi savoir que le message d’égalité et d’émancipation de l’esclave converti à l’Islam a beaucoup facilité la conversion de ces conversions.

Par ailleurs, le fait que le Cor’an et la Sounna (ou Tradition du Prophète) constituent le seul lien entre le Muslim et Allah (sans la hiérarchie ecclésiastique qui avait abouti à la redoutable Inquisition de l’Eglise romaine, et sans l’intercession coûteuse des chamans dans les sociétés animistes), pousse le Croyant à adorer Allah en lui dévouant tous ses efforts par ses prières et sa soumission totale. Et c’est là le Jihad individuel, indispensable pour le rassurer de mériter le paradis.

En outre, les conquérants du Djihad avaient su, à leur époque, s’adapter avec souplesse aux mœurs et aux coutumes de chaque peuple conquis en lui laissant la possibilité de conserver toutes ses coutumes qui n’étaient pas en contradiction avec la Charia. D’ailleurs, la Chari’a, régissant la vie sociale, représentait une grande avancée sociale pour tous les peuples de cette époque, en comparaison avec leurs coutumes.

Seule l’Europe occidentale, hormis l’Espagne, avait su résister à la diffusion de ce nouvel art de vivre, grâce à l’Eglise qui avait réussi réussit à mobiliser une coalition militaire de cette région contre l’Islam. Pourtant, au IX° siècle, la civilisation islamique était beaucoup plus avancée que celle de l’Europe Occidentale. En effet, les principes diffusés par le Cor’an, comme le respect de la condition égalitaire entre tous les Croyants sans distinction (sans privilèges de la noblesse), ou comme la reconnaissance du droit d’héritage de la fille et de certains droits de la femme auprès de son mari tout en lui reconnaissant la prééminence dans la vie du foyer en raison des dépenses d’entretien de la famille dont il a la charge, ou encore le meilleur traitement de l’esclave (le Serf en Europe médiévale) et son affranchissement s’il enseigne le Coran à 10 païens, ou encore la diffusion de la pensée des philosophes grecs alors interdite par l’Eglise, …etc. Mais toutes ces avancées sociales et philosophiques de l’Islam des 8°s/12°s auraient certainement bouleversé l’ordre féodal en formation en Europe, si son expansion n’avait pas été stoppée par les Francs à Poitiers en 732 et par la marine de Gênes et de Venise.

L’absence de dialectique entre foi et raison en Islam

Le texte du Coran est dit « incréé » parce qu’il émane de Dieu. « Al’ Kor ’an » signifie récitation littérale, et cela sans chercher à savoir si celui qui récite sait lire ou écrire. L’on ne doit pas chercher à en critiquer une seule syllabe, sinon en le commentant dans le sens du chemin de vie de Mohammed(les Hadith recueillis dans la Sounna) le dernier prophète que Allah a envoyé à cet effet. Le muslim trouve ainsi tracée la voie de son destin sur Terre, sans critique parce que l’intelligence d’Allah dépasse notre entendement. Il est le Seul à connaître la Vérité.

L’Islam se présente comme la religion d’Abraham rénovée et simplifiée. Le culte ne comportant pas de liturgie, il n’y a pas de ministre du culte. L’Imam, qui dirige la prière en commun en faisant une brève lecture du Coran, n’est qu’un fidèle comme les autres. Et le Muezzin ne sert qu’à  appeler les fidèles à la prière du haut du minaret. Le sens du collectif imprègne ainsi la religion musulmane. Le vendredi a lieu la prière en commun qui se célèbre dans la mosquée proprement dite, les autres prières individuelles(5 fois par jour) étant célébrées où que se trouve le muslim en se prosternant humblement pour prier en direction de La Mecque. Quant aux Ulémas, ils ont étudié assez longtemps la Loi Divine pour l’enseigner et assurer le rôle de directeur de conscience des fidèles ainsi que de jurisconsultes. C’est pourquoi, en Islam, il n’y a pas de clergé.

Toute la vie du muslim, tant au niveau civil que religieux ou politique, trouve son orientation dans le Coran d’abord et ensuite dans la Sounna où se trouve recueillie la Tradition, provenant des Hadith(entretiens) du Prophète avec ses Compagnons et ses auditeurs qui lui posaient toutes sortes de questions pratiques de la vie courante qui n’étaient pas explicitées dans le Coran.

La première négation de la dialectique entre foi et raison se trouve dans la reconnaissance de la prédestination de l’Homme, le Mektoub, signifiant que Allah connaît d’avance tous les événements. La profession de foi(ou Chahada) du Croyant, suppose cette omniscience de Dieu en tant que générateur de toute la connaissance humaine. Cette déclaration volontaire définit au départ chez le Croyant sa volonté de se soumettre consciemment à la Loi divine exprimée dans la Charia. Et pour adopter cette Loi divine contenue dans le Coran, le Croyant doit entreprendre des efforts personnels sur lui-même, de façon constante et répétée durant toute sa vie, de façon à vaincre ses résistances(en pliant son ego) face au contenu du message coranique: c’est l’Ijtihad ou le Djihad de base, que l’on a ensuite étendu à la guerre sainte collective pour la défense des causes justes au service de la « Umma » ou communauté islamique universelle.

Sous cet aspect de la perception de toutes choses, l’interprétation commune du Coran a imposé l’idée que l’intelligence de l’homme, serviteur d’Allah à qui tout doit revenir en tant que source de vie et de toute connaissance, ne doit servir qu’à la connaissance du message qu’Allah nous a communiqué à travers son dernier prophète, Mohammed. Aussi, la raison de l’homme ne doit-elle plus servir qu’à réaliser ce que veut Allah, d’où l’appellation «el Islam » qui signifie le don de soi, la soumission totale à Allah. Dans ces conditions, la parole que le Croyant adresse à son Créateur ne peut plus être  que prière et invocation. De la sorte, tout esprit critique disparaît et la Foi (el Imân) se fond dans la soumission totale au message divin, incréé dans le Cor’an, et cela grâce à un effort constant sur soi même pour vaincre ses passions, en usant dela Vertu de perfectionnement permanent (el Ihsân). Ce cheminement dans sa confiance totale en Allah place le Croyant dans un état de certitude et d’équilibre, sans inquiétude. Le muslim échappe aux incertitudes de l’ego.

Sur cette base, l’Islam est la religion de l’Absolu et de la conscience apaisée, à la différence du Christianisme qui est la religion de l’Amour très difficile du prochain avec une conscience torturée par le mea culpa permanent du Chrétien soumis aux turbulences de son ego.

Ce postulat de l’Absolu permet aux Ulémas de justifier leur refus de toute discussion sur la nature de Dieu. Il n’y a donc pas de Théologie possible. Aussi, l’enseignement de la pensée d’Aristote a été interdit par la suite parce qu’elle reconnaît l’éternité de l’univers contredisant la création du monde inscrite dans le Cor’an, et qu’elle ne reconnaît pas l’immortalité de l’âme, ce qui contredit l’avènement du Jugement Dernier.

Science et connaissance en Islam
Les premiers siècles de l’Islam avaient connu un bouillonnement intellectuel extraordinaire, rendu possible par les exhortations du Prophète en faveur de l’éducation et de la science à travers de nombreux Hadith, disant notamment : -« la quête de la science est un devoir pour tout muslim » ; -« Cherchez la science jusqu’à la Chine lointaine s’il le faut » ; -« Celui qui part à la recherche de la science, Allah lui ouvrira le Paradis » ; -« L’encre du savant est plus sacrée que le sang du martyr »; -« Celui qui refuse de communiquer sa science à ceux qui la lui demandent ira en enfer ».

Par ailleurs, le Cor’an insiste sur la nécessité de voyager pour comprendre et entendre, signifiant par-là qu’il y a des sciences à découvrir en dehors du Cor’an. La science déborde donc nécessairement le contenu du Cor’an. D’ailleurs, dans le Cor’an, on relève 49 fois l’emploi du verbe «aqala » qui signifie exercer sa raison dans le but d’ordonner le bien ou d’empêcher le mal, au-delà des commandements de Dieu.

Aussi, dès l’an 691, les califes Omayyades avaient fait édifier à Jérusalem le premier monument de l’architecture musulmane, le Dôme du Rocher, dans un nouvel art combinant les apports gréco-romains de l’empire byzantin et ceux de l’empire sassanide. Cette science ne figurait pourtant pas dans le Cor’an!

Il en est de même de la philosophie que les Omeyyades ont pêché dans les traditions hellènes et sassanides. Il suffit de penser au Calife Al Ma’moun(813-833) qui fonda à Bagdad en 815 la Maison de la Sagesse(Bayt Al Hakmat) où travaillèrent des chercheurs de tous horizons, sans aucun impératif religieux, et qui avaient permis au Califat Abbasside (750-1258) d’atteindre un niveau de rigueur scientifique et d’érudition inégalée depuis lors dans le monde arabe. A cette époque, c’était surtout Aristote qui servait de maître à penser pour tous les chercheurs musulmans. Le pythagorisme et l’hermétisme y étaient également enseignés. D’ailleurs, faut il souligner que les traductions de la pensée profane antique avaient énormément enrichi la langue arabe qui n’était que poétique au départ. Grâce au savoir hors Cor’an, le dialecte arabe va devenir une langue entière de civilisation permettant l’analyse philosophique et scientifique. De plus, le Calife Al Ma’moun avait fait de l’école rationaliste des Mutazalistes la religion d’Etat, ce qui permit à la philosophie arabe de l’époque de se libérer de la tutelle religieuse, soit 7 siècles avant Descartes !

Le premier grand philosophe musulman fut Al Kindi (800-870) qui défend sa thèse de la causalité inspirée de la pensée platonicienne. Il avait introduit le calcul numérique avec les chiffres indiens de 0 à 9, devenus les chiffres arabes universels.

Al Farabi (870-950) portait le titre de « 2ème Maître » après Aristote. Il affirma le primat de la philosophie sur la théologie. Son ouvrage « L’Etat modèle » prône un Etat fondé sur la Morale et la raison, à la tête duquel régnerait un roi philosophe, annonçant ainsi, 800 ans à l’avance, le modèle de la monarchie éclairée du Siècle des Lumières.

L’un des plus grands penseurs universels, connu en Europe sous le nom d’Avicenne (980-1037) réalisa un condensé du savoir universel de son temps, annonçant ainsi,7 siècles à l’avance, l’encyclopédiste Diderot du XVIII° siècle. Et son principal ouvrage « Le canon de la médecine » resta le principal manuel de médecine à l’usage de toutes les universités européennes jusqu’à l’ère moderne du XVII° siècle.

Al Birouni (973-1048) fit côtoyer la philosophie et l’astronomie dans ses « Jardins de la science ». Accompagnant le Calife Mahmoud en Inde, il en sortit un ouvrage sur l’histoire de la civilisation indienne, ainsi qu’une histoire du monde « Chronologie ».

Plus tard, après l’étouffement de la pensée philosophique en Orient musulman, c’est sous la protection des Almohades à Marrakech que refleurira la pensée du monde islamique. C’est ainsi que Ibn Toufayl(1115-1185)  écrivit un essai philosophique intitulé « Le vivant, fils de celui qui veille », annonçant 4 siècles à l’avance le « Discours de la méthode », décrivant comment un homme, vivant isolé sur une île déserte, parvient seul à la connaissance du Monde et de Dieu par la seule force de son intelligence naturelle et de sa réflexion rationnelle.

Enfin, la philosophie islamique atteignit son apogée au XII° siècle, sous les Almohades, avec Averroès (1126-1198) dont la pensée fut largement appréciée par les philosophes européens des XIII°-XVII° siècles. Partisan d’Aristote, il prône que le monde et le cosmos existent de toute éternité et qu’ils ont évolué suivant leurs propres lois, bien que créés par Dieu le Créateur de l’univers. Mais rejetant l’immortalité de l’âme et donc sa survie après la mort, Averroès entra en conflit violent avec l’orthodoxie musulmane qui le fit partir exil en Europe, où sa thèse sur l’existence éternelle du monde, sans commencement ni fin, fut pérennisée sous le nom d’«averroïsme Latin » à la Sorbonne. Sa théorie fut reprise, deux siècles plus tard, par saint Thomas d’Acquin.

Le dogmatisme religieux et l’éducation islamique

Le Prophète avait dit: « Dieu n’a rien créé de plus noble que l’intelligence, et sa colère tombe sur celui qui la méprise ». Il avait dit aussi que « Le monde est pour Dieu un vaste livre rempli de « signes » (âyât) ou de symboles qui parlent à notre entendement et qui s’adressent à ceux qui comprennent ». Cela montre le rôle capital de l’observation et donc de la science aux yeux de Mohammed.

Mais les Uléma ont limité leur enseignement à la seule connaissance du Cor’an et de la Sounna, en se référant à l’un des 12 Commandements d’Allah dans le Cor’an, contenu dans la Sourate(XVII, 23-41) et disant ceci:  « Ne cours pas après ce dont tu n’as science aucune ». Cependant, cette sourate laisse aussi supposer que la science est multiple et qu’elle recouvre d’autres domaines que ce qui est traité dans le Cor’an, sinon elle aurait précisé de se contenter de ce qui est dit dans le Cor’an !

Par ailleurs, les Ulémas justifient leur refus d’ouverture par la Sourate(VII,33) qui dit : « Il est interdit d’associer quiconque à Allah », ce qui signifie que rien d’autre que ce qui a été révélé à Mohammed ne peut être ajouté par quiconque d’autre que lui ! Tout doit donc rester immuable après la mort de Mohammed !

C‘est ainsi que les Ulémas ont pu limiter la Science à la seule connaissance du Cor’an et de la Sounna.

C’est cette absence de pensée dialectique qui empêcha l’avènement de la révolution scientifique dans le monde islamique. Le conservatisme obscur des Ulémas y fit son nid, en régnant en maîtres à penser sur l’ensemble de leurs populations qui sont restées pieuses et soumises. Aucun autre choix de pensée et de vie ne put leur être proposé sous peine de « Fatwa » qui excommunie l’impétrant! Et Il n’y eut donc plus  d’interprétation du Cor’an par l’Ijtihad depuis Al Kindi, Farabi, Avicenne et Averroès, tous  ces philosophes qui avaient essayé de relire le Cor’an à la lumière d’Aristote, comme le fit si bien en Europe du XIV° siècle St Thomas d’Acquin au regard de l’Evangile et en s’inspirant d’Averroès !

Ainsi, par ce barrage didactique à la formation de l’esprit critique nécessaire à la pensée scientifique, la Logique de la pensée islamique s’est retrouvée bornée au champ de la seule spiritualité religieuse contenue dans les 6236 versets des 114 Sourates du Cor’an. Cela a donc limité le champ exploratoire de la recherche scientifique dans l’Empire islamique ainsi que celui de l’étude de l’Histoire, mère de toutes les sciences humaines, et qui aurait pu servir à mieux connaître et à améliorer le devenir économique et social du monde musulman.

Ghazali (1058-1111), bien que partisan du doute fertile pour le cheminement de la raison dans sa recherche de la vérité, combattit les philosophes à Bagdad en publiant que la raison ne peut constituer un critère de vérité en soi, car la Vérité se trouve en Dieu. S’il reconnaît le doute comme rempart contre l’erreur certaine, il sépare le doute philosophique des 3 croyances de base de l’Islam: Dieu, la prophétie et le Jour du Jugement Dernier. Par son exégèse, Ghazali a reçu le titre de « Preuve de l’Islam » en fixant son orthodoxie religieuse. Il reprocha aux philosophes leurs 3 mécréances fondamentales et incompatibles avec la foi du Cor’an: l’affirmation de l’éternité du monde, la négation de la résurrection des corps, et l’idée que Dieu ne s’occuperait pas des actes individuels des hommes et se contenterait de s’intéresser seulement à l’universel. De la sorte, aux yeux des autorités politico-religieuses, la pensée de Ghazali suffisait à éliminer définitivement la Philosophie de la civilisation islamique, comme contraire à la religion. Les Ulémas l’exclurent donc de l’enseignement dans les Madrassa. Et sous les Mamelouks et les Ottomans, la pensée philosophique libre ne pouvait être enseignée que par les seuls philosophes, chez eux et en dehors des Madrassa, sans être payés par les autorités publiques ni par la Communauté des Croyants, plus sensibles aux arguments émotionnels des religieux, et cela d’autant plus aisément que les arguments démonstratifs des philosophes sont plus ardus à comprendre et à retenir.

En soumettant la raison à la foi, l’homme n’a donc pas le pouvoir de créer ses propres œuvres comme Dieu. Aussi, ne peut-il acquérir par la raison que ce que Dieu a bien voulu lui communiquer par son Envoyé Mohammed. Cela signifie bien que » en dehors du Cor’an point de salut! ». Et cette argumentation des Ulémas était facile à comprendre aux élèves des Madrassa qui formaient toutes les nouvelles générations de la bureaucratie et de l’enseignement général.

C’est ainsi que s’installa la longue période du conservatisme Turco-Ottoman, opprimant l’ensemble les peuples arabo-musulmans à partir du XI° siècle, en figeant la pensée dans les gloses indéfiniment répétées et les manuels stéréotypés du Livre Saint du Coran. Cela s’est ensuite étendu au Maghreb et à l’Espagne avec l’exil d’Averroès (qui transmit la pensée d’Aristote en Europe), étouffant ainsi l’ensemble de l’activité intellectuelle du monde islamique qui resta en dehors de l’essor culturel et philosophique qui allait entraîner l’occident européen dans une dynamique culturelle et sociale nouvelle, appelée l’Humanisme.

Que faire pour intégrer l’Islam en France ?

Dans son livre « La Laïcité face à l’Islam », Editions Stock 2005, Olivier Roy constate que l’imaginaire collectif rend l’Islam responsable mécanique des comportements critiquables de gens d’origine musulmane du seul fait que l’Islam ne sépare pas le religieux du politique et qu’il condamne objectivement la laïcité qui rejette toute ingérence des autorités religieuses dans l’organisation de la vie sociale. Cet apriori islamophobe attribue le comportement machiste des « beurs » des banlieues à la Chari’a qui place les hommes au-dessus des femmes. Et O. Roy infirme cette appréciation islamophobe en disant que le machisme existe aussi dans les quartiers défavorisés des Noirs américains, à Moscou et chez les Skinheads allemands, qui n’ont aucun rapport avec l’islam. Il en conclut qu’il s’agit d’une grave confusion idéologique qui stigmatise une partie de la société, et que cette accusation de l’Islam est devenue un argument identitaire de contestation chez les jeunes défavorisés des banlieues qui se plaisent à faire peur aux « bourgeois ».

Cependant, il faut bien prendre la mesure des choses et comprendre que  cette stigmatisation sociale visant à tout expliquer par l’Islam, favorise l’émergence du communautarisme qui rattache à la « communauté musulmane » tout Français issu de l’immigration nord africaine, qu’elle soit croyante ou non. Et comme cette immigration est infiltrée depuis 3 décennies par les salafistes et les frères musulmans, défenseurs d’un Islam rétrograde et intolérant, l’imaginaire collectif français assimile cette communauté au fondamentalisme musulman.

Que faire pour renverser ce jugement ? Il faudrait voir émerger un vrai Islam de France, émancipé du conservatisme salafiste, et qui s’adapte au mode de vie laïque en harmonisant ses règles de vie dans l’espace public avec celles de la République française qui est le pays d’accueil de ces musulmans, conformément à ce qu’avait recommandé le Prophète à tout musulman qui s’installe en pays non islamique. C’est par ce moyen que disparaîtra dans les esprits la confusion entre origine ethnique et fondamentalisme musulman, ainsi que tout discours islamophobe stigmatisant les Français d’origine arabe, ce qui les refoule dans des ghettos où le fort taux de chômage des jeunes attire le trafic de drogue. Cet Islam moderne, respectant la laïcité du modèle de vivre français, rendra l’Islam compatible avec les valeurs républicaines françaises, tout comme les Juifs et les Chrétiens qui peuplent l’espace religieux dans la République française.

Plus que jamais les valeurs portées par la laïcité peuvent garantir le vivre-ensemble dans une république multiconfessionnelle par le respect de la liberté de conscience et de la séparation de la sphère publique et de la sphère privée. Elle garantit la coexistence pacifique entre différentes confessions religieuses. A ce titre, la laïcité doit nécessairement accompagner la devise républicaine « Liberté-Egalité-Fraternité » pour la sauvegarder face aux turbulences communautaristes et toutes sortes de discriminations qui minent ce XXI°s.

Principes républicains Français et Islam

La Déclaration des Droits de l’Homme et la Constitution de la République Française s’imposent à toute personne vivant sur le territoire français. La République est indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle garantit à tous l’égalité devant la loi, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Sa devise « Liberté, Egalité, Fraternité » consacre les combats du Peuple français contre l’obscurantisme depuis le 18°s.

Et, pour bien prendre conscience du système démocratique français, il faudrait rappeler à chaque citoyen et à chaque immigré les événements historiques essentiels qui ont marqué la genèse de la République française.

Tout d’abord, il faut rappeler qu’avant la Révolution de 1789, la France était une royauté de droit divin, où le Roi avait droit de vie et de mort sur ses sujets, où le catholicisme était religion d’État et où il n’y avait pas de liberté d’expression. Et c’est au cours du XVIII°s que les idées démocratiques vont éclore à travers les écrits des Philosophes des Lumières, qui déboucheront sur l’abolition des privilèges de la Noblesse et du Clergé et la conquête des valeurs républicaines de liberté, d’égalité des droits, de tolérance et de justice, tout en faisant primer la vérité scientifique sur le dogmatisme religieux. 

Le 14 juillet 1789, le Peuple s’émancipait.

1789, les Philosophes primaient les valeurs de Liberté, de démocratie, de tolérance, de justice, les valeurs scientifiques sur le dogme et la tradition religieuse :
- Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, qui sera reprise par les différentes constitutions françaises puis adoptée par la Charte de l’ONU, le 10 déc. 1948. Elle développe aussi les principes de la propriété individuelle et du respect dû à autrui,

- Abolition des privilèges,
- Autorisation de publication.
 
1791 Naissance de l’Enseignement public

Lakanal fait adopter les lois qui le garantissent et assurent son développement. Auparavant, seul le Clergé dispense le Savoir, garant du Pouvoir.
 
1792 La Liberté et l’Instruction publique permettent l’unification du pays autour de sa devise « Liberté-Egalité » et de « La Marseillaise » qui deviendra l’Hymne National en 1879  

1792, « la Marseillaise » permet la levée en masse de troupes face à « La Patrie en danger ». En septembre, la Victoire de Valmy sauve la Liberté et la Démocratie,
 
1793 La France, précédemment départagée en Diocèses, en Provinces selon un découpage hérité de la hiérarchie du Clergé, est enfin unifiée avec l’abolition des octrois. La libre circulation du grain et des marchandises est garantie.
 
1848 Lois qui garantissent la Liberté de pensée mais il faut attendre juillet 1881 pour avoir la garantie de la liberté d’expression.
 
1872 Lois Thiers.

Premier Service National obligatoire et universel pour les hommes.

On assiste aux premiers brassages de population, aux premiers cafouillages linguistiques dû aux confrontations des patois régionaux avec une langue académique toute militaire.Toute la population apprend à marcher d’un même pas.

1881/1882 Lois Ferry.

Création de l’École Primaire Laïque gratuite et obligatoire. Victor Hugo disait  « Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons » l’École laïque est l’apprentissage de la fraternité et de l’égalité. Elle gomme les différences en plaçant tous les enfants sur le même plan théorique.
 
1905 Séparation de l’Église et de l’État :

La République française est une des rares démocraties prônant la laïcité. Elle ne fait aucune référence à Dieu, tout en protégeant la liberté du culte de chacun. La République demande donc la neutralité de ses fonctionnaires en respectant la croyance de chacun.

La laïcité est un espace neutre qui permet aux arbitraires culturels dominés, aux diverses croyances de se tolérer, d’éviter que le citoyen soit dans l’obligation de se parjurer ou de s’apostasier pour vivre en France.

1938 Création du régime général de la Sécurité Sociale. Actuellement, tout salarié participe au prorata de ses gains à la couverture sociale de tous.
 
Notre République est indivisible. Elle n’admet pas :

La juxtaposition de communautés, la cohabitation de principes étrangers aux us et coutumes en usage en son sein. Elle pourvoit aux besoins d’appartenance et d’affectivité à la Nation et à l’État. Chacun doit être conscient d’opter pour la laïcité, la tolérance, l’union dans la fraternité lorsque la Liberté est en danger. Elle octroie à chaque citoyen :

- la liberté d’expression dans les limites de celles du voisin (Art. 1er 6) de la Déclaration des Droit de l’Homme
- l’accès du Savoir donc du Pouvoir
- la possibilité d’honorer son Dieu dans la mesure où le culte n’empiète pas les lois républicaines
- la possibilité à la démocratie de s’exprimer pleinement, de jouer de l’alternance arbitraire politique sans effusion de sang.

Près de 2 siècles ont été nécessaire pour garantir la paix civile et pour surmonter les crises de la Libération, de la décolonisation, des tensions internationales et pour essayer de restreindre la crise du chômage.
Il a fallu plus d’un siècle pour conquérir la liberté, d’être Soi, émancipé de tout arbitraire autocratique ou religieux, pour apprendre à s’en servir. Notre expérience sert de référence à tous les Peuples,
 
Notre Devise est notre ciment.

Qu’en est-il de la laïcité dans le monde musulman ?

Le monde arabe avait connu une certaine forme de Laïcité grâce à la doctrine mutazilite qui s’était répandue de la fin du VIII°s à la fin du XI°s. En effet, le mutazilisme vise à rationaliser la pensée et l’action des musulmans en ouvrant leur conscience au libre arbitre de façon à user de dialectique aristotélicienne. A cet effet, il considère le Coran créé et non incréé (du fait qu’il serait dicté par Allah à travers l’ange Djibril). Et, puisque le texte sacré est écrit par l’homme, le croyant peut exercer sa liberté de conscience pour l’interpréter, de même que pour étudier la philosophie et les sciences profanes. Aussi, le Mutazilite attribue-t-il l’existence du mal à la seule volonté des humains parce qu’ils disposent du libre arbitre pour penser et agir. De ce fait, tout ce qui arrive n’est pas « mektoub ».

Le Calife abbasside Al Ma’moun (813-833), chef suprême de l’Islam, avait adopté le mutazilisme comme doctrine officielle de l’Etat. Il affirmait publiquement que si son livre de chevet est bien le Cor’an, lui servant de guide dans sa conduite intime et ses prières, son maître à penser dans la vie profane est Aristote. Et il avait créé, à Bagdad, la « Maison de la Sagesse » pour y accueillir d’éminents représentants des 17 écoles de pensée existantes, dans le but de faire progresser la connaissance. Et, grâce à cette liberté de conscience, la science avait beaucoup progressé dans le monde arabe jusqu’au XII°s.

C’est alors que le rationalisme laïc du mutazilisme avait inspiré de grands philosophes musulmans entre fin IX°s et fin XII°s, parmi lesquels :

-a) le persan (Al Râziy) Rhazès (864-925) déclare que c’est la philosophie et non la théologie qui doit libérer l’âme du corps en offrant à l’homme les moyens de réaliser son bonheur. Et il affirme que la Bible et le Coran s’inspirent de fables et que les prophètes sont des imposteurs qui alimentent le fanatisme en étouffant la quête de vérité pour attiser les haines pour aboutir aux guerres religieuses. Il estime que les populations s’attachent à leur religion par l’ignorance qui rythme leur vie en la soumettant aux autorités publiques qui perpétuent les rites pour pérenniser leur pouvoir. Pour remédier à cet obscurantisme, Rhazès soutient que seule la raison permet de discerner le bien du mal en s’appuyant sur la connaissance, et sans plus devoir recourir aux Saintes Ecritures dans notre quête de vérité. Il annonce Voltaire de la fin 18°s.

-b) le soufi Al Farabi (872-950) est un autre grand penseur musulman prônant la laïcité. Qualifié de son vivant de « Hakim al tani » ou 2° Maître à penser après Aristote, il est le premier philosophe à identifier la dialectique entre l’existence et la conscience des hommes, 9 siècles avant Karl Marx. Et il soutient que la Cité doit être gouvernée par un Sage, réunissant connaissance et sens de l’action, au lieu d’en laisser la gestion au Calife qui ne doit être que chef religieux. Il annonce ainsi l’anglais Thomas More, auteur en 1516 de « Utopia ».

-c) enfin, Ibn Rushd dit Averroès (1126-1198) fut aussi un grand philosophe musulman prônant la laïcité en distinguant la science (« ilm » ou connaissance) et la religion. Il fut le premier à défendre la condition féminine, soutenant que la femme a le droit d’accomplir les mêmes tâches que l’homme, notamment philosopher ou diriger la société au lieu d’en limiter le rôle à la procréation et aux tâches ménagères, ce prive la société de sa contribution à la création des richesses. Sa laïcité s’étend aux autres formes de préjugés et discriminations inspirés des Ecritures, 6 siècles avant les philosophes des Lumières.

Malheureusement, ces apports de grands penseurs laïcs musulmans des X°-XII° siècles, prônant l’émancipation de la réflexion humaine des tabous religieux, n’ont pas résisté à la mainmise des théologiens dits « oulémas » sur le pouvoir turc, qui adopta leur thèse du Coran incréé en imposant la Chari’a comme loi fondamentale de la vie en société, sous le gouvernement du Grand Vizir, Nizâm El Molk dans la 2nde moitié du XI°s. Il faut comprendre que ce dirigeant politique visait à soumettre toutes les provinces arabes de l’immense empire turc. Il se servit d’El Ghazali, éminent philosophe et théologien, pour imposer une version unique du Coran incréé, et prohiber l’enseignement de la philosophie profane dans les madrassas dans le but d’éradiquer l’esprit critique.

Ce combat contre la liberté de conscience fut mené depuis la mort du calife Al Ma’moun par le courant conservateur des Oulémas qui rejetait le mutazilisme parce qu’il offrait au Croyant la liberté de penser et d’agir, et donc de contredire l’imam et ses fatwas, en n’ayant de compte à rendre qu’à Allah à sa mort. 

En adoptant la doctrine du Coran incréé, le pouvoir d’Etat turc plongea dans l’obscurantisme tout le monde arabe qu’il colonisa jusqu’en 1918.

Cet obscurantisme découle du dogme de l’incréation du coran qui implique que ce sont les droits d’Allah qui comptent avant tout, expliqués par l’imam, et auxquels sont soumis les droits de l’Homme. Le Croyant doit donc d’abord observer ses devoirs envers son Créateur, tels qu’écrits dans le texte sacré que l’imam est habilité à expliquer à ses fidèles dont il encadre les actes quotidiens. C’est la condition requise pour obtenir la miséricorde d’Allah, qui est infinie, c.à.d. que le Croyant musulman se fera toujours pardonner ses péchés et méritera le paradis en écoutant son imam dans l’abandon de soi à son créateur, en lui répétant sa foi en tous moments de son existence et de ses actes.

Pour comprendre le fanatisme des islamistes

Le Prophète Mohammed se considérait comme le restaurateur de la véritable religion monothéiste qui avait déjà été révélée à Noé, Abraham, Moïse et Jésus.

Le contexte socio-culturel du temps de Mahomet

Mohammed est né vers l’an 570 dans une tribu  bédouine, les Kouraïch’. Orphelin de père à sa naissance et de mère 6 ans après, il fut alors confié à son oncle paternel qui lui fit sillonner à dos de chameaux les déserts d’Arabie et les villes de la Syrie chrétienne d’alors, partie intégrante de l’Empire byzantin. Il découvrit le christianisme oriental qui n’était pas du tout serein : les chrétiens  refusant de croire au dogme de la Trinité étaient excommuniés par le Concile de Chalcédoine en 451. De nombreux moines échappèrent aux persécutions en se réfugiant dans le désert où ils prêchaient contre l’Eglise catholique en l’accusant de ne pas reconnaître l’unicité de Dieu. Cette polémique, très vivace à l’époque, avait marqué le jeune Mohammed qui rendait visite régulièrement au moine BAHIRA vivant en plein désert syrien, et qui avait «vu » en lui un « homme de Dieu ». Depuis la fin du 1er siècle, l’Arabie avait accueilli un grand nombre de familles juives, enfuies de Palestine après la destruction du Temple en l’an 70. Aussi, beaucoup d’arabes d’Arabie s’étaient-ils convertis à la religion de Moïse, notamment au Yémen, où le Roi Himrayite, Dhù Nuwas, avait imposé le judaïsme. D’autres arabes, au nord de l’Arabie, avaient constitué de petits royaumes chrétiens, alliés aux Byzantins chrétiens. Quant à la tribu Kouraïchite de Mohammed, elle était restée animiste et très attachée aux superstitions du désert croyant en l’existence de Djinns à l’esprit malfaisant, qu’il faut savoir apaiser par des sacrifices offerts aux 360 idoles que le Prophète avait détruites dans la Kaaba en conquérant La Mecque en 630. La Kaaba, était considérée depuis toujours, comme le Centre du Monde, où il fallait traditionnellement se rendre en pèlerinage pour offrir un sacrifice aux divinités adorées. Cela explique la pratique bédouine de se prénommer « Abd’… » suivi de la divinité le protégeant contre les Djinns malfaisants.. Dans ce contexte d’inquiétude spirituelle, lesbédouin,, demeurés à l’écart des conquêtes byzantine à l’Ouest et Sassanide à l’Est, en raison du climat inhospitalier, attendaient un «signe du ciel » pour se forger un destin propre.

Les droit d’Allah et les devoirs des hommes

Le mot ISLAM signifie « soumission totale à son vainqueur » pour bénéficier  de sa miséricorde,et, par extension, au Dieu unique et Tout puissant, dont la croyance était antérieure à Mahomet. Il s’agit des «Hanif », que le Cor’an reconnaît comme descendants d’Abraham. Le Croyant est soumis à ses devoirs envers son Créateur, qu’il doit nommément invoquer par des formules sacrées. Il s’agit d’un Dieu actif et très présent, ordonnançant tout. L’homme doit donc toujours implorer sa miséricorde. Dans tout ce qu’il entreprend, il invoque «Incha’ Allah », signifiant « à condition qu’Allah accepte ». Ainsi, le Jour du Jugement Dernier, le Muslim espère mériter d’Allah le bonheur éternel après sa mort.

La force persuasive de la pensée coranique

Le pacte conclu entre le premier Prophète Abraham et son Dieu unique EL(Eloha en hébreu, Eli en araméen, Allah en arabe) n’ayant pas été bien compris par les religions juive et chrétienne, Allah a envoyé son Dernier Prophète, Mohammed, en lui dictant la Vérité dans le Coran, consacrant ainsi son caractère inviolable et supérieur à la Bible et aux Evangiles inspirés par des hommes. Le Coran règle la vie de tous les jours, dans un langage simple à comprendre, le croyant ne risquant pas des interprétations byzantines. Tous les croyants, sans distinction, doivent réciter les 5 prières par jour, à la même heure, en se prosternant. Il n’y a pas de mystères religieux. Ce message d’égalité plaisait aux populations nouvellement conquises. De plus, le Cor’an et la Sounna constituent le seul lien entre le Mouslim et Allah, sans la hiérarchie religieuse et inquisitoire de l’Eglise. La conquête islamique a su aussi s’adapter aux coutumes qui n’entraient pas en contradiction avec la Charia. Et elle toléra la présence des Chrétiens et des Juifs, désignés comme les « gens du Livre ». Aussi, en 10 ans(634-644) l’Islam avait il conquis les possessions byzantines de Syrie, Palestine et Egypte et l’empire Sassanide s’étalant sur l’Iran et l’Irak, la Charia représentant une grande avancée sociale pour tous ces peuples. En effet, les nouveaux principes enseignés par le Cor’an, comme l’égalité entre tous les Croyants, le rôle de la femme auprès de son mari, le traitement plus humain de l’esclave et son affranchissement religieux, ainsi que la liberté de diffusion de la pensée grecque, faisaient que la civilisation islamique était la plus avancée. Toutefois, l’Europe  résista à l’Islamisation grâce à l’Eglise , ainsi qu’ aux Génois et Vénitiens qui dominaient la navigation en Méditerranée.

L’absence de dialectique entre foi et raison en Islam

Le texte du Coran est dit « incréé », émanant de Dieu. « Al’ Kor ’an » signifie récitation littérale. L’on ne doit pas chercher à en critiquer une seule syllabe parce que la Vérité d’Allah dépasse notre entendement.  La première négation de la dialectique entre foi et raison se trouve dans le Mektoub, signifiant que Allah connaît d’avance et décide de tous les événements. Et pour comprendre cette Loi divine, le Croyant doit entreprendre des efforts personnels sur lui-même, durant toute sa vie, en pliant son ego face au contenu du message coranique: c’est l’Ijtihad ou le Jihad au niveau personnel. Dans ces conditions, tout esprit critique disparaît et la Foi (el Imân) se fond dans la soumission totale au message divin, en usant de la Vertu de perfectionnement permanent (el Ihsân). Ce cheminement place le Croyant dans un état de certitude et d’équilibre dans sa quête de la vérité. Le Muslim échappe ainsi aux incertitudes de l’ego occidental. Sur cette base, les Ulémas justifient leur refus de toute discussion sur la nature de Dieu. Il n’y a donc pas de Théologie possible.

Science et connaissance en Islam

Les premiers siècles de l’Islam avaient connu un bouillonnement intellectuel extraordinaire, grâce aux exhortations du Prophète dans de nombreux Hadiths, disant : « la quête de la science est un devoir pour tout Muslim »; « Cherchez la science jusqu’à la Chine lointaine s’il le faut » ; « L’encre du savant est plus sacrée que le sang du martyr » … C’est le Calife érudit Al Ma’moun (813-833) qui fonda à Bagdad la Maison de la Sagesse(Bayt Al Hakmat) où travaillèrent des chercheurs de tous horizons. Cela avait permis au Califat Abbasside (750-1258) d’atteindre un niveau de rigueur scientifique et d’érudition inégalée depuis lors dans le monde arabe. Al Kindi (800-870) avait introduit le calcul numérique avec les chiffres 0 à 9, devenus universels. Al Farabi (870-950) affirma le primat de la philosophie sur la théologie. Son ouvrage « L’Etat modèle » prône un Etat fondé sur la Morale et la raison, à la tête duquel régnerait un roi philosophe, unissant le Politique et le Cor’an, annonçant la monarchie éclairée du Siècle des Lumières. Avicenne ou Ibn Sïnà (980-1037) réalisa un condensé du savoir universel, 7 siècles avant l’encyclopédiste Diderot du XVIII° siècle. Son« canon de la médecine » resta le principal manuel de médecine des universités européennes jusqu’au XVII° siècle. Al Birouni (973-1050) écrivit la 1ère histoire du monde sous le titre de « Chronologie ».

Mais l’étouffement de la pensée philosophique islamique en Orient eut lieu par souci de centralisation du pouvoir turc, opérée sous la dynastie turque Seldjoukide, par le grand Vizir NIZAM (1018-1092) à la fin du XI° siècle. Elle refleurira sous les Almohades à Marrakech au XII° siècle, où Ibn Toufayl(1115-1185)  écrivit « Le vivant, fils de celui qui veille », annonçant le « Discours de la méthode », avec un homme qui parvient seul à la connaissance du Monde et de Dieu par sa réflexion rationnelle, et où la philosophie  atteignit son apogée avec Averroès (1126-1198) qui prône le monde et le cosmos existant de toute éternité et évoluant suivant leurs propres lois, quoique créés par Dieu. Mais, en rejetant l’immortalité de l’âme, Averroès entra en conflit violent avec l’orthodoxie musulmane qui le fit partir exil en Europe, où sa thèse porta le nom d’« averroïsme Latin » et fut reprise, deux siècles plus tard, par Thomas d’Acquin.

Le dogmatisme religieux et l’éducation islamique

Le Prophète avait dit: « Dieu n’a rien créé de plus noble que l’intelligence ». Cependant, le grand philosophe religieux El Ghazali (1058-1111), soutenu par le Vizir Turc NIZAM, fixa l’orthodoxie religieuse en reprochant aux philosophes musulmans leurs mécréances incompatibles avec la foi du Cor’an. Il publia que la raison ne peut constituer un critère de vérité en soi, car la Vérité se trouve en Dieu seul. Cela permit aux Ulémas, jaloux de leur autorité sur la pensée des croyants, d’éliminer définitivement la Philosophie de l’enseignement, comme contraire à la religion. Et ils justifient cela par la Sourate(VII,33) : « Il est interdit d’associer quiconque à Allah », en la traduisant par :  « rien d’autre que ce qui a été révélé à Mohammed ne peut être ajouté ». La Science étant limtée à la seule connaissance du Coran et de la Sounna, il n’y eut pas d’éclosion de la pensée expérimentale et scientifique dans le monde islamique. La raison resta donc soumise à l’enseignement de la foi par les Ulémas dans les madrassas. Ce dogmatisme s’est ensuite étendu au Maghreb et à l’Espagne, avec l’exil d’Averroès à la fin du XII° siècle. La civilisation islamique resta ainsi en dehors de l’essor culturel et philosophique qui allait entraîner l’occident européen dans une dynamique culturelle nouvelle, appelée l’Humanisme, annonçant les temps modernes avec l’éclosion de la liberté de conscience qui déboucha sur les découvertes scientifiques, la croissance capitaliste et l’esprit de laïcité.

L’Islam et le monde moderne

Dans le monde d’aujourd’hui le musulman rencontre le problème de son ouverture sur le monde extérieur qui transcende son monde intime, dont il est très différent. En effet, ses croyances sont demeurées figées depuis environ mille ans que la pratique de l’Islam, dit traditionnel, s’est imposée à la suite de la prise du pouvoir par les Turcs Seldjoukides sur l’empire musulman au milieu du XI° siècle.

Le Sultanat avait fondé son pouvoir idéologique sur la pensée religieuse du grand philosophe El Ghazali, proclamé comme « La Preuve de l’Islam » ou le maître à penser de l’interprétation du Coran et de la Sunna à la fin du XI° siècle, sous la protection du Grand Vizir Nizam el Molk. Ce dernier, un des plus grands administrateurs publics de l’histoire, avait réussi à centraliser l’administration de l’empire arabe (tombé sous la tutelle turque depuis 1042), ainsi que l’enseignement général dans les Madrasas, dont les programmes étaient initiés à partir du Palais du Sultan. Tout cet empire islamique, réussira de la sorte à soumettre par la pensée unique l’ensemble de ses populations arabes et musulmanes. C’est alors que la philosophie profane, notamment d’origine grecque, qui avait été développée par les plus grands penseurs arabes et persans, fut bannie des universités arabes afin qu’il n’y ait plus de pensée contestataire possible. Ce dogmatisme perdura jusqu’aux Temps modernes, empêchant l’ouverture et l’adaptation de la réflexion religieuse musulmane sur les contingences modernes. Cela explique en partie la marginalisation du monde arabo-musulman dans le concert des nations développées.

Par contre, c’est grâce à la pensée philosophique de penseurs arabes comme Averroès et Avicenne, que le monde extérieur, notamment européen et chrétien, malgré le fanatisme religieux de l’Inquisition qui avait sévi aux XIII°-XVI° siècles, a pu se muer et se libérer par étapes sinon par des révolutions violentes, sur tous les plans, scientifique, institutionnel, social et comportemental. Cela amena progressivement diverses nations européennes à adopter, à terme, des constitutions républicaines et laïques, conformes à des aspirations populaires de plus en plus épanouies, devenant de plus en plus démocratiques en oeuvrant en faveur de la liberté de conscience et de l’égalité des droits des citoyens, sans pour autant étouffer les aspirations religieuses intimes. C’est ainsi que dans le monde européen occidental, il n’y a plus eu ou presque de ségrégation des « droits et devoirs » entre l’homme et la femme, ni entre les divers adeptes de religions différentes, ni même entre l’étranger et le ressortissant national.

Par contre, en beaucoup de pays de confession islamique, l’« étranger » est considéré de nos jours comme celui qui est différent par sa seule identité non musulmane, c’est le Dhimma. Or, dans les premiers siècles de l’Islam, Il était très bien accepté moyennant une redevance sociale, équivalente à l’obligation pour tout Musulman de verser l’aumône de la ZAKAT. Il était comme apporteur d’autres valeurs sociales et de connaissances nouvelles enrichissantes, grâce à une autre expérience de vie. Cette tolérance était bien une acceptation de l’autre. Le Prophète Mohammed n’a t il pas prêché l’Ijtihad pour acquérir les vertus qui purifient l’homme ? N’a t il pas invité chaque croyant à s’instruire au maximum, au delà de son horizon et l’invitant à aller jusqu’en Chine pour acquérir de nouvelles connaissances ?

Par exemple, dans le monde moderne, les souffrances physiques sont devenues inadaptées aux mentalités de respect de l’intégrité physique de la personne humaine (et même des animaux !) : elles sont donc proscrites et remplacées par d’autres formes de châtiments moins dégradants pour la dignité humaine. Aussi, dans la société musulmane, ne vaudrait il pas mieux aussi substituer aux châtiments de flagellation ou de lapidation portant atteinte à la dignité humaine du repenti, d’autres formes d’expression de la réprobation sociale ? Ne pourrait on pas plutôt retenir le symbolisme du châtiment à appliquer à la femme adultère, sous une autre forme que la lapidation héritée d’un autre temps ? Certes, ce châtiment est il inscrit dans « Le Livre » du VII° siècle, reflétant les mœurs bédouines de ce temps-là, mais faut il rappeler que le Prophète lui même trouvait ce châtiment si cruel qu’il en a gracié une de ses épouses infidèles, et qu’il en avait rendu très difficile la charge de la preuve en exigeant qu’il y ait au moins 4 témoignages visuels simultanés de 4 personnes différentes pour constater un tel crime, pensant bien que cela serait pratiquement impossible à réunir !  

D’ailleurs, le Prophète n’a t il pas déclaré que « à chaque époque, son Livre » ?

Or, cette Parole de Vérité ne peut pas être seulement circonstancielle en la limitant au seul dépassement de la Torah juive et de l’Evangile chrétien par le Coran. Lorsqu’un Prophète parle, c’est pour les siècles des siècles, et par conséquent, il s’agit bien d’une lumière nouvelle sur la loi d’évolution de toutes choses, que le Prophète Mohammed apporte lui même à l’humanité entière. En cela, nous pouvons estimer que cette Parole sainte du Prophète est une Vérité éternelle qui annonçait déjà 13 siècles à l’avance, la théorie d’Einstein sur la relativité spatio-temporelle !

Vivant replié sur Médine dont il était devenu le souverain en éliminant les tribus juives et les animistes arabes qui résistaient à son hégémonie religieuse, le Prophète, après être entré triomphalement à La Mecque en 630 (avec l’appui de son ancien ennemi Abou Soufyan’ converti à la nouvelle foi de l’Islam), s’était donné alors pour tâche de doter sa communauté d’un système juridique adapté aux progrès apportés par sa nouvelle religion, à l’image de ce qu’il avait observé en Syrie qui était soumise au Code Justinien, à l’époque. Il édicta alors des lois pour organiser la nouvelle société islamique dont il était désormais reconnu comme le guide envoyé par Allah, tout comme cela était pratiqué dans l’Empire romain et chrétien d’Orient à cette même époque. Il réglementa lui même les domaines les plus divers en véritable Homme d’Etat, en unifiant le culte d’Allah et le Droit.

Médine, grande métropole où se croisaient des marchands venus d’Egypte, de Syrie, d’Irak, de Perse et du Yémen, était un grand carrefour international des échanges est-ouest de l’époque. Pour légitimer son autorité, comme pour l’Empereur chrétien d’Orient, Mohammed la fonda sur la puissance d’Allah, le Dieu Unique, dont il est reconnu comme « l’Envoyé » sur Terre. Il s’agit bien d’un véritable Etat théocratique réunissant le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, comme cherchèrent à faire plusieurs Papes au Moyen âge, et comme le pratiquait déjà l’Empereur byzantin qui organisait les Conciles selon son bon vouloir. Aussi, désormais, les révélations de l’Ange Gabriel au Prophète Mohammed mettront elles l’accent sur l’organisation de la nouvelle communauté musulmane, originaire en grande partie des tribus bédouines du désert arabique dont les mœurs à dominante animiste furent profondément revues et corrigées par le Prophète.

Les nouveaux préceptes de la vie communautaire islamique concernaient d’abord le mariage et la famille. C’est ainsi qu’il fut permis à tout musulman d’épouser jusque 4 femmes, mais à condition expresse que le mari soit capable de subvenir « équitablement » à leurs moyens d’existence, c.à.d. qu’il doit se comporter en « mari juste » envers chacune d’entre elles. Et l’exemple de la vie même du Prophète fut d’épouser les veuves de ses fidèles compagnons d’armes en vue de devoir leur assurer l’existence avec leurs orphelins : il ne s’agissait pas d’une incitation à la polygamie, mais plutôt d’un devoir de solidarité, sinon de responsabilité sévère envers les épouses dans la mesure où il y a obligation de leur donner satisfaction dans leur égalité des droits d’épouse. Ici, le souci de stricte justice dans les obligations du mari ne doit pas être occulté ! Et il en ressort aussi, pour l’époque, un souci majeur de traiter la femme en personne libre et indépendante. Notamment, dans le domaine de l’héritage, les filles vont désormais bénéficier du droit d’héritage avec une part égale à la moitié de celle des garçons, contre rien antérieurement. Il faut bien noter que c’était là un acte révolutionnaire pour le contexte social, car il contribuait à affaiblir la puissance clanique des tribus bédouines qui allaient s’effriter par les partages successoraux au profit des époux extérieurs à la tribu d’origine de la fille du clan.

Le Prophète imposa aussi l’interdiction du prêt à intérêt, par réaction aux pratiques de l’usure précédemment en vigueur à Médine où les débiteurs nécessiteux se retrouvaient à jamais ruinés, par ignorance de leurs capacités de remboursement.

Et pour surmonter les pratiques de la vendetta qui enchaînaient des vengeances à répétition entre les divers clans, la loi du talion fut remplacée par des sanctions pénales très sévères, comme de couper la main aux voleurs, ou de punir l’adultère par 100 coups de fouet, à condition que l’affaire soit portée devant un juge qui devra bien constater que l’épouse inculpée a bien été vue par 4 témoins différents dans une position qui ne laisse place à l’équivoque.

De même, le Prophète a interdit l’infanticide des filles nouvellement nées, qui se pratiquait couramment en période de disette chez les Bédouins.

Et pour apprécier l’ensemble du progrès social introduit par le Prophète dans le contexte social de son époque, il faut savoir que le Coran impose au mari la charge d’entretenir complètement sa femme et ses enfants, quelle que soit la fortune de son épouse ; et qu’en outre, la femme mariée bénéficie de la propriété et de la gestion indépendante de ses biens personnels (provenant de dot ou d’héritage), ce qui constituait la législation la plus avant-gardiste de cette époque (VII° siècle ! ).

Le Prophète poursuit son éducation des masses musulmanes en élaborant un véritable code de bonne conduite, en réglementant les usages dans tous les domaines de la vie quotidienne, la nourriture, l’habillement, etc…tout en laissant en exemple sa propre façon de vivre et de se comporter en diverses circonstances : c’est ce qui constitue les recueils de la Sounna. C’est ainsi que le Prophète adopte la loi hébraïque interdisant la consommation de la viande de porc ou de celle des animaux morts sans avoir été préalablement vidés de leur sang. Il recommande également de ne pas boire le vin, en raison des abus constatés à son époque dans un pays aride où la chaleur torride rime très mal avec la consommation d’alcool, alors que dans le Coran, le Paradis est annoncé comme irrigué de rivières de lait et de vin pour le plaisir des gens pieux à récompenser. C’est aussi de la sorte que le musulman est invité à visiter les malades, à suivre les convois funèbres, à souhaiter « qu’Allah te bénisse » à quiconque éternue devant lui, à saluer publiquement les gens en invoquant la miséricorde d’Allah sur eux, à venir en aide à l’opprimé, à s’acquitter de son serment, etc…à rester humble en évitant de porter d’anneau à cacheter en or, ni de boire dans un vase en argent, ni à revêtir des habits de soie( tous ces signes distinctifs de la bourgeoisie juive de Médine, qui s’était ralliée aux Mecquois mécréants animistes venus assiéger les troupes du Prophète à Médine, et qu’il avait ensuite sévèrement punie par décapitation en masse le lendemain de la fuite des Mecquois).

La patience

Le prophète Muhammad a dit :

"La patience est une lumière (un guide éclairé)." (Moslim)

"Celui qui veut être chaste, Dieu l'aidera. Celui qui cherche à se passer de ce que possèdent les autres, Dieu l'enrichira. Celui qui veut être patient, Dieu viendra à son secours. Aucun n'a eu un don plus fécond que la patience.

Solidarité et fratérnité en Islam

Le Prophète Mohammed ayant été chargé de transmettre à son peuple la parole de Dieu, de la commenter et de l’expliquer, il se comporta à la fois comme chef spirituel et temporel de sa communauté réfugiée à Médine, en appliquant les prescriptions du Koran. Après sa mort, ses 4 successeurs ou Califes connurent des tensions sur la nature de la Cité coranique à instaurer. Et l’avènement des Omeyyades en 661 marque le début d’une rupture avec cette tradition. En effet, l’immense Empire arabe qui naît alors, doit se mesurer à son voisin, l’Empire byzantin, ce qui exige l’organisation d’une administration, d’un enseignement, d’une justice et d’une fiscalité qui n’ont rien à voir avec le petit Etat clanique de Médine. C’est alors que se manifestent des oppositions doctrinales résultant de la différentiation sociale croissante. Ce phénomène est alors favorisé par le fait que l’Islam n’a pas d’institution centrale qui édicte la vérité théologique. Il n’y avait donc pas encore ni orthodoxie ni hérésie. Le calife, à la différence du prophète, n’était qu’un chef spirituel, chargé de défendre la Loi d’Allah, sans décider en matière de dogme.

Aussi, ce n’est qu’à la fin de son règne, en 833, que le Calife abbasside Al Ma’moun(813-833) imposa le mutazilisme comme doctrine officielle, ralliant tous les hauts fonctionnaires contre les oulémas qui monopolisaient l’interprétation des textes et avaient en charge l’éducation de la population. Or, ils n’enseignaient que les seules disciplines religieuses, excluant la philosophie et les sciences profanes, que le calife Al Ma’moun affectionnait particulièrement en considérant Aristote comme son grand maître à penser. Aussi, favorisa-t-il un grand bouillonnement intellectuel, en réunissant dans sa « Maison de la Sagesse » créée en 813 à Bagdad, les plus grands esprits de 17 Ecoles de pensée.

Le mutazilisme, fondé au VIII° siècle, se caractérise par son rationalisme. Il se distingue par l’affirmation d’un Koran créé et non incréé (=un attribut de Dieu, Sa parole). Cela implique la liberté et la responsabilité individuelle de chaque homme envers Dieu dans l’interprétation des textes sacrés. De ce fait, le croyant a le droit de contredire ou de se révolter contre l’imam.

Cette négation du Koran incréé fut durement combattue par les traditionalistes à partir de 847. Et la réflexion mutazilite perdit sa prédominance en 910 au profit du hanbalisme qui n’autorise pas la raison de se substituer à la foi, et réhabilite la conception du Koran incréé, donc le respect littéral de la Tradition, puisque l’homme n’a pas le pouvoir de créer comme Dieu mais seulement d’acquérir ce que Dieu a créé en tant qu’unique créateur de toutes choses.

Au XII° siècle, le sultanat turc seldjoukide imposa l’acharisme professé par El Ghazali(1058-1111) qui professe la certitude de la foi : la raison ne peut pas atteindre la vérité, qu’Allah seul détient. Le champ de la raison est de critiquer les sensations et l’imagination de l’homme. Elle ne trouvera sa quiétude que dans la certitude de sa foi, et à travers l’expérience mystique du soufi qui parvient à la connaissance de Dieu par l’intuition et l’amour, dans l’abandon de soi à Allah. Cette doctrine est demeurée dominante dans tout l’espace arabo-musulman, où le temporel et le spirituel sont étroitement imbriqués.

C’est pourquoi, en discutant  religion  avec  mes  amis   mouslimin’ (musulmans  en arabe), j’ai l’impression que seuls comptent les droits d’Allah, ce qui occulte les droits de l’Homme. L’homme doit d’abord observer ses devoirs envers son Créateur, qu’il doit toujours invoquer dans ses actes quotidiens pour obtenir sa miséricorde, qui est infinie. Cette miséricorde signifie que le muslim se fera toujours pardonner ses péchés, s’il déclare sincèrement sa foi en tous moments de son existence et de ses actes.

Une Foi logique, simple et sans mystères, mais exigeante dans les actes

Dans le mental du muslim, l’Islam est la jonction entre Dieu et l’homme. C’est Dieu qui a doté l’homme, seul parmi toutes les créatures, des 2 dons de la parole et de l’intelligence, et c’est justement par la Parole qu’Allah révèle la Vérité à l’homme, lequel peut seul la comprendre grâce à son intelligence. De la sorte, l’homme a reçu de son Créateur tout ce qu’il faut pour pouvoir user de sa libre volonté en vue de découvrir la Science (ilm) contenue dans le Koran, qu’il a révélé à l’homme par son Envoyé, le Prophète Mohammed.

Par conséquent, il suffira au croyant de lire et de réciter le Koran et d’y réfléchir avec ardeur (= Ijtihad) jusque dans la méditation mystique, qui lui permettra de suivre la Voie (= tariqua) qui mène à Allah, le Transcendant, l’Absolu. Ainsi, aux yeux du croyant rationnel, l’Islam justifie « l’abandon de soi » à Allah, dans une soumission totale et sans conditions, ce que signifie littéralement le mot « Istilam » dont dérive « Islam ». La boucle se trouve ainsi bouclée, par le retour de la créature à son Créateur.

Le croyant muslim’ est ainsi convaincu, d’une façon logique, sans ambages ni mystères, que l’Islam est la dernière et la meilleure des 3 religions monothéistes qui se sont succédées sous la paternité de leur  fondateur commun, Abraham. Par la même occasion, et sans mystère, il est tout aussi convaincu que Mohammed est le dernier Envoyé de Dieu, venu pour clôturer le cycle des Révélations, mais avec la différence essentielle qu’il s’agit, cette fois, d’une récitation non déformée des Paroles d’Allah qui sont intégralement transcrites dans le Koran (ce mot signifiant récitation mot à mot). Et de plus, cela justifie, aux yeux des croyants, l’apprentissage obligatoire de la langue arabe qui est la langue d’Allah, afin de lui permettre de réciter les propres d’Allah, par lecture ou par mémorisation du Koran.

En vue d’obtenir la miséricorde du Tout-puissant Allah, le muslim s’impose d’observer scrupuleusement tous les préceptes de l’Islam, contenus dans le Koran, la Sunna et la Chari’a. Or, ces textes sacrés ne dissocient pas le spirituel du temporel, ni la foi des oeuvres de l’homme au quotidien. Leur contenu très diversifié couvre tous les domaines de la vie courante de l’époque du prophète (de 611 à 632), et notamment, la lutte contre les idolâtres et les hypocrites, les relations avec les juifs et les chrétiens de Médine,  le statut juridique des personnes comme le mariage, le divorce et les successions, les transactions entre croyants, le respect des biens et droits d’autrui, les bonnes œuvres, l’équité, la justice, les châtiments pour vol, fornication, adultère et calomnies contre des femmes honnêtes, les interdits comme le vin, la viande de porc, les jeux de hasard, la divination et l’usure, de même que la condamnation du gaspillage et de l’avarice, etc…

A travers la Sunna du Prophète, le muslim apprend les « bonnes manières » à pratiquer par les musulmans pour toutes circonstances. C’est un code des usages quotidiens ou « adab ». Ainsi est-il recommandé de ne pas souffler sur la nourriture, de manger de la main droite, d’éviter de manger de l’ail ou de l’oignon crus avant de se rendre à la mosquée, de ne pas boire directement à l’outre, comment s’habiller, notamment le port recommandé du turban et l’usage du parfum pour les hommes, l’interdiction de la perruque chez la femme et la recommandation du voile pour la protéger des regards indiscrets, tandis que les lieux d’aisance sont interdits dans la maison,…etc. En Islam, il ne s’agit donc pas seulement de croire, mais aussi de le manifester par une conduite appropriée.

De la sorte, le croyant n’est plus enclin au doute. Sa seule observance des règles de vie lui permet d’éviter l’erreur et le péché. Cela lui assure un équilibre moral et psychologique, d’autant plus que c’est par sa propre intelligence qu’il décide librement d’obtenir le salut de son âme au Jugement Dernier, pour l’éternité.

Tout cela explique ce qui nous frappe en observant la vie des musulmans : le caractère inébranlable de leur conviction et la combativité tenace de leur foi, les rendant inaccessibles au doute. L’Islam se révèle ainsi comme la condition d’une vie équilibrée et sereine.

Un rituel ordonnancé et accaparant, mais rassurant

C’est à travers la conception globale de l’homme, totalement soumis à la volonté d’Allah, qu’il faut comprendre le sens des « 5 piliers de l’Islam » (arkân), qui ont pour but l’étroite intégration de la communauté musulmane au niveau mondial, la « Oumma  islamiya ». Leur observation permet au muslim’ de mériter la miséricorde d’Allah pour le pardon de ses péchés avant le Jugement Dernier.

Parmi ces 5 obligations basiques, rien n’est plus important que la prière canonique (la salat’) qu’il faut exécuter 5 fois par jour, entre le lever et le coucher du soleil, en se prosternant une trentaine de fois en  direction de la Kaaba tout en invoquant à haute voix la miséricorde d’Allah, par l’une de ses 99 appellations du Koran. Cette répétition didactique a pour effet de conditionner la conviction doctrinale du croyant en lui rappelant constamment le but de son existence qui doit toujours être dirigée sur Allah. Ce but vise donc à rejoindre Allah à travers 3 épreuves: la Foi (« el-imân » ou la certitude en Allah), la Loi (« el-islâm » ou l’abandon de soi entre les mains d’Allah) et la Voie (« el-ihsân » signifiant le perfectionnement vertueux par un effort constant sur soi pour mériter d’Allah).

Pour le croyant, le sens du sacré se trouve ainsi solidement ancré dans son esprit en meublant toute son existence dans le sens tracé par le Prophète. C’est pourquoi, tous comptes faits, il vaut mieux que le croyant se perfectionne en se reliant à son Créateur toujours miséricordieux envers lui, plutôt que de vouloir réformer le monde séculier où règnent la passion, le culte du matérialisme, la cupidité et la ruse, étant bien entendu que tous ces vices résultent des errances de la raison détachée de Dieu. Et tant pis pour les autres, mécréants ou infidèles, qui refusent le message de Mohammed.

Cette fidélité à la Tradition est exprimée dans plusieurs Hadiths du Prophète disant par exemple, que « Ma communauté ne déchoira pas tant qu’elle portera des turbans », ou que « Le turban est une frontière entre la foi et l’incroyance », ou encore « Au jour du Jugement Dernier, l’homme recevra une lumière pour chaque tour de turban autour de sa tête », convaincu de ce que le port du turban fera gagner le croyant en générosité tout en enveloppant sa pensée pour lui éviter de se dissiper et d’oublier la Tradition.

La sauvegarde de la Tradition s’exprime également au sujet de la femme musulmane qui incarne le foyer, ce foyer qui revêt un caractère sacré pour l’intimité de l’homme et qui doit donc rester inviolable. C’est ce qui explique le voile et la réclusion de la femme permettant au foyer de demeurer à l’abri des tentations de la pensée à la dissipation et à l’infidélité.

Or, la dépravation des mœurs est réputée devenir une pratique courante dans la civilisation moderne qui demeure détachée du sacré en détournant l’homme d’Allah du seul fait qu’elle dévore son temps et l’éloigne donc d’Allah. C’est justement là que les passions et la malice dominent l’esprit du matérialiste au détriment de la contemplation et de la prière, qui, seules, nous rapprochent de l’Absolu. L’interdiction du vin, par exemple, s’explique par le fait qu’il égare l’esprit en le détachant de Dieu, en le menant à l’erreur et au péché, par le déséquilibre qu’il génère en le consommant.

Cette civilisation moderne, matérialiste, est attribuée à l’Occident qui se retrouve condamné pour sa décadence spirituelle, que l’on constate dans sa littérature profane et son art dégénéré, notamment à travers les sculptures et les peintures qui sont prohibées dans le Koran et la Tradition. L’occidental est méprisé du fait qu’il consacre tous ses efforts à la course à la productivité et au progrès matériel, au lieu de chercher à s’épanouir en glorifiant son Créateur dans la contemplation par l’ijtihad. Aussi, un proverbe musulman ne dit-il pas que « la lenteur est de Dieu et la hâte de Satan » ?

La doctrine islamique aboutit donc à une religion de la certitude et de l’équilibre intérieur, à travers une Foi convergente qui se présente comme une évidence, sans jamais se poser des questions métaphysiques. Il n’y adonc ni mystère ni doute.

Le caractère inébranlable de la solidarité et la combativité de la foi  

L’équilibre de l’âme se trouve ainsi assurée dans l’Islam en offrant au croyant une ascension spirituelle par sa propre intelligence qui comprendra les « signes » qu’Allah lui envoie, le guidant dans ses efforts sur son chemin de la « vérité essentielle », « al haquiqua’ ». Mais pour atteindre cette Vérité, il faut suivre « la voie », « al tariqua’ », qui rejoint la « grande route commune » ou « Chari’a ».

La Chari’a est ainsi légitimée par ce qu’elle oriente le muslim’ sur la voie qui mène à Allah, en réglementant tous les aspects de sa vie privée et sociale, à travers le rituel de son comportement au  quotidien, le statut familial, le droit commercial, le code pénal, la réparation des dommages, la justice… etc.

Et en préconisant la pauvreté, le jeûne, l’aumône, la solitude dans les 5 prières quotidiennes et le silence dans la contemplation d’Allah, la Chari’a prédispose le croyant à une ascèse qui contribue à créer une solidarité organique entre tous les membres de la communauté islamique, la « oumma islamiya ».

De la sorte, la « chari’a » est considérée comme la Loi sacrée. Elle est le tronc unificateur, de par le suivi de tous ses préceptes, soudant toute la communauté islamique à travers le monde.

Or, la base fondamentale de la Chari’a est le Koran, qui se présente comme la Parole incréée de Dieu, càd que Allah s’y exprime au travers d’éléments créés, tels les mots, les sons et les lettres. C’est pourquoi l’on ne peut que le réciter, s’agissant des Paroles même d’Allah, qui en a choisi le contenu exprès pour être à la portée de l’intelligence humaine.

Néanmoins, un texte sacré n’étant pas toujours évident pour ses lecteurs qui ne peuvent saisir les sous-entendus du discours divin, il a fallu des commentaires donnés par le Prophète de son vivant. C’est ce qui constitue justement la Tradition orale ou la « Sounna ».

Par son caractère reconnu comme divin, dans un langage parfait en arabe, le Koran possède ce pouvoir magique de subjuguer le lecteur croyant, qui est amené à considérer chaque phrase comme un « plan divin ». Et c’est justement son caractère « incréé » qui fait du Koran le Livre sacré absolu, supérieur et plus vrai que tous les autres Livres sacrés qui l’ont précédé, sous la forme de manuscrits de scribes, repassés de main en main à travers les siècles, avec toutes les imperfections que cela peut induire.

Dans ces conditions la lecture du Koran permet d’éteindre toute agitation mentale, favorisant la Paix sociale. Et pour conforter la certitude de sa foi, le croyant doit scander à répétition « allah akbar », qu’il invoque à chacune des 30 prosternations dans chacune des 5 prières quotidiennes, ainsi que dans toute manifestation de rue ou de combat, fût-ce en jetant des cailloux contre les chars des infidèles.
L’Islam et la République

En perpétuant cette tradition dogmatique, renforcée par le hanbalite Ibn Tamiyya (mort 1328), refusant toute intervention de la raison humaine dans l’intelligence du dogme inscrit dans la Chari’a, les intégristes empêchent même tout effort d’ijtihâd pouvant adapter les principes religieux aux contingences historiques. Cela rejette le principe de séparation de la religion et de l’Etat. Ils n’admettent aucune représentativité aux organisations professionnelles ni aux marchands qui n’ont aucun pouvoir et ne peuvent donc pas jouer le rôle moteur de la bourgeoisie dans le développement européen. Seul compte le « consensus communautaire » (ijmâ’ al oumma) orchestré par l’imam sunnite ou le cheikh sunnite, à l’exclusion du débat pluraliste et par conséquent démocratique.

Face à cela, il existe un courant humaniste et laïc, affirmant que l’Islam n’enjoint pas d’adopter une forme de gouvernement, qui a toujours résulté, à travers l’expérience de l’Histoire, des rapports de forces politiques. Ce courant estime même que la législation doit s’adapter aux besoins de la communauté que le pouvoir politique peut très bien percevoir et satisfaire. A cet effet, ce mouvement appuie les valeurs de la philosophie des droits de l’homme. Il rejette la doctrine du retour à « l’Etat islamique » du Prophète dans son Hégire à Médine, où la loi et la foi étaient confondues. Ce courant, d’inspiration mutazilite, prône que le « bien-être de l’homme » (al aslah’) et « le bien public » (al maslahha ‘l  âmma) sont le but de toute religion.

Néanmoins, la grande majorité des mouvements de pensée islamique soutiennent l’approche dogmatique qui fusionne le temporel dans le spirituel, refusant « sécularisation » et « Droits de l’homme ». Cette préférence est corroborée par une crise identitaire, favorisée par le malaise social et l’indigence économique, et entretenue par les humiliations répétées en Palestine et Irak. Tout cela a dû générer frustration et culture du ressentiment. C’est pourquoi certaines classes, moyenne et intellectuelle, rejoignent les mouvements nihilistes, en y espérant une ascension sociale, politique ou céleste par le martyr.

L’instrumentalisation du dogmatisme religieux en idéologie de combat, se trouve alors coupée de toute spiritualité et de tout « ijtihad », en promettant seulement le paradis céleste, avec ses fleuves de miel et de lait et les 70 houris vierges qui attendent chaque martyr des quartiers déshérités. Alors, l’ambition commune de tous ces exclus, subissant leur misère face à l’opulence des infidèles occidentaux qui favorisent l’implantation de régimes despotiques chez eux, fait que leur solidarité devient fusionnelle dans le même esprit de haine et de vengeance légitimées. De la sorte, le mot d’ordre des chefs islamistes devient le Djihad, considéré comme un combat sur le champ de bataille international contre tous ces infidèles occidentaux et leurs valets locaux, traités d’hypocrites, trahissant le Koran et méritant donc la mort dans l’Enfer éternel.

Conclusion

L’Islam n’ayant pas de théologie du fait qu’Allah est l’Absolu et donc inconnaissable, les fondamentalistes n’admettent que la Chari’a comme Loi suprême, intouchable parce que le Koran est incréé. C’est bien ce texte sacré, récitant la Parole d’Allah dictée au Prophète Mohammed par l’archange Jibril, qui fonde leur solidarité organique dans une action sociale et politique commune à travers le monde entier, menant leurs adeptes sur le chemin de la haine du Djihad contre la société libérale occidentale.  Pour l’intégriste, plus proche est l’apocalypse du Jugement Dernier et plus proche est le royaume des cieux.

Pour y remédier en territoire occidental de tradition laïque, où la solidarité et la fraternité se manifestent à travers les lois de la république et la défense permanente des droits de l’homme y compris de la femme, il faudrait réussir à mieux insérer les musulmans dans l’espace économique, social et, partant, culturel. En effet, selon les musulmans modernes et tolérants, il n’y a pas d’incompatibilité de l’Islam avec la laïcité et la démocratie républicaine. Ils prônent l’ijtihad qui pousse le croyant à se renouveler en s’adaptant aux changements sociaux, de façon à assimiler les valeurs humanistes de la société d’accueil.

Aussi, le centre d’union des musulmans étant Allah, devrait-on diffuser l’idée humaniste que Dieu vise aussi à aider l’homme à réaliser son propre bonheur sur terre, par des actes de compréhension et de respect d’autrui, lui donnant droit à la miséricorde d’Allah au Jugement Dernier.

Tout est donc affaire d’instruction publique. Aussi, suffirait-il d’instaurer l’enseignement obligatoire de toutes les 3 religions monothéistes qui meublent l’espace français, avec leur notation aux examens scolaires. Cela amènerait chaque citoyen à connaître l’autre, celui qui est différent de soi certes, mais qui l’enrichit de sa différence. La fraternité républicaine sortirait grandie de cette nouvelle preuve d’humanisme universel. mouvements islamistes

Solidarité et fratérnité en Islam

Le Prophète Mohammed ayant été chargé de transmettre à son peuple la parole de Dieu, de la commenter et de l’expliquer, il se comporta à la fois comme chef spirituel et temporel de sa communauté réfugiée à Médine, en appliquant les prescriptions du Koran. Après sa mort, ses 4 successeurs ou Califes connurent des tensions sur la nature de la Cité coranique à instaurer. Et l’avènement des Omeyyades en 661 marque le début d’une rupture avec cette tradition. En effet, l’immense Empire arabe qui naît alors, doit se mesurer à son voisin, l’Empire byzantin, ce qui exige l’organisation d’une administration, d’un enseignement, d’une justice et d’une fiscalité qui n’ont rien à voir avec le petit Etat clanique de Médine. C’est alors que se manifestent des oppositions doctrinales résultant de la différentiation sociale croissante. Ce phénomène est alors favorisé par le fait que l’Islam n’a pas d’institution centrale qui édicte la vérité théologique. Il n’y avait donc pas encore ni orthodoxie ni hérésie. Le calife, à la différence du prophète, n’était qu’un chef spirituel, chargé de défendre la Loi d’Allah, sans décider en matière de dogme.

Aussi, ce n’est qu’à la fin de son règne, en 833, que le Calife abbasside Al Ma’moun(813-833) imposa le mutazilisme comme doctrine officielle, ralliant tous les hauts fonctionnaires contre les oulémas qui monopolisaient l’interprétation des textes et avaient en charge l’éducation de la population. Or, ils n’enseignaient que les seules disciplines religieuses, excluant la philosophie et les sciences profanes, que le calife Al Ma’moun affectionnait particulièrement en considérant Aristote comme son grand maître à penser. Aussi, favorisa-t-il un grand bouillonnement intellectuel, en réunissant dans sa « Maison de la Sagesse » créée en 813 à Bagdad, les plus grands esprits de 17 Ecoles de pensée.

Le mutazilisme, fondé au VIII° siècle, se caractérise par son rationalisme. Il se distingue par l’affirmation d’un Koran créé et non incréé (=un attribut de Dieu, Sa parole). Cela implique la liberté et la responsabilité individuelle de chaque homme envers Dieu dans l’interprétation des textes sacrés. De ce fait, le croyant a le droit de contredire ou de se révolter contre l’imam.

Cette négation du Koran incréé fut durement combattue par les traditionalistes à partir de 847. Et la réflexion mutazilite perdit sa prédominance en 910 au profit du hanbalisme qui n’autorise pas la raison de se substituer à la foi, et réhabilite la conception du Koran incréé, donc le respect littéral de la Tradition, puisque l’homme n’a pas le pouvoir de créer comme Dieu mais seulement d’acquérir ce que Dieu a créé en tant qu’unique créateur de toutes choses.

Au XII° siècle, le sultanat turc seldjoukide imposa l’acharisme professé par El Ghazali(1058-1111) qui professe la certitude de la foi : la raison ne peut pas atteindre la vérité, qu’Allah seul détient. Le champ de la raison est de critiquer les sensations et l’imagination de l’homme. Elle ne trouvera sa quiétude que dans la certitude de sa foi, et à travers l’expérience mystique du soufi qui parvient à la connaissance de Dieu par l’intuition et l’amour, dans l’abandon de soi à Allah. Cette doctrine est demeurée dominante dans tout l’espace arabo-musulman, où le temporel et le spirituel sont étroitement imbriqués.

C’est pourquoi, en discutant  religion  avec  mes  amis   mouslimin’ (musulmans  en arabe), j’ai l’impression que seuls comptent les droits d’Allah, ce qui occulte les droits de l’Homme. L’homme doit d’abord observer ses devoirs envers son Créateur, qu’il doit toujours invoquer dans ses actes quotidiens pour obtenir sa miséricorde, qui est infinie. Cette miséricorde signifie que le muslim se fera toujours pardonner ses péchés, s’il déclare sincèrement sa foi en tous moments de son existence et de ses actes.

Une Foi logique, simple et sans mystères, mais exigeante dans les actes

Dans le mental du muslim, l’Islam est la jonction entre Dieu et l’homme. C’est Dieu qui a doté l’homme, seul parmi toutes les créatures, des 2 dons de la parole et de l’intelligence, et c’est justement par la Parole qu’Allah révèle la Vérité à l’homme, lequel peut seul la comprendre grâce à son intelligence. De la sorte, l’homme a reçu de son Créateur tout ce qu’il faut pour pouvoir user de sa libre volonté en vue de découvrir la Science (ilm) contenue dans le Koran, qu’il a révélé à l’homme par son Envoyé, le Prophète Mohammed.

Par conséquent, il suffira au croyant de lire et de réciter le Koran et d’y réfléchir avec ardeur (= Ijtihad) jusque dans la méditation mystique, qui lui permettra de suivre la Voie (= tariqua) qui mène à Allah, le Transcendant, l’Absolu. Ainsi, aux yeux du croyant rationnel, l’Islam justifie « l’abandon de soi » à Allah, dans une soumission totale et sans conditions, ce que signifie littéralement le mot « Istilam » dont dérive « Islam ». La boucle se trouve ainsi bouclée, par le retour de la créature à son Créateur.

Le croyant muslim’ est ainsi convaincu, d’une façon logique, sans ambages ni mystères, que l’Islam est la dernière et la meilleure des 3 religions monothéistes qui se sont succédées sous la paternité de leur  fondateur commun, Abraham. Par la même occasion, et sans mystère, il est tout aussi convaincu que Mohammed est le dernier Envoyé de Dieu, venu pour clôturer le cycle des Révélations, mais avec la différence essentielle qu’il s’agit, cette fois, d’une récitation non déformée des Paroles d’Allah qui sont intégralement transcrites dans le Koran (ce mot signifiant récitation mot à mot). Et de plus, cela justifie, aux yeux des croyants, l’apprentissage obligatoire de la langue arabe qui est la langue d’Allah, afin de lui permettre de réciter les propres d’Allah, par lecture ou par mémorisation du Koran.

En vue d’obtenir la miséricorde du Tout-puissant Allah, le muslim s’impose d’observer scrupuleusement tous les préceptes de l’Islam, contenus dans le Koran, la Sunna et la Chari’a. Or, ces textes sacrés ne dissocient pas le spirituel du temporel, ni la foi des oeuvres de l’homme au quotidien. Leur contenu très diversifié couvre tous les domaines de la vie courante de l’époque du prophète (de 611 à 632), et notamment, la lutte contre les idolâtres et les hypocrites, les relations avec les juifs et les chrétiens de Médine,  le statut juridique des personnes comme le mariage, le divorce et les successions, les transactions entre croyants, le respect des biens et droits d’autrui, les bonnes œuvres, l’équité, la justice, les châtiments pour vol, fornication, adultère et calomnies contre des femmes honnêtes, les interdits comme le vin, la viande de porc, les jeux de hasard, la divination et l’usure, de même que la condamnation du gaspillage et de l’avarice, etc…

A travers la Sunna du Prophète, le muslim apprend les « bonnes manières » à pratiquer par les musulmans pour toutes circonstances. C’est un code des usages quotidiens ou « adab ». Ainsi est-il recommandé de ne pas souffler sur la nourriture, de manger de la main droite, d’éviter de manger de l’ail ou de l’oignon crus avant de se rendre à la mosquée, de ne pas boire directement à l’outre, comment s’habiller, notamment le port recommandé du turban et l’usage du parfum pour les hommes, l’interdiction de la perruque chez la femme et la recommandation du voile pour la protéger des regards indiscrets, tandis que les lieux d’aisance sont interdits dans la maison,…etc. En Islam, il ne s’agit donc pas seulement de croire, mais aussi de le manifester par une conduite appropriée.

De la sorte, le croyant n’est plus enclin au doute. Sa seule observance des règles de vie lui permet d’éviter l’erreur et le péché. Cela lui assure un équilibre moral et psychologique, d’autant plus que c’est par sa propre intelligence qu’il décide librement d’obtenir le salut de son âme au Jugement Dernier, pour l’éternité.

Tout cela explique ce qui nous frappe en observant la vie des musulmans : le caractère inébranlable de leur conviction et la combativité tenace de leur foi, les rendant inaccessibles au doute. L’Islam se révèle ainsi comme la condition d’une vie équilibrée et sereine.

Un rituel ordonnancé et accaparant, mais rassurant

C’est à travers la conception globale de l’homme, totalement soumis à la volonté d’Allah, qu’il faut comprendre le sens des « 5 piliers de l’Islam » (arkân), qui ont pour but l’étroite intégration de la communauté musulmane au niveau mondial, la « Oumma  islamiya ». Leur observation permet au muslim’ de mériter la miséricorde d’Allah pour le pardon de ses péchés avant le Jugement Dernier.

Parmi ces 5 obligations basiques, rien n’est plus important que la prière canonique (la salat’) qu’il faut exécuter 5 fois par jour, entre le lever et le coucher du soleil, en se prosternant une trentaine de fois en  direction de la Kaaba tout en invoquant à haute voix la miséricorde d’Allah, par l’une de ses 99 appellations du Koran. Cette répétition didactique a pour effet de conditionner la conviction doctrinale du croyant en lui rappelant constamment le but de son existence qui doit toujours être dirigée sur Allah. Ce but vise donc à rejoindre Allah à travers 3 épreuves: la Foi (« el-imân » ou la certitude en Allah), la Loi (« el-islâm » ou l’abandon de soi entre les mains d’Allah) et la Voie (« el-ihsân » signifiant le perfectionnement vertueux par un effort constant sur soi pour mériter d’Allah).

Pour le croyant, le sens du sacré se trouve ainsi solidement ancré dans son esprit en meublant toute son existence dans le sens tracé par le Prophète. C’est pourquoi, tous comptes faits, il vaut mieux que le croyant se perfectionne en se reliant à son Créateur toujours miséricordieux envers lui, plutôt que de vouloir réformer le monde séculier où règnent la passion, le culte du matérialisme, la cupidité et la ruse, étant bien entendu que tous ces vices résultent des errances de la raison détachée de Dieu. Et tant pis pour les autres, mécréants ou infidèles, qui refusent le message de Mohammed.

Cette fidélité à la Tradition est exprimée dans plusieurs Hadiths du Prophète disant par exemple, que « Ma communauté ne déchoira pas tant qu’elle portera des turbans », ou que « Le turban est une frontière entre la foi et l’incroyance », ou encore « Au jour du Jugement Dernier, l’homme recevra une lumière pour chaque tour de turban autour de sa tête », convaincu de ce que le port du turban fera gagner le croyant en générosité tout en enveloppant sa pensée pour lui éviter de se dissiper et d’oublier la Tradition.

La sauvegarde de la Tradition s’exprime également au sujet de la femme musulmane qui incarne le foyer, ce foyer qui revêt un caractère sacré pour l’intimité de l’homme et qui doit donc rester inviolable. C’est ce qui explique le voile et la réclusion de la femme permettant au foyer de demeurer à l’abri des tentations de la pensée à la dissipation et à l’infidélité.

Or, la dépravation des mœurs est réputée devenir une pratique courante dans la civilisation moderne qui demeure détachée du sacré en détournant l’homme d’Allah du seul fait qu’elle dévore son temps et l’éloigne donc d’Allah. C’est justement là que les passions et la malice dominent l’esprit du matérialiste au détriment de la contemplation et de la prière, qui, seules, nous rapprochent de l’Absolu. L’interdiction du vin, par exemple, s’explique par le fait qu’il égare l’esprit en le détachant de Dieu, en le menant à l’erreur et au péché, par le déséquilibre qu’il génère en le consommant.

Cette civilisation moderne, matérialiste, est attribuée à l’Occident qui se retrouve condamné pour sa décadence spirituelle, que l’on constate dans sa littérature profane et son art dégénéré, notamment à travers les sculptures et les peintures qui sont prohibées dans le Koran et la Tradition. L’occidental est méprisé du fait qu’il consacre tous ses efforts à la course à la productivité et au progrès matériel, au lieu de chercher à s’épanouir en glorifiant son Créateur dans la contemplation par l’ijtihad. Aussi, un proverbe musulman ne dit-il pas que « la lenteur est de Dieu et la hâte de Satan » ?

La doctrine islamique aboutit donc à une religion de la certitude et de l’équilibre intérieur, à travers une Foi convergente qui se présente comme une évidence, sans jamais se poser des questions métaphysiques. Il n’y adonc ni mystère ni doute.

Le caractère inébranlable de la solidarité et la combativité de la foi  

L’équilibre de l’âme se trouve ainsi assurée dans l’Islam en offrant au croyant une ascension spirituelle par sa propre intelligence qui comprendra les « signes » qu’Allah lui envoie, le guidant dans ses efforts sur son chemin de la « vérité essentielle », « al haquiqua’ ». Mais pour atteindre cette Vérité, il faut suivre « la voie », « al tariqua’ », qui rejoint la « grande route commune » ou « Chari’a ».

La Chari’a est ainsi légitimée par ce qu’elle oriente le muslim’ sur la voie qui mène à Allah, en réglementant tous les aspects de sa vie privée et sociale, à travers le rituel de son comportement au  quotidien, le statut familial, le droit commercial, le code pénal, la réparation des dommages, la justice… etc.

Et en préconisant la pauvreté, le jeûne, l’aumône, la solitude dans les 5 prières quotidiennes et le silence dans la contemplation d’Allah, la Chari’a prédispose le croyant à une ascèse qui contribue à créer une solidarité organique entre tous les membres de la communauté islamique, la « oumma islamiya ».

De la sorte, la « chari’a » est considérée comme la Loi sacrée. Elle est le tronc unificateur, de par le suivi de tous ses préceptes, soudant toute la communauté islamique à travers le monde.

Or, la base fondamentale de la Chari’a est le Koran, qui se présente comme la Parole incréée de Dieu, càd que Allah s’y exprime au travers d’éléments créés, tels les mots, les sons et les lettres. C’est pourquoi l’on ne peut que le réciter, s’agissant des Paroles même d’Allah, qui en a choisi le contenu exprès pour être à la portée de l’intelligence humaine.

Néanmoins, un texte sacré n’étant pas toujours évident pour ses lecteurs qui ne peuvent saisir les sous-entendus du discours divin, il a fallu des commentaires donnés par le Prophète de son vivant. C’est ce qui constitue justement la Tradition orale ou la « Sounna ».

Par son caractère reconnu comme divin, dans un langage parfait en arabe, le Koran possède ce pouvoir magique de subjuguer le lecteur croyant, qui est amené à considérer chaque phrase comme un « plan divin ». Et c’est justement son caractère « incréé » qui fait du Koran le Livre sacré absolu, supérieur et plus vrai que tous les autres Livres sacrés qui l’ont précédé, sous la forme de manuscrits de scribes, repassés de main en main à travers les siècles, avec toutes les imperfections que cela peut induire.

Dans ces conditions la lecture du Koran permet d’éteindre toute agitation mentale, favorisant la Paix sociale. Et pour conforter la certitude de sa foi, le croyant doit scander à répétition « allah akbar », qu’il invoque à chacune des 30 prosternations dans chacune des 5 prières quotidiennes, ainsi que dans toute manifestation de rue ou de combat, fût-ce en jetant des cailloux contre les chars des infidèles.
L’Islam et la République

En perpétuant cette tradition dogmatique, renforcée par le hanbalite Ibn Tamiyya (mort 1328), refusant toute intervention de la raison humaine dans l’intelligence du dogme inscrit dans la Chari’a, les intégristes empêchent même tout effort d’ijtihâd pouvant adapter les principes religieux aux contingences historiques. Cela rejette le principe de séparation de la religion et de l’Etat. Ils n’admettent aucune représentativité aux organisations professionnelles ni aux marchands qui n’ont aucun pouvoir et ne peuvent donc pas jouer le rôle moteur de la bourgeoisie dans le développement européen. Seul compte le « consensus communautaire » (ijmâ’ al oumma) orchestré par l’imam sunnite ou le cheikh sunnite, à l’exclusion du débat pluraliste et par conséquent démocratique.

Face à cela, il existe un courant humaniste et laïc, affirmant que l’Islam n’enjoint pas d’adopter une forme de gouvernement, qui a toujours résulté, à travers l’expérience de l’Histoire, des rapports de forces politiques. Ce courant estime même que la législation doit s’adapter aux besoins de la communauté que le pouvoir politique peut très bien percevoir et satisfaire. A cet effet, ce mouvement appuie les valeurs de la philosophie des droits de l’homme. Il rejette la doctrine du retour à « l’Etat islamique » du Prophète dans son Hégire à Médine, où la loi et la foi étaient confondues. Ce courant, d’inspiration mutazilite, prône que le « bien-être de l’homme » (al aslah’) et « le bien public » (al maslahha ‘l  âmma) sont le but de toute religion.

Néanmoins, la grande majorité des mouvements de pensée islamique soutiennent l’approche dogmatique qui fusionne le temporel dans le spirituel, refusant « sécularisation » et « Droits de l’homme ». Cette préférence est corroborée par une crise identitaire, favorisée par le malaise social et l’indigence économique, et entretenue par les humiliations répétées en Palestine et Irak. Tout cela a dû générer frustration et culture du ressentiment. C’est pourquoi certaines classes, moyenne et intellectuelle, rejoignent les mouvements nihilistes, en y espérant une ascension sociale, politique ou céleste par le martyr.

L’instrumentalisation du dogmatisme religieux en idéologie de combat, se trouve alors coupée de toute spiritualité et de tout « ijtihad », en promettant seulement le paradis céleste, avec ses fleuves de miel et de lait et les 70 houris vierges qui attendent chaque martyr des quartiers déshérités. Alors, l’ambition commune de tous ces exclus, subissant leur misère face à l’opulence des infidèles occidentaux qui favorisent l’implantation de régimes despotiques chez eux, fait que leur solidarité devient fusionnelle dans le même esprit de haine et de vengeance légitimées. De la sorte, le mot d’ordre des chefs islamistes devient le Djihad, considéré comme un combat sur le champ de bataille international contre tous ces infidèles occidentaux et leurs valets locaux, traités d’hypocrites, trahissant le Koran et méritant donc la mort dans l’Enfer éternel.

Conclusion

L’Islam n’ayant pas de théologie du fait qu’Allah est l’Absolu et donc inconnaissable, les fondamentalistes n’admettent que la Chari’a comme Loi suprême, intouchable parce que le Koran est incréé. C’est bien ce texte sacré, récitant la Parole d’Allah dictée au Prophète Mohammed par l’archange Jibril, qui fonde leur solidarité organique dans une action sociale et politique commune à travers le monde entier, menant leurs adeptes sur le chemin de la haine du Djihad contre la société libérale occidentale.  Pour l’intégriste, plus proche est l’apocalypse du Jugement Dernier et plus proche est le royaume des cieux.

Pour y remédier en territoire occidental de tradition laïque, où la solidarité et la fraternité se manifestent à travers les lois de la république et la défense permanente des droits de l’homme y compris de la femme, il faudrait réussir à mieux insérer les musulmans dans l’espace économique, social et, partant, culturel. En effet, selon les musulmans modernes et tolérants, il n’y a pas d’incompatibilité de l’Islam avec la laïcité et la démocratie républicaine. Ils prônent l’ijtihad qui pousse le croyant à se renouveler en s’adaptant aux changements sociaux, de façon à assimiler les valeurs humanistes de la société d’accueil.

Aussi, le centre d’union des musulmans étant Allah, devrait-on diffuser l’idée humaniste que Dieu vise aussi à aider l’homme à réaliser son propre bonheur sur terre, par des actes de compréhension et de respect d’autrui, lui donnant droit à la miséricorde d’Allah au Jugement Dernier.

Tout est donc affaire d’instruction publique. Aussi, suffirait-il d’instaurer l’enseignement obligatoire de toutes les 3 religions monothéistes qui meublent l’espace français, avec leur notation aux examens scolaires. Cela amènerait chaque citoyen à connaître l’autre, celui qui est différent de soi certes, mais qui l’enrichit de sa différence. La fraternité républicaine sortirait grandie de cette nouvelle preuve d’humanisme universel mouvements islamistes.

Telle qu'elle est comprise en France, au moins par les républicains, la laïcité est donc une conception politique, fondée sur le principe philosophique de la liberté de conscience.

Mais pour aller un peu plus loin, il est possible de la caractériser par sept objectifs :

1- Séparer le pouvoir politique temporel de l'État, du pouvoir religieux spirituel des Religions.
2- Assurer à tous la liberté absolue de conscience, de pensée, d'expression, et tolérer toutes les religions ; mais...
3- N'obliger les citoyens à l'observation d'aucune religion particulière, et accepter qu'ils puissent ne pas en avoir et être athées, ou agnostiques.
4- Mettre la société et le gouvernement à l'abri des pressions de tout groupe, fut-il majoritaire, portant atteinte à cette liberté.
5- Confiner la pratique religieuse au domaine privé et associatif.
6- Assurer la paix de la société, en proscrivant et en réprimant, les manifestations de prosélytisme, susceptibles de nuire à l'unité et à la cohésion du corps social... Non pas toutes les manifestations ! Mais celles qui sont susceptibles de nuire.
7- Enfin : Former les futurs citoyens au respect du principe de laïcité, par un enseignement public, gratuit, obligatoire et laïque.

Avec la laïcité, il s'agit de l'élaboration hors de toute référence religieuse, par l'autorité politique démocratiquement élue, d'une morale humaniste du comportement social, traduite dans la loi.

Mais la morale est avant tout affaire privée. Or les religieux considèrent que la laïcité encourage à l'indifférence envers la religion, et que l'homme sans religion devient fatalement un homme immoral. Car l'individu ne pourrait être porté à une vie morale que par la fonction supérieure de l'âme humaine, qu'est la spiritualité inspirée par la religion.

Au contraire le républicain attaché à la laïcité, considère qu'une vie morale fondée sur une spiritualité laïque, est possible pour le citoyen sans religion ! Car nous pouvons qualifier de spiritualité laïque : Une pensée qui, sans se référer à aucune religion, étudie les problèmes posés par les questions métaphysiques en tenant compte de toutes les données établies par la science, pour se faire dans le domaine de la spiritualité une conception hypothétique personnelle, sans chercher à l'ériger en vérité universelle. La qualification de spiritualité, est en effet déterminée par la nature des questions qui occupent la pensée, et non par les réponses qui leur sont données. Le caractère laïque des réponses, est ici traduit par le « jugement » d'une conscience libre, « indépendante de toute religion ». La morale qui en découle est alors une morale laïque, c'est-à-dire une sagesse, élaborée à partir d'une conception de la vie, fondée sur l'humanisme.

En conclusion : La laïcité consistant à éliminer le religieux de la vie publique, tout en garantissant la liberté de conscience et la liberté de culte dans les domaines privé et associatif, conduit logiquement à laisser au citoyen le choix de sa propre spiritualité, et même, le droit de ne pas en avoir, pourvu qu'il respecte le comportement humaniste prescrit par la loi.

Avec la laïcité, il s'agit bien de l'élaboration démocratique, hors de toute référence religieuse, d'une morale du comportement social fondée sur l'humanisme, appliquée dans tout l'espace public sous l'autorité de la loi.

C'est ainsi qu'elle doit être comprise en France, où la Constitution de la 5ème République proclame : «La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

Dans une république laïque, la conduite de l'individu se répartit dans trois sphères : sa vie privée qu'il est seul à gérer en totale liberté de conscience, la sphère publique où il est soumis aux règles impératives établies par la loi de l'État, inspirée en principe de l'humanisme. Et entre les deux : dans la zone associative, où il se plie de sa propre volonté à des règles particulières, ou à des prescriptions religieuses librement acceptées.

Claude J. DELBOS

Islam et Laïcité

Etre laïque en terre d'islam

L'islam n'existe pas, il n'y a que des musulmans. De même, la laïcité est un concept fourre-tout qui peut signifier la séparation des cultes et de l'Etat comme son antipode, rappelle le chercheur Jean-François Bayart. AFP/FETHI BELAID

Face à l'islam, les Français vivent dans l'illusion d'une équation magique selon laquelle la République équivaut à la démocratie qui équivaut à la laïcité qui équivaut à l'égalité des sexes qui équivaut à la modernité qui équivaut à l'Occident qui équivaut au christianisme. L'équation, mal posée, est insoluble. Aucun de ses termes ne résiste à l'analyse de terrain.

Donnons un point à Brice Hortefeux, à l'époque ministre de l'intérieur. Un musulman, "quand il y en a un, ça va, c'est quand il y en a beaucoup qu'il y a des problèmes". En effet, ils ne sont pas deux à penser la même chose ! D'un point de vue politique, l'islam n'existe pas. Il est un vocabulaire politique islamique issu de la théologie, de la philosophie, du droit musulmans. Mais chacun de ses mots est polysémique.

De même, il y a des partis qui se réclament de l'islam. Les uns sont conservateurs et néolibéraux, les autres étatistes et/ou révolutionnaires, et tous sont nationalistes, donnant aux intérêts de l'Etat-nation la priorité sur ceux de la communauté des croyants. Un militant algérien l'avait expliqué au jeune historien et sociologue Maxime Rodinson, lors d'une Fête de L'Humanité, entre les deux guerres : "L'Oumma et L'Huma, c'est la même chose ."

Et cette même chose relève de l'utopie. En conséquence, les conflits qui déchirent les sociétés islamiques sont internes à celles-ci. Ils opposent les musulmans entre eux, plutôt que ceux-ci à l'Occident. Ainsi du Pakistan, de l'Afghanistan, de l'Irak, ou encore, dans le contexte des "printemps arabes", de la Syrie, de l'Egypte, de la Libye.

L'islam est un mot-valise qui n'interdit en rien aux musulmans concrets d'être des adeptes de la laïcité, pas plus que le christianisme ne prédisposait les chrétiens à le devenir. Mais la laïcité est elle-même une catégorie vide de sens politique précis.

En France, elle désigne la séparation pragmatique des cultes et de l'Etat, au nom d'une conception universaliste de la citoyenneté. En Turquie, elle signifie son antipode : la subordination politique et bureaucratique du religieux à l'Etat, dans le contexte d'une définition ethnoconfessionnelle de la citoyenneté.

Encore faut-il se garder de figer chacune des deux trajectoires dans un modèle anhistorique. La France demeure habitée par une représentation ethnoconfessionnelle de l'appartenance à la nation, comme l'a démontré la collaboration de Vichy avec les nazis après cinquante ans d'antisémitisme républicain, et comme le rappellent aujourd'hui les propos nauséabonds de ministres au détriment des Français de confession ou d'origine familiale musulmane, voire juive.

Dans le même temps, des Turcs plaident en faveur d'une refondation universaliste de leur République afin qu'elle assure l'égalité réelle des droits à tous les citoyens - une mue dont la reconnaissance du génocide des Arméniens est le prix d'entrée.

La plupart des pays du Moyen-Orient se situent à la confluence de ces deux modèles de laïcité et de citoyenneté, pour avoir été successivement des provinces ottomanes et des colonies françaises ou britanniques. Il en est de la sorte en Algérie, en Tunisie, en Egypte, au Liban, en Syrie, en Irak. Mais cela est aussi vrai de la Grèce, des républiques de l'ancienne Yougoslavie ou d'Israël...

Derechef, l'islam explique moins que ne le fait l'histoire, et notamment le passage d'un monde impérial inclusif de l'aire ottomane à un monde d'Etats-nations fonctionnant selon des logiques d'exclusion.

Un autre distinguo s'impose. La laïcité est une politique publique, relative à l'organisation légale ou administrative des champs religieux et politique. La sécularisation est un processus social de dissociation des affaires de la cité et des convictions religieuses. La laïcité de l'Etat n'est pas une condition nécessaire à la sécularisation de la société, ainsi que le démontre l'expérience des régimes occidentaux confessionnels, du Maroc ou de la République islamique d'Iran.

De même, elle n'exclut pas l'arrivée au pouvoir, par le biais des urnes, d'un parti islamique, comme en Turquie et en Tunisie, sans que cette alternance remette obligatoirement en cause le caractère laïque des institutions ni la sécularisation de la société. C'est que les électeurs ont souvent voté pour ces partis selon des raisons non religieuses, par exemple pour sortir les sortants et renvoyer l'armée dans ses casernes en Turquie, ou pour rompre avec l'ancien régime en Tunisie.

Autrement dit, il n'est de laïcité, en terre d'islam, que par rapport à des histoires et des contextes singuliers, au regard des pratiques ou des stratégies effectives des acteurs sociaux. D'une situation à l'autre, cette idée est un élément de la domination politique et de la distinction sociale, en bref un langage de classe.

Pour les islamistes, la laïcité à la française est assimilée à certaines libertés publiques répréhensibles aux yeux de la Charia, comme la liberté de conscience se traduisant par la liberté de ne pas pratiquer de religion, de ne pas manger « hallal » ou de faire « haram ». Et, c’est ce qui se traduit en retour par une certaine islamophobie ambiante.

L'islam n’était certes pas à l’origine des "printemps arabes", mais Il s'y est vite invité parce que les dictatures sous tutelle militaire avaient laissé faire les « Frères musulmans » ou les Salafistes pour endormir le peuple démuni pendant que le pouvoir luttait sévissait contre les partis démocratiques ou les revendications régionalistes, en Algérie, en Egypte, en Tunisie ou en Turquie.

Aussitôt que l’ancien régime était renversé les mobilisations de rue ont regroupé les militants laïques et islamistes dans une lutte commune  contre le retour de l’ancien pouvoir, les amenant à partager l'espace public au prix de compromis mutuels, aboutissant à l’acceptation par les islamistes une vision de la cité sous la forme d’un Etat séculier incorporant la « Charia » dans son droit civil, de quoi effaroucher les opinions laïcistes qui pensent que cela pourra pas se révéler comme  un Etat civil de droit et de bonne gouvernance.

L'idée hexagonale de laïcité n'a pas aidé les Français à admettre l'iniquité des Etats moyen-orientaux qui s'en réclamaient ni à pressentir l'éclosion des "printemps arabes". Elle menace maintenant de les faire passer à côté des recompositions en cours. Le vrai problème a moins trait aux rapports de la religion et du politique qu'à la relation au néolibéralisme des partis issus de l'islamisme.

Si les peuples dits arabes ou musulmans ont apporté la preuve de leur capacité à secouer le joug de l'oppression politique, ils n'ont pas encore - pas plus que les Européens - su apporter une réponse à la crise structurelle qui frappe l'économie mondiale. Certes, la Turquie de l'AKP caracole avec ses 8 % de croissance. Mais pour combien de temps, et en quoi ce succès est-il reproductible sous prétexte d'islam ?

Quid du prétendu miracle tunisien qui n'était qu'un mirage, sans même parler de la vulnérabilité du décollage du Maroc, des trompe-l'oeil pharaoniques du Golfe ou des piètres performances de l'Egypte et de la Syrie ?

La question à laquelle sont confrontés les musulmans, islamistes et laïcistes confondus, est sociale et non religieuse. Et, pour la résoudre, le "petit père Combes" (il avait préparé le projet de loi de séparation de l'Eglise et de l'Etatqui sera votée en 1905) leur sera moins utile que l'économiste Keynes.

Conclusion

Comment Jules Ferry avant reussi à introduire la laïcité à l’école publique ?

En 1883, Jules Ferry déclara vouloir «  organiser l’humanité sans Dieu ni Roi ». Il était alors Président du Conseil, c.à.d. le vrai chef du gouvernement. Il a veillé sur le risque de retour de la monarchie, qui avait été farouchement soutenue par l’Eglise aux élections générales de 1875, où l’on choisissait le type de régime politique qui allait diriger la France après l’abdication de Napoléon III, défait en 1870.

Il en résulta une tension farouche entre les républicains et l’Eglise royaliste, expliquant le courant anticlérical qui anima les députés républicains, majoritaires à l’Assemblée Nationale et qui votèrent la loi de 1881 instituant l’école publique, gratuite et obligatoire pour tous les enfants de moins de 14 ans. L’Eglise se retrouva ainsi privée de son monopole séculaire sur l’enseignement primaire, où elle pouvait formater les consciences, à travers le catéchisme obligatoire, la messe quotidienne, le cours d’Histoire et d’autres enseignements.

Cette loi de 1881, instituant l’école laïque, était la première pierre de l’édifice républicain laïque, consacré un quart de siècle plus tard, en 1905, par la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, après que l’expérience d’enseignement laïque eut porté ses fruits en ayant formé une génération entière de citoyens républicains, ce qui garantissait aux Français de ne plus retourner à un régime monarchique.

A cet effet, Jules Ferry avait expliqué aux instituteurs comment s’y prendre pour savoir enseigner à leurs élèves les leçons de moralité et d’instruction civique de façon à sauvegarder leur liberté de conscience et à former, à travers eux, de futurs citoyens libres. Il leur adressa sa « Lettre à Monsieur l’Instituteur », leur explicitant le contenu de la loi du 28 mars 1882, qui confia à l’Instituteur, fonctionnaire de la République, la charge d’enseigner les préceptes républicains à leurs élèves, sous la forme d’une instruction civique et morale, rendue gratuite et obligatoire à tous.

Comme les coûts de cette nouvelle école publique étaient financés sur le budget de l’Etat républicain, Jules Ferry décida de ne plus recourir aux enseignants religieux pour former les enfants de la République, et ce, d’autant plus que les enseignants religieux dispensaient une idéologie engagée au service de la monarchie et contre la République, traitée d’anticléricale par l’Eglise. Toutefois, Jules Ferry a estimé que l’enseignement religieux à donner aux enfants relevant du ressort de leurs parents, ceux-ci pourront se tourner vers l’Eglise à cet effet, en dehors des heures de classe.

De la sorte, fut sauvegardée la liberté de conscience de l’enfant et l’élévation du niveau civique des mœurs dès l’école primaire. En effet, dans sa « Lettre à Monsieur l’Instituteur », Jules Ferry s’est inspiré à la fois :

- de « L’esprit des lois » de 1748, où Montesquieu écrit que la soumission du peuple au pouvoir du Roi repose sur l’ignorance et sur le droit divin de l’Eglise, tandis qu’un Etat républicain a besoin d’une éducation populaire appropriée pour pouvoir se faire aimer et se maintenir au pouvoir.

- de « L’esprit des lois » de 1748, où Montesquieu écrit que la soumission du peuple au pouvoir du Roi repose sur l’ignorance et sur le droit divin de l’Eglise, tandis qu’un Etat républicain a besoin d’une éducation populaire appropriée pour pouvoir se faire aimer et se maintenir au pouvoir.

- du « Journal d’instruction sociale » de 1793, où Condorcet écrit : « il ne peut y avoir d’égalité si tous les citoyens ne peuvent acquérir des idées justes sur les objets dont la connaissance est nécessaire à la conduite de leur vie ». Pour cela, la Constitution de 1791 avait institué « une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l’égard des parties d’enseignement indispensables à tous les hommes ».

Ainsi, Jules Ferry, dans son discours du 10 avril 1870 au Palais Bourbon, traitant « de l’égalité de l’éducation », avait-il dénoncé la loi Falloux de 1850 (votée sous la II° République !) qui avait renforcé le rôle des religieux dans l'organisation de l'enseignement scolaire. C’est pourquoi, pour s’émanciper des services des enseignants catholiques, il fit voter le financement de l’école publique sur le budget de l’Etat, comme le préconisait Condorcet. Et sa stratégie se poursuivit par la création, en 1879, d’une Ecole Normale par département, chargée de former les instituteurs laïcs, de façon à ne plus avoir besoin du concours de l’Eglise et éviter son immixtion dans l’éducation des jeunes élèves de l’école publique, rendue gratuite et obligatoire en 1881.

Sa foi dans les vertus de l’éducation laïque est illustrée dans son discours de 1870 au Palais Bourbon : « Entre tous les problèmes, j'en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j'ai d'intelligence et de cœur : c'est le problème de l'éducation du peuple». Et d’ajouter : « la société humaine moderne n'a qu'un but : atténuer, à travers les âges, les inégalités primitives établies par la nature ; et, si les 18° et 19° siècles ont anéanti les privilèges rattachés à la naissance, l'œuvre de la III° République sera de faire disparaître la plus redoutable des inégalités, l'inégalité d'éducation, qui est le plus grand obstacle à franchir pour l’avènement d’une vraie démocratie ». Et, croyant que « L'égalité est la loi même du progrès humain », il conclut son discours par ces mots: «désormais, l'enfant appartient à la République, comme auparavant il appartenait à l'Église ».

Conclusion : pour une laïcité républicaine, responsabilisant chaque citoyen à vivre ensemble avec tous ses concitoyens

Qu’en est-il aujourd’hui, 130 ans après la phrase de Jules Ferry, où les institutions françaises sont définitivement acquises à la République, et où l’Eglise a définitivement reconnu les bienfaits de la démocratie républicaine tout en se contentant de la loi de 1905 la séparant de l’Etat ?

Il faudrait que le Français musulman, comme le français catholique, juif ou bouddhiste,…  respecte le principe de base de la laïcité, qui stipule ceci : la loi garantit à tout citoyen le libre exercice de sa foi, tandis que la foi du citoyen doit demeurer personnelle et ne pas s’exercer en gênant les autres citoyens, ni prétendre dicter sa loi, car la loi est la même et égale pour tous au sein de la République. Tout comme la loi sur la laïcité républicaine de 1905 avait poussé l’Eglise catholique à adapter progressivement sa vision du monde, au fur et à mesure des avancées sociales républicaines, auxquelles l’Eglise avait été réticente sinon opposée dans le passé, de même le Français musulman devrait apprendre, par devoir civique, à distinguer sa vie religieuse qui doit demeurer privée, de sa vie profane qui est publique.

En effet, la laïcité sépare la vie de la foi individuelle de la vie publique en société, tout en assurant à chaque citoyen de vivre en paix et en harmonie avec tous ses concitoyens, sans ingérence de la religion dans leurs rapports, parce que la religion divise les hommes selon leurs croyances qui doivent demeurer métaphysiques, c'est-à-dire, en dehors de la vie sur Terre. C’est une condition impérative d’accompagnement de toute volonté politique visant à l’intégration sociale dans l’unité nationale de tous les concitoyens de confessions religieuses diverses. Sans cela, on retomberait dans les guerres civiles dues aux religions monothéistes différentes qui ont toujours divisé les populations d’un même pays dans le passé, avant l’apparition de la politique de laïcité.
 
La phrase de Jules Ferry souhaitant un monde « SANS DIEU NI ROI » fait penser au Journal d’Auguste Blanqui, créé en 1880, sous le titre « Ni Dieu ni Maître », où cet homme politique exprimait ses thèses révolutionnaires et anarchistes, tout en critiquant tous ceux qui manipulaient les consciences des Croyants catholiques en conditionnant leurs réflexes dans le but de les amener à agir contre la politique laïque des républicains.

Par cette phrase, Jules ferry dénonce l’alliance politique des royalistes et de l’Eglise, représentant une grave menace contre la liberté de conscience et l’égalité des droits, comme sous l’Ancien Régime. Elle a été rédigée pour défendre l’institution d’une école publique laïque, où ne devrait plus interférer l’Eglise à travers son catéchisme et ses enseignants qui prêchaient pour le retour au pouvoir d’un régime monarchique après la chute de Napoléon III en 1870.  
Cependant, Et nous pourrions conclure que ce vœu de Jules Ferry d’ « organiser une humanité sans Dieu ni Roi », a été exaucé puisque seulement 8% des Français baptisés catholiques, reconnaissent être pratiquants ! Cela signifie bien que l’influence politique de l’Eglise sur les consciences s’en retrouve très limitée, et ce, d’autant plus qu’il n’y a plus de risque de retour d’un Roi au pouvoir…

Néanmoins, ce qui pose problème actuellement, c’est l’intégration à la logique de laïcité des générations récentes de Français de confession musulmane, issus de l’immigration de travailleurs provenant d’anciennes colonies françaises d’Afrique. Elles n’ont pas connu la période de lutte pour la laïcité, qui avait marqué et formé idéologiquement les citoyens Français du dernier quart du XIXème siècle et jusqu’à la 2nde guerre mondiale.

Or, en ce début du XXIème siècle, se pose le problème d’intégration sociale et culturelle des nouvelles données démographiques associées à la modification profonde du paysage religieux de la France, où des citoyens de confession musulmane regroupent désormais plus de 10% de la population, alors que cette religion et culture musulmane n’en faisait pas partie en 1905, où il n’était question que de concilier l’opposition entre religion catholique et des républicains laïques cherchant à laïciser l’Etat. A présent, il s’agit de gérer une cohabitation religieuse, et partant culturelle, au sein même de l’école publique, réputée laïque, d’élèves d’éducations différentes reflétant le mode de vie culturelle de leurs parents respectifs. Il s’agit bien de nouveaux problèmes d’intégration républicaine, où l’éducation musulmane des élèves d’origine maghrébine pose le problème de véhicule culturel différent et même rétif au changement et à l’adaptation aux principes républicains et laïques. Et cela se ramène, en fait, à débattre du contenu de l’enseignement du fait religieux, propre à la religion musulmane telle qu’elle est pratiquée par certaines confréries fanatiques, dites islamistes, ce qui les fait se heurter à l’esprit de tolérance qui anime les républicains français.  Et, du fait de l’absence d’une vraie politique spécifique d’intégration de cette nouvelle vague d’immigrés musulmans depuis 1960, leur ghettoïsation a dû aiguiser une affirmation identitaire accrue.

Que faire, face au renforcement de ces tentations communautaristes ?

J’ai dit,

NMK\


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