Obédience : NC | Loge : NC | 11/2002 |
Pour comprendre la logique islamique Le Prophète
Mohammed ne se considérait pas comme fondateur d’une nouvelle religion,
mais comme restaurateur de la véritable religion monothéiste
qui avait déjà été révélée à Noé(Nouh’). C’est ainsi qu’il reconnaît
Abraham comme le 1er Prophète ainsi que Moïse comme le grand
Prophète Législateur qui a transmis les Tables de la Loi au peuple
Juif, et enfin Jésus comme le Prophète le plus illustre et son
prédécesseur immédiat. Avec Lui, Mohammed, la chaîne des Prophètes se
trouve bouclée par la dictée directe des Paroles d’ALLAH récitées à lui
par l’Ange Gabriel durant 20 ans, entre 612 et son décès en 632. Et si
« Allah » l’a envoyé en dernier, c’est pour faire
accéder l’humanité à une ultime connaissance de la Vérité. Aussi,
Mohammed espérait-il être bien accueilli aussi bien par les Juifs que
par les Chrétiens. Mohammed est né vers l’an 570 dans une tribu bédouine, les Kouraïch’, qui avaient conquis La Mecque au V° siècle. Il avait perdu son père 2 mois avant sa naissance, sa mère à 6 ans, et son grand-père à 8 ans. Il fut alors confié à son oncle paternel qui commandait le clan Kouraïchite à La Mecque. Sillonnant durant plus de 30 années les déserts d’Arabie et les villes de Syrie, en caravanes de chameaux qui effectuaient de longs, périlleux et fructueux voyages entre La Mecque et les riches bazars de Damas, Mohammed avait découvert la Syrie chrétienne d’alors qui faisait partie intégrante de l’Empire byzantin, lequel était parfaitement organisé par le Code Justinien réglementant toutes les activités de la nation, la religion chrétienne étant devenue religion d’Etat, imposée à toutes les populations depuis l’an 396. Toutefois, le christianisme oriental de cette époque n’était pas du tout serein : les chrétiens étaient divisés entre ceux qui croyaient au dogme de la Trinité de Dieu et ceux qui préféraient le Monophysisme du Christ. Le monophysisme ayant été excommunié par le Concile de Chalcédoine en 451, de nombreux moines chrétiens avaient échappé aux persécutions en se réfugiant dans le désert où ils devenaient des «anachorètes », prêchant contre l’Eglise catholique qui ne reconnaissait plus l’unicité de Dieu. Cette polémique, très vivace à l’époque, avait dû le marquer d’autant plus qu’il avait été impressionné tout jeune par l’anachorète BAHIRA vivant en plein désert du sud de la Syrie, qui avait «vu » en lui un « homme de Dieu » qui rencontrerait l’opposition farouche des adeptes des autres religions. Aussi, Mohammed avait-il pris goût à discuter des questions religieuses avec des «Hanif », dont un cousin de sa 1ère épouse Khadija, qui l’accompagnait dans ses périples entre La Mecque et Damas. D’autre part, il faut savoir que, depuis la fin du 1er siècle, l’Arabie avait accueilli un grand nombre de familles juives qui s’étaient enfuies de Palestine après la prise de Jérusalem par les Romains en l’an 70, ainsi qu’après la dure répression du soulèvement des Juifs à Bar Kacheva en l’an 135. Cette diaspora juive était la bien accueillie dans la population arabe locale qui était encore polythéiste et animiste. Aussi, à l’époque, beaucoup d’arabes épris de monothéisme s’étaient-ils convertis à la religion de Moïse, notamment au Yémen, où le Roi Himrayite, Dhù Nuwas, avait imposé le judaïsme à sa population. Par ailleurs, d’autres arabes, au nord de l’Arabie, avaient constitué de petits royaumes chrétiens, alliés aux Byzantins chrétiens. Quant à la tribu Kouraïchite de Mohammed, elle était restée animiste. Dans cet environnement religieux à dominante monothéiste et abrahamique, les croyances traditionnelles des Bédouins, animistes et polythéistes, avaient donc tendance à perdre de leur vigueur. Néanmoins, elles demeuraient très attachées à certaines superstitions du désert croyant en l’existence de Djinns à l’esprit malfaisant, qu’il faut savoir apaiser par des sacrifices rendus à leur puissance surnaturelle. Cela explique l’existence des 360 idoles que le Prophète avait détruites dans la Kaaba en conquérant La Mecque en 630. Aussi, faut-il savoir que La Kaaba, la Pierre Noire, était considérée, depuis des temps immémoriaux, comme le sanctuaire descendu du ciel pour abriter les divinités, laissant croire que ce lieu était le Centre du Monde, où il fallait régulièrement se rendre en pèlerinage pour faire acte de soumission et un sacrifice à sa divinité ou à son idole. C’est ce qui explique la pratique bédouine de se prénommer « Abd’… » suivi du nom de l’idole à vénérer, avec obligation de se rendre en pèlerinage à La Kaaba où l’on devait se concilier les bonnes grâces de son idole et se protéger contre le Djinn malfaisant, qui avait le pouvoir de rendre l’impénitent stérile, impuissant, dément ou infirme. Dans ce contexte d’inquiétude spirituelle et d’analphabétisme en raison de la naissance toute récente de l’écriture arabe (à la fin du V° siècle), cette population bédouine demeurée à l’écart des conquêtes des empires Byzantin et Sassanide en raison de son climat désertique inhospitalier, attendait un «signe du ciel » pour se constituer en une nouvelle civilisation intégrant ses traditions. Tout se prêtait donc à la venue d’un prédicateur approprié, à l’image de Jésus s’annonçant comme le Messie par Jean le Baptiste au temps où le peuple juif était très inquiet de son avenir sous le joug romain. Il y avait déjà La Kaaba comme centre divin de pèlerinage, de même que le puits «zemzem » dont l’eau intarissable était réputée sanctificatrice et inépuisable. D’où vient le nom de « Allah » ? Le mot ISLAM signifie littéralement « soumission totale à son vainqueur », et par extension, à la volonté du Tout puissant, pour pouvoir bénéficier de sa protection et de sa miséricorde. Et si c’est un Dieu unique, du nom de Allah qui a été choisi pour incarner ce maître absolu, c’est que cette conception d’un Dieu tout puissant et bienfaiteur était antérieure à Mahomet. En effet, dans le Hejjaz antéislamique, il y avait des adeptes de la foi d’Abraham qui n’avaient pas encore adopté de religion révélée par un Prophète comme Moïse pour les Juifs ou Jésus pour les Chrétiens. On les appelait «Hanif » (au pluriel «Hounàfa ») que le Cor’an reconnaît d’ailleurs comme des descendants d’Abraham qui ont préparé l’avènement de l’Islam. Cet attachement au monothéisme d’Abraham était propre à tous les peuples sémitiques, originaires de Mésopotamie, où ils adoraient un dieu tout puissant et miséricordieux dénommé « EL », qui existait à côté d’un autre dieu, appelé « BAAL », lui aussi tout puissant mais cruel. D’ailleurs, le nom donné à Dieu dans les premiers chapitres de la Genèse est bien ELOHA, au pluriel ELOHIM, provenant de la même racine « EL ». Et Jésus, mourant sur la Croix, s’était aussi écrié en araméen: « Eli, Eli, lamasa bactani », paroles araméennes signifiant : « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné », où la même racine « EL » désigne Dieu. Dans un autre ordre d’idées, comment se fait-il que le prénom du père de Mohammed, « Abd’Allah », c.àd « Le Soumis à Allah », ait pu exister avant le COR’AN, alors que sa tribu Kouraïchite était polythéiste ? Cela ne signifierait-il pas qu’une divinité dénommée ALLAH était adorée avant même la naissance du Prophète ? Or, un Hadith déclare que 360 idoles ou «Sanam » peuplaient la Kaaba avant que Mohammed ne les détruisît par le feu, à son retour triomphal à La Mecque en 630, après 8 années d’exode (l’Hégire) à Médine. Dans ces conditions, est-ce que Mohammed n’aurait pas choisi ce nom ALLAH parmi tous les dieux adorés à son époque pour en faire le Dieu unique à adorer, ce choix étant inspiré par sa crainte personnelle de la divinité Allah à laquelle son père « Abd’Allah » devait se soumettre et envers laquelle son père n’aurait pas rempli ses devoirs, entraînant sa punition sévère par sa mort prématurée, le privant de voir naître son fils unique Mohammed? Et cette crainte absolue du dieu de son père Abd’allah devait être attisée par sa frustration de ne l’avoir pas connu alors qu’il était réputé pour être le plus bel homme de La Mecque, ce dont son fils unique Mohammed aurait pu être si fier s’il était resté vivant, en raison du culte du père poussé à l’extrême dans la civilisation bédouine. Et du point de vue religieux, ne serait ce pas la prédestination de son père «Abd’ Allah » qui permit à Mohammed inspiré et d’être choisi pour recevoir les paroles d’Allah par la voix de l’Ange Gabriel ? Les droits d’Allah et les devoirs des hommes Le Croyant Muslim est d’abord soumis à ses devoirs : il doit les respecter envers son Créateur miséricordieux. Le lien qui unit tous les mouslimin’ à travers le monde est leur soumission totale et égalitaire envers ALLAH, qu’il faut nommément invoquer par des formules sacrées à réciter. Il s’agit ici d’un Dieu actif et très présent, qui ordonnance tout, en décidant «ce qui est bon » pour chacun d’entre nous. L’homme doit tout à Allah du fait qu’il l’a créé à partir de l’argile où il a insufflé son esprit (min’ Ruhi) : il doit donc implorer sa miséricorde en permanence. Cette attitude se retrouve dans le sens du mot ISLAM, contraction du mot guerrier « Istilam », qui signifie « abandon total de soi à son vainqueur » lequel avait, en ce temps-là, droit de vie et de mort sur le vaincu réduit à l’état d’esclave. Et c’est cet « état d’esclave envers son Créateur » qu’évoque le sens du qualificatif «Muslim » (au pluriel mouslimin’ ), attribué à tout Croyant ayant récité sa profession de foi en Allah et son messager Mohammed. Dans son comportement, il y a donc une manifestation d’humilité extrême que ressent le Muslim envers Allah, et que l’on ressent aussi dans son langage usuel. Cela le distingue du chrétien qui s’identifie au Christ en imaginant la Passion et la Vie éternelle, ou du juif qui dialogue avec Yahvé en attendant la venue du Messie. Cet abandon total de sa personnalité à Allah conduit le Muslim à renoncer à toute réclamation de Droits Humains face à ALLAH, le Tout Puissant, qui a déjà tracé la destinée de chacun à travers l’expression «Mektoub ». C’est pourquoi le Muslim doit toujours implorer la miséricorde d’Allah en toute chose. Il serait donc blasphématoire envers ALLAH de réclamer des Droits autres que ceux qu’Il a déjà dictés à son Envoyé Mohammed, et qui sont recueillis dans la Charia. Et c’est aussi pourquoi, dans tout ce qu’il entreprend dans sa vie courante, le Muslim invoque l’expression «Incha’ Allah » signifiant « à condition que Allah le veuille bien ». C’est ce qui justifie l’élan d’amour « implorant » que le Croyant manifeste en permanence envers Allah, parce qu’il croit dur comme fer que « tout vient de Lui et tout doit retourner à Lui ». Comme tout vient d’Allah, il n’y a donc pas lieu de se soucier des Droits de l’Homme : ce ne peut être que parfait. Il s’en remet par conséquent à sa Loi, dictée à son Envoyé Mohammed et transcrite dans le Cor’an et à travers la Sounna qui relate les recommandations du Prophète au peuple soumis à la volonté d’Allah. Aussi, pour être délivré de toute responsabilité de ses actes, dans le doute du bien-fondé de son action, le Croyant musulman fait il appel à un docteur de la Loi, dont il suit à la lettre les recommandations. Et lorsqu’il s’agit d’un acte de portée collective, il suffit d’une décision prise par consensus (=ijma) d’une assemblée d’Oulémas, réunis pour traiter une question précise du droit islamique, pour que le Croyant, exécutant leur Fatwa (=conclusion juridique), se sente dégagé de toute responsabilité des conséquences de son acte. Ce « comportement vectoriel » du Fidèle est justifié par un Hadiths du Prophète disant ceci : « Ma communauté ne saurait jamais tomber d’accord sur une erreur ». C’est donc dans cet esprit que le Croyant agit de bonne foi : en appliquant ses devoirs envers Allah, il sera récompensé le Jour du Jugement Dernier, que tout Muslim attend pour mériter le bonheur éternel après la mort. La force persuasive de la pensée coranique Le pacte de confiance et de soumission absolue à la volonté divine conclu entre le premier Prophète Abraham et son Dieu Unique EL , aurait dû être aussi transmis à ses descendants arabes par son fils aîné Ismaël, né de sa servante Zohar. Mais ce pacte n’ayant pas été parfaitement compris dans les deux religions monothéistes se réclamant d’Abraham et antérieures à l’Islam, (les religions juive et chrétienne), Allah a dû envoyer cette fois-ci son Dernier Prophète, Mohammed, pour parfaire les Ecritures Saintes, à travers ce qu’il lui dicta directement en paroles prononcées par l’Ange Gabriel durant 20 années, entre 612 et sa mort en 632. Cette genèse du Cor’an consacre son caractère inviolable, où il faut respecter à la lettre son contenu en raison de son origine proprement divine, à la différence de la Bible et des Evangiles qui ont été rédigés par des inspirations humaines diverses. De la sorte, on ne peut plus échapper à la Vérité de Dieu, si ce n’est par ignorance ou par mauvaise foi, l’une devant être vaincue par l’enseignement de la Parole d’Allah récitée dans le Coran, et l’autre devant être vaincue par la Guerre Sainte du Djihad. Ainsi, tout semble être suffisamment clair à comprendre pour que l’on doive préférer l’Islam à toute autre religion. Avec le Coran la Parole de Dieu est directement récitée par le Prophète pour régler la vie de tous les jours, au lieu de risquer des errements personnels. De plus, ces paroles d’Allah s’adressent à tous les humains sans distinction de race, de sexe ni de religion antérieure, dans un langage simple à comprendre et à appliquer. Il n’y a pas de «mystères » religieux à admettre par dessus notre capacité d’entendement, ni d’exclusion des postulants pour non- appartenance raciale au «peuple élu ». Ici, Allah existe pour tous, sans chercher à connaître sa nature, et chacun est égal aux autres à travers la soumission commune et totale à la volonté d’Allah. Ainsi, convaincus du bien fondé de cette nouvelle religion monothéiste les 2 premiers Califes succédant au Prophète (les califes Abou Bakr et Omar) avaient lancé la Guerre Sainte du JIHAD, avec foi et ferveur (c’est bien le sens du mot Jihad au niveau individuel) réussirent à conquérir très facilement en moins de 10 ans(634-644) les possessions byzantines de Syrie, Palestine et Egypte ainsi que tout l’empire Sassanide s’étalant sur l’Iran et l’Irak. Le message d’égalité que diffusait le Cor’an, plaisait d’autant plus aux populations nouvellement islamisées qu’elles étaient précédemment réduites en esclavage par leurs anciens maîtres, alors que cela est interdit entre mouslimin’. De plus, le fait que le Cor’an et la Sounna constituent le seul lien entre le Mouslim et Allah, sans hiérarchie religieuse, tatillonne ou inquisitoire à la manière de l’Eglise romaine, et sans l’intercession coûteuse des chamans dans les sociétés animistes : le Muslim converti a la possibilité d’adorer Dieu par ses propres efforts (c’est là son Jihad individuel). De plus, à la différence de la conversion obligatoire de l’Empire romain et byzantin à partir de 396, la conquête islamique a su s’adapter avec souplesse aux mœurs et aux coutumes de chaque peuple en lui laissant la possibilité de conserver toutes ses pratiques antérieures qui n’entraient pas en contradiction avec la Charia. D’ailleurs, cette nouvelle Loi régissant la vie sociale représentait une grande avancée sociale pour tous les peuples de cette époque, leur profitant à tous en comparaison avec leurs coutumes antérieures. Seule l’Europe occidentale, hormis l’Espagne,avait su résister à la diffusion de ce nouvel art de vivre, grâce à l’Eglise qui réussit à coaliser cette région contre l’Islam. Or, au IX° siècle, la civilisation islamique était beaucoup plus avancée que celle de l’Europe Occidentale. En effet, les nouveaux principes enseignés par le Cor’an, comme le respect de la condition égalitaire entre tous les Croyants sans distinction de sexe ni de condition libre, servile ou noble, ou comme la reconnaissance du rôle de la femme auprès de son mari sans lui être inférieure tout en lui reconnaissant une prééminence pour sa fonction de père en raison des dépenses d’entretien de la famille qu’il doit couvrir, ou encore comme le meilleur traitement de l’esclave(=serf en Europe) et son affranchissement au cas où il réussirait à enseigner la religion coranique à 10 païens, ou encore comme la diffusion de la pensée profane des philosophes grecs qui était interdite par l’Eglise jusqu’au XIV° siècle, etc… Toutes ces avancées sociales et philosophiques de l’Islam de ce Temps auraient certainement bouleversé l’ordre féodal en formation dans l’Europe des VIII°-IX° siècles, si l’expansion islamique n’avait pu être arrêtée par les Francs à Poitiers en 732 et par les Génois et Vénitiens. L’absence de dialectique entre foi et raison en Islam Le texte du Coran est dit « incréé » parce qu’il émane de Dieu. « Al’ Kor ’an » signifie récitation littérale, et cela sans chercher à savoir si celui qui récite sait lire ou écrire. L’on ne doit pas chercher à en critiquer une seule syllabe, sinon en le commentant dans le sens du chemin de vie de Mohammed(les Hadith recueillis dans la Sounna) le dernier prophète que Allah a envoyé à cet effet. Le muslim trouve ainsi tracée la voie de son destin sur Terre, sans critique parce que l’intelligence d’Allah dépasse notre entendement. Il est le Seul à connaître la Vérité. L’Islam se présente comme la religion d’Abraham rénovée et simplifiée. Le culte ne comportant pas de liturgie, il n’y a pas de ministre du culte. L’Imam, qui dirige la prière en commun en faisant une brève lecture du Coran, n’est qu’un fidèle comme les autres. Et le Muezzin ne sert qu’à appeler les fidèles à la prière du haut du minaret. Le sens du collectif imprègne ainsi la religion musulmane. Le vendredi a lieu la prière en commun qui se célèbre dans la mosquée proprement dite, les autres prières individuelles(5 fois par jour) étant célébrées où que se trouve le muslim en se prosternant humblement pour prier en direction de La Mecque. Quant aux Ulémas, ils ont étudié assez longtemps la Loi Divine pour l’enseigner et assurer le rôle de directeur de conscience des fidèles ainsi que de jurisconsultes. C’est pourquoi, en Islam, il n’y a pas de clergé. Toute la vie du muslim, tant au niveau civil que religieux ou politique, trouve son orientation dans le Coran d’abord et ensuite dans la Sounna où se trouve recueillie la Tradition, provenant des Hadith(entretiens) du Prophète avec ses Compagnons et ses auditeurs qui lui posaient toutes sortes de questions pratiques de la vie courante qui n’étaient pas explicitées dans le Coran. La première négation de la dialectique entre foi et raison se trouve dans la reconnaissance de la prédestination de l’Homme, le Mektoub, signifiant que Allah connaît d’avance tous les événements. La profession de foi(ou Chahada) du Croyant, suppose cette omniscience de Dieu en tant que générateur de toute la connaissance humaine. Cette déclaration volontaire définit au départ chez le Croyant sa volonté de se soumettre consciemment à la Loi divine exprimée dans la Charia. Et pour adopter cette Loi divine contenue dans le Coran, le Croyant doit entreprendre des efforts personnels sur lui-même, de façon constante et répétée durant toute sa vie, de façon à vaincre ses résistances(en pliant son ego) face au contenu du message coranique: c’est l’Ijtihad ou le Djihad de base, que l’on a ensuite étendu à la guerre sainte collective pour la défense des causes justes au service de la « Umma » ou communauté islamique universelle. Sous cet aspect de la perception de toutes choses, l’interprétation commune du Coran a imposé l’idée que l’intelligence de l’homme, serviteur d’Allah à qui tout doit revenir en tant que source de vie et de toute connaissance, ne doit servir qu’à la connaissance du message qu’Allah nous a communiqué à travers son dernier prophète, Mohammed. Aussi, la raison de l’homme ne doit-elle plus servir qu’à réaliser ce que veut Allah, d’où l’appellation «el Islam » qui signifie le don de soi, la soumission totale à Allah. Dans ces conditions, la parole que le Croyant adresse à son Créateur ne peut plus être que prière et invocation. De la sorte, tout esprit critique disparaît et la Foi (el Imân) se fond dans la soumission totale au message divin, incréé dans le Cor’an, et cela grâce à un effort constant sur soi même pour vaincre ses passions, en usant dela Vertu de perfectionnement permanent (el Ihsân). Ce cheminement dans sa confiance totale en Allah place le Croyant dans un état de certitude et d’équilibre, sans inquiétude. Le muslim échappe aux incertitudes de l’ego. Sur cette base, l’Islam est la religion de l’Absolu et de la conscience apaisée, à la différence du Christianisme qui est la religion de l’Amour très difficile du prochain avec une conscience torturée par le mea culpa permanent du Chrétien soumis aux turbulences de son ego. Ce postulat de l’Absolu permet aux Ulémas de justifier leur refus de toute discussion sur la nature de Dieu. Il n’y a donc pas de Théologie possible. Aussi, l’enseignement de la pensée d’Aristote a été interdit par la suite parce qu’elle reconnaît l’éternité de l’univers contredisant la création du monde inscrite dans le Cor’an, et qu’elle ne reconnaît pas l’immortalité de l’âme, ce qui contredit l’avènement du Jugement Dernier. Science et connaissance en Islam Les premiers siècles de l’Islam avaient connu un bouillonnement intellectuel extraordinaire. Ce phénomène culturel a été rendu possible grâce aux exhortations du Prophète en faveur de l’éducation et de la science à travers de nombreux Hadith, disant notamment : -« la quête de la science est un devoir pour tout muslim » ; -« Cherchez la science jusqu’à la Chine lointaine s’il le faut » ; -« Celui qui part à la recherche de la science, Allah lui ouvrira le Paradis » ; -« L’encre du savant est plus sacrée que le sang du martyr »; -« Celui qui refuse de communiquer sa science à ceux qui la lui demandent ira en enfer ». Par ailleurs, le Cor’an insiste sur la nécessité de voyager pour comprendre et entendre, signifiant par-là qu’il y a des sciences à découvrir en dehors du Cor’an. La science déborde donc nécessairement le contenu du Cor’an. D’ailleurs, dans le Cor’an, on relève 49 fois l’emploi du verbe «aqala » qui signifie exercer sa raison dans le but d’ordonner le bien ou d’empêcher le mal, au-delà des commandements de Dieu. Aussi, dès l’an 691, les califes Omayyades avaient fait édifier à Jérusalem le premier monument de l’architecture musulmane, le Dôme du Rocher, dans un nouvel art combinant les apports gréco-romains de l’empire byzantin et ceux de l’empire sassanide. Cette science ne figurait pourtant pas dans le Cor’an! Il en est de même de la philosophie que les Omayyades ont pêché dans les traditions hellènes et sassanides. Il suffit de penser au Calife Al Ma’moun (813-833) qui fonda à Bagdad en 815 la Maison de la Sagesse (Bayt Al Hakmat) où travaillèrent des chercheurs de tous horizons, sans aucun impératif religieux, et qui avaient permis au Califat Abbasside (750-1258) d’atteindre un niveau de rigueur scientifique et d’érudition inégalée depuis lors dans le monde arabe. A cette époque, c’était surtout Aristote qui servait de maître à penser pour tous les chercheurs musulmans. Le pythagorisme et l’hermétisme y étaient également enseignés. D’ailleurs, faut il souligner que les traductions de la pensée profane antique avaient énormément enrichi la langue arabe qui n’était que poétique au départ. Grâce au savoir hors Cor’an, le dialecte arabe va devenir une langue entière de civilisation permettant l’analyse philosophique et scientifique. De plus, le Calife Al Ma’moun avait fait de l’école rationaliste des Mutazalistes la religion d’Etat, ce qui permit à la philosophie arabe de l’époque de se libérer de la tutelle religieuse, soit 7 siècles avant Descartes ! Le premier grand philosophe musulman fut Al Kindi(800-870) qui défend sa thèse de la causalité inspirée de la pensée platonicienne. Il avait introduit le calcul numérique avec les chiffres indiens de 0 à 9, et qui sont devenus les chiffres arabes universels à partir de cette époque. Al Farabi(870-950) portait le titre de « 2ème Maître » après Aristote. Il contribua à affirmer le primat de la philosophie sur la théologie. Son ouvrage principal « L’Etat modèle » prône un Etat fondé sur la Morale et la raison, à la tête duquel régnerait un roi philosophe, annonçant ainsi, 800 ans à l’avance, le modèle de la monarchie éclairée du Siècle des Lumières. L’un des plus grands penseurs universels, connu en Europe sous le nom d’Avicenne (980-1037) réalisa un condensé du savoir universel de son temps, annonçant ainsi,7 siècles à l’avance, l’encyclopédiste Diderot du XVIII° siècle. Et son principal ouvrage « Le canon de la médecine » resta le principal manuel de médecine à l’usage de toutes les universités européennes jusqu’à l’ère moderne ! Al Birouni(973-1048) fit côtoyer la philosophie et l’astronomie dans ses « Jardins de la science ». Ayant accompagné le Calife Mahmoud en Inde, il en sortit un ouvrage sur l’histoire de la civilisation indienne. Il écrivit aussi une histoire du monde sous le titre de « Chronologie ». Plus tard, après l’étouffement de la pensée philosophique en Orient musulman, c’est sous la protection des Almohades à Marrakech que refleurira la pensée du monde islamique. C’est ainsi que Ibn Toufayl (1115-1185) écrivit un essai philosophique intitulé « Le vivant, fils de celui qui veille », annonçant 4 siècles à l’avance le « Discours de la méthode », décrivant comment un homme, vivant isolé sur une île déserte, parvient seul à la connaissance du Monde et de Dieu par la seule force de son intelligence naturelle et de sa réflexion rationnelle. Enfin, la philosophie islamique atteignit son apogée au XII° siècle, sous les Almohades, avec Averroès (1126-1198) dont la pensée fut largement appréciée par les philosophes européens des XIII°-XVII° siècles. Partisan d’Aristote, il prône que le monde et le cosmos existent de toute éternité et qu’ils ont évolué suivant leurs propres lois, bien que créés par Dieu le Créateur de l’univers. Mais rejetant l’immortalité de l’âme et donc sa survie après la mort, Averroès entra en conflit violent avec l’orthodoxie musulmane qui le fit partir exil en Europe, où sa thèse sur l’existence éternelle du monde, sans commencement ni fin, fut pérennisée sous le nom d’«averroïsme Latin » à la Sorbonne. Sa théorie fut reprise, deux siècles plus tard, par saint Thomas d’Acquin. Le dogmatisme religieux et l’éducation islamique Le Prophète avait dit: « Dieu n’a rien créé de plus noble que l’intelligence, et sa colère tombe sur celui qui la méprise ». Il avait dit aussi que « Le monde est pour Dieu un vaste livre rempli de « signes » (âyât) ou de symboles qui parlent à notre entendement et qui s’adressent à ceux qui comprennent ». Cela montre le rôle capital de l’observation et donc de la science aux yeux de Mohammed. Mais les Uléma ont limité leur enseignement à la seule connaissance du Cor’an et de la Sounna, en se référant à l’un des 12 Commandements d’Allah dans le Cor’an, contenu dans la Sourate(XVII, 23-41) et disant ceci: « Ne cours pas après ce dont tu n’as science aucune ». Cependant, cette sourate laisse aussi supposer que la science est multiple et qu’elle recouvre d’autres domaines que ce qui est traité dans le Cor’an, sinon elle aurait précisé de se contenter de ce qui est dit dans le Cor’an ! Par ailleurs, les Ulémas justifient leur refus d’ouverture par la Sourate(VII,33) qui dit : « Il est interdit d’associer quiconque à Allah », ce qui signifie que rien d’autre que ce qui a été révélé à Mohammed ne peut être ajouté par quiconque d’autre que lui ! Tout doit donc rester immuable après la mort de Mohammed. C‘est ainsi que les Ulémas ont pu limiter la Science à la seule connaissance du Cor’an et de la Sounna. Ghazali(1058-1111), bien que partisan du doute fertile pour le cheminement de la raison dans sa recherche de la vérité, combattit les philosophes à Bagdad en publiant que la raison ne peut constituer un critère de vérité en soi, car la Vérité se trouve en Dieu. S’il reconnaît le doute comme rempart contre l’erreur certaine, il sépare le doute philosophique des 3 croyances de base de l’Islam: Dieu, la prophétie et le Jour du Jugement Dernier. Par son exégèse, Ghazali a reçu le titre de « Preuve de l’Islam » en fixant son orthodoxie religieuse. Il reprocha aux philosophes leurs 3 mécréances fondamentales et incompatibles avec la foi du Cor’an: l’affirmation de l’éternité du monde, la négation de la résurrection des corps, et l’idée que Dieu ne s’occuperait pas des actes individuels des hommes et se contenterait de s’intéresser seulement à l’universel. De la sorte, aux yeux des autorités politico-religieuses turques, la pensée de Ghazali suffisait à éliminer définitivement la Philosophie comme contraire à la religion. Les Ulémas l’exclurent donc de l’enseignement dans les Madrassa. Et sous les Mamelouks et les Ottomans, la pensée philosophique libre ne pouvait être enseignée que par les seuls philosophes, chez eux et en dehors des Madrassa, sans être rémunérés par les autorités publiques ni par la Communauté des Croyants. Les élèves se sont dès lors accoutumés aux seuls arguments émotionnels de la Foi, d’autant plus aisément que les arguments démonstratifs des philosophes étaient beaucoup plus ardus à comprendre et à retenir. Le blocage culturel et l’absence de progres Le conservatisme religieux des Ulémas fit son nid, régnant en maîtres à penser sur l’ensemble de leurs populations qui sont restées pieuses et soumises. Aucun autre choix de pensée et de vie ne put leur être proposé sous peine de «Fatwa » qui excommunie l’impétrant. Il n’y eut donc plus d’interprétation du Cor’an par l’Ijtihad depuis Al Kindi, Farabi, Avicenne et Averroès, tous ces philosophes qui avaient essayé de relire le Cor’an à la lumière d’Aristote, comme le fit si bien en Europe du XIV° siècle St Thomas d’Acquin au regard de l’Evangile et en s’inspirant d’Averroès, le plus grand des philosophes musulmans ! En soumettant la raison à la foi depuis la fin du XI° siècle, le Muslim n’a donc plus le pouvoir de créer ses propres œuvres comme Dieu. Aussi, pense t il qu’il ne peut acquérir par la raison que ce que Dieu a bien voulu lui communiquer par son Envoyé Mohammed. Cela signifie: « en dehors du Cor’an point de salut! ». Et cette argumentation des Ulémas était facile à comprendre par les élèves des Madrassa qui formaient toutes les nouvelles générations de l’administration publique et de l’enseignement général. Ainsi, par ce barrage didactique à la formation de l’esprit critique nécessaire à la pensée scientifique, la Logique de la pensée islamique s’est retrouvée bornée au champ de la seule spiritualité religieuse contenue dans les 6236 versets des 114 Sourates du Cor’an. Cela a donc limité le champ exploratoire de la recherche scientifique dans l’Empire islamique, de même que le champ de l’Histoire, mère de toutes les sciences humaines et qui aurait pu servir à connaître et améliorer le devenir économique et social du monde musulman. Cette absence de pensée critique empêcha l’avènement de la révolution scientifique dans le monde islamique. C’est ainsi que s’installa la longue période du conservatisme Turco-Ottoman, opprimant l’ensemble les peuples arabo-musulmans à partir de la fin du XI° siècle, en figeant la pensée dans les gloses indéfiniment répétées et des manuels stéréotypés du Coran. Cela s’est ensuite étendu au Maghreb et à l’Espagne au XII° siècle, avec l’exil d’Averroès (grâce à qui la pensée d’Aristote fut transmise en Europe), étouffant l’ensemble de l’activité intellectuelle du monde islamique qui resta en dehors de l’essor culturel et philosophique qui allait entraîner l’occident européen dans une dynamique nouvelle, appelée l’Humanisme. NMK\ |
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