GLMMM | Loge : La Lumière de la Vérité - Orient de Paris | 07/11/2014 |
L’orgueil
du Maçon Pourquoi aborder ce
thème, qui semble plus
relever de la sociologie que de la maçonnerie, de surcroit, dans une
loge où le
travail sur le symbolisme prime avant tout ? La réponse est
simple : « L’orgueil est au maçon
ce que le mirage est au désespéré qui erre dans le désert ». C’est une
nécessaire et irrésistible illusion. Il convient donc d’en devenir le
maître
par un travail acharné au risque d’en demeurer un esclave soumis. Nous le savons tous,
dans la loge, tout est
dualité : - soleil / Lune - On peut donc en
déduire que l’orgueil, lui aussi
à son binôme, c’est une réalité. Il se nomme humilité. Ce terme grec
plus connu
sous le nom de « humus », la terre, celle que nous avons quasiment
embrassé au
passage de la porte basse, lors de notre initiation. Revenons à l’orgueil
pour mieux le définir. Je
demande à Henri Bergson de le faire à ma place : « Il y a une
différence entre l’orgueil et la
vanité. L’orgueil est le désir d’être au-dessus des autres, c'est
l’amour
solitaire de soi-même. La vanité au contraire, c’est le désir d’être
approuvé
par les autres. Au fond de la vanité, il y a de l’humilité; une
incertitude sur
soi que les éloges guérissent. ». Bergson nous dit
bien que l’orgueil, c’est la
comparaison à l’autre. Certainement pas pour se nourrir de lui et
grandir, mais
pour l’annuler afin de nous rassurer dans nos peurs fondamentales.
L’orgueil
est une manifestation de la schizophrénie, c’est dire à l’autre : «
j’ai besoin
de toi pour que tu me reconnaisses », mais en même temps, lui dire
aussi : « je
te nie pour ne pas perdre ma place d’élu, celui qui est le plus aimé ».
Ainsi, tout mon
propos va reposer sur le principe
suivant : « les ténèbres n’existent pas en tant qu’entité, elles ne
résultent
que d’une absence de lumière. Au même titre que le froid est une
absence de
chaleur ». Il m’apparait donc que l’orgueil est une absence d’humilité.
Si
l’humilité c’est la terre, le solide, le concret, son antithèse est
donc
caractérisée par la vacuité ou l’illusion. Le maçon qui a
grandi selon les étapes
conventionnelles de la F:.M:. (apprenti, compagnon et maître), celui
qui a
étudié les symboles et les a intégré, pour leur donner un sens dans le
quotidien et dans la fraternité, il devient semblable au fil à plomb.
Il est
posé, aligné, il est juste et il occupe sa place à lui, les deux pieds
dans la
terre. Il ne cherche pas à prendre la place de son voisin. Il ne
cherche pas à
être considéré plus qu’il ne se perçoit, il EST tout simplement. En revanche, le
maçon qui est passé à côté de la
réelle intensité des épreuves initiatiques, il sait très bien qu’il lui
manque
des morceaux, des parties de son ensemble personnel. Il n’est pas
entièrement
rempli de lui-même et ce manque l’amène à intellectualiser, à fantasmer
avec
son mental. Alors, il pense ! Il réfléchit, il trouve des réponses dans
le
registre de la logique. Il argumente et surtout, il s’agite. Il créé
des
perturbations, car ce qu’il est dans son essence profonde, nous parle
beaucoup
plus sur lui que ce qu’il nous dit avec ses mots ou gesticulations
stériles. Alors, les débats
d’idées, les rivalités
apparaissent. Comme le disait Auguste Comte : « L'orgueil nous divise
encore
davantage que l'intérêt. ». Le maçon devient incapable de rassembler ce
qui est
épars, car il est désormais dans la séparation, la division et surtout
dans la
discrimination de toutes choses. Le masculin et le féminin ne sont plus
les
deux côtés d’une même pièce, mais deux genres humains distincts qu’il
convient
de placer en dualité voire en conflit. Les apprentis deviennent alors
pour lui
des petits débutants. Les compagnons sont des sans grades qu’il humilie
facilement et tous les autres maîtres des rivaux qu’il faut surpasser
au plus
vite. Ce type de maçon devient fier de son tablier et de ses promos au
sein de
la loge. Certains vont même jusqu’à penser que les plateaux sont une
reconnaissance, une forme de grade. Cela doit être vrai, car lors des
distributions de plateaux en début d’année, nous entendons en fin de
tenue
d’autres frères ou sœurs venir les féliciter pour leur nouvelle
nomination.
Réfléchissons un peu, la seule félicitation possible, c’est celle qui
doit
intervenir en fin d’année, quand le travail a été bien fait par
l’officier. Antoine de Rivarol
au 18ème siècle avait dit : «
Il faut faire mourir l'orgueil sans le blesser. Car si on le blesse, il
ne
meurt pas. ». En effet, l’animal est coriace. Plus il est touché, plus
il
gonfle. Il est déconnecté de la réalité des choses, il n’a aucun
contact avec
son voisinage, je parle de l’intelligence du cœur ou celle de la
raison. Nous
connaissons tous des êtres érudits ou très cultivés, pourtant
totalement
remplis d’un orgueil qui tentent désespérément de les maintenir au
dessus des
autres, comme si les autres pouvaient les diluer. Je connais même une
catégorie
d’orgueilleux qui surpasse toutes les autres. Ils se nomment les
modestes.
Comme l’a écrit la Rochefoucauld dans ses pensées : « La modestie est
le plus
haut degré de l’orgueil ». Ne confondons pas humilité et modestie.
Jules Renard
l’a écrit : « Sois modeste ! C’est le genre d’orgueil qui déplaît le
moins ». J’aimerais
maintenant vous parler d’une autre
catégorie d’orgueil. On l’appelle « L’orgueil spirituel ». Son
représentant est
un élu. Il est l’Ambassadeur du Grand Architecte sur terre. Il est en
connexion
directe avec lui. Il a reçu des super pouvoirs. Il se fait un point
d’honneur à
être le leader incontesté de la pratique du rituel. Il peut vous
montrer la
liste de ses titres et distinctions… en résumé, il raconte avec une
fausse
modestie que son parcours maçonnique l’a rendu meilleur. Il peut-être
même
condescendant. Celui-là est assez dangereux, car il avance
sournoisement avec
le masque du maçon qui ne travaille que pour vous et que sa propre vie
ne
l’intéresse pas. On lui donnerait le bon Dieu sans confession. Enfin
quand je
dis bon Dieu, je voulais dire le G.A.D.L.U. ! Pour paraphraser
Auguste Detoeuf, je dirais que :
« Les maçons se répartissent naturellement en trois classes : les
vaniteux, les
orgueilleux et les autres. Mais je n'ai pas encore rencontré les autres
». Cette affirmation
volontairement provocatrice n’a
pas pour but de blesser qui que ce soit. Je veux seulement affirmer que
nous
sommes tous, et moi le premier, pourvu de cette fonction propre aux
humains.
Comment vivre avec ce sentiment et l’utiliser comme une boussole qui
nous
montrerait la mauvaise route afin de nous aider à trouver la bonne ? Tout d’abord,
comprenons bien que « Ce qui nous
rend l’orgueil des autres insupportable, c'est qu'il blesse le nôtre.
». Alors,
si nous utilisions justement cette réaction courante pour travailler
sur notre
propre Orgueil ? Imaginons simplement qu’à chaque fois que nous
ressentons ce
sentiment d’agacement au contact d’un orgueilleux, c’est notre propre
orgueil
qui est touché. Pourquoi ne pas essayer d’être dans la gratitude et de
remercier ce partenaire involontaire avec son orgueil, pour nous aider
à nous
affranchir du notre. Au delà de l’aide que nous apporterions à ce maçon
qui à
besoin de briller plutôt que de rayonner, nous pourrions enfin devenir
un
exemple et surtout, nous pourrions enfin quitter le monde infernal de
la
comparaison pour ETRE. Les initiations
maçonniques sont une suite de
dissolutions et de coagulations ou, si vous préférez, une suite de
déstructurations et de reconstructions qui permettent la transmutation
au sens
alchimique du terme et invitent le franc-maçon à passer de l’Œuvre au
noir à
l’Œuvre au rouge. C’est le solve et coagula, le « dissous et coagule »
des
alchimistes. Si seulement, nous osions prendre notre orgueil comme
antimoine,
cette matière première, pour tenter d’en faire une pierre philosophale,
alors
nous pourrions produire une essence d’humilité qui serait un parfum
d’humanité
comme nous aimons le sentir dans nos loges. Pour conclure ce
travail, je citerai une pensée
de Thich Nhat Hanh, ce sage qui se bat actuellement contre la mort
pendant que
je vous lis mon travail : « L’humanité souffre de 3 complexes, le
complexe de
supériorité, le complexe d’infériorité… et le complexe d’égalité ».
Vous l’avez
tous et toutes compris, cela nous ramène au « Deviens qui tu es » de
Nietzsche
et surtout à notre « Connais-toi toi-même… » qu’on nous cite lors de
notre
arrivée en loge. En fait, je le constate trop souvent, les vrais
problèmes
d’orgueil naissent au moment où on nous revêt de notre tablier de
maître. Car
pour certains, ce tablier devient alors un paravent qui nous sépare,
plutôt
qu’une passerelle qui nous relie. J’ai dit Vénérable
Maitre. Franck Fouqueray |
7604-1 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |