GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 11/2008

Alexandrie d’Egypte

A L\ G\ D\G\AD\L\U\ vous tous mes sœurs et frères en vos Degrés et Qualités, ce jour-là fut un jour particulier. Puisqu’il vit venir au monde un bébé, d’essence divine selon les dires légendaires, qui allait marquer l’histoire des hommes et du monde. Sa renommée n’en est que plus grande du fait de ses actes et d’une péripétie tragique qui fit qu’il fut emporté par les circonstances de la vie et de l’histoire à l’âge de trente-trois ans. Un roman légendaire datant du troisième siècle prêta à ce personnage une filiation égyptienne. A son nom est attachée l’idée d’universalité. Son nom accrédite l’idée d’œcuménisme interculturel. La mémoire collective en garde une bibliothèque devenu célèbre au cours du temps. C’est à ce personnage "Alexandre" que nous devons la création de trente-cinq cités d’Alexandrie dont l'une d'elle garde dans l’imaginaire collectif et l’histoire des civilisations une haute symbolique culturelle et spirituelle : Alexandrie d’Égypte (1).

C’est en 331 av. J-C qu’Alexandre fonde cette ville en Égypte entre le lac Maréotis (Mariout ou Moeris) et la mer méditerranée en face du phare de l’île de Pharos ; avant de s’engager au cœur de l’empire perse jusqu’au rives de l’Indus. C’est à la mort d’Alexandre en 323 av. J.-C., qu’elle devient la capitale du royaume des Ptolémée jusqu’à l’arrivée des romains et la défaite d’Antoine et Cléopâtre face à Octave. Diodore de Sicile (2) fait un récit de cette création : « Comme il [Alexandre] avait décidé de fonder en Égypte une grande ville, il donna aux gens qu'il laissait sur place avec cette mission l'ordre de l'édifier entre le lac et la mer. Une fois le terrain arpenté et divisé en quartiers selon toutes les règles de l'art, le roi donna à la ville le nom d'Alexandrie, tiré du sien propre. Elle est très favorablement située, près du port de Pharos, et l'habile tracé des rues, qui est l'œuvre du roi, fait qu'elle est traversée par le souffle des Vents Etésiens. Comme ceux-ci soufflent sur les vastes étendues de la mer et rafraîchissent l'air de la ville, le roi dota les habitants d'Alexandrie d'un climat tempéré, source de santé. Il jeta également les fondations de l'enceinte, qui est d'une dimension extraordinaire et d'une solidité stupéfiante. Située en effet entre un grand lac et la mer, elle ne dispose que de deux voies d'accès terrestres, étroites et très faciles à garder. »

Dans le projet d’Alexandre qui avait eu pour précepteur dans son enfance, le célèbre philosophe Aristote, y avait-il l’idée d’en faire un haut lieu de cultures, de sciences et de religions ? Difficile de le dire.

Mais ses successeurs, les Ptolémée eurent cette vision, créant le lycée, le gymnase, la bibliothèque... Les rois Lagides, descendants de Lagos en firent la capitale de l’Égypte, la dotant de monuments, le phare, le gymnase, le théâtre et de grands sanctuaires. Ils la transformèrent en capitale culturelle du monde hellénistique avec le musée et la bibliothèque. Les meilleurs savants, les plus grands érudits furent conviés à venir s’installer dans la cité et les Ptolémée, en vertus des données corrigées des successions aux trônes, eurent une politique de concentration et de mise en commun de tous les savoirs du monde. Pendant près de mille ans, cette ville rayonna plus ou moins jusqu’au jour où la bibliothèque fut brûlée et détruire par les Sarrasins en 650. Une irruption volcanique au treizième siècle détruisit le phare, une des sept merveilles du monde.

Alexandrie est le fruit d’une alliance sans confusion entre l’Egypte et la Grèce où s’épanouirent la médecine, les sciences, la philosophie mais aussi les courants spirituels et les religions, égyptienne, juive, chrétienne, gnostique, grecque, etc. Elle fait le joint entre l’Orient et l’occident, symbole de la civilisation hellénistique.

Cette ville est réputée pour sa fameuse bibliothèque qui fut crée par Démétrios de Phalère à la demande de Ptolémée 1er Soter, Général d’Alexandre et fondateur de la dynastie Lagide (sur le trône pendant plus de trois cents ans). Il crée aussi le museion ou maison de Sagesse. Le corps des enseignants de cette université est constitué des meilleurs savants, artistes, écrivains et philosophes du monde connu et sont regroupés dans la ville. Cette bibliothèque avec plus de 500 mille manuscrits fait concurrence à celle de Pergame en Asie Mineure dont le nom est à l’origine du mot parchemin : elle recueille l’ensemble de ce qui est écrit de par le monde et traduit ces textes en langue internationale de l’époque, le grec. C’est ainsi que verra le jour la septante, traduction grecque de la bible hébraïque faite au sein de l’importante communauté juive d’Alexandrie.

Cette bibliothèque et l’ensemble de la cité d’Alexandrie sera un creuset de la pensée humaine au service de la civilisation. Citons quelques illustres penseurs et savants qui ont résidé à Alexandrie : Eratosthène, inventeur de la philologie et qui calcula la circonférence de globe terrestre et son diamètre, Callimaque un poète renommé et fécond, mais aussi Théocrite et Apollonios de Rhodes. Zénodote d’Ephèse, Aristophane de Byzance et Aristarque de Samos y posèrent les fondements de la critique textuelle, Hipparque qui évalua le volume du Soleil et de la lune, donna un nom à plus de huit cents étoiles et mesura la durée du mois lunaire, Euclide et ses principe mathématiques, Erasistrate de Cos et Hérophile de Macédoine médecins qui développèrent la connaissance du système nerveux et favorisèrent des découvertes en anatomophysiologie, sans oublier Archimède...

On peut aussi mentionner les pères de l’Eglise Clément et Athanase d’Alexandrie, Origène ou encore le Juif Philon et son herméneutique allégorique... Derrière tous ces noms se développent de nombreux courants d’idées, de pensées d’approches en dialogue : nous avons traces des thérapeutes, des gnostiques, des chrétiens coptes... mais aussi des courants ésotériques juifs que nous connaissons encore mal.

Retenons simplement de ces quelques remarques qu’Alexandrie d’Egypte est et reste un haut lieu de foisonnement culturel et spirituel dans un esprit de tolérance certain. Ne serait-ce pas ce que nous pouvons souhaiter à notre atelier ? À savoir s’attacher à une démarche traditionnelle qui examine toute chose sans à priori pour l’enrichissement de chacun et de tous, une démarche spirituelle et d’esprit qui examine toute chose pour retenir ce qui est bon.

Je ne saurais terminer mon propos sans rappeler qu’en 1942, Robert Ambelain qui a été reçu apprenti dans la loge parisienne - Jérusalem des vallées égyptiennes de Memphis-Misraïm - en 1939, par Constant Chevillon et Nauwelaers, réussit à ouvrir clandestinement, à son domicile une loge maçonnique Alexandrie d’Egypte constituée de FF\ de différents rites. Pour votre gouverne sachez que le rite de Misraïm que nous utilisons dans notre loge ainsi que notre obédience de Misraïm doit son existence à ce fondateur et cet illustre initié.

Je ne saurais terminer non plus sans vous dire que lorsque je songeais à ouvrir une loge à Carcassonne pour notre obédience de Misraïm, je ne savais pas quel en serait le nom. « De la multitude des préoccupations surgit le rêve ». C’est dans un songe, alors que maturait ce projet que s’est fait connaître à moi ce nom alors que mes connaissances de cette cité de son histoire et de ses apports à la civilisation du monde et à la franc- maçonnerie étaient fort succinctes. Je l’ai accueilli et nous sommes chacun et tous les acteurs de cette nouvelle Alexandrie d’Egypte tournée vers la connaissance de soi, du monde, des autres, de l’inspirateur de notre ordre et le vécu de la tolérance et de la fraternité. Que nous soyons dignes de l’illustre cité antique et que notre quête de gnose puisse-être à la dimension de la définition donnée par Clément d’Alexandrie : « La connaissance de ce que nous sommes et de ce que nous sommes devenus, du lieu d’où nous venons et de celui dans lequel nous sommes tombés, du but vers lequel nous nous hâtons et de ce dont nous sommes rachetés, de la nature de notre naissance et de celle de notre renaissance. »

J’ai dit.

Un F\ d'Alexandrie d’Égypte à l'O\ de Carcassonne

(1) Comme ouvrages concernant Alexandrie, nous retenons en particulier Pascale BALLET, la vie quotidienne à Alexandrie, 330-30 Av.J.-C., Hachette, Paris 1999 et Christian JACOB – François de POULIGNAC, Alexandrie au IIIe siècle av. J.-C., autrement Paris 1992
(2) Diodore de Sicile, XVII, 52, 1-3, Paris, Les belles lettres 1976 (Traduction P ; Goukowsky)
Publié dans le Bulim - Bulletin N° 2 - 30 Novembre 2008  -  Abonnez-vous

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