GLFM | Bulletin : Bulim Misraïm | 01/2009 |
Une Cure Après
qu'ils eurent
raconté leurs bains, leurs douches et leurs
régimes, "Moi, dit l'autre, je
fais depuis quinze jours une cure de bonne humeur, et je m'en trouve
très bien.
Il y a des temps où les pensées deviennent
âcres, où l'on critique tout avec
fureur, où l'on ne voit plus rien de beau ou de bien, ni
dans les autres, ni
dans soi-même. Quand les idées tournent de ce
côté-là, cela signifie qu'il faut
faire une cure de bonne humeur. Cela consiste à exercer sa
bonne humeur contre
toute mauvaise fortune et surtout contre les choses de peu, qui vous
feraient
partir en imprécations, si l'on n'était justement
dans la cure de bonne humeur. Alors,
ces petits
ennuis sont au contraire très utiles, comme les
côtes pour vous faire des
mollets. "Il
y a, dit
encore l'autre, des gens ennuyeux qui se réunissent pour
récriminer et geindre;
on les fuit en temps ordinaire; mais dans la cure de bonne humeur, au
contraire, on les recherche; ils sont comme ces ressorts pour la
gymnastique en
chambre. Après avoir tiré sur les plus petits
pour commencer, on arrive à
tendre les gros. De même je range mes amis et connaissances
par ordre de
mauvaise humeur croissante, et je m'exerce aux uns après les
autres. Quand ils
sont encore plus aigres que d' habitude, plus ingénieux
à cracher dans tous les
plats, je me dis “Oh ! la bonne épreuve, courage,
mon cœur, va, soulève encore
cette plainte-là.” "Les choses, dit encore
l'autre, sont souvent bonnes
aussi, je veux dire mauvaises, autant qu'il faut pour une cure de bonne
humeur.
Un ragoût brûlé, du vieux pain, le
soleil, la poussière, des comptes A faire,
la bourse presque à sec, cela donne lieu à de
précieux exercices. On se dit,
comme à la boxe ou à l'escrime: voilà
un maître coup qui m'arrive; il s'agit de
le parer ou de l'encaisser proprement. En temps ordinaire, on se met
à crier,
comme les enfants, et l'on est si honteux de crier que l'on crie encore
plus
fort. Mais, en cure de bonne humeur, les choses se passent tout
à fait
autrement; on reçoit la chose comme une bonne douche: on se
secoue; on hausse
les épaules en deux temps; et puis on étire ses
muscles, on les assouplit; on
les jette les uns sur les autres comme des linges mouillés;
alors le flot de la
vie coule ainsi qu'une source délivrée;
l'appétit va; la lessive se fait, la
vie sent bon. Mais, dit-il, je vous laisse; vous avez maintenant des
figures
épanouies; vous n'êtes plus bons à rien
pour ma cure de bonne humeur. " R\ L\ Philae à l’O\ de Foix |
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