GLFM | Bulletin : Bulim Misraïm | 03/2009 |
Lettre
d’un Chef Amérindien
aux Gouvernements Européens Texte paru dans Info Sud N°5 (été 1992) à l'occasion du cinquième centenaire de la colonisation des Amériques par les Européens. Eh bien me voici,
moi, Guaipuro Cuauhtémoc, descendant des peuples qui, il y a
quarante mille
ans, peuplaient l'Amérique. Je suis venu à la
rencontre de ceux qui l'ont
rencontrée il y a cinq cents ans. Voici donc que nous nous
rencontrons tous :
nous savons qui nous sommes et il ne nous en faut pas plus. Nous
n'aurons jamais
rien d'autre. Mon frère
douanier européen me
réclame un
papier écrit avec un visa pour pouvoir découvrir
ceux qui m'ont découvert
avant. Mon frère
usurier
européen me
réclame le paiement d'une
dette contractée par Judas, quelqu'un, en
vérité, que je n'ai jamais mandaté.
Mon frère
usurier européen m'explique que toute
dette se paie avec des intérêts, quand bien
même il faudrait pour cela vendre des êtres humains
et des pays entiers, sans
leur demander leur consentement. Et voilà, ce que je
découvre. Moi aussi je
peux réclamer mon dû, moi aussi je peux
réclamer des intérêts. Les archives des
Indes font état, avec force papiers, force reçus
et force signatures, de ce
que, entre les seules années 1503 et 1660, sont
arrivés à San Lûcar de
Barrameda (Espagne), 185 mille kilos d'or et 16 millions de kilos
d'argent, en
provenance d'Amérique. Pillage ? Ça ne me
viendrait pas à l'idée. Ce serait penser que nos frères
chrétiens ne respectent pas
leur septième commandement. Spoliation ? Dieu me garde
d'aller imaginer que les Européens, à l'image de
Caïn, tuent puis dissimulent
le sang de leur frère ! Génocide ? Ce serait là accorder du crédit à des calomniateurs comme Bartolomé de Las Casas, et tous ceux qui ont qualifié la rencontre de "destruction des Indes", ou à des extrémistes comme le docteur Arturo Pietri, qui affirme que européenne actuelle est le fruit de l'inondation en métaux précieux que vous, mes frères européens, avez arraché des mains de ceux qui, en Amérique, sont aussi mes frères. Non ! Ces 185
mille kilos d'or et ces 16 millions de kilos d'argent doivent
êtres considérés
comme le premier d'entre les divers prêts à
l'amiable consentis par l'Amérique
en faveur du développement de l'Europe. Penser le contraire
reviendrait à
établir l'existence de crimes de guerre, ce qui ouvrirait un
droit à, non
seulement exiger le remboursement immédiat, mais
même une indemnisation pour
dommages et préjudices. Moi, Guaipuro Cuauhtémoc,
je préfère croire en
l'hypothèse la moins offensante à
l'égard de mes frères européens. Des
exportations de capitaux aussi fabuleuses n'ont
été rien d'autre que la mise en
place d'un plan Marshalltezuma pour garantir la reconstruction de la
barbare
Europe ruinée par ses guerres déplorables contre
les musulmans cultivés,
défenseurs de l'algèbre, de l'architecture, du
bain quotidien et autres apports
supérieurs de la civilisation. L'Europe a pillé
185 mille kilos d'or et 16
millions de kilos d'argent aux Amériques. Voilà
pourquoi, passé ce cinquième
centenaire du "Prêt", nous sommes en droit de nous poser des
questions : nos frères européens ont ils fait une
utilisation rationnelle,
responsable, ou tout au moins productive, des ressources si
généreusement
avancées par le Fonds indoaméricain international
? Nous sommes au regret de
répondre : non. Du point de vue stratégique, ils
les ont dilapidées en
batailles de Lépante, Invincibles Armadas,
troisième Reich et autres formes
d'extermination mutuelle, pour être au bout du compte, sous
l'occupation des
troupes gringos de l'OTAN, comme le Panama (mais sans le canal). Du
point de
vue financier, au bout d'un moratoire de 500 ans, ils se sont
montrés tout
aussi incapables de régler capital et
intérêts que de se passer des rentes
monétaires, des matières premières et
de l'énergie bon marché en provenance du
tiers-monde. L'affirmation de Milton Friedman, selon laquelle une
économie
assistée ne pourra jamais fonctionner, vient corroborer ce
tableau déplorable
et nous oblige à leur réclamer pour leur propre
bien le paiement du capital et
des intérêts, paiement que nous avons si
généreusement repoussé de
siècle en
siècle. Ceci dit, il est
bien clair que nous ne nous abaisserons pas à
réclamer à nos frères
européens
les taux flottants odieux et cruels de 20 % et jusqu'à 30 %
que nos frères
européens font payer aux peuples du tiers-monde. Nous nous
limiterons à exiger
la restitution des métaux précieux
avancés, plus un modique intérêt fixe
de 10
% par an, intérêt composé sur les 300
dernières années. Sur cette base, et en
application de la formule européenne de
l'intérêt composé, nous informons nos
découvreurs qu'ils ne nous doivent, au titre d'un premier
paiement de leur
dette, qu'une quantité de 185 mille kilos d'or et 16
millions de kilos
d'argent, chacune d'elle élevé à la
puissance 300. C'est-à dire un nombre qui,
s'il fallait l'exprimer, ferait appel à plus de trois cents
chiffres et dont le
poids dépasserait largement celui de la terre. Comme elles
pèsent ces masses
d'or et d'argent ! Que pèseraient-elles si on calculait leur
équivalent en sang
? Alléguer que l'Europe en un demi millénaire
n'est pas parvenue à générer des
richesses suffisantes pour régler ce modique
intérêt reviendrait à admettre son
échec financier absolu et/ou l'irrationalité
démentielle des présupposés du
capitalisme. Il est vrai que nous ne nous soucions pas, nous
IndoAméricains, de
telles questions métaphysiques. Mais, ça oui,
nous exigeons la signature
immédiate d'une lettre d'intention qui impose une discipline
aux peuples
endettés du vieux continent et les oblige à
remplir leur engagement par une
privatisation ou une reconversion rapide de l'Europe, afin que cette
Europe
nous soit livrée tout entière au titre du premier
règlement d'une dette
historique. Les pessimistes du vieux monde disent
que leur civilisation est en
pleine banqueroute et que cela les empêche de remplir leurs
engagements
financiers ou moraux. Si tel était le cas, nous
nous contenterions de recevoir en
paiement la balle avec laquelle ils ont tué le
poète. Mais ce ne sera pas
possible : cette balle est le cœur de l'Europe. De
la
R\L\ Philae à l'O\ de Foix |
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