GLFM | Bulletin : Bulim Misraïm | 03/2009 |
L'Esotérisme
Initiatique du Prince St Exupéry
ou les lignes de force d’un cheminement Initiatique Evidemment St Exupéry a
bien choisi les titres de ses livres !...
" Vol de nuit ", " Courrier sud
"... Les mots et les images évoqués ainsi
concourent tous à exprimer cette
direction unique et essentielle de son message, la ligne de force de
toute son
œuvre : la découverte, le maintien conscient et le
partage du Mouvement bien
ordonné... Quel message intégral, rappelant le
symbole du Serpent Ourobouros de
l’alchimie ! Ne pouvons-nous pas résumer ainsi :
la ligne de force de son
œuvre, c’est le rappel des Lignes de Forces de la
Vie... Le voici
déjà,
lui qui, pionnier de l’aéronautique ouvre des
terrains et des lignes
d’aviation, de l’aéropostal "la ligne"
et autres itinéraires aériens
à travers le monde..., comme si ses conceptions, ses intimes
pulsions de vie
s’incarnaient ainsi dans la matière.
Préoccupation naturelle se
"somatisant" pourrait-on dire, en occupation contraire : un couple
intérieur-extérieur si souvent antagoniste chez
les êtres qui n’ont pas su, ou
accepté de, relier déjà leur
cœur et leur tête... et dont le métier
est
douloureusement sans rapport avec leur idéal et leurs
souhaits ! St Exupéry
a
constaté cette nécessité
d’incarnation ; il l’explique très
nettement ainsi :
" Tu ne trouveras point
la paix si
tu ne te fais véhicule, voie et charroi" (501 Cit.). Mouvement vers...
la "terre des hommes" ; vers la découverte, le maintien
conscient et
le partage d’un sens à la vie", comme ses autres
ouvrages nous le font de
nouveau découvrir par leurs titres. Mais attention ! "Vol
de nuit", "Pilote de
guerre" : tant de difficultés dans ce cheminement obscur et
violent de
l’existence ! Il faudra prendre ses distances, voir les
choses "d’en
haut" : Le cheminement devient lors preuve initiatique. Cheminement
initiatique ; dans le cas contraire le résultat est
terrible : "myope et le nez contre, je n’ai rien vu jamais
que lâcheté,
sottise et lucre. Mais de la montagne où je
m’assieds, voici que j’aperçois
l’ascension d’un temple dans la lumière"
(504 Cit.). Ayant lui, pris
ses distances vis-à-vis des relativités
terrestres, grâce à son avion comme par
l’intermédiaire du désert, Saint-
Exupéry, comme tous les guides dignes de ce
nom, les "voyants", les connaissants de quoi que ce soit, a "vu
quelquefois ce que l’homme cru voir" (Rimbaud) ; il peut le
révéler pour
ses lecteurs, pour ses "amis" au sens phonétiquement
cabalistique du
mot, pour ceux dont l’âme est
déjà proche de la sienne... Qui n’a
jamais
connu, au lycée ou dans " les chemins de grand vagabondage",
une
telle rencontre, un tel lien intellectuel et affectif, de
"cœur",
avec un auteur qui expose pour lui les lignes de force de
l’existence, est fort
à plaindre ! Qui n’a jamais perçu
ainsi, comme Dante : Béatrice et Virgile,
comme tant de troubadours : la "Dame" comme tant d’autres :
des
"stars" - modèles, "une étoile pour guider sa
marche", aura
beaucoup à peiner, à se fourvoyer pour
redécouvrir, solitaire, "ce champ
de force qui seul l’anime", qui est "direction et tendance
vers"
(417 Cit.). "Tout le monde n’a pas eu un ami "constate
Saint-Exupéry
dans le "Petit Prince". Des lignes de force. Lui, tout comme
il lançait des lignes à travers le
désert pour transporter les messages des
hommes (l’Aéropostale), le voici qui lance, dans
tous ses ouvrages, ces
"lignes de force", ces "structures" (373 Cit.) essentielles
pour aider dans la traversée d’un
désert tant intérieur ("On ne voit rien.
On entend rien" (P.P) " le désert c’est moi "
(183, T.H)
qu’extérieur ("à mille milles de toute
terre habitée"... " Où
sont les hommes" (P.P)). C’est
bien là ce que tente de faire tout ouvrage initiatique,
toute voie initiatique,
diamétralement opposée en cela aux romans "
à l’eau de rose", aux
récits de cas psychanalytique et autres ouvrages
("créations" ou
conseils) concluant à la faiblesse inhérente
à l’être humain ou à
l’ineptie, à
l’absurdité de l’existence ;
à l’aliénation
(alien)... Saint-Exupéry
affirme bien clairement, lui l’existence de liens : "Comptent
pour l’homme
d’abord et avant tout la tension des lignes de force dans
lesquelles il
trempe" (372 Cit.). Pas les impulsions des désirs personnels
! Les
pulsions sous-tendant celles- ci : il ne s’agit pas "de
cultiver tes
désirs. Car si rien ne s’y meut, il
n’est point de lignes de force" (373
Cit). Ainsi,
comprenons-le bien, pas de mouvements vers "le repos du 7è
jour", les
"diamants en vrac", "les femmes (qui) se vendent",
"l’île heureuse" qui rendraient
l’être semblable au "bétail
morne" (373, 375 Cit.)... Non ! Le mouvement est en direction des
hauteurs
de soi-même, de l’origine de soi- même
(sens véritable
d’"initiation"), vers la "connaissance du nœud
divin qui noue
les choses" (501 Cit.), vers le Maître du champ des forces,
ce point
mystérieux que Saint- Exupéry nomme tour
à tour Seigneur, Dieu (Cit.), Eau,
Désert (P.P)... Il
s’explique
plus catégoriquement à ce sujet : "Les lignes de
force créées doivent te
dominer de plus haut pour que tu y trouves tes pentes et tes tensions
et tes
démarches (... ) et (pour te) rassembler à
quelque chose qu’il n’est point de
toi de comprendre" (374 Cit.). Heureux ceux qui le réalisent
et vivent
ainsi ! Les autres sont en "exil" - et Saint Exupéry,
exilé en
Angleterre, incompris de ses amis, calomnié par
d’autres (Cit. Préface) sait de
quoi il parle ! La terre est alors pour eux, comme pour le Petit
Prince, un
véritable désert... "les grandes personnes
(elles), s’imaginent tenir beaucoup de place" (P.P) ; mais celui
qui n’est ni mégalomane, comme le roi
rencontré par le Petit Prince, ni un vaniteux
schizoïde, ni un drogué
s’autojustifiant
toujours, ni un "responsable" de futilités, ni un
obsédé de travaux
inutiles, ni un... "mouton", sera bien vite amené
à "ne voir
personne" (P.P passim) sur la terre... Il ne rencontrera que ce
qu’il
cherche véritablement, même si inconsciemment : un
sage renard pour le guider,
un Petit Prince qui "réveille" ou un Aviateur en
quête, comme lui, de
cet "essentiel (... ) invisible pour les yeux" (P.P) ; le
Maître
n’arrive-t-il pas, comme le révèlent
aussi bien le Bouddhisme que la théorie
des champs morphogénétiques, lorsque
l’élève est prêt ? Les
"lignes de
force" qui sous-tendent l’existence ne sont-elles pas
toujours présentes,
actives et utilisables pour l’être qui ne
s’enfourne pas, pour les éviter ou
les contrer, dans les "trains" où il va "bailler",
"dormir", pour l’être qui ne cherche pas
à faire "des économies
de temps" ? (P.P). Et ne sont-elles pas données à
l’être dès sa naissance
? Les familiers du
"Petit Prince" ou des héros de "l’Oiseau Bleu" de
Maeterlinck
iront plus loin dans ce constat : Ils réaliseront vraiment
que l’ont puisse
"profiter d’une migration d’oiseaux sauvages", de
lignes de forces
naturelles pour changer de planète ! Ce sont de
solides champs de forces que révèlent toutes les
aventures - devenant ainsi
épreuves-aides "initiatiques" - relatées par
l’auteur, " des
lignes de force dans lesquelles il trempe" (372 Cit.), lui, comme tous
les
êtres humains ou les animaux... Leur solidité de
base, leur inné consciemment
perçu ! Voilà bien alors pourquoi le Pilote de
ligne s’exclame : "J’ai
toujours connu comme tristes les
émigrés" (468 Cit.)...
Aujourd’hui,
ajoute-t-il, "les hommes manquent
de racines" (P.P) car ils les
ont quittées pour les "remous
contradictoires" de leurs "pentes naturelles",
c’est-à-dire de
leurs désirs égoïques, des "fausses
structures (qu’ils) inventent par
jeu"..."Ils ont tout désaimanté" (Et le mot,
ambigu dans son
double- entendement, maintenu par la langue des Oiseaux
sacrée, est fort
parlant) "en défaisant ce nœud divin qui noue les
choses" (373 Cit.).
Les retrouver, les maintenir, ces coutumes, ces traditions, ces
fêtes, ces lois
et ce langage de l’"empire" c’est sauver la
"citadelle", la
"demeure" et ses habitants" des projets de sable", de
"l’effritement des choses" (28,32 Cit.), de
l’existence ou l’ont vit
"seul, sans personne avec qui véritablement parler" et
"tellement triste" (P.P). "Je t’ai dit
qu’il fallait des objets
reliés" (Cit.) lance
Saint-Exupéry... Liens dans le temps : Reliés
avec le
passé... liens, par là,avec ce que
Saint-Exupéry nomme Dieu, Rose, Renard,
Petit Prince, c’est-à-dire lien avec un
état édénique que l’on a
connu imagé
par des êtres, des choses, des mots " imagerie",
"symboles", "concepts" (P.P et C.) qui rappellent, comme
" le blé qui est doré" fera "souvenir des cheveux
couleur
d’or" du Petit Prince et (" Ce sera merveilleux" !) de lui,
par
conséquent, de son amitié... (P.P). L’existence
est
ainsi ritualisée... et Saint- Exupéry est formel
: "il faut des rites.
(...) Un rite c’est quelque chose de trop oublié"
(P.P) ! C’est un
cérémonial "à la façon
d’un conte de fées pour ceux qui comprennent la
vie", ou, comme tous les "livres de l’enfance, (... ) notant
tout le
long les prières, les concepts charriés par cette
imagerie" (32 C.) :
réitération de légendes au sens
étymologique de "liens", une ligne de
force qui "charrie" partout et toujours des
"vérités"
symboliques" (32, 143 C.), des "concepts strictement religieux"
(étymologiquement encore : qui relient !),
"l’amour, les trésors
invisibles, le sacrifice, l’universel" (44 C.). Nous trouvons
ainsi : le Puits du Village, le Désert, le Serpent, le
Baobab, la Rose, le
Volcan, le Petit Prince, l’Avion, les Etoiles, la Maison,
l’Eau, dans "le
petit prince" et, ailleurs, la Sentinelle, la Jeune Femme criminelle,
le
Père, les Courtisanes, la Panne, le Berger, le Forgeron
(Citv)... Tous sont, dans
le cheminement initiatique, "souvenirs d’étapes et
d’efforts et de
sacrifices" (441 Cit.), objets qui rayonnent, comme le "puits dans le
désert" d’une "invisible beauté", de
cet "essentiel
invisible pour les yeux" mais qui touche "le cœur",
"embellit", chante, révèle en fin de compte" le
nœud" entre
les choses (P.P et 175 Cit.). Il y a en effet, conclut
Saint-Exupéry, "ta
présence au travers qui me permet d’y
déchiffrer" une construction future,
car "les objets sont vides et morts s’ils ne sont point
d’un royaume
spirituel" (363, 255 Cit.). Ainsi, on l’aura compris par ces
exemples,
"les rites sont dans le temps ce que la demeure est dans
l’espace"
(29 Cit.) : des images éternelles qui, comme des fils
invisibles, me relient
éternellement à ma "vérité
(qui) se creuse comme un puits", à ce qui
"rassemble", à la "semence" qui fait espérer les
moissons
et "se réjouir de la croissance des moissons", aux "assises
de la
Citadelle", à cette Terre que "la corde du puits accouche"
et
qui "redonne le goût des victoires" (Passim Cit.)... On demeure ainsi,
par ces vecteurs, ces lignes de force entre la
réalité profonde originelle et
le présent, dans l’intimité et la
plénitude, chez soi, dans la
sérénité, dans
la conscience cependant de la nécessité de
maintenir et cette connaissance, et
le processus de création pour les
générations futures. Oui ! "tout
s’ouvre
sur plus vaste que soi" : "la manivelle rouillée est
cantique"
(82,248 Cit.), "un puits porte loin... comme l’amour" (92
T.H), et
tout objet ainsi resacralisé, relié par cette
conscience des Rites fera le
même. Saint-Exupéry
nous propose donc de percevoir d’une part le lien entre le
passé et le présent
pour le futur : "seuls vivent ceux qui n’ont point
trouvé leur paix dans
les provisions qu’ils avaient faites" ; "sauver
l’invisible noeud qui
lie les choses et les change en domaine, en empire, en visage
reconnaissable et
familier " (59, 75 Cit.). D’autre
part, le
lien entre le passé et
l’éternité : "Voici que
je puis te dire " la fontaine de ton village" et ainsi
t’éveiller le
coeur et peu à peu t’enseigner cette marche vers
Dieu" (City.)... Liens humains Mais ce sont
là,
bien entendu, des liens ainsi et aussi entre les hommes : liens entre
le Pilote
et le Petit Prince, entre le Petit Prince et le serpent ou le Renard
(très
humanisés !), entre Saint-Exupéry et ses lecteurs
à qui il s’adresse
personnellement, les priant de lui écrire (P.P)... C’est ce
qu’il
veut établir car si les hommes " ne savent plus ce
qu’ils cherchent",
lui, Saint- Exupéry, sait que ce qu’ils cherchent
" pourrait se trouver
dans un peu d’eau ou dans une rose" : "soyez mes amis", crie le Petit
Prince ! "Créez des
liens" conseille le
Renard, car "il n’existe point de
marchands d’amis, les hommes n’ont plus
d’amis" (P.P) ! il faut donc
apprendre à "apprivoiser" : "cela signifie créer
des
liens"... mais cela peut-il se faire avec des "gens sérieux"
qui
ne parlent que de "bridge, de golfe, de politique et de cravates"
?(P.P) Non ! Il faut "organiser", "opposer son arbitraire à
cet
effritement des choses et n’écouter point ceux qui
parlent des pentes
naturelles" (33 Cit.) : "je les sollicite de m’aider" conclut
Saint-Exupéry, comme le renard avait prié le
Petit Prince de suivre le rituel
de l’approche, des horaires... "Seuls sont
frères les hommes qui collaborent" explique
Saint-Exupéry (59 cit); aussi va-t-il inventer
"un empire ou tout soit fervent", soutendu par les forces vives des
êtres humains qui doivent s’en ressentir "
dominés" (374 cit). Il les
invite à la soumission, ainsi, à leurs intimes
moteurs ; non à la passivité !
"Les sédentaires de coeur (... ) qui
n’échangent rien ne deviennent
rien" affirme-t-il, tout comme Nietzsche ("tout n’est que
passages
que dieu emprunte") ou Teilhard de Chardin, un de ses auteurs favoris
("arrière les immobilistes ! la vie n’est que
perpétuelle découverte"
!)... Eternel message
des enseignements initiatiques :
Yin et Yang de l’androgynat, Détachement et
"extinction de l’extinction"
: "Il faut se soumettre pour survivre" mais "il faut lutter pour
continuer de vivre" (Cit.). Nous le
constatons, si nous résumons ainsi son oeuvre par cette
phrase synthétique,
Saint- Exupéry prône en fait le seul : Lien avec Soi Lien avec ses
racines, car l’être "vaut, dans le
désert, ce que valent (ses)
divinités" (242 L.). Lien avec son monde
extérieur auquel il confie des
images utiles ("s’ils voyagent un jour ça pourra
leur servir" (P.P)
des mots d’ordre "urgents" "pour avertir ses amis
d’un danger
qu’ils frôlaient depuis longtemps sans le
connaître", des conseils
("Ne vous pressez pas, attendez un peu sous
l’étoile"), de justes
catalyseurs ("ma maison cachait un secret au fond de son coeur")
(P.P).Voilà bien une nourriture vitale sous forme
d’aliments des sens
physiques, émotionnels et mental pour qu’elle "se
fasse aliment pour le
coeur")(P.P). Lien avec le monde intérieur, avec ce "coeur"
pour
qui l’eau trouvée dans le désert, la
Source de la Vie, est bonne; avec ce coeur
pour qui cette "eau-là" doit être
cherchée (P.P), cette eau
merveilleuse, cette "bonne eau" de Byron, transfigurée par
le don
("la différence réside dans le don ( ) acte de
baigner de son amour")
: dans le lien d’amour au-delà des formes, cet
"amour exprimé" (41
C.) seulement là... Car " quel serait ton bonheur si tu
n’avais pas ceux
que tu éclaires ? " questionne Nietzsche ;
l’essentiel du cierge n’est
point la cire qui laisse des traces mais la lumière"
explique Saint-
Exupéry (20 cit). Lien avec l’essentiel "Quiconque
demeure logique tue en lui la vie"... et c’est pourquoi
Saint-Exupéry nous
avertit que ce lien d’Amour est "mystérieux" : il
relie à l’unité
ontologique de tout, dans la source initiale où
l’Initiation est censée faire
pénétrer ; il est ligne de force entre
l’homme et le terre-Mère ("Celui
qui épouse le puits épouse la terre"), entre la
terre et "dieu"
("la marche vers Dieu"), Dieu étant dit également
"Citadelle,
Épanouissement, Mystérieux Rayonnement", le
nœud divin qui noue les choses
(363 cit), le Centre des "liens avec le monde" (125 T.H) : "je
te conduirais à l’épanouissement de
toi-même" ( 83 C.) à la "drôle de
petite voix" qui "réveille" et "qui sait" (P.P)
écrit
l’auteur en d’autres textes. Evidemment ce noeud
octroie la toute conscience et
la toute connaissance : Comment le petit prince
connaîtrait-il autrement
l’existence des moutons, absents de sa planète ?
Comment devinerait-il que la
panne est réparée ("Comment sais-tu ?" questionne
le pilote) ou que
l’heure de quitter la terre est arrivée ? (P.P). "On ne voit bien
qu’avec le cœur" : mais ce
Cœur, Saint-Exupéry ne cesse de la rappeler
n’est
pas le cœur des désirs ! En cette source
même la faim et la soif n’existent pas : le Pilote
le remarque bien au sujet du
Petit prince qui, de plus, " ne mesure pas le danger" et ne craint
pas la mort. Ainsi tout le
cheminement de l’existence, consciemment vécu,
donc en état de
"bonheur" ("démarche d’obtenir") (108 cit.) se
perçoit
comme une remontée par des filières, des lignes
de force, des images, des
symboles, des héros reliés entre eux par des mythes, des
légendes, vers l’ouverture "sur plus vaste que
soi", sur la
délivrance qui permet la seule vraie création (82
Cit.). Ces lignes, ces
fils lumineux, ces "émanations" Don Juan les a
évoqués pour Castanéda
au cours du cheminement initiatique de ce dernier ; n’est-ce
pas une image
similaire que le Christ, à ce que rapportent les Evangiles,
utilise pour
envoyer ses disciples pécher les âmes ? "Les noces
chimiques" de
Christian Rosencreutz ne parlent-elles pas de même
d’une pêche à l’homme au
moyen d’une corde lancée du sommet de la grotte ou
il attend ?... Saint-Exupéry,
en
révélant aussi vigoureusement leur
présence, réveille et
révèle leur souvenir
dans la pensée du lecteur, leur présence au
cœur des choses les plus anodines
ou dégénérées. En leur
exposant les lignes de force dont sont issues les
"pierres avec lesquelles ils bâtissent la haine", peut-
être s’en
serviront-ils pour "bâtir l’amour" (83 cit), pour
suivre les souhaits
réels, les pulsions non égocentriques et non les
impulsions individuelles ;
au-delà, donc, " des biens en grand nombre (où)
il est offert aux hommes
plus de chances de se tromper sur la nature de leurs joies" (327 cit) ?
Car " il ne s’agit point de nous ; nous sommes ensemble
passage pour Dieu
qui emprunte un instant notre génération et
l’use" (461 Cit.). Ils atteindront
alors à la "perfection de l’état de
l’homme", à cette créativité
de
la Nature naturante en eux ; de même, "le cèdre se
nourrit de la boue du
sol, mais la change en épais feuillage qui se nourrit, lui
de soleil"...
Ainsi replacé en sa juste filière originelle,
"l’orgueil (des hommes)
devient tour et temple et rempart" de la "citadelle" ; "
leur cruauté devient grandeur et rigueur dans sa discipline.
Et voilà qu’ils
servent une ville née d’eux-mêmes et
contre laquelle ils se sont échangés dans
leur coeur" (87 Cit.). La voie initiatique La Voie
initiatique, c’est donc faire "germer et croître"
l’être humain (372
cit), mais lui accorder, de plus, la conscience de son action : telle
est la
plénitude à laquelle l’homme peut
atteindre si un maître du désert (cit) peut
le nouer à ces lignes de vie, l’apprivoiser (P.P),
le faire
"collaborer" ("tous à travers tous et à travers
chacun"
118,190) (City) à l’œuvre" et le rendre
"responsable" (P.P)
"d’un empire qui n’est pas des choses mais du sens
des choses" (350
Cit). L’appel de ce maître, "Je suis la
clé de voute d’un certain goût des
choses et je te noue. Et s’en est fini de ta solitude" (350
City). C’en
est fini alors du "Mozart assassiné", de la "belle promesse
de
la vie" en l’homme "marquée par la machine
à emboutir de la
civilisation"... C’en est
fini
alors "des fourmis pour la vie de la fourmilière" (217, 117
Cit), des
feux "sans emploi ni règle" (toujours prêts
à éclater comme des volcans
longtemps réprimés). "Bien ramonés" de
leurs "connaissances
mortes", de leur "ironie de cancre", de leurs liens avec
"les biens matériels", de leur "mensonge et
"délation", de leur "racornissement"
("hors échange") (117 Cit),
les êtres humains "brûlent doucement et
régulièrement, sans
éruptions" (P.P)... "Grand miracle de la mue et du
changement de soi-
même" (119 Cit). Ultime épreuve du Cheminement
initiatique, si
l’expression "soi- même" est justement comprise,
non comme entité
profonde mais comme entité globale ! Ultime
épreuve à laquelle Saint-Exupéry
nous convie par chacune de ses lignes dont nous avons tenté
de dégager, en
quelques lignes, les grandes lignes ! De là, tout commence
alors de la vraie
Vie où "tous les pas ont un sens" et qui se
synthétise ainsi :
"je protège celui qui de son aïeul le chanteur
hérite le poème anonyme et,
le redisant à son tour, y ajoute son suc, son usure, sa
marque. Car je suis
d’abord celui qui habite () et les sollicite (tous ses
semblables) de
m’aider" (28,36 Cit.). Liens universels Cheminement
initiatique, pour Saint-Exupéry comme pour son
lecteur, à travers les lignes qui soustendent et rassemblent
les images- clefs
de tout quotidien ; lignes de parcours "aérien" pour lui
comme pour
le lecteur ; seulement en densités différentes
pour l’un et pour l’autre,
suivant le degré d’incarnation ou de simple
constat intellectuel de chacun...
Voie opérative ou spéculative de
l’Alchimie... Préhension ou
compréhension pour
la future conjonction des deux ; respectivement volatilisation du fixe
(solve)
ou fixation du volatil (coagula)... réseau de lignes
d’aviation ou immense
réseau international de tous les passionnés, de
tous ceux qui offrent à leurs
amis leur livre de chevet, ce "Petit Prince" l’un des
ouvrages les
plus traduits au monde... Clins d’œil du billet de
50 francs, de l’enseigne
d’un des cafés ou restaurants " le petit prince",
d’une chanson
(G..Lenormand)... lignes sans cesse créées...
Invisible "courrier"
(dans le sens "transporteur de messages")... du "cœur" qui
" voit" et qui rayonne ainsi en aide sur le Chemin vers la
Plénitude... Lignes de conduite Nous le percevons
bien : toute l’œuvre de Saint-Exupéry
est ésotérique, c’est-à-dire
qu’elle
contient non un enseignement "caché" mais
l’Enseignement de ce qui
est caché sous les formes de la nature. Enseignement, donc,
initiatique,
c’est-à-dire aidant à la
découverte, sous ces formes, de "l’essentiel
invisible pour les yeux", de l’importance des choses au
delà de leurs
beautés "vides" (P.P). Ce que les aveugles, les
"sans-cœur"
nient, ne l’ayant point perçu et qui, par
conséquent, n’est pas un enseignement
généralisé ! "C’est pourquoi
tu ne sauras point, si nul ne descend vers
toi de sa montagne et ne t’éclaire, quelle route
à suivre te sauvera. De même
que tu ne croiras point aussi savamment que l’on te raisonne,
quel homme naîtra
de toi ou s’y éveillera puisqu’il
n’y est point encore. C’est pourquoi ma
contrainte est puissance de l’arbre et par elle,
libération de la
rocaille" (298 Cit)... En cette fin de XXème
siècle, beaucoup préfèrent
suivre la pente de leurs désirs personnels, refusant "le
chef, le maître,
le responsable" (36 cit) : et cela se comprend ! "Les jeunes,
notamment éprouvent une immense soif de liberté
individuelle",
traumatisés, castrés, ou voyant les autres
l’être, par de "fausses
structures" dont "faible et pitoyable est la joie que (l’on)
tire" (373 Cit), par la "machine à emboutir" ( 217 Cit)...
Les
français, "dans les grandes décisions de (leur)
vie tiennent compte avant
tout le leur conscience " à 83 % dévoile un
sondage du monde (12.05.94)
!... Observons :
à
ceux qui posent des questions sur les "énigmes", la
réponse des
" marchands de pilules perfectionnées", des "gens
sérieux",
"habillés à l’Européenne"
(P.P) n’est jamais : "Tu deviens
responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé"," On
ne voit
bien qu’avec le cœur", "les enfants seuls savent ce
qu’ils
cherchent" (P.P) : Non ! Avec "haine", créateurs de "faux
litiges", de "clans, partis, factions, comme des chiens qui tournent
autour de l’auge" qu’ils convoitent, car
"n’ayant point encore
compris (ils) s’indignent" ; ils exposent "leurs mauvaises
raisons", "les matériaux de leur vaine justice" (10,83 Cit).
Ne
sont-ils pas, eux, "soumis aux illusions de leur langage",
inconscients du "seul patrimoine à sauver",
agglutinés qu’ils sont
aux "temples auxquels ils tiennent" (297 etc. Cit) ? Ils condamnent
alors l’attitude "élitiste", voire la
"mégalomanie" de
celui qui a des réponses simples à tout.
D’autres que Saint-Exupéry avaient
déjà transmis de telles réponses ;
d’autres de ces porteurs de lumière, de
solutions aux questions humaines vitales ; il fut suivi
également d’autres
personnages à fonction
d’"ami"-qui-prend-par-la-main (P.P) ("car
le véritable enseignement n’est point de te parler
mais de te conduire").
Certains les nommeraient sans nul doute aujourd’hui, avec
dédain, des
"gourous", si un phénomène de mode...ou de
conscience faisait
redécouvrir "en grand" les Gide, les Rimbaud, Georges Sand,
etc...
Qui avaient tenté de véhiculer certaines
vérités de base...Et les
calomnieraient, leur lançant des traits, des
flèches -lignes de tir en contre-
offensive de ceux à qui leurs lignes de conduite ou leurs
lignes
"inspirées" déplaisaient ! "Les calomnies dont
il est l’objet... Ses ennemis..." notent
les éditeurs de Citadelle : ce sont d’autres
lignes de force, celles de
"celui qui cherche à connaître". Celles de
Saint-Exupéry sont celles
de celui qui "sait que l’esprit seul gouverne les hommes et
qu’il les
gouverne absolument" et voit "l’arrangement" (388 etc. Cit). Lui, il demeure
serein, éternel, rappelant éternellement : "Je t’ai dit
qu’il fallait des objets
reliés, pour te faire communiquer avec des
trésors de plus en plus vastes" (367, 298 Cit ). Les autres
"s’écorchent aux ronces ( ), luttent contre le
fouet des rafales" (234 Cit.) ; "leur liberté,
c’est la liberté de
n’être point"; On n’est "plus que partage
de provisions dans une
réalité haineuse", "dans la hargne de (son)
voisin, la jalousie de
(son) égal, l’égalité avec
la brute" (284,285 Cit.)... Non ! crie
Saint-Exupéry à longueur de page, à
toutes les lignes : "J’espère, moi,
que l’on me donne le meilleur. Car, alors seulement, vous
voilà grands"
(366 Cit). Que l’on crée le meilleur ! "Il
s’agit de la soumission, non de
chacun à tous mais de chacun à
l’œuvre et chacun force les autres de
grandir" (153 Cit.). Pas pour paraître, pas pour gagner de
l’argent, de la
considération, du pouvoir ; pas pour être mieux
dans sa société
"fourmilière" (117 Cit.) ! Non ! pour la seule
plénitude, la seule
force manifestée pour "inventer un empire où tout
simplement tout soit
fervent", où tout soit lié par " le
nœud divin qui noue les
choses" (61,347 Cit) : Au delà du psychologique, du
personnel, de la
personnalité, de l’humain ! Et "la perfection", c’est l’échange en Dieu" (88 cit.)... et c’est l’initiation au sens véritable du mot et du concept ! Emm\ rv\ Mon\ &Den\ Mou\ |
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