Editorial
du Sérénissime Grand Maître
Dernièrement, un frère m’interpelle :
« Voilà, me dit-il, j’étais
en discussion avec un ami
lorsqu’il m’a demandé
qu’elle était la différence entre un
franc- maçon et
un profane... J’avoue que j’ai
été perturbé par
cette question. Qu’en penses-tu ? ».
Les
« vieux frères » disons plutôt
ceux qui bénéficient d’une
certaine expérience... sont fréquemment interpellés
par des questionnements de ce genre. Souvent,
force est de constater qu’ils s’en sortent par une
pirouette verbale : « tu comprendras plus tard, cherches
et tu trouveras
» ou « c’est un
bon sujet de planche,
que dirais-tu de le traiter
pour une prochaine tenue
?
». Il ne faut pas leur en vouloir. Ces interrogations,
aussi pertinentes soient-elles, appellent
des
réponses qui relèvent plus d’une sensibilité
personnelle, d’une analyse intime que l’on ne
saurait en aucun
cas ériger en vérité. Car n’oublions
pas un instant que la FM est
avant tout une
démarche profondément individuelle voire individualiste
et que, de ce fait, le stéréotype du F\ ou
de la S\ Idéale qui émergerait de la
société des hommes
n’existe pas.
Certains s’attacheront à la fraternité,
pure et simple,
sans chercher ou éprouver d’autres satisfactions. D’autres
se
complairont dans l’étude de nos textes, trouveront un
plaisir immense à
décortiquer nos rituels, nos
gestuelles, pour en sortir la quintessence. D’autres
encore se livreront à des travaux historiques,
à des rapprochements spirituels
qui les aideront dans
leur quête ésotérique, bref, autant de comportements, de pôles
d’intérêt
que de F\ et de S\.
Bien entendu, aucun
n’apportera la même réponse
à la
question préliminaire... Ce constat est important car il prouve
qu’il serait illusoire de vouloir mettre
tous les FM dans le même sac ! La FM n’est pas
une secte, c’en est même
l’antithèse ! Non seulement, elle
prône la tolérance et le respect des opinions
de
chacun, qu’elles soient politiques ou religieuses,
mais, de plus, elle s’exerce sans distinction
de classe sociale, de
culture ou de race.
Ces
principes de base constituent d’ailleurs un engagement
fort et fondamental – par serment - lorsqu’un
profane ou un F\ ou une S\ souhaite rejoindre la Grande Loge
Française de
Misraïm. Les FM se distinguent aussi par la
glorification du travail.
Chacun avec ses moyens, à sa cadence, à
sa convenance, va s’appliquer,
malgré les nombreuses et incontournables
obligations que génère la vie
de tous
les jours, à présenter des
travaux - symboliques, historiques, philosophiques, etc.
- sur des sujets
dont il ignorait l’existence quelques
temps auparavant. Cet exercice n’est pas vécu
comme une épreuve mais comme un
devoir d’instruction que l’on s’impose
à soi-même dans le but de progresser intellectuellement
et
culturellement et surtout, de partager
cet
enseignement et d’en faire profiter l’assemblée
constituée par la loge.
L’auditoire, par ses
questions et ses
contributions, complètera le sujet
traité ouvrant ainsi d’autres sources de réflexion,
d’autres voies de recherches, d’autres passions pour donner corps
à une œuvre dont
l’auteur sait par avance qu’elle ne sera jamais aboutie.
Le FM se doit
donc d’être curieux, non pas de cette
curiosité malsaine et destructrice, mais plutôt de cette
exigence d’être informé des événements
qui l’ont précédé, qui
l’entourent,
qui lui succéderont,
sur lesquels et
dans lesquels il pourra peut-être
s’inscrire et apporter ses lumières. Car il est de coutume, en FM, de dire
que l’on apporte dans le monde profane les bienfaits
des enseignements que l’on
reçoit dans nos loges. Le symbolisme et les rituels
maçonniques recèlent des valeurs en particulier morales telles
que, entre autres, la rectitude,
la sagesse, la mesure, qui doivent guider les
F\ et les S\. Le précepte appelle aussi à la connaissance de soi pour
justement analyser notre situation personnelle
vis-à-vis de ces valeurs et mesurer
le chemin qu’il nous reste à parcourir pour les
atteindre. Un peu banal me direz-vous ! Certes, l’ami Socrate doit
faire des cauchemars en constatant
à
quelle sauce certains charlatans ont cuisiné
son fameux « connais-toi toi-même ».
Étant salarié
d’une grande entreprise, j’observe avec stupeur comment cette
conception a pu être récupérée
pour inculquer notamment ce que l’on appelle
la culture d’entreprise... Mais l’introspection proposée aux F.
et aux S\ par la FM est d’une toute autre nature. Elle
se situe dans un environnement totalement
différent, issu de traditions. Elle est initiatique,
c'est-à-dire que l’impétrant accepte volontairement de passer
d’un état à un autre,
d’une vie à une autre,
d’un monde « profane » à un
monde «
sacré ». Par ailleurs, Elle est
précédée d’une
série de
gestes et de mots ayant pour
but d’oublier les soucis quotidiens
pour se consacrer aux travaux. Elle résulte
d’une alchimie – que l’initié
appelle «
égrégore » - dont les
ingrédients s’appellent fraternité,
volonté d’amélioration individuelle et collective,
passions, courage, humilité, tolérance, justice,
liberté, égalité... en
résumé : Vie, Force, Santé ! Elle a
pour but de développer des énergies positives
dont se chargeront les frères et les sœurs au
cours des réunions pour les
répandre ensuite dans leur entourage.
Cette « méthode » contribue à
ce que, fréquemment, on
remarque un franc-maçon en société et
les F\ et S\ se reconnaissent entre eux
sans pour autant s’être
dévoilés. Elle se concrétise souvent
par un
comportement différent dans le cercle familial qui, pour les
conjoints,
compense quelque fois les absences...
Évidemment, la FM est un microcosme. Elle importe en son
sein tout ce que la société en
général produit de négatif et se
trouve
éclaboussée par le comportement, heureusement
marginal, de certains
membres
qui n’ont pas su, ou pas pu, ou pas voulu, évacuer
les scories résultant de la taille de leur pierre... Car, et
c’est un aspect
également de la pensée maçonnique, nul
n’est parfait, nul n’est
sage,
nul n’est fort, nul n’est beau,
mais tous aspirent
à le devenir en essayant de déjouer
les pièges
sur le chemin : il n’y a pas de bien sans mal,
pas de blanc sans noir, pas de vertu sans vice...
Alors, à ce frère qui m’a
interrogé
sur ce sujet (il se sera
sans doute reconnu), je répondrais
que le S.G.M.
ne peut qu’apporter une réponse
personnelle et que, ma foi, il serait plus raisonnable qu’il
cherche par
lui-même car, bien réfléchi,
c’est un bon sujet de planche
et je l’encourage à l’aborder lors
d’une prochaine
tenue !!!
Er\ JAC\
- Sérénissime Grand
Maître
Publié
dans le Bulim - Bulletin N°
7 - 30 Avril 2009
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