GLFM | Bulletin : Bulim Misraïm | 06/2009 |
Le Naos Dans toutes les traditions, le temple est l’habitation du
Dieu sur la Terre. Il est construit selon la représentation que les hommes se
font du divin. Dans l’ancienne Egypte, le temple était la synthèse et la représentation
à l’échelle réduite du cosmos. Il illustre soit la cosmographie de l’Univers, soit
les cosmogonies. Le Naos est le lieu le plus intime et le plus sacré du temple accessible
uniquement par les initiés. L’accès au Naos symbolise le parcours initiatique
du profane, qui se trouve au départ dans la lumière aveuglante extérieure de la
première cour. Au fur et à mesure qu’il avance, la lumière se fait
crépusculaire (la salle hypostyle, vaste pièce dont le plafond est soutenu par
des colonnes) où les rites de purification ont lieu. Il accède à une salle encore
plus sombre uniquement éclairée par les lueurs provenant de la salle hypostyle,
avant d’arriver au Naos. La diminution de l’intensité lumineuse s’accompagne
d’une réduction des dimensions. Les salles sont moins grandes, le sol et le
plafond se rapprochent. Le parcours est calqué sur l’itinéraire spirituel du
profane qui le conduit de la lumière excessive et superficielle du monde
extérieur, vers la profondeur de la connaissance divine. Seuls les prêtres ou
le pharaon peuvent accéder au Naos. La statue disposée dans le Naos est le
support matériel de Dieu, dont l’essence envahit l’Univers. Par le rituel
quotidien, il devient physiquement présent sur Terre parmi les hommes. La divinité
incarnée dans la statue est lavée, parfumée et revêtue de nouveaux habits. Le prêtre
lui fait des offrandes parmi lesquelles Mâat, gardienne de l’ordre universel,
la loi de Justice et de Vérité, par laquelle s’accomplit l’harmonie du monde
avec l’Univers. Le rituel a pour but de réveiller ou de ramener la présence
divine sur Terre, afin que les hommes ne perdent pas de vue l’importance
d’œuvrer quotidiennement dans le monde matériel tout en veillant à ouvrir sa conscience
à la dimension universelle. Le Naos manifeste sa présence, dès notre entrée dans le
temple. Il est le gardien du feu sacré, qui nous éclaire dans l’obscurité et guide
nos pas pour qu’ils vibrent à l’unisson et que les énergies se réveillent. Ce
feu sacré, pendant le rituel d’ouverture, dispense sa lumière aux trois
flambeaux Sagesse Force et Beauté, et illuminent le temple. Les rayons de
lumière circulent ainsi du centre (du naos) à la périphérie, et de la
périphérie au centre. Il symbolise aussi la petite particule de lumière enfouie
en nous, plus ou moins vacillante, malmenée par les travers de la vie quotidienne,
et que seule l’obscurité permet de déceler. Son éclat ne peut que s’amplifier,
et elle brillera à l’image des étoiles dans le firmament. La lumière ainsi
dispensée, révèle à l’être humain sa relation avec l’univers tout entier. Sa forme est un condensé de symboles. C’est d’abord le trois posé sur le quatre. Le trois représenté par le triangle symbolise le Ciel, expression de l’achèvement ( l’homme à la fois fils du Ciel et de la Terre). Selon Ragon, le triangle est l’emblème de la divinité. L’Univers se manifeste sous la forme du trois, de la trinité. Le quatre, c’est la Terre. Ainsi la Terre et le Ciel ne font plus qu’un. C’est l’image de la pyramide dont le sommet symbolise l’Unité, et qui traduit le cheminement de l’homme en quête de cette Unité. L’idée de convergence ascensionnelle apparaît alors, ce qui
peut être associée à la verticalité du Naos. Le Naos est vertical, symbole
d’ascension et de progrès, mais aussi de délivrance. Il y a là, la notion de
volonté et d’action. Volonté de réagir et de faire changer les choses. L’idée
de se mettre debout, et de se détacher de tous les liens qui limitent, et qui
entravent la progression. L’être humain n’est plus assujetti aux forces de la
Terre auxquelles il reste lié par les pieds. Il est debout et œuvre pour
atteindre le sommet. Il est lui même le lien entre la Terre et le Ciel. Le pavé
mosaïque sur lequel il est posé, composé alternativement de dalles blanches et
noires, traduit la difficulté du parcours initiatique, soumis aux lois des contrastes.
Selon Wirth, l’initié se tient debout et avance dans la vie sur ce damier qui proportionne
exactement les satisfactions et les peines, les joies et les douleurs des vivants. Et la couleur bleue ? Bleu est la plus profonde des
couleurs, la plus immatérielle aussi. Le regard s’y enfonce sans rencontrer
d’obstacle et s’y perd à l’infini. Un mur bleu n’est plus un mur. Il suffit de
regarder le bleu du ciel ou le bleu de la mer pour ressentir une paix, une
sérénité, le bonheur tout simplement. Les égyptiens
considéraient le bleu comme la couleur de la Vérité. Il est l’expression de
l’esprit de Vérité. Le bleu attire l’homme vers l’infini, éveille en lui le
désir de pureté. Tout dans le Naos nous invite à regarder d’abord au fond de
nous même, pour essayer d’extirper la petite flamme qui sommeille et qui ne
demande qu’à se raviver, mais aussi autour de nous, et plus loin encore, pour
atteindre la dimension cosmique. C’est un livre ouvert à la portée de tous, que
nous avons la chance de pouvoir consulter pour progresser sur le chemin de la
voie initiatique. Beaucoup de choses nous rattachent à la Terre. Nos soucis,
nos craintes nos angoisses liés en fait à l’importance de nos avoirs :
connaissances et biens matériels. Comme le chat qui a besoin de délimiter son
territoire et se bat pour le protéger, nous avons plein de raisons toutes aussi
valables les unes que les autres pour défendre nos acquis. D’autant plus que
l’homme doté d’une intelligence supérieure, a su agrandir son domaine terrestre.
Il a travaillé dur, c’est bien normal qu’il possède, et il faut préserver tout
cela, et pourquoi pas l’augmenter ? Et cela devient, ma maison, ma voiture, ma
femme, mon mari, mes enfants, ma vaisselle, mon médecin, mon avocat, mon
assureur, mon idée, mon ordinateur... Bref, plein de soucis en perspective pour
les préserver. Tant que cela reste dans le domaine du raisonnable, ce n’est pas
bien grave, mais n’oublions pas que c’est de là que naissent les guerres, les
luttes de pouvoir à tous les niveaux de la vie. L’histoire nous en dit tant. L’animal est prisonnier de la Terre, les quatre pattes
rivées au sol. Ce n’est pas la vocation de l’homme doué d’intelligence. Ses
peurs et ses angoisses sont des attaches permanentes qui le réduisent à une
condition humaine étriquée, à fixer les choses et les idées, à refuser le
changement au risque de le fossiliser avant l’heure. Il doit dépasser les
forces de pesanteur qui l’empêchent de se libérer des lois terrestres et de
regarder vers le ciel pour accéder à l’Unité perdue, l’Unité avec les hommes,
la nature et l’Univers tout entier. Comme le Naos, il doit donc se mettre
debout. En quelque sorte, avoir les pieds sur Terre, et la tête
dans les étoiles, afin de réaliser lui même ce lien entre le Ciel et la Terre. Sa
volonté se manifestera par la mise en action des trois outils qu’il porte en
lui, le compas, l’équerre et la règle. Mes Sœurs, mes frères, la lumière nous a été donnée. Si
nous le souhaitons vraiment, rien ne nous empêche d’être un naos ambulant et de
mettre en place les conditions nécessaires de réalisation du grand œuvre
maçonnique, malgré, nous le savons, les obstacles et les difficultés. Le
travail est permanent. Bibliographie Dictionnaire des symboles de Jean Chevalier et Alain Cheerbrant. La symbolique maçonnique de Jules Boucher. Civilisation égyptienne de Guy Machey |
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