GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 06/2009

Philae raconte - suite et Fin…

Flatté, troublé et ému : Eh oui, parmi les secrets dont les marques n’apparaissent pas sur mes étagères, ceux dont vous me parlez me sont sans nul doute les plus chers...

Avec tendresse : Je savais bien que vous aviez du cœur, Monsieur le GRENIER ce n’est pas comme cette maison voisine mais enfin que voulez-vous... !

Se voulant bienveillant et rassurant : Laissez donc ! il ne nous faut conserver que la tendresse pour compenser l’effroi provoqué par le temps disparu mais vous, Madame LA CAVE, vous êtes forte...

Humble  :  Je suis solide ou forte comme vous dites, je ne suis pas inquiète mais je n’offre à ces jeux gamins que le droit au mystère parmi mes caisses closes et interdites aux regards naïfs tandis que   embusqué chez moi, on le redoute, avec délices, certes, j’en conviens tandis que chez vous, Monsieur LE GRENIER...

Relativisant : Bien sûr, les apparences me semblent favorables mais sachez, Madame LA CAVE, que des craintes ne cessent également de m’obséder et, lorsque j’entends les bruits des marteaux voisins qui tapent, qui tapent sans cesse, mon angoisse redouble de vigueur. Solidaire : On a tous des craintes dans la vie et mon cauchemar à moi c’est que l’on me transforme en mansarde ! vous m’imaginez en MANSARDE, cela serait un COMBLE n’est ce pas ? Avec des cloisons... et en plâtre... car ils détestent le bois ces idiots ! Un sol en moquette et avec des tapis, véritables réservoirs à poussières –dit-il en toussotantEnfin bref, une révolution, un tremblement de terre, comme à côté... chez les autres !

Cherchant à le rassurer : Mais pourquoi et dans quel intérêt vous transformeraient-ils nos propriétaires ?

En colère  :  Mais pardi, pour y aménager une chambre d’amis, et est-ce que j’en ai, moi, des amis ? Et une chambre, dites-moi donc, et pourquoi faire ?

La cave voulant le calme et l’optimisme : Mais pour y dormir... et y « fabriquer » de beaux enfants, vous savez, Monsieur LE GRENIER, une chambre sous les toits, c’est très romantique... et cela favorise les « jeux » des plus grands !

Un peu agacé : Vous n’avez pas ce risque des scies et marteaux ce qui permet et vous autorise, pardonnez-moi Madame LA CAVE, quelque désinvolture dans vos propos !

Se défendant d’un quelconque privilège : Oh ne dites pas cela Monsieur le GRENIER car je souffre également, comme vous, et mon cauchemar à moi est bien plus redoutable...

Le grenier curieux : Mais qu’en est-il de celui ou celle qui trouble vos jours et vos nuits ?

L’eau ! répond la cave à voix basse

Dubitatif : L’eau ?

Oui... l’eau !

Intrigué : L’eau ? tiens, je n’aurais pas imaginé cela et pourquoi donc l’eau ? Parce que si vous redoutez un avenir en mansarde ou plus encore, si l’idée de périr par le feu attisé par l’air des vents en colère perturbe vos sommeils, moi, l’élément qui hante mes crépuscules est le déchaînement des eaux et l’inondation par le débordement des égouts qui me frôlent, vous savez, ces veines odorantes, obscures et souterraines de l’humanité urbaine...

Le grenier larmoyant et loin de sa superbe : Quelle époque vivons-nous Madame LA CAVE, tout cela nous le devons au monde actuel avec tous ses trucs et ses nouveaux machins car si l’on conteste notre utilité pour laisser la place à ces maisons « modernes » sans cave et sans grenier, quid alors des cahiers jaunis, au feu les journaux intimes, à la casse les poupées... démodées. Disparues odeurs et saveurs. Mais, que pouvons-nous faire, chère amie ?

Résignée : Pas grand-chose, Monsieur LE GRENIER, bien que pour partagions une communauté de destin. Hélas, comme les extrêmes et contrairement à ce qui se prétend parfois, nous ne pourrons jamais nous rencontrer pour suspendre les temps qui nous sont si chers. En revanche, et comme nous appartenons au même corps, nous devrons, pour le meilleur, unir nos pensées et souhaiter que l’adversité soit encore un peu clémente avec nous, Monsieur LE GRENIER.

Le soir s’installe ainsi que la fatigue des ans. Nous devrons laisser poindre un nouveau jour, riche de ses promesses, et permettre à l’avenir de prendre place. Vous me voyez ravie de cette fraternelle causerie même si parfois la distance qui nous sépare a pu altérer quelque instant nos propos. Je vous souhaite une bonne nuit Monsieur LE GRENIER. Que longtemps encore la lune et les étoiles éclairent toujours avec abondance et à travers vos tuiles fragiles votre plancher, un peu vermoulu convenez-en, mais receleur de tant de savoureux secrets de nos maîtres endormis...

Je referme ces guillemets, le combat verbal ayant cessé. La réconciliation venue mais abasourdi par ce que je venais d’entendre, je demeurais « coi » face à ce surprenant spectacle pour lequel j’étais un témoin, seul, mais privilégié. Cet insolite événement amena ma réflexion vers une pensée commune laquelle prétend que les murs ont des oreilles. Je le savais déjà mais alors, aujourd’hui je constate qu’ils parlent également ! En conséquence et à l’avenir, méfiez-vous à la cave de vos actes, soyez prudents de vos paroles dans le grenier et tout ira bien pour vous... car, je vous le dit en secret... ils répètent tout !

Ce qui vient d’être lu est bien sûr, une histoire imaginaire, le discours possible et animé qui pourrait s’instaurer entre deux voisines d’une même maison, à la condition cependant essentielle que les objets ou tels puissent un jour avoir la parole. Cette condition remplie nous ouvrirait, sans doute, la porte d’un espace que l’on ne peut imaginer aujourd’hui mais qui à l’écoute de ce qui précède, ne manquerait certainement pas de sels et qui sait, libérerait chez chacun la faculté de créer son propre monde... à sa guise.

Fin

Maxime :

Ô vous qui spéculez sur le monde, méfiez-vous des auteurs qui ont voulu se faire les interprètes entre la nature et l’homme par leur seule imagination. N’ayez confiance qu’en ceux qui ont réfléchi à partir de l’expérience. Et souvenez-vous que les expériences peuvent être trompeuses si l’on n’y prend garde, et que là où l’on croit n’en voir qu’une, toujours la même, il y en a souvent plusieurs, très différentes.

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 9 - 30 Juin 2009  -  Abonnez-vous

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