GLFM | Bulletin : Bulim Misraïm | 12/2009 |
C'est
en Toi-même que tu trouveras la Paix La
plupart des hommes cherchent la solitude dans
les champs, sur des rivages, sur des collines. C'est aussi ce que tu
recherches
ordinairement avec le plus d'ardeur. Mais c'est un goût
très vulgaire. Il ne
tient qu'à toi de te retirer à toute heure
au-dedans de toi-même. Il n'y a
aucune retraite où un homme puisse être plus en
repos et plus libre que dans
l'intérieur de son âme; principalement s'il y a
mis de ces choses précieuses
qu'on ne peut revoir et considérer sans se trouver
aussitôt dans un calme
parfait, qui est, selon moi, l'état habituel d'une
âme où tout a été mis en bon
ordre et à sa place. Jouis
donc très souvent de cette solitude, et
reprends-y de nouvelles forces. Mais aussi fournis-la de ces maximes
courtes et
élémentaires, dont le seul ressouvenir puisse
dissiper sur-le-champ tes
inquiétudes, et te renvoyer en état de soutenir
sans trouble tout ce que tu
retrouveras. Car
enfin, qu'est-ce qui te fait de la peine ?
Est-ce la méchanceté des hommes ? Mais
rappelle-toi ces vérités-ci : que tous
les êtres pensants ont été faits pour
se supporter les uns les autres; que
cette patience fait partie de la justice
qu'ils se doivent réciproquement; qu'ils ne font pas le mal
parce qu'ils
veulent le mal. D'ailleurs à quoi a-t-il servi à
tant d'hommes, qui maintenant
sont au tombeau, réduits en cendres, d'avoir eu des
inimitiés, des soupçons,
des haines, des querelles ? Cesse donc enfin de te tourmenter. Te
plains-tu encore du lot d'événements que la cause
universelle t'a départi ?
Rappelle-toi ces alternatives de raisonnement : ou c'est la providence,
ou
c'est le mouvement fortuit des atomes qui t'amène tout; ou
enfin il t'a été
démontré que le monde est une grande ville...
Mais tu es importuné par les
sensations du corps ? Songe que notre entendement ne prend point de
part aux
impressions douces ou rudes que l'âme animale
éprouve, sitôt qu'il s'est une
fois renfermé chez lui, et qu'il a reconnu ses propres
forces. Au surplus,
rappelle-toi encore tout ce qu'on t'a enseigné sur la
volupté et la douleur, et
que tu as reconnu pour vrai. Mais ce sera
peut-être un désir de vaine gloire qui viendra
t'agiter. Considère la rapidité
avec laquelle toutes choses tombent dans l'oubli; cet abîme
immense de
l'éternité qui t'a
précédé et qui te suivra; combien un
simple retentissement
de bruit est peu de choses; la diversité
et la folie des
idées que l'on prend de nous; enfin la petitesse du cercle
où ce bruit s'étend.
Car la terre entière n'est qu'un point de l'univers; ce qui
en est habité n'est
qu'un coin du monde; et dans ce coin-là même,
combien auras-tu de panégyristes,
et de quelle valeur ? Souviens-toi
donc de te retirer ainsi dans cette
petite partie de nous-mêmes. Ne te trouble de rien; ne fais
point d'efforts
violents; mais demeure libre. Regarde toutes choses avec une
fermeté mâle, en
homme, en citoyen, en être destiné à
mourir. Surtout, lorsque tu feras dans ton
âme la revue de tes maximes, arrête-toi sur ces
deux : l'une, que les objets ne
touchent point notre âme, qu'ils se tiennent immobiles hors
d'elle, et que son
trouble ne vient jamais que des opinions qu'elle se fait au-dedans;
l'autre,
que tout ce que tu vois va changer dans un moment, et ne sera plus ce
qu'il
était. N'oublie jamais combien il est arrivé
déjà de révolutions, ou en toi, ou
sous tes yeux. «
Le monde n'est que changement; la vie n'est
qu'opinion ». Un
F\ Ma\ Aur\ |
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