GLFM Bulletin : Bulim Misraïm 06/2010

Le bien et le mal

Ce terme est l’œuvre de deux ans d'étude dans une école philosophique d'origine chinoise, le Tchang.

Plus encore, peut-titre, que la notion de vie et de mort, celle de "bien et de mal" a, depuis des millénaires, occupé les penseurs, les philosophes, les religieux...Du reste, "vie et mort" est généralement tenu pour un chapitre du grand livre "bien et mal". Rappelons que la plupart des philosophies et toutes les religions occidentales sont basées sur la dualité et l'opposition de deux principes considérés comme des absolus et, très souvent, symbolisés respectivement par Dieu et l'Adversaire, le démon.

Selon les obédiences, l'adversaire jouit d'une considération plus ou moins grande. Il peut être le butor têtu, simple employé de Yahvé, qui, dans le livre de Job, fait de vains efforts pour séduire le bonhomme, sur son fumier; le Satan du moyen-âge, bénéficiant d'une plus
large autonomie que le précédent mais guère plus astucieux en définitive, toujours berné par les saints ou par les paysans matois. Il peut titre aussi Lucifer, aux ambitions grandioses mais à l'intelligence somme toute limitée, puisqu'il se montre incapable de comprendre que la partie ne saurait titre supérieure au tout....Il est donc entendu qu'il existe deux principes, complémentaires si l'on veut, antagonistes à coup sûr: le bien et le mal. Avec des majuscules: des Absolus. Ceci étant admis, posons-nous cette question: qu'est-ce que le Bien et le Mal? Il est aisé de répondre le Bien c'est... Tout compte fait, la réponse ne va pas de soit... Il est dextrement facile de définir ce qui est bien et bon dans un cas particulier, mais dans l'absolu, sans référence à telle ou telle situation donnée, c'est nettement plus malaisé. Si l'on dit , par exemple: le bien est ce qui va dans le sens de la volonté Divine et le mal ce qui s'efforce de s'opposer à cette volonté, il convient tout d'abord de définir cette volonté en question. Ce à quoi, au cours des siècles, bien des fanatiques se sont employés, avec les résultats que l'on sait... Dirons-nous par exemple que la vie est le bien et la mort le mal ? Ce serait, n'est-ce pas, suggérer que le « principe mortel » s'oppose à la volonté divine.

Comme en définitive (du moins du point de vue ou nous nous plaçons en ce moment) toute vie se termine par la mort, cela signifierait que quelque chose, non seulement tente de lutter contre la volonté de Dieu mais réussit à la vaincre.Constatation qui nuancerait étrangement l'idée que nous pouvons nous faire de la toute Puissance Divine...
Dirons-nous que le mal c'est la souffrance? En ce cas tel chirurgien qui triture le corps d'un patient et, malgré lui, le fait souffrir, est un serviteur du mal; il devrait, pour obéir aux lois du bien, bourrer le malade de morphine, et le laisser mourir sans souffrance. Le mal serait-­il dans la souffrance inutile? Peut-titre, mais comment titre vraiment certain de l'inutilité de quoi que ce soit? On pourrait ainsi ratiociner pendant longtemps. Je préfère en rester là et défendre le point de vue suivant: les notions humaines de bien et de mal ne sont pas des absolus.

Nous ne pouvons connaître ni le bien ni le mal en soi. Le bien et le bon , le mal et le mauvais, dépendent de l'opinion subjective d'un observateur juge. Certes, dans notre espèce ( c'est-à- dire l'humain ), il est des cas où tous (disons: presque tous) s'accorde à dire: ceci est bien, ceci est mal. Je vous rappelle que du point de vue de l'écologie, toutes les espèces existantes, y compris celles dites nuisibles, les rats et les serpents venimeux par exemple, ont leur rôle à jouer dans l'équilibre général. Tout dépend de tout. Dans le sud de l'Irlande, les fermiers, pour on ne sait quelle raison – crainte d'une épidémie d'un mal transmissible à l'homme, semble-t-il, se débarrassèrent de leur chat. Ce fut la catastrophe. Leur économie locale dépendait à 95% de la culture du trèfle.

Les mulots, se multipliant en l'absence de chat, détruisirent tous les nids de bourdons. Or les bourdons sont indispensables à la fécondation du trèfle. Dans ce cas précis, les rats jouèrent un rôle négatif. Il n'en va pas toujours ainsi... Donc je peux dire que le bien est ce qui nous semble bon de notre point de vue. Le mal est ce qui, du même point de vue nous semble mauvais. Un lion poursuit une biche. Est-t-il bien ou mal qu'il la rejoigne et la croque? Le lion a le droit de vivre, la nature l'a fait carnivore. La biche aussi a le droit de vivre. Généralement, ce genre de problème est laissé de coté par l'homme car, précisément, les notions de bien et de mal n'interviennent que lorsqu'il est très directement intéressé. S'il est chasseur, il trouvera bien de tuer la biche et le lion. Mais si quelque puissant animal carnivore le prend, à son tour, en chasse, il trouverait mauvais que le fauve l'attrape et le détruise. Mon vénérable, mes frère en vos grades et qualités, il y a nulle ironie dans ce que je viens de dire simplement j'essaie de montrer la subjectivité de tout jugement moral. L'ami des animaux comme Brigitte Bardot voyant le chasseur rejoint et houspillé par un ours sera partagé entre le regret de voir un autre humain souffrir et la joie de constater que l'animal peut éventuellement prendre sa revanche: subjectivité encore. Je pense qu'il est important de bien comprendre que tous, tant que nous sommes, nous mettons dans nos juments quant au bien et au mal, une totale subjectivité.

Lorsque nous disons telle personne est mauvaise, c'est le plus souvent vrai de notre point de vue, mais du point de vue de la personne en question, c'est toujours faux. Prenons un cas historique typique et, du point de vue généralement accepté, monstrueux. Celui de la traite négrière. Est-il rien de plus révoltant que le génocide commis par cette traite à l'égard d'un peuple entier. Donc du point de vue général, voici une entreprise qui est, indiscutablement, marquée du sceau du mal. Ceci posé, essayons un instant de nous placer dans la peau des responsables. C'est impossible? Ces négriers étaient hors de l'humanité? Que non! Très humains au contraire, au sens exact et non laudatif du terme. Ils disaient que les africains étaient un sous peuple, moins que les animaux mais plus performants que les animaux. Idées délirantes de fous dangereux? Évidemment. Mais qui doivent nous permettre de comprendre que ces hommes, comme tout humain, s'efforçaient de servir le bien qu'ils concevaient. Tel que le concevaient leurs cerveaux malades... Demeurant dans le relatif (toujours par rapport au mal et au bien ) on peut classer les valeurs humaines en trois catégories:

1° la plus « basse », celle de l'égoïste reconnu pour tel par tous- sauf par lui-même, évidemment. Le bien recherché est à peu près exclusivement celui de l'individu lui-même. Nous sommes tous un peu ainsi c'est assez normal tant que l'homme se tient pour une individualité, tant qu'il ne parvient pas à comprendre avec tout son "être" que d'une part, il n'est rien si ce n'est une effervescence de corpuscules sans cesse naissant/mourant.

2° la seconde catégorie de valeurs relatives est représentée par l'humain qui donne assez souvent la prédominance à la survie et au bien du groupe auquel il appartient (famille, clan, tribu, patrie) sur ses intérêts propres.

3° Dans le troisième groupe ou troisième catégorie, l'intérêt se porte sur les intérêts (plus ou moins bien compris) de l'espèce entière.

Chez les plus évolués, cette notion de prééminence peut même être (ou paraître) dépassée et verser dans un sentiment d'union avec la totalité, le cosmos, le Grand Architecte de l'univers, Dieu. Tous les humains visent un bien allant de mon bien au bien jugé absolu. Il est donc important de comprendre vraiment la subjectivité de cette notion. Ce que j'appelle bien ne correspond pas obligatoirement à l'idée que s'en fait mon voisin. Il convient de tenir compte de cette particularité dans rapport à autrui. Maintenant, voyons les choses d'un point de vue pratique et posons-nous cette question que d'aucun trouverons blasphématoire. Faut-il faire le bien? Étant donné que le bien le mal ne sont pas des absolus et que, par conséquent le bien que nous pourrons faire sera forcement subjectif, est-il licite de faire ce bien?, en dehors des cas où, visiblement, notre opinion quant au bien s'accorde avec celle de la personne qui va faire l'objet de notre bienfaisance? Exemple: un mendiant me demande l'aumône et je me sentirai bon en lui faisant la charité. Saddam Hussein était un dictateur. Georges Bush junior a trouvé bon de débarrasser le peuple irakien de Saddam. Aujourd'hui on connaît le résultat.

L'attitude bush fut admirable? Certainement. Il n'y a plus de dictateur en Irak. Vous verrez que cette louable attitude fut ce qui permit le déclenchement du plus épouvantable des drames connus par la nation irakienne. Ceci, dirons-nous n'enlève rien au mérite de Mr Bush Junior. Le mérite découlant de l'idée subjective que l'on se fait du bien et du mal, je serai tout à fait d'accord avec vous: les intentions de Bush étaient visiblement excellentes et le résultat final n'enlève rien au mérite de l'idée initiale. Bush peut-être ne pouvait savoir ce qui découlerait de sa bonne action. Et là ce que je vous invite à méditer : nous non plus ne pouvons savoir quels seront les résultats ultimes de nos actions. Pour en revenir à notre exemple, dans ce cas précis, d'une action généralement considérée comme bonne qui est assortie d'un résultat considéré comme mauvais. Le mal, en l'occurrence est sorti du bien. Comme éventuellement, le bien peut dériver du mal. De plus, n'oublions pas ceci: un acte, quel qu'il soit, a des effets bien au delà de ce que l'esprit humain peut concevoir et apprécier. Dans l'univers, rien n'est stable, tout se transforme sans cesse. Ce qui a été de notre point de vue devient mort. Ce qui a été bon devient mauvais, et inversement. Essayons de méditer sur l'origine des malheurs et des réussites d'un pays. Que du mal peut sortir un bien et du bien un mal. Ces termes étant entendus au sens relatif, au niveau humain.

Est-ce à dire que, par crainte d'obtenir, à la longue, de mauvais résultats, nous devons éviter ce qui nous paraît le bien ? Pas exactement, mais il convient tout d'abord de bien percevoir que ce qui est à nos yeux bien et bon ne l'est pas nécessairement aux yeux d'autrui. Généralement, il n'est pas jugé bon de recevoir une volée de coups de pieds et de poings (mon frère Kassim est bien placé pour en parler il en a reçu malheureusement à la gare de l'Est ) un masochiste pourra penser autrement. Dans certaines tribus d'Asie centrale, une femme qui refuse de se prostituer acquiert, très vite, une réputation aussi déplorable que celle qui se prostitue dans d'autres régions. Chez certains peuples dits, bien à tort, primitifs, voler est honorable. Et tuer n'est pas toujours considéré comme mal: à la guerre par exemple.

L'homosexualité, honnie dans l'Europe moderne ( je songe à la période victorienne ) était tenue en haute estime dans la Grèce ancienne, et la plus officiellement du monde. Etc... etc... que notre voisin peut avoir très légitiment, de son point de vue, des opinions fort différentes des nôtres. Enfin, le mal que nous fait subir notre ennemi, peut lui sembler simple justice: on ignore fatalement l'essentiel de ses motivations; on ne voit que les effets du mal qui nous est fait: jamais les causes. Je n'ai pas encore vraiment répondu à la question que nous nous étions posée: en définitive, convient-il de faire le bien? La réponse est oui , faisons ce quinous semble le bien , mais faisons-le naturellement.

Qu'entendre par ce mot ? Et bien comme disait le Christ, il quelqu'un vous demande du pain, ne lui donnez pas une pierre. Si un être humain tombe à l'eau et qu'il soit dans nos possibilités de l'empêcher de se noyer, faisons-le. Ne réfléchissons pas au fait que le noyé en puissance a peut-être désiré mourir et nous risquons de le rendre à une vie misérable. Ne pensons pas que celui qui nous dit j'ai faim ment peut-titre. Que notre bonté soit une réaction instinctive, sans intervention de l'intelligence. Quelle ne soit le résultat de longues cogitations; si un de nos voisins manque du nécessaire, aidons-le le plus discrètement possible sans attendre, surtout,
une reconnaissance quelconque. Ceci nous le voyons est la solidarité et la fraternité maçonnique.
 
En conclusion, notons: le bien et le mal, ainsi que leur opposition ne constituent qu'un des exemples du caractère relatif de tout jugement et de tout acte humain. Dans l'absolu tout est égal à tout - si, dans l'absolu, les mots conservent encore une signification quelconque.

J'ai dit.

FDS\

Publié dans le Bulim - Bulletin N° 19 - 30 Juin 2010  -  Abonnez-vous

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