GLFM | Bulletin : Bulim Misraïm | 01/2012 |
L'Œil
d'Horus Tout
est dans l’œil
d'Horus. Le combat incessant du Bien et du Mal, le mystère
de la Vie et de la
Mort, la quête de la Lumière et de la
Connaissance, le pouvoir de Justice et le
triomphe de la Vérité. Dans
l’œil est le feu du Soleil, le Verbe divin. Au
cœur
de l’œil même est le mystère
le plus troublant, le plus émouvant de notre vie
terrestre : celui de la Femme, cette compagne donnée
à l'homme, devenu mortel,
par le Créateur. Tout
est dans l’œil
d'Horus, cet œil magique qui figure dans le sceau de la Loge
a Les Disciples
d'Horus » surmontant la règle, image de la
rigueur, et figurant par
substitution entre l'équerre et le compas, dans la plus
authentique filiation
égyptienne, le G traditionnel de la Maçonnerie,
le Grand Architecte de
l'Univers. L’œil d'Horus, comme tant de symboles
fondamentaux, trouve sa
naissance dans un mythe qui se veut une explication fondamentale de
l'Univers.
Osiris, le dieu bon, l'homme-dieu cosmique, pivot de cet Univers, a
été
assassiné par son frère Seth qui est le dieu
traître, le dieu mauvais, l'ange
déchu. Isis, la sœur-épouse, rassemble
les morceaux épars d'Osiris et le
ressuscite. Et de leur union naît Horus. Horus, vengeur de
son père, combat
contre Seth et l'émascule, mais dans le combat il perd un
œil. C'est cet œil
retrouvé qui constitue l'oudjat magique des anciens
Égyptiens. Osiris
reste ainsi,
à travers cette légende, le dieu
momifié, éternellement mort-vivant et qui aide
chacun des hommes à franchir le passage, à
réussir sa mort dans la vie
retrouvée. Osiris préside aux
métamorphoses. Il est l'Être primordial, le
maître de l'éternité, le roi des dieux. Âme
de Râ,
c'est-à-dire manifestation du Soleil, il prolonge en
permanence vers le monde
des hommes la réalité divine. C'est le seigneur
de sagesse et d'harmonie. Et
cependant, il est impuissant. Lié par ses bandelettes, il
lui manque le pouvoir
de l'action et surtout celui de la connaissance, ce pouvoir que
renferme
précisément l'oudjat qu'Horus offrira
à son père après son combat avec Seth. Isis
est la Mère
divine, l'Esprit qui féconde, le second terme de la grande
Triade égyptienne.
Elle est la grande Mère Noire couverte de voiles et dont nul
mortel ne peut
percer le vrai visage. Elle est la suprême magicienne qui
connaît tous les
secrets de la Terre et du Ciel. C'est aussi la Veuve dont les
initiés, tous les
initiés du monde, sont à jamais les enfants... Horus,
le fils, est
celui qui rétablit l'équilibre cosmique
détruit par la mort d'Osiris. Il est
l'héritier des dieux et la substitution de chacun d'eux, il
est le combattant
perpétuel. Sa nature est solaire, positive, dynamique. Seth,
son adversaire,
est noir, saturnien. C'est le démon taciturne et haineux.
Émasculé par Horus,
il est froid et stérile. Mais, en même temps, il
est l'intelligence, il est la
science. Seth ne meurt pas car le Mal ne peut mourir. Il est
nécessaire aux
dieux, Il est nécessaire au Bien. La lutte entre le Bien et
le Mal est
indispensable à l'équilibre cosmique, et Seth
réalise avec Horus le plan du
Grand Architecte. Voici,
très
brièvement résumé, le mythe sans la
compréhension duquel il ne nous serait pas
possible d'aborder les mystères de l’œil
d'Horus. «
En vérité, nous
dit le Livre des Morts, Horus est le maître et le seigneur de
l'Égypte. Il fixe
le cours des choses pour des millions d'années. Nuit et
jour, les dieux œuvrent
pour lui. Son œil divin est la source de vie de millions
d'êtres. Il est
l'Unique, le maître des mondes. Et le Livre des Morts nous
dit aussi d'Horus :
« Il est celui qui, par son œil divin, change les
êtres en des plantes
florissantes. » L’œil
étincelant est au centre de la symbolique
égyptienne ;
c'est lui qui préside à la formation,
aussi
bien du microcosme que du macrocosme. Il est dit dans les inscriptions
de
l'architecte Amenhotep : « Tu es Râ — Oui
apparais dans le ciel — Qui illumines
la Terre avec les perfections- c'est ton œil
étincelant — Qui es sorti de Noun
— Oui es apparu au-dessus de l'eau primitive Oui as
créé chaque chose — Oui as
formé la grande ennéade des dieux — Oui
t'es engendré dans tes propres formes.
» L’œil
a précédé les
dieux. Et par ses rayons, il donne des yeux à tout ce qui
existe. Chaque être
vivant est donc un œil du Dieu. Le Temple lui-même
peut être assimilé à l'œil
divin, un œil porteur de toutes les potentialités,
un œil ouvert sur le monde
mais centré sur l'indicible, sur l'impérissable. L’œil
d'Horus -
que, nous l'avons vu, on appelle aussi l'oudjat,
l’œil fardé - est immobile. Il
est fixe car il est le cœur du monde. Parfois, il se trouve
dédoublé. Ainsi,
sur le tombeau de Ramsès IX, encadrant Kheper, le
scarabée mythique couleur de
boue, symbole des métamorphoses et de l'évolution
de l'homme, voguant sur la
barque solaire à travers l'immensité du ciel,
figurent par deux fois l'œil
d'Horus. L'un à gauche, œil de la
Lumière, symbolise la barque du jour, il
symbolise la Vie ; c'est le véritable œil d'Horus.
L'autre à droite est l’œil
inversé ; il symbolise la barque de la nuit et le passage de
la Mort. Ce n'est
pas un hasard, d'ailleurs, si l’œil gauche est
l'oudjat véritable : de la magie
traditionnelle à l'hypnose, c'est toujours à
l'œil gauche que l'officiant
s'adresse... Le
mystère de la
vie et de la mort est ainsi admirablement suggéré
par cette peinture du tombeau de Ramsès IX au plan cosmique.
Au plan infra cosmique, dans le rituel
de la toilette, il est évoqué par l'usage des
fards, l'un vert qui maintient en bonne
santé l’œil gauche, celui du Soleil, et
l'autre noir qui maintient l’œil droit
inversé,
celui de la Lune (dans le même ordre d'ailleurs, notons-le
entre parenthèses, que celui des
colonnes de l'Arbre séphirotique de la Kabbale). Tout ceci
attestant bien
qu'Horus a en fait deux yeux cosmiques, celui des deux luminaires qui
encadrent
dans notre Temple le Delta rayonnant. Ces
fards, bien
sûr, ne figurent pas sur le bijou stylisé de
l'Oudjat retrouvé dans les tombes
et notamment sur la poitrine du pharaon assassiné
Toutankhamon. En revanche, y
figure une étrange ellipse symbolisant, rapporte-t-on, une
larme stylisée. Que
signifie cette larme de l’œil blessé ?
On peut penser légitimement que, de même
qu'Isis la Noire porte éternellement le combat contre Seth,
le démon terrestre
(Seth assimilable à Satan et à Saturne), dieu
attaché à la Terre par son combat
sans cesse renouvelé, pleure Osiris, son père, le
Dieu du Ciel. Il pleure le
ciel qu'il a perdu et qu'il recherche
désespérément. Horus,
ainsi et
pour l'éternité, symbolise l'homme dans sa double
polarité. Fils du Ciel et de
la Terre, de l'Esprit et de la Matière, il est bien l'image
du parfait initié
entre l'équerre et le compas. Il
est un autre
aspect intéressant de ces larmes d'Horus. Il est dit en
effet dans le papyrus
Jumilhac qu'elles sont le vin de la vigne, le vignoble étant
assimilé aux yeux
du dieu. Or, le vin est toujours associé à
l'initiation ; il est le breuvage de
la communion avec les dieux. Encore une marque de l'Horus
intermédiaire entre
l'homme et le divin. Venu
d'Orion, la
constellation boréale demeure des dieux, Horus est apparu
sur Terre en héritier
d'Osiris pour nous apprendre que c'est à l'Homme de devenir
le pivot de
l'Univers. D'après les théologiens
d'Héliopolis, en effet, le monde divin avait
dépassé le point culminant de son
évolution : il se faisait vieux. C'était
donc à
l'élite de l'Humanité, aux saints et aux
initiés de prendre sur eux le fardeau
du gouvernement cosmique. Horus était là pour
aider les hommes dans cette
épreuve. Son œil porteur de lumière
était là pour les éclairer et les
guider.
Dans le perpétuel combat de la Lumière contre les
Ténèbres de Seth, l'œil
était
l'arme suprême, l'arme absolue. La lumière blanche
contre celle du feu central
du vieil Archon terrestre, la lumière qui
n'éblouit ni ne brûle, mais qui
illumine les âmes. «
Quand l'initié, grâce
à l'oudjat, ouvre son œil intérieur sur
sa réalité divine, écrit Christian
Jacq, il provoque la naissance de ce feu incorporel qui est
à l'origine de
toutes les mutations spirituelles. » Alors, l'homme est
sauvé. Son âme sera
aussi légère que la plume de Maat. Il
évitera, grâce à l'oudjat, la seconde
mort, celle qui ne pardonne pas, celle qui voue l'impie et le fou
à être la
proie du monstre de l'Abîme à la gueule de
crocodile. L’œil
d'Horus est
lumière. Il est aussi, dans un prolongement qu'il ne nous
est pas toujours aisé
de saisir, offrande. C'est ainsi que tout objet
présenté au mort était
appelé
l’œil d'Horus. Pourquoi ? Les rituels nous
l'expliquent. Chaque objet offert à
la momie agissait en tant que pouvoir, à l'image du Soleil
qui restaure la vie. L’œil
d'Horus est
justice. C'est ainsi, nous apprend un texte de la décadence,
qu'il suffit de
dessiner l'oudjat sur un mur et de le frapper d'un maillet
taillé dans le bois
du gibet pour que l’œil livre le voleur. Cette
marque de magie simpliste et populaire
qui montre bien l'involution de la pensée
ésotérique égyptienne a toutefois le
mérite de nous donner un exemple évocateur de ce
que fut le concept de justice
associé à l'oudjat dans l'Égypte
antique : en effet, l'Œil avait alors le
pouvoir efficient du « redressement ». Par sa
puissance, il était l'équivalent
de saint Michel ou du Metatron de la Kabbale. Mais
l’œil n'est
pas que l'amulette qui protège, celle que Pharaon mort porte
en pectoral d'or
pour son long voyage dans l'au- delà. C'est
réellement l’œil de
Vérité qui
s'ouvre pour l'initié qui sait y découvrir le
Verbe divin. Le rôle de l'initié
égyptien est de vivre sa propre
vérité, de créer sa propre
lumière. Il a à
prendre conscience des neuf éléments essentiels
de l'être : le corps ; le Kâ et
le Bâ qui correspondent schématiquement au corps
astral et à l'âme ; l'ombre
reflet de la vérité ; L'Ankh, lumière
de l'esprit ; le cœur, le Sekhem,
puissance de réalisation ; le nom,
vérité ultime, et enfin le Sakh, corps
spirituel. Ces neuf éléments correspondent
très exactement aux neuf dieux de
l'Ennéade. Et c'est pourquoi il est dit encore au papyrus
Carlsberg n° 7 : «
L’œil est l'Ennéade ». Mais
peut-être y a-t-il un autre mystère dans
l’œil
d'Horus, mystère qui nous est seulement
suggéré et que nous avons à
approfondir. Ce mystère réside en la pupille
(Korè en grec) qui signifie « la
jeune fille qui est dans l’œil ». Au
centre de l’œil, donc, se trouverait la
femme. La femme-vierge, mais probablement aussi dans sa
potentialité créatrice.
N'est-il pas étrange de trouver la femme enfermée
au cœur de l'œil, comme la
Schekinah au cœur de Malkouth, la première des
Séphiroth de la Kabbale à
laquelle d'ailleurs correspond précisément
l’œil d'Horus ? Le principe féminin,
celui de la Vierge-Mère, est ainsi au cœur de la
connaissance et de la lumière.
Mystère fondamental de la création !
Mystère émouvant du grand Visage androgyne
dessiné par l'Arbre séphirotique !... Protecteur,
guide,
guérisseur, instrument de justice et tabernacle de la
Connaissance, l'œil d'Horus
est donc aussi créateur. La présence de la femme
en lui, de la femme sans qui
toute naissance est impossible, en fait le symbole complet de la Vie,
jusque et
y compris la Vie à travers la Mort.
L’œil préside ainsi
secrètement à la
renaissance. Il faut rappeler à ce propos un
mystérieux rite initiatique de
l'antique Égypte, celui du « passage par la peau .
(Heb-Sed). Le prêtre qui
répétait ce rite portait une peau de
panthère et son nom était « celui qui
possède la connaissance des deux principes
opposés : le père et la mère,
qui, conjoints, donnent la vie ». Or, il est dit qu'Horus
était passé par la
peau pour le compte de son père Osiris. Ce
rite, tel que
nous le montrent les papyrus, est en fait bien un rite de
résurrection qu'il
serait intéressant de rapprocher du mythe d'Hiram et des
cinq points de la
maîtrise. Y intervenaient des sectateurs d'Horus
évoquant les forces vitales du
Soleil et formant une chaîne d'union autour du
mort-initié afin de lui donner
la possibilité de ressusciter. Sur
une stèle du
Louvre sont décrites ainsi toutes les phases du rite de
résurrection. Un détail
important de cette stèle est marqué par un pieu
figurant une tige de lotus avec
une fleur épanouie. On a attaché à ce
pieu la peau d'un animal des forces
mauvaises (panthère, hyène...). Or, cette
scène représente la naissance de la
vie nouvelle et la peau de l'animal de Seth représente la
victoire d'Horus,
grâce à son œil sur les forces
d'obstruction, sur les forces de la matière.
J'ai retrouvé, dans un ouvrage d'Enel, un texte qui nous
prouve bien que les
mystères initiatiques égyptiens se situent,
contrairement à ce que d'aucuns
pensaient, dans la perspective des vies successives et de la
réincarnation. Ce
texte, extrait du papyrus d'Ariane, vizir de Séti II, au
quatorzième siècle
avant le Christ, est on ne peut plus explicite. La vision des vies qui
se
succèdent, de l'éternité
assimilée au cercle est proprement admirable. «
Les hommes ne
vivent pas seulement une fois, partant ensuite pour toujours, est-il
écrit dans
le papyrus d'Anana. Ils vivent de nombreuses fois en de nombreux
endroits,
quoique ce ne soit pas toujours dans ce monde-ci. Entre deux vies, il y
a un
voile d'obscurité. La porte s'ouvrira à la fin et
nous montrera tous les
chemins que nos pas auront traversés depuis le commencement.
Notre religion
nous enseigne que nous vivons éternellement. Or,
l'éternité n'ayant point de
fin, ne peut avoir de commencement. C'est un cercle. » Et
encore : « L'homme
vient à l'existence de nombreuses fois ; cependant, il ne
sait rien de ses vies
passées, sauf que, occasionnellement, un rêve ou
une pensée le ramène à quelque
circonstance d'une précédente incarnation. Mais
il ne peut se rappeler quand,
où cet événement s'est produit. Il
reconnaît seulement quelque chose de
familier. A la fin, pourtant, toutes ses vies passées se
révéleront à lui. Les
esprits ou âmes qui se sont connus dans une incarnation se
rencontreront
peut-être dans une autre incarnation, attirés l'un
vers l'Aure ; mais pour
quelle cause, tous deux l'ignoreront... » Comment
s'étonner,
en conclusion, que l'œil divin ait survécu
à la formidable entreprise
d'épuration des anciennes traditions qui a
présidé à la mise en place de la
religion chrétienne après le
concile de Nicée ? II fut en effet l'un des rares symboles
fondamentaux à avoir été
conservé et inscrit pour toujours dans le triangle
dédié par le christianisme à
la Trinité. Or, nous avons en partage avec la religion
catholique apostolique
et romaine ce symbole du Delta flamboyant qui orne aussi bien l'Orient
de nos
Temples que le chœur de maintes églises ou
cathédrales. C'est
ainsi que,
défiant les siècles, survivant aux iconoclastes
et aux anathèmes de tous
ordres, en dépit des mots substitués et des
traditions perdues, l'Œil d'Horus,
réfugié au cœur du Delta flamboyant,
interroge Maçons et chrétiens, les
interpelle, les scrute au fond de leur âme, sans que toujours
les uns et les autres
se doutent que derrière l’œil du
Père éternel se dissimule dans sa profonde
sagesse l'oudjat bénéfique de la vieille
tradition égyptienne... JJ
GABUT - Internet |
B034-5 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |