GLFM | Bulletin : Bulim Misraïm | 02/2012 |
La Transmission en
Franc-Maçonnerie « Ancrage dans le
passé, invention du futur :
La perpétuation de la Franc-Maçonnerie correspond-elle simplement à l’impératif naturel de transmission ? ». En
d’autres termes
: mes FF\ F\ M\, ne sommes-nous ici et
maintenant que parce que d’autres nous ont
précédés depuis la nuit des temps et
ont naturellement tenu à transmettre leur savoir et leurs
valeurs ? A
l’inverse, notre
appartenance à la F\ M\ n’est-elle que le
fruit de notre initiative propre ? Sans
doute un peu
des deux et d’autres encore, mais cela mérite
réflexion. Que nous dit le Larousse Universel de 1923 ? Pour le terme transmission : Transmettre, du latin transmittere : faire parvenir (un ordre par exemple), faire passer par mutation ou par succession, propager d’un endroit à un autre. Transmission,
du
latin transmissio : action de transmettre, propagation d’un
milieu dans un
autre (le son par exemple), communication d’un organe
mécanique à un autre (au
début par une corde et deux poulies, puis par courroies ou
par engrenages),
passage à la descendance de certains caractères
transmissibles des parents,
passage d’une maladie par communication d’un
individu à un autre. Pour
le terme
continuité : Liaison
non
interrompue des parties (la continuité des
vertèbres forme l’épine dorsale),
reproduction prolongée (d’un bruit par exemple).
Le principe de continuité est
une loi d’après laquelle des changements qui
surviennent dans les êtres ne s’y
produiraient que par degrés insensibles. Perpétuer
signifie
faire durer toujours ou longtemps (les pyramides perpétuent
le souvenir des
pharaons). • de quoi ? • entre qui ? et plus précisément : par qui ? à qui ? * pourquoi ? Je
ne parlerai ce
soir que de ce qui nous intéresse, et donc aucunement des
biens matériels. Nous
sommes
aujourd’hui dans le spéculatif. Nous pouvons
vouloir transmettre des valeurs,
un chemin de vie (une expérience) ou encore un but. Mais
nous venons de
l’opératif. Ce qui était à
transmettre alors était une organisation, des
rôles,
des savoir-faire mais aussi les valeurs liées à
l’apprentissage (écoute,
modestie, patience, solidarité, etc.). Transmission
par
qui ? à qui ? • de l’ascendant au descendant • du maître à l’élève • de l’initié au profane ou à un autre initié, en réalité de n’importe quel humain (ou animal) à n’importe quel autre humain (ou animal). Pourquoi
vouloir
transmettre ? Plusieurs raisons. La
première est
simplement notre nature. C’est le désir de vivre
qui maintient l’homme en vie.
Nous ne sommes pour rien dans cette force, elle nous est
donnée à la naissance,
elle est partie intégrante de nous- mêmes. L’homme
ou la femme
savent très bien que leur avenir passe par la mort, certains
même pensent qu’il
y prend fin. Mais personne ne veut réellement mourir, tant
l’instinct de vie
est fort. La
meilleure façon
de ne pas mourir, pensons-nous instinctivement, est de faire un enfant
à qui
nous transmettons la vie, notre propre vie voudrions-nous. Le
Créateur a doté
tout être vivant (végétal, animal ou
humain) d’un instinct – associé
à un
plaisir – afin d’assurer sa reproduction. La femme
a un véritable instinct de
maternité même si certaines, par
impossibilité ou par convenance personnelle ou
encore pour se consacrer à une mission
supérieure, ne le suivent pas. Cet
instinct permet de transmettre la vie et par la même occasion
les gènes du père
et de la mère. Cette
transmission
nous apporte l’épanouissement et
le bonheur, qui ne vont pas bien entendu sans difficultés.
Elle nous fait
croire à la survie, elle nous assure de
l’éternité, à moins
qu’il ne s’agisse
d’une illusion auto-entretenue. Outre
la vie, la
transmission porte aussi sur l’expérience et sur
les valeurs. Quoi de plus
sécurisant pour les parents que d’apprendre au
bébé à se tenir debout puis
à
marcher puis à parler puis à lire et compter ?
Quoi de plus utile pour l’enfant
que les encouragements au travail, l’aide à la
découverte des valeurs du
respect et de l’amour ? Quoi de meilleur pour les parents,
à l’âge mûr, de voir
vivre leurs enfants dans l’autonomie et la sagesse ? La
transmission peut aller
plus loin. Une seconde raison a trait à la
responsabilité que chacun se donne,
au sens du devoir qu’il se fixe. C’est, vue
positivement, la conception des
leaders qui ont une vision, déterminent une
stratégie et conduisent ceux qui
les suivent sur un chemin qu’ils estiment viable, vers un but
qu’ils estiment à
leur portée. Certains
se
consacrent à une mission qui dépasse leur
personne : c’est le cas des prêtres
ou des pasteurs par exemple, des religieux en
général. A
propos de devoir,
la transmission par les enseignants est un bel exemple. Il est en effet
nécessaire et indispensable de former les jeunes et les
moins jeunes pour leur
donner de justes chances de progrès. L’enseignant
transmet son savoir mais aussi ses valeurs et plus
généralement la vision qu’il
a de son environnement global. J’ai une certaine expérience de l’enseignement et je
peux attester que cette transmission-là, outre le plaisir
qu’elle procure car le retour existe de la part des
enseignés, donne un
véritable sens au travail et justifie pleinement
l’implication qu’elle exige.
Apprendre à quelqu’un les bases d’un
métier, lui dire ce que sont les pièges
à
éviter le guider dans l’expression et dans
l’action : autant de raisons de se
sentir utile, l’une des grandes aspirations de chacun. Abordons
maintenant
la transmission de l’initié F\
M\
à un
tiers, qu’il soit initié lui-même
ou bien
profane. Au
sein de son
atelier, l’Apprenti se tait, écoute et
reçoit : ses FF:. le font bénéficier
de
leur expérience au-travers de la formation, des planches,
des comportements
dans certaines situations. Cette transmission est naturelle, elle fait
suite à
celle dont ils ont en leur temps
bénéficié eux aussi. L’Apprenti
devenu
Compagnon puis Maître aura naturellement à
cœur d’apporter à ses FF\ et plus
spécialement aux jeunes initiés les bribes de
Lumière qui, pense-t-il,
l’éclairent un peu. Et
puisqu’on lui a
répété à l’issue
de chaque Tenue qu’il fallait maintenant porter au-dehors la
Lumière reçue dans le Temple, sa
responsabilité permanente est de transmettre aux
profanes, ses FF\ dans la vie, un peu de
cette Lumière, de quoi éclairer un chemin et
marcher vers un but, bref tâcher
de donner l’exemple d’un comportement à
suivre. «
L’impératif
naturel de transmission » a été
traité. Parlons maintenant du début de la
question « Ancrage dans le passé, invention du
futur ». Certains
disent
parfois que l’expérience est intransmissible. La
possibilité de transmettre
dépend de la pédagogie de
l’émetteur (celui qui transmet) et de
l’écoute du
récepteur (celui qui reçoit). S’il
fallait toujours tenir compte du « bon sens
commun », c’est-à-dire convenu,
prétendant que les jeunes sont rebelles à
l’expérience de leurs aînés,
chacun se recroquevillerait et l’histoire se
limiterait à une vie individuelle. On le saurait, les
historiens seraient
chômeurs. Il n’en est rien et
l’impératif
naturel de transmission a sa raison d’être. En
quoi consiste
alors l’expérience que nous tenons à
transmettre ? Probablement un chemin qui
va du passé vers le futur. Le passé
n’est pas trop difficile à connaitre, nous
l’avons vécu. Encore faut-il avoir de la
mémoire et surtout être capable de
l’analyser et de le synthétiser par rapport
à un cadre de référence. Si je suis
bon vivant et que j’en fais l’axe de ma vie, je ne
retiendrai du passé que les
bons moments en rapport avec cet axe : ce que j’aurai
à dire m’intéressera,
moi, mais sans doute assez peu celui à qui je parlerai. J’ai
donc à dégager
un axe, l’épine dorsale d’une vie,
susceptible d’enrichir celui ou ceux à qui
je veux transmettre. Ce travail n’est pas simple et suppose
que je l’ai
identifié moi-même. Chacun est libre du choix
qu’il fait sur ce qu’il veut
laisser à la postérité. Mais en ce qui
nous concerne, Maçons, le cadre de
référence est celui des valeurs : « la
liberté et les bonnes mœurs », bien que
pour un profane cette expression puisse apparaître comme
limitée. Ce
n’est pas tant
le cadre que j’ai à transmettre que mon parcours
dans ce cadre. L’énumération
des valeurs n’apporte rien, un dictionnaire suffit pour les
identifier. En
revanche, leur mise en pratique dans certaines situations choisies peut
être
riche d’enseignement si elle est exemplaire. C’est
l’exemple, une attitude et
un parcours individuels, que le plus jeune (rien à voir avec
l’âge, celui qui
écoute) retiendra et tâchera d’adapter
à sa propre expérience. Chacun est
concerné : le Christ a dit que chacun serait jugé
non sur ses talents mais sur
ce qu’il en aurait fait durant sa vie. Que certains me
pardonnent cette
référence, mais je ne peux choisir que dans ma
propre histoire ! La
transmission
requiert une discipline et un travail de grande ampleur.
Qu’ai-je à dire si ce
que je montre ne suscite pas le respect,
l’adhésion et pourquoi pas
l’enthousiasme ? C’est loin
d’être évident. Je ne pourrai choisir
dans ma vie
que de rares moments dignes d’alimenter la transmission. Et
d’ailleurs
suis-je bien sûr que le choix m’appartienne ?
L’histoire est faite par les
autres, ceux qui viennent après. Ce sont eux qui choisissent
et retiennent ce
qui leur semble marquant et à mettre en mémoire.
Quelle responsabilité alors
pour chacun d’entre nous ? Il faut avoir gravi quelques
degrés sur l’échelle de
Jacob pour qu’une vie laisse des traces enrichissantes.
Certains exemples
historiques et contemporains laissent aussi des traces descendantes et
pénalisent l’humanité en
général. Voilà
pour le
passé. Et pourquoi le futur ? Parce qu’un chemin
va forcément d’un point à un
autre. Puisque l’échelle est le temps, il faut
parler du futur vers lequel nous
sommes tous en marche. Le
futur est à
inventer. Nous ne pouvons nous contenter de le laisser venir. Rester dans le cadre exige
de chercher en permanence ce vers quoi nous allons. L’artiste
a une ligne
directrice dans sa création, ce qui
n’empêche ni l’évolution ni le
changement.
Le chef d’entreprise a une stratégie,
qu’il doit adapter sans cesse à son
environnement. Dans son « Voyage au centre des organisations
» Henry Mintzberg
met en parallèle l’élaboration
rationnelle d’une stratégie d’entreprise
et
l’adaptation intuitive d’un potier qui
crée au fur et à mesure que la matière
prend forme dans ses mains : il conclut que le chef
d’entreprise aurait tout
intérêt à mettre un peu plus
d’art et d’intuition dans son
élaboration.
L’intuition est aussi le fruit d’une direction,
même si elle est inconsciente. Notre
futur doit
être guidé par notre intuition, la foi que nous
avons dans la recherche d’une
vérité. L’objet de ce soir
n’est pas de dire si cette vérité
existe, il n’y a
d’ailleurs sans doute pas de réponse. Il faut
seulement souligner que le
parcours nécessite un but. Si Compostelle n’existe
pas, pourquoi progresser sur
son chemin ? Il suffit de remplacer le mot vérité
par sagesse, plénitude, Grand
Architecte ou Dieu. Je
terminerai par
un retour à la question posée : la
perpétuation de la Franc- Maçonnerie
correspond-elle simplement à
l’impératif naturel de transmission ? Personnellement
je
ne le crois pas, mais tout de même cet impératif y
est pour beaucoup. D’autres
raisons expliquent notre présence ici ce soir. Nous avons
tous rencontré un
futur parrain,
nous avons
tous été attirés par
l’intuition que le chemin proposé pouvait
être
enrichissant. Ces coïncidences ne sont pas fortuites, elles
correspondent à des
croisées de parcours semblables ou liés en tout
cas. Et
puis la F∴ M∴
n’est pas le seul chemin pour
avancer, loin
s’en faut et heureusement d’ailleurs car les
initiés, qui en principe ont pour
mission d’aider leurs FF.•. humains seraient bien
peu nombreux sur terre. Mais
ceci est une
autre histoire. J’ai dit. Bern\
Aig\ RL\ Architecte de
Salomon N° 7 - Grande Loge Maçonnique
Française de Tradition - REAA - 16ème
jour du
neuvième mois 6011 |
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