GLMFMM Bulletin : Khalam 02/2001


Les Spécificités du Serment d’Apprenti

Au Rite de Memphis-Misraïm

Par notre regretté Frère Jean Claude DENIS

Il est fréquent d'entendre des FF\ Visiteurs manifester leur étonnement devant certaines parties de notre Rituel d'Initiation au 1er degré ; en premier lieu le prélèvement de quelques gouttes de sang du candidat destinées à signer son Serment. C'est donc sans surprise qu'à l'audition de récentes « Impressions d'Apprenti », j'ai perçu l'émotion du néophyte évoquant à ce sujet les pactes infernaux du Moyen âge………… 

Satan se cacherait il en nos Loges, comme le croyaient les dévotes du début du siècle ? Cet usage, si étrange aux yeux de nos FF...et SS... des autres Rites, nous est spécifique ; il est apparu tôt à Memphis-Misrahn, puisque on le retrouve dans les rituels anciens, tel le manuscrit de 1824 publié dans la « Franc-Maçonnerie d'autrefois » de R. Ambelain ( p. 86 ). La connotation péjorative qui accompagne dans l'inconscient populaire l'emploi du sang a, certes, été grandement servi par le succès populaire de la Damnation de Faust, mais elle a toujours frappé les répugnantes manœuvres de la sorcellerie ; l'histoire de Gilles de Rai est dans toutes les mémoires, il n'y a donc pas lieu de s'étonner. Cela doit d'ailleurs nous inciter à rechercher les motifs de cet emploi dans l'ésotérisme du sang dans la magie des différents peuples et à toutes les époques. Nous essaierons ensuite de l'analyser dans le corpus du Rite.

Qu'est ce que le sang ? la première idée est de le  lier à la Vie. Comment en serait il autrement puisque une importante perte de sang peut causer la mort. Les armes blanches surtout, mais aussi les armes à feu agissent ainsi : une blessure vasculaire est responsable d'anoxie tissulaire fatale si trop importante. A contrario, la Réanimation exploite ce merveilleux tissus vivant pour couper le cercle vicieux avant que ne soient lésés les tissus nobles. Associer la notion de vie et le sang est donc conforme à la logique mais aussi au raisonnement analogique intuitif ; en effet toutes les peuplades primitives ont associé le feu et le sang parce que tous deux sont chauds et mobiles ( les flammes dansent dit on), ils apposent ou protègent la Vie nous l'avons vu pour le sang, rappelons nous le rôle du feu qui protégea nos ancêtres des bêtes sauvages et du froid et leur permit la cuisson de leurs aliments. Dernier point commun feu et sang sont rouges.

La seconde notion qui vient à l'esprit est d'affecter au sang le rôle de support du Moi. Ici encore le sens commun pousse à cette notion : 1' expression populaire « être du même sang » y fait référence en visant les critères spécifiques d'une famille et depuis 1940 on sait que chacun appartient à un groupe sanguin hérité selon les règles de la génétique.
Mieux encore l'empreinte génétique établie à partir de noyaux cellulaires permet d'affirmer ou de récuser la paternité ou la culpabilité d'un quidam mis en cause. Dans le même sens vont les apports de l'Immunologie qui trouve dans les anticorps sanguins les archives de la pathologie de l'individu. Le sang définit donc l'espèce, la famille et l'individu avec son vécu.

La troisième notion. plus floue celle-là. complète celle de Vie par celle d'Aine, principe impalpable qui quitte le corps en même temps que la Vie et serait tout ou partie supporté par le sang. Les Juifs utilisent le même mot (Ruach) pour dire souffle, Vie et esprit. Les évangiles prêtent au Christ les mots de corps et d'esprit, recoupant ce que chacun constate devant un mort : le corps est là, apparemment inchangé et pourtant sans vie. Il lui manque les analogies du feu signalées tout à l'heure : le mort est blanc et non rose ; il est froid et non chaud ; il est immobile, mieux il se raidit : l'Aine l'a quitté. Ame, feu, sang et vie sont donc bien analogiquement reliés. C'est Saül de Tarse, le Saint Paul des évangiles, qui distingua sans s'étendre d'ailleurs, Spiritus Animus et Anima : l'Esprit conscient (Psyché des Grecs), l'Esprit ou Etincelle Divine et 1 'Arne ou corps astral des Occultistes. D'autres ont préféré les termes : âme Divine, âme spirituelle et âme animale. De quelle sorte d'âme s'agit il dans la cas du sang ? Sur la première on ne peut que s'interroger, sur les seconde et troisième, point de doute : vie et esprit conscient sont inséparables et d'autre part qu'est ce que la vie « animale » sinon les instincts, les qualités et défauts du Moi. Cette dernière particularité explique que les anthropophages mangent la chair de l'ennemi pour s'approprier ses qualités et que les Juifs ne consomment pas de viande impure et soumettent les autres au rite préalable du casher.

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La quatrième donnée nous a été suggérée par la lecture du livre « La mémoire du sang » où Alexandre de Dànaan qui fait état de croyances remontant à 1' Israël ancien, mais aussi à la vieille Egypte et à la Chine ancienne soit à plusieurs millénaires avant notre ère. Les deux piliers de cette thèse sont d'abord la liaison de cette âme animale au squelette et la pérennité de la première tant que le second n'est pas complètement dissous. Le Livre d' Hénoch est le second pilier; célèbre apocryphe Gnostique il conte la Chute des anges rebelles, leur « commerce » avec les filles des hommes d'où naquirent les Titans qui enseignèrent l'agriculture, la chasse, le travail des métaux, la magie etc... ; de cette postérité subsista un lignage dans certaines familles où l'aîné se voit confier le rôle de maintenir le rang social de la famille, le cadet étant chargé du culte des Ancêtres, et en premier lieu de pratiquer le culte du numen, chef de la lignée. Pour R. Guénon dont de Dànaan est un  fervent admirateur, ce lignage issu des anges des ténèbres » serait le tissus de la contre initiation. Nous ne nous permettrons pas d'avoir d'opinion à ce sujet mais notons que, comme par hasard, la famille donnée en exemple est celle de Gastone Ventura, Grand Maître de Memphis-Misraïm Italie, Chevalier de Malte et Grand Maître du Martinisme Italien. Dans un de ses ouvrages, ce F\ relate la pérennité du rite de dulie dans sa famille depuis la plus haute antiquité Romaine.

Le sang, les os et les rites de magie. nous en savons assez maintenant pour mieux comprendre leurs motivations. Le sang et les os ( organes hématopoïétiques ) sont porteur de la Vie, expression matérielle de l'âme animale, du Moi et de l'esprit des ancêtres. Notons en passant qu'il n'y a pas que les ésotériste à lier âme et ossements. Avant nous les Juifs parlaient de « Habal a gardim », le souffle des ossements, et l'Eglise Catholique elle- même prescrit la présence de reliques osseuses de saints enchâssées dans la pierre de ses autels   L'utilisation,de ce principe peut être fruste ou au contraire fort élaborée selon la mentalité des pratiquants ( nécromancie et fabrication d'une « mumie »). Le sang offert à une entité supérieure est destinée : - tantôt à lui rendre hommage : car la Vie doit retourner au Créateur et d'autre par le sacrifice de la vie d'animaux domestiques ou de prisonniers, par son caractère d'offrande de biens, ne peut que plaire à la divinité. De là les ruisseaux de sang offerts par les anciens et celui dont on peignait les voiles et les cornes de l'arche d'Alliance qui devait se signaler de loin tant par un épais nuage de mouches que par une tenace odeur de charogne. C'était, avec les aromates, le support nécessaire à un matérialisation partielle des entités révérées.

- tantôt à se concilier ses faveurs par une sorte de troc : tels étaient les sacrifices de remerciement analogues des ex-voto contemporains et aussi les rites propitiatoires où l'offrande précédait la demande ; on employait l'un ou l'autre selon la confiance accordée à l'Entité. A noter les rites de fondation où la vie rituellement offerte, est en partie destinée à animer un « esprit familier » voué à la protection de l'ouvrage et limité à sa durée. Ce principe est toujours en vigueur dans les opérations magiques.

La Circoncision est l'exemple parfait de ces aspects symboliques. Abraham offrit à son Dieu ce qu'il avait de plus cher, l'avenir de sa « race » représenté par son fils Jacob et ce dernier accepta son sacrifice, symbolisant la soumission du Peuple élu. La substitution d'un bélier au jeune garçon fut suggérée par un « ageloï » et désormais le sacrifice du premier né sera remplacé par le sang du prépuce de l'enfant ; ainsi sont explicités les termes de l'Alliance : Dieu reçoit l'hommage du sang et en retour bénit le Peuple dans sa postérité. La rituélie ne fait que renouveler l'alliance, c'est le rite de dulie du Peuple élu. Deuxième passage Biblique éclairant le premier : avant que l'Ange exterminateur ne vienne tuer les premiers-nés d'Egypte, les Hébreux protégèrent les leurs en traçant un signe sur leur porte avec le sang de la victime immonde à cet effet. Le sens est clair : rappel du pacte d'Abraham où l'offrande sanglante préalable remplace le premier-né.

Il doit vous sembler que je me suis égaré sur des chemins de traverse et que je divague. J'espère bien que non et pour vous en convaincre, abordons ensemble l'étude du Serment d'App\.

Celui- ci se passe au pied du plateau du V\M\, le candidat posant sa main sur l'Equerre, le Compas et la règle agencés selon le Sceau du carré de Saturne; cela revient à prêter serment à l'archange Schabtiel, archange majeur de Saturne, représentant le G\A\. Sans cela, on ne comprend plus le sens de la cérémonie....

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Le candidat lit le Serment en prenant les SS\ et FF\ de la Loge à témoins et décline d'entrée son identité : « Moi, N etc. etc... ». Or l'Egypte croyait que le nom représentait l'Etre, notion reprise à son compte par la Bible qui fait nom- mer toutes les créatures par Adam ; MEMPHIS-MISRAÏM fait écho dans le libellé du Serment en condamnant le parjure éventuel à l'éternel oubli: son nom sera effacé et ne devra plus jamais être prononcé. Dont acte !

Il n'est plus étonnant désormais de voir le candidat signer de son sang ; il s'agit bien d'un pacte et la partie signataire y joint une partie d'elle même qui l'engage en tant qu'individu membre d'une lignée. Ce serait incompréhensible si le Rituel ne précisait pas que cette vie, de durée infime, n'était prolongée par sa sublimation par le feu. Et d'expliquer qu'elle est projetée dans l'invisible voire, mais ce qui vit dans l'invisible est appelé Entité ; il s'agit donc bien de la création d'une entité qui rejoint toutes celles de l'Ordre pour en constituer l'Eggrégore.

Arrêtons nous un instant et faisons le point car vous êtes en droit de douter de mon bon sens. Puis je seulement avancer une présomption de preuve à l'appui de ce que j'avance et heurte notre raison d'hommes de la fin du XXème siècle? Je produirai comme témoin à décharge notre Passé-Grand-Maître Robert Ambelain qui dans son ouvrage « La Franc-Maçonnerie d'autrefois » a publié nos rituels Maçonniques ; pour me justifier je ferai appel au chapitre consacré au Rituel dit « de la Mort Maçonnique » (p 196 à 200). Permettez moi de lire ; « Le Fr\ Terrible monte à l'O\ recevoir du Grand Maître le nom du condamné, transcrit à rebours en lettres rouges sur un triangle de papier blanc d'un empan de côté. Il le place avec la bougie allumée qu'il couche sur la Pierre Brute et écrase d'un coup de maillet. Puis il va jeter le tout dans l'urne funèbre ».... Un peu plus tard le Grand-Maître dit : « Que son nom n'existe plus ! à compter de cet instant ce nom ne sera plus jamais prononcé. ». L'entité créée par le feu lors du Serment d'Initiation est rappelée par le feu pour être détruite, maudite pour l'éternité. Son nom est frappé d'oubli ! Elle cesse d'exister ! Mais pour qu'il y ait mort, il faut bien qu'il y ait eu naissance préalable et ainsi la mort Maç... prouve la naissance de l'Entité lors du Serment d'Initiation. Croyance réelle des rédacteurs du Rituel ou manipulation encadrant la sincérité du prestataire de serment ?

Voici mes SS\ et FF\ un des sens que l'on peut donner à cette cérémonie ; certes tous ne me suivront pas sur cette voie qui comporte bien des interrogations et que refuseront la plupart, pour ne pas dire tous nos SS\ et FF\ des autres Rites. Vous êtes des Maçons libres dans une Loge libre, que chacun se détermine en son âme et conscience... mon rôle se limite à alimenter votre réflexion.

J'ai dit mes Sieurs et mes Frères.

J.C. Denis

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Publié dans le Khalam - Bulletin N° 4 - Février 2001

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