GLMFMM | Bulletin : Khalam | 03/2004 |
Vanité
et vérité Premier principe
élémentaire: il
faut que le vrai paraisse faux et le faux vrai. Corollaire: celui qui
s'engage
dans une controverse se bat non pour la vérité,
mais pour sa proposition. Les hommes, en
effet, au détriment de la réflexion, s'expriment
vite à
l'aide d'un langage truqué parce que
l'intérêt de leurs affirmations importe
plus que celui de la vérité. Il faut
nécessairement s'avérer
déloyal dans une
controverse sous peine de laisser place aux arguments souvent
efficaces de
l'adversaire. En aucun cas nous ne
devons donner raison à ce dernier, même si un
instant nous le pensons, car rien ne permet de supposer que celui-ci en
fera
autant. Qui aura raison en définitive ? Ici intervient
l'astuce; nous pourrions nommer cela l'habileté de
l'escrimeur pour qui le but est de toucher. Le principe
consiste à avoir le
dernier mot sans tenir compte de la vérité
objective. Nous remarquons tout
de suite que pareil raisonnement appliqué aux
sciences
de la nature entraînerait le triomphe de la
subjectivité et de l'empirisme que
les connaissances modernes ont démontés. En revanche, nous
serions tentés d'utiliser ces méthodes
scientifiques
afin de disséquer le fonctionnement des rapports
humains, mettre à jour les
astuces verbales dans une recherche de vérité.
Dès lors, nous acceptons le
principe de " toujours avoir raison ", car de cette escrime jaillira
la somme des " controverses éclairées ". Deuxième
principe élémentaire: il ne faut pas se
préoccuper du fait que
l'on a ou que l'on n'a pas objectivement raison. Il n'y a
ainsi aucun rapport
entre l'honneur moral qui dépend de notre conscience et
l'honneur civil qui
traduit souvent une réputation. Méthode "
socratique " par excellence dont le but est de
dissimuler ce que l'on veut faire dire à l'autre. Mettre l'adversaire
en colère en le harcelant et déceler
ainsi son
point faible. Pervertir le message en énonçant
d'une manière perverse les
données du problème. Ce
procédé consiste à suggérer
ce que l'on pense avant même de le
démontrer. C'est le type même du procès
d'intention. Rien n'est plus
aisé que de qualifier le gris de blanc ou noir si on le
place à côté du blanc ou du noir. C'est
triompher en force grâce à une preuve
qui n'en est pas une. A bout d'arguments, déclarer que " tout cela me dépasse et mon intelligence limitée ne me permet plus de comprendre ou juger ''. Stigmatiser la pensée de l'adversaire sous une appellation détestée dont nous savons qu'elle a déjà été réfutée ailleurs. " Vrai en théorie, mais faux en pratique", terrible sophisme car la règle philosophique affirme que " si la raison est juste, la conséquence qu'on en tire s'impose ". Le contraire de
cette règle signifie que la théorie est donc
fausse.
Négliger les raisons évoquées
par l'adversaire et insister sur les mobiles
divers qui le poussent à les employer: dans ce cas
récupérer l'intérêt
commun
d'une assemblée. lin exemple typique serait de
taxer d'ambition personnelle le
vis-à-vis en spéculant sur la
complicité de ceux qui se préparent à
une même
ambition. L'étude
de la dialectique nous ramène en effet aux
évolutions de la
pensée de Protagoras à Socrate, de Platon
à Aristote, de Hegel à Schopenhauer,
et bien sûr, au maître absolu Emmanuel Kant pour
lequel cette dialectique s'avère
" une prétention illusoire à produire la
connaissance par le seul moyen de
l'activité de la raison ". Restons-en
à des considérations simples, l'art de
la dispute,
l'habileté dans la discussion et surtout véhicule
de la perversité humaine
naturelle destiné à assouvir la vanité
et l'arrogance, un désir d'être toujours
le plus fort sans se soucier d'avoir raison ou non. Pourquoi ne pas nous
interroger sur le débat que nous instituons clans
nos lieux, à l'entrée comme à
l'intérieur de nos temples ? Utilisons-nous une
sorte de dialectique et celle-ci prend-elle en compte
la découverte de la vérité ? Ne
dérive-t- elle pas souvent vers une polémique
simplement entraînée par le goût de la
contradiction ? Le principe
fondamental de notre méthode spéculative n'est
point de discourir
pour avoir raison mais de découvrir un point de
réconciliation que nous
nommons le Centre de l'Union à travers notre propre
construction. Parce que cet
idéal est juste, notre travail doit
nécessairement le confirmer. En est-il ainsi ? Il suffit de
constater la fréquente dispersion de nos
volontés, le brouhaha de nos vies
profanes, la multiplicité de nos propres
stratagèmes pour se soucier de notre
consistance morale et s'interroger sur les motivations qui
président à nos
engagements. Au-delà
des axiomes prétentieux dont s'affublent nos propos
fraternels,
sans doute faudrait-il expulser les sentiments vulgaires dont la
médiocrité
entretient nos faiblesses. Le premier de ces
sentiments est la vanité. Ce désir
insensé de
paraître, d'être le plus fort, le
meilleur; comme si l'objet visé se
transportait d'un monde à l'autre. Le pouvoir ? La vie de la cité nous démontre que celui-ci repose aujourd’hui sur l'argent, l'indifférence, l'égoïsme et l'injustice. La réussite ? Réussit- une existence d'homme ne dépend pas des honneurs, des titres et des diplômes qui sont la règle de la réussite sociale. L'ambition ? Être ici
ce qu'on n'est pas ailleurs, se nourrir d'illusions au milieu
d'un système dont le principe repose sur fa
tolérance et où l'impunité sert de
viatique à l'imprudence ? Si l'adversaire est en passe de convaincre, prendre un ton personnel, passer de l'objet du débat au contradicteur lui- même. Cette règle est fort appréciée car chacun est capable de l'appliquer. Quelle parade employer ? User de la même méthode entraîne la diffamation et la méchanceté. Conserver le calme et convaincre serait un triomphe dialectique mais générerait une hostilité redoublée de l'adversaire. Aucun vaniteux ne supporte de se voir offensé. Cette "
délectation de la vanité " naît, selon
Schopenhauer;
principalement de ce que l'on se compare avec d'autres sur le plan
intellectuel. Cette comparaison a lieu dans la controverse. C'est ainsi que
naît l'attaque personnelle ( affubler un
frère ou une
sœur d'être le serviteur d'une
mystérieuse force obscure par exemple ). Rares sont ceux qui,
insensibles à cette violence lamentable,
indifférents à l'offense. continuent
d’œuvrer à la victoire de la raison. Faut-il alors,
à la suite d'Aristote, " ne pas s'engager clans une
controverse avec le premier venu mais seulement avec ceux dont on sait
qu'ils
ont assez de raison pour ne pas étaler au jour des
absurdités et le sens de la
justice pour pouvoir admettre de perdre la partie, si la
vérité est dans
l'autre camp " ? Il faut parler en
termes simples capables d'être entendus par tous, et
éviter cette arrogance du discours qui n'est qu'une
manière offerte à l'homme
de dissimuler sa pensée. La question restera encore longtemps posée et la réponse encore lus difficile à trouver. Jean-François
CHAUSSY |
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