GLMFMM Bulletin : Khalam 10/2004

Les Réalités

Pour le commun des mortels, la réalité est dans ce qu'il perçoit ou dans des faits avérés. "Je ne crois que ce que je vois", disent les Saint Thomas moder­nes.

Cette réalité-là est appelée, par les hin­dous, "Maya" : l'illusion.

En fait, il nous faut distinguer deux réali­tés : la relative et l'absolue.

Un exemple nous familiarisera mieux avec ces notions.

Nous voyons passer devant nous une voiture rouge. Nous l'avons entendu venir et s'éloigner. Le son du moteur n'a pas été le même selon qu'elle était pro­che ou éloignée de nous.

Cela est la réalité objective. C'est ce que nous avons perçu, nous pouvons en témoigner. Elle est liée à notre percep­tion.

Autre exemple : nous assistons au spectacle d'une aube magnifique. L'horizon rougeoit, le soleil apparaît. Il monte dans le ciel, prend une couleur jaune qui devient blanche au zénith. La température s'est élevée. Il décline: la température baisse peu à peu. Il rede­vient rouge, puis disparaît à l'horizon.

Ceci est encore un exemple de réalité objective. Elle peut être étendue à la réalité scientifique.

Toute aussi objective, elle étendra son investigation à des mesures, fera appel à des instruments qui suppléeront aux carences de nos sens (microscope, infrarouge, ultrasons, etc...).

Ainsi apprendrons-nous que la voiture rouge émettait un son constant, niais que la distance qui NOUS en séparait a en quelque sorte, dilué la vibration sonore qui faisait vibrer nos tympans. Comme la distance n'a cessé de varier, le son nous a semblé constamment dif­férent. C'était une réalité objective, mais pas une réalité scientifique.

Le soleil a constamment émis des rayons identiques. Sa couleur n'a pas varié, pas plus que sa chaleur. Différence entre perçu et mesuré: deux niveaux de réalité objective.

Alors, quel est donc le raisonnement du chercheur d'Absolu? Il veut aller au-delà de l'apparence, au-delà de ses sens physiques, pour toucher à la RÉALITÉ ULTIME.

Sa question est : la voiture est dite rouge. En fait, la lumière, qui contient toutes les couleurs visibles, a éclairé ce véhicule. Nos yeux reçoivent de la lumière. L' image que nous percevons n'est qu'une diapositive de l'objet, pas l'objet lui-même. Les pigments que com­porte la peinture ont absorbé tous les rayons de la lumière, à l'exception de ceux de la gamme du rouge pour les­quels ils ont fait miroir.

Ainsi voyons-nous la voiture rouge. Mais dans l'Absolu, hors de notre vue, quelle est la véritable couleur de cette voiture?

Il en est ainsi du "savoir", réalité relative, et de la "connaissance", réalité absolue. Ainsi, est-il possible d'apprendre par cœur le code de la route et le fonction­nement d'un véhicule. Cela n'en demeu­rera pas moins une connaissance théo­rique et donc relative.

Tant que l'on aura pas eu un volant entre les mains et effectué un certain nombre d'heures d'apprentissage, on ne SAURA pas conduire.

Au passage, on notera toute l'importan­ce d'être APPRENTI. Le savoir s'envole, l'Initiation reste. (J'ai quasiment tout oublié des récitations et autres poèmes appris à l'école. Mais je sais encore faire du vélo.)

Puisqu'on en est au chapitre des livres, il faut se rendre compte que faire réfé­rence aux écrits, même provenant des plus grands Maîtres, ne reste que du domaine du relatif. Rien n'assure que ces illustres personnes ne se sont pas trompées, ni qu'on les a parfaitement comprises.

La réalité absolue est dans la révé­lation intérieure, la prise de conscience. l"EUREKA" d'Archimède C'est pour cela que les gourous indiens disent un beau jour à leurs disciples : " maintenant, pose tout tes livres, même les miens ".

Un jour, un élève demanda à son; Maître : 
"Quelle est la réalité absolue de cette noix de coco?
- Arrache la gangue qui protège ce fruit et dis-moi ce que tu vois.
- La coque dure de la noix.
- Brise-là et dis-moi ce que tu vois.
- La chair blanche de sa pulpe.
-  Brise-là et dis-moi ce que tu vois.
- Il n'y a plus rien, c'est vide à l'intérieur.
- Cela est la vérité ultime et tu as tort de croire qu'il n'y a rien. Il y a l'esprit de la noix, celui qui lui a permis de se déve­lopper, d'accomplir son sadhana (devoir d'être, discipline)."

C'est dans le "rien "qu'il y a le "tout". Si la cloche était pleine, elle n'émettrait aucun son. C'est parce qu'elle est creu­se, qu'elle sonne.

Mais si personne n'est là pour l'enten­dre, si aucun tympan ne reçoit ses vibra­tions, quel son fait-elle?

Dans le même ordre d'idée, l'exemple du soleil nous apporte une révélation bien intéressante. Bien qu'il fut toujours identique à lui-même, nous l'avons perçu constamment différent. Ses effets ont varié. Provoquant la rosée à l'aube, il a séché la terre à midi. La températu­re n'a pas cessé de varier. Qu'est ce qui a provoqué ces changements? Seule rangulation, par rapport a nous a chan­gé.

Les navettes spatiales ne peuvent rentrer dans notre atmosphère que sous un certain angle, sous peine de rebondir dessus... La même lame, appliquée à la même tige de fleur, la cou­pera ou l'écrasera selon l'angle sous lequel elle l'attaque­ra. Le même paysage nous semblera bien différent selon qu'on le verra du sol ou d'un promontoi­re élevé.

Un angle n'a pas de réalité objective, mais une existence absolue, révélée par ses effets. Il est néanmoins d'une impor­tance primordiale pour la vie et sa mani­festation.

Ce faisant, nous prenons conscience du symbole du COMPAS, qui n'est pas seu­lement synonyme de mesure dans nos actions personnelles ou nos propos, mais qui s'inscrit dans une vérité plus haute, plus absolue, et notamment celle de voir toute chose sous le bon angle.

B. Clément

R\L\ ABOU SIMBEL

K014-5-1

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 14 - Juin 2004

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