GLMFMM | Bulletin : Khalam | 10/2005 |
Le
Blanc et le Noir En
pénétrant dans la loge, chaque Franc
Maçon est un pavé multicolore,
un damier aux formes changeantes, un tissu en mosaïque ou en
patchwork.
Quelques minutes plus tard, Ies différences se voilent pour
laisser apparaître
l'ordre du tapis de loge qui propose Les outils nécessaires
à un réel effort
d'orientation vers la lumière centrale. L'ordre
naît du chaos, le sacré du profane, la
vérité du mensonge... et
dans la lumière, le qualificatif perd de sa force, de son
intérêt; l'Etre est
là, simplement présent, englobant les contraires
dans une unité universelle. Le blanc et le noir.
Existe-t-il plus grand contraire, plus grande
opposition qu'entre ces deux couleurs ? Mais cette opposition apparente
n'engendre t-elle pas la plus grande des
complémentarités ? Cette opposition
classique qui s'organise systématiquement en couple -
jour et nuit, bas et haut, homme et femme - débouchera
obligatoirement sur le:
changement, sur les limites et sur la vie. Le blanc n'est pas
une couleur,..nous dit-on, il est la somme de toutes
les couleurs. Comme le blanc, le noir n'est pas une couleur non plus:
il est
l'absence de couleur. Le Tout et le Rien, le Tout en tout,
voilà
vraisemblablement d'où ces deux non couleurs tirent leur
symbolisme. Le noir et le blanc,
pris séparément ou associés,
évoquent une notion de
passage. Après 9
mois de nuit dans le ventre de la mère vient le blanc de la
naissance. Associés
- blanc et noir dans le cabinet de réflexion ainsi que lors
de
l'initiation - ils symbolisent le passage de la vie à la
mort du profane et de
la mort à la vie de l'initié. Le cabinet de
réflexion, lieu clos, sombre et peint en noir, symbolise
une descente intérieure au centre de la terre, une
invitation à la mort avant
de renaître; c'est le passage d'un cycle à l'autre
s'accomplissant dans
l'obscurité. La jeune
mariée, tout de blanc vêtue, enterre un statut
pour en épouser
un autre, mais, son compagnon qui vit au même moment la
même transmutation, le
même rituel, sera lui vêtu de noir. Ces quelques exemples nous montrent bien le symbolisme du blanc qui englobe, tout à la fois, début et fin. Il est synonyme de présence et d'absence, mais, à l'inverse du noir, lorsqu'il est couleur du deuil, de la mort, il indique une absence destinée à être comblée : c'est le deuil des Rois et des Dieux qui vont obligatoirement - renaître. Dans tous ces exemples sur le symbolisme du blanc, il existe l'espoir, le bonheur, la joie, la pureté, mars aussi et toujours la notion d'épreuve. L'épreuve, qui attend l'enfant qui vient de naître, ou celle qui attend la jeune mariée quittant le cocon familial pour devenir femme et future mère. L'épreuve que rencontre le pèlerin sur- sa route et bien sûr celle de l'initié qui entame son chemin spirituel. Je voudrais conclure cette première partie traitant du blanc par un conte d'enfants, « Blanche Neige »: Blanche neige incarne pour l'enfant la pureté absolue. Le déroulement du conte avec ses aventures et ses épreuves montre la période où le candidat doit fournir des efforts, acquérir une conscience ainsi qu'une valeur personnelle. Il devra pour vaincre, persévérer et souffrir. Si le conte ne dit pas pour quelles raisons le Simplet est stupide, c'est qu'au fond, il ne l'est pas mais attend seulement une maturité qui révèlera sa véritable nature. C'est le MOI
dépouillé de toutes ses certitudes, opinions,
préjugés. Il
présage les ténèbres, le
désert et le vide oit l'âme devra
séjourner
avant d'atteindre la Lumière : la fin du récit
évoque le royaume du bonheur. Le noir pris
séparément est plus fréquemment
associé à une fin sans
espoir. Tout en étant la contre couleur du blanc, le noir
est pourtant son égal
en valeur absolue. Comme lui, il se situe aux deux
extrémités des couleurs
chaudes et des couleurs froides. Ce n'est pas qu'une question de
limite. C'est
la même opposition qu'entre le zéro et l'infini,
l'infini pris dans son sens de
somme et non de limite, bien entendu. En Egypte, la
colombe noire était le symbole de la femme qui restera
veuve jusqu'à sa mort. Le noir des
ténèbres évoque le mal, la peur,
l'errance
de celui- qui n'est pas encore en marche sur le chemin de la
vérité, sur le
chemin de lumière. Il rappelle les profondeurs abyssales des
gouffres
océaniques. Ne dit-on pas « une mer sans fond, par
une nuit sans lune ». Le noir est donc
évocateur du néant et du chaos. Il est
à lui tout seul
l'obscurité des origines. Il est l'idée du mal,
c'est-à-dire tout ce qui
contrarie 'évolution du Plan Divin. Il est la nuit et les
ténèbres. Et
pourtant, malgré toutes ces évocations, il
contient en lui une notion Positive. Ne dit-on pas
fréquemment que « la nuit porte conseil
». La nuit
contient la promesse de l'aurore comme l'hiver celle du printemps.
Malgré
l'angoisse provoquée par les ténèbres,
les grecs qualifiaient la nuit de « mère
de bon conseil ». Si le noir
possède incontestablement un aspect d'obscurité
et
d'impureté, il est inversement la manifestation, comme le
blanc, de la
virginité. En ce sens se rattache le symbolisme des vierges
noires. Ce noir qui
nous effraie tous n'est-il pas aussi le ventre de la terre,
là où s'opère la
régénération du monde ? Dans l'Egypte
ancienne, le noir était le symbole de la
fécondité, la
couleur de la terre fertile et des nuages gonflés de pluie. Alors, en mettant
noir sur blanc ces quelques réflexions sur mon travail
de ce soir, j'ai peu à peu pris conscience que si le blanc
et le noir ont, de
façon évidente, des oppositions fondamentales
entre eux, il existe les mêmes
oppositions fondamentales à l'intérieur de
chacune de ces non couleurs. Je
m'étais promise de ne pas traiter mon travail sur le
thème du pavé
mosaïque que nous avons déjà
abordé, mais l'ensemble de ma réflexion me
ramène
de force vers lui. Je l'évoquerai donc dans nia conclusion. Une
première question forte me taraude l'esprit depuis que j'ai
entamé
ma réflexion sur le noir et le blanc. Ce pavé
mosaïque que j'observe avec
beaucoup d'attention lors de chacune de nos tenues car il est source du
symbolisme maçonnique: est-il blanc sur fond noir ou noir
sur fond blanc ?
C'est un assemblage parfait en régularité et en
alternance. Il donne une image
unique, composée de cases noires et de cases blanches
alternées, et de lignes
jointives ni blanches ni noires qui apportent la cohésion
aux carreaux de
couleurs opposées. C'est ce chemin que le franc
maçon choisira, où if n'y a pas
de lutte entre les extrêmes, mais au contraire
maîtrise et apprivoisement. Hermès
voyant le chaos créé par la lutte de deux
serpents, l'un blanc et
l'autre noir, planta entre eux sa baguette. Les deux serpents
s'enroulèrent sur
la baguette et l'ordre s'installa. Mais cet ordre n'en demeure pas
moins
constitué d'un serpent noir et d'un serpent blanc, toujours
opposés, contradictoires,
et prêts à reprendre la lutte si l'on ne sait pas
voir leur place respective.
Devenir médecin de la réalité
chaotique consiste à reconnaître la place de
chaque opposé sans les faire s'affronter. J'ai dit,
Vénérable Maître |
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