GLMFMM | Bulletin : Khalam | 10/2007 |
La sagesse des
tarots
L'arcane XXI : le Monde Avec «Le
Monde» nous sommes confrontés
à l'une des conjectures les plus curieuses qui
soit en matière d'occultisme et
d'ésotérisme. Certains adeptes, et non des
moindre, du Livre de Thot en particulier le
mystérieux groupe de martinistes et
de rosicruciens qui rayonna à Saint-Pétersbourg
jusqu'à la révolution de 1917
et dont les travaux sont parvenus à certains d'entre nous
par bribes orales ont
« replacé » cette lame majeure,
affectée du numéro 21 dans le Tarot
originel,
au bout de la chaîne des Arcanes, à la
22ème place, pour des raisons selon moi
assez discutables car liées à
l'hypothétique correspondance entre Les Lames
Majeures et les lettres de l'alphabet hébreux,
laquelle correspondance n'a
jamais été dans l'intention des inventeurs des
images sacrées de la Rota
imagée. J'aurais pu néanmoins souscrire
à ce rétablissement d'ordre en
interposant, à la vingt et unième place,
«Le Mat ou Fou», entre «Le
Jugement»
et «Le Monde», pour un tout autre motif
tiré de la nature synthétique des
enseignements du Mat et du Monde, mais assurément pas pour
des raisons de
nature kabbalistique admises par les cercles occultistes du XIX
ème car je n'ai
jamais adhéré à ces
assimilations en tous genres, d'ailleurs apparues
tardivement dans l'histoire du Tarot, qui ne correspondent ni
à son histoire ni
à son contenu et parce que ce livre universel n'a
jamais été assimilable à un
quelconque système religieux ou philosophique
puisqu'il les comprend tous en
même temps, puisqu'il englobe à lui seul
l'ensemble des Sciences Sacrées. Mais
placer «Le Monde» en dernière place du
Grand Livre, y compris derrière «Le
Mat», ne me paraît pas juste parce que si avec lui
nous sommes en présence
d'une synthèse parfaite des principes cosmogoniques et
ontologiques portés par
les vingt lames qui le précèdent, il
représente le «terrain de jeu» du
« Mat»
auquel il va appartenir d'emprunter l'ensemble du chemin
tracé par les vingt
Arcane Majeurs qui précèdent «Le
Monde» parachevant lui-même le chemin. Je ne
pense donc pas qu'il faille souscrire à la modification
d'ordre des Lames du
Tarot suggérée par les occultistes
précités qui, malgré leur grande
connaissance de la science d'Hermès, ont à ce
propos confondu le Chemin et le
Pèlerin, l'initiation et l'initié. Les vingt deux
Arcanes Majeurs, en leur
représentation et ordre donnés par leurs
géniaux et inconnus créateurs,
constituent un ensemble cohérent et indissociable
d'exercices spirituels destiné,
chacun, à révéler individuellement les
clefs du mystère de la Création issue de
la Pensée Divine originelle dont rien ne justifie une
modification de leur ordonnancement. Si l'on
considère que les 22 Arcanes Majeurs du Tarot constituent le
support académique
universel de toute la Connaissance mise à la disposition de
l'Initié
authentique, qu'ils remplissent le rôle d'un programme
d'enseignement général
des sciences occultes enfin as- semblées de
manière cohérente (c'est à dire de
la Connaissance cryptée dans la Cabbale, l'Astrologie,
l'Alchimie et la Magie
Sacrée, rendue accessible par la méditation et
l'intuition), «Le Monde» a pour
vertu de rendre cohérent ce qui lui
précède ; étant
précisé (autre piste de
recherche pour les hermétistes sincères et
persévérants) que les cinquante six
arcanes mineurs du Tarot ne sont que le développement,
qu'une application
détaillée, de cette vingt et unième
Lame du Grand Livre de la Nature et de la
vie, lequel s'adresse dans son ensemble, à la fois
à la conscience qui s'exerce
dans le plan de l'action et de l'actualité et à
la conscience en ses différents
plans et qui a pour vocation, in fine, de replacer le chercheur au
niveau de
l'Emanation et de la Réalité. Dans un tel
contexte, et compte tenu de ce que «Le Monde» peut
à Lui seul susciter un
ouvrage interminable, seules quelques pistes de réflexion et
de méditation
peuvent être données ici quant à cette
Lame dont la signification profonde,
méta-physique, apparaîtra individuellement
à chaque adepte respectueux du Livre
en cours de voyage. Tout d'abord,
et comme par «hasard», La Lame que constitue
«Le Monde» comporte comme symbole
essentiel une femme, ou plus exactement une danseuse
sacrée tenant la baguette
magique en main gauche et un philtre d'enchantement en main droite,
baguette
qu'elle tient verticalement, dans le geste de l'art sacré
imitant le mode
opératoire de L'Esprit Divin, lequel symbolise le pouvoir
créateur agissant en
bas sur le modèle de ce qui est en haut. Le Philtre,
opposé de la baguette de
l'oeuvre divine réelle, est à l'origine des
illusions créées de toutes pièces
par la pensée de l'homme, lesquelles sont très
déstabilisantes voire
destructrices par les désillusions qu'elles suscitent une
fois les mirages du
plaisir immédiat dissipés. Cette danseuse
sacrée s'inscrit dans une guirlande
tricolore circulaire représentant le mouvement immanent de
la croissance
évolutive qui anime de manière
perpétuelle le monde en marche. Cette guirlande
délimite en outre le champ de la manifestation
où
vont s'exprimer, sous forme
de l'élan vital, les quatre éléments
à l'origine des phénomènes de
la vie et
qui sont représentés dans les angles de
la lame par les quatre figures du
quaternaire cosmogonique du Taureau, de l'Aigle, du Lion et de
l'Ange. Les
quatre figures (rendues à leur véritable usage
par Ezéchiel dans ses prophéties
et Saint Jean dans son Apocalypse), représentent les quatre
éléments
constitutifs du mouvement instinctif primordial et qui ne sont ni des
substances chimiques à manipuler inlassablement pour y
trouver quelque or
métallique, mais bien les différentes sortes de
mouvement inhérentes à toute
substance du monde en marche. Au dessus du
monde, le notre, c'est à dire le globe terrestre,
danse une femme entièrement
nue (est-ce une coïncidences, la déesse
sumérienne de l'amour et de la guerre
Ishtar était représentée nue
sur les stèles de l'empire assyrien), sans fard
ni accessoires dissimulateurs, ce qui permet à la
vérité de se manifester sans
réserve en l'absence du voile des apparences pour
révéler la véritable essence
des choses. Avant que ne se lève le voile des mensonges, des
erreurs et des
préjugés», la sphère des
mirages n'est pas épargnée aux
ésotéristes, gnostiques
et mystiques à La recherche de l'expérience
spirituelle authentique qui se
trouvent toujours à un moment ou à un autre
confrontés à ce redoutable piège
car, pour accéder à ia sphère de
l'Esprit Saint et des hiérarchies
célestes,
il faut traverser pour s'en libérer la sphère du
faux esprit de la conscience
de soi qui inonde l'âme en un flot d'énergie
psychique temporaire prêt à
fournir des visions intellectuelles aussi éblouissantes
qu'inutiles. Sombrer
dans l'illusion de cette sphère des mirages produit
les faux prophètes et les
vrais usurpateurs de l'Art Royal abordé par
mégarde et utilisé par défaut par
des êtres qui peuvent manifester un esprit brillant et
indépendant mais qui
sont devenus les spectateurs de leurs propres
révélations personnelles qu'ils
confondent avec les véritables
révélations d'en haut. Une fois que
l'égaré est
pris dans leurs mailles les mirages peuvent se dissiper qu'à
un prix
considérable eu égard à l'ampleur de
l'effort nécessaire et c'est ce qui
justifie que ce piège et danger de la sphère du
mirage est à l'origine du voile
du secret derrière lequel se protège
l'ésotérisme authentique et l'intuition
de l'amour divin car le chemin de l'expérience spirituelle
comporte
nécessairement cet affrontement avec les mirages de
l'illusion non dissipée et
redevenue reine : Ce que les cherchants de tous les temps ont
appelé
«l'illumination séduisante». Toute cette
allégorie nous enseigne que le véritable
esprit mystique cherche la vérité en
elle-même et non pas la satisfaction de la
vérité découverte. Notre « Dame du Monde
» nous indique en résumé sur cette
partie
de son enseignement que l'ésotérisme,
l'hermétisme, l'occultisme, le
mysticisme, nécessitent l'intelligence et la foi,
la science et la spiritualité,
pour se protéger de la sphère des illusions. La sphère
des
mirages intellectuels est la plus redoutable qui soit sur le
chemin car en son
sein vérités et mensonges sont inextricablement
mêlés de telle sorte que le
faux s'appuie sur le vrai et que les idées ainsi
altérées revêtent souvent une
illusoire splendeur propre à griser l'âme. Notre femme,
centre du Monde, danse c'est à dire qu'elle nous
suggère une conception du
monde évoluant selon le rythme céleste
symbolisé par le mouvement incessant de
la psyché féminine résultant des
quatre instincts primordiaux ; cette danse
sacrée évoque également
l'idée que le monde est une oeuvre d'art divine
résultant
de la transformation du chaos primordial en cosmos
organisé de manière
harmonieuse. Nous sommes là encore en présence
d'une analogie nous mettant en
concordance avec l'art magique ou Divin accessible aux hommes
au moyen de
l'Art Royal) selon lequel l'acte préalablement
pensé transforme l'Idéal, c'est
à dire ce qui existe tant dans la Pensée Divine
originelle dans l'Esprit Divin
incarné en l'homme) en réalité
vivante. Nous retrouvons ici la philosophie
platonicienne et néoplatonicienne, reprise par
Schopenhauer et Theillard de
Chardin, selon laquelle l'Homme, archétype de la nature en
évolution,
préexiste par l'Idéal qui a produit
ensuite la multitude des hommes. C'est
ainsi que les génies intuitifs créateurs
du Tarot, au même titre d'ailleurs
que ceux qui ont écrit l'histoire de la pensée
égyptienne au moyen des hiéroglyphes
primitifs, ont exprimé les lois sur-naturelles en des images
lisibles au delà
des alphabets et des langages, images ayant aussi pour effet
de créer dans
l'âme des lecteurs des reflets du mystère
du Grand OEuvre, Bien entendu, ces
langages universels destinés à l'esprit
ne sont pas accessibles à la pensée
uniquement matérialiste ou rationnelle dont la
réflexion s'arrête dans le vestibule
de l'intelligence et pour laquelle la beauté se rigidifie en
principes moraux
et en lois humaines selon lesquelles le beau n'est qu'un devoir de pure
satisfaction
personnelle. Depuis l'extraordinaire étude d'Aby
Warburg sur les danses rituelliques
des indiens Hopis nous savons que les danses sacrées venues
du fond des âges
relèvent de processus magiques complexes et
cohérents destinés à inscrire
l'existence humaine dans l'ordonnancement du Grand Tout cosmique. Ces
pratiques
favorisent les situations de transition, d'intercession, entre les deux
mondes
terrestre et céleste par métamorphose
mimétique du danseur qui peut ainsi se
connecter par l'acte magique aux forces surnaturelles et commander
à la Nature
par la transformation magique de sa personnalité.
Par cette empathie magique
et sacrée le danseur se «glisse» dans la
Divinité pour s'approprier une partie
de sa force et de sa science. C'est le même
processus (la même technique) qui
est ici mis en oeuvre par le personnage central de la Lame
examinée. Le XXIème
Arcane porte donc l'idée que le monde et sa
création doivent être
appréhendés
artistiquement plutôt qu'intellectuellement puisqu'ils sont
avant tout rythme
dans le mouvement perpétuel, que le monde est une
oeuvre d'art divine
accessible par l'acquisition de la véritable
harmonie au sein du Tout et qu'il
n'est pas le résultat d'un système de lois
entretenant l'illusion trompeuse
qu'il suffirait de respecter quelques décrets
prédéterminés ou quelques vertus
bien pesantes pour accéder à la
compréhension de ce qui nous est offert à
vivre. Notre danseuse sacrée nous indique que l'Esprit
artistique qui domine
la création est joie et accord des rythmes, ce que Salomon
traduit dans le
livre des proverbes (repris par Nietzsche
«l'incroyant» en son oeuvre) par la
Sagesse joyeuse et la science joyeuse qui
présidèrent à la création
du premier
atome de poussière « lorsqu'il traça un
cercle à la surface de l'abîme ». Pour
se mettre en accord avec Lui les hommes doivent retrouver ce
rythme harmonieux
propre à la création et pour cela ils doivent
réapprendre à «jouer en
sagesse
sur le globe de la terre»: ce que nous montre notre danseuse
du Monde. Ce sont donc
les lois de l'esthétique qui président
à la création du monde, mais l'art qui s'y
exprime n'est pas que le résultat du jeu
d'imagination des artistes car
ceux-ci, comme les ésotéristes, doivent soumettre
leurs oeuvres à l'épreuve du
temps afin de les dépouiller des leurres inutiles car l'art
véritable est beau
parce qu'il est vrai ; c'est ce qui fait la distinction entre l'art
sacré et
l'art profane comme il en existe une entre la magie sacrée
et la sorcellerie.
Un artiste véritable est celui qui a la capacité
d'exprimer sensoriellement ce
qu'il perçoit intérieurement par
intuition, a la capacité de rendre visible la
face cachée des choses et pour cela il doit laisser son
imagination être guidée
par la conscience intérieure elle-même
animée par l'esprit divin en action en
chaque être. L'art est sacré lorsque
l'artiste imite la manière dont opère
l'Esprit Divin dans la création ce qui exclu
toute forme de lien avec une
quelconque religion ou académie humaine. L'Arcane
« Le Monde» nous transmet donc un
enseignement d'une grande portée
pratique. Il nous indique tout d'abord que la joie, l'accord
des rythmes, est
à la source de la création mais il
avertit en même temps des dangers des
illusions de la spiritualité dévoyée
à des fins personnelles par facilité et
ambition ; il nous indique que la vérité est
voilée parce qu'elle doit être
protégée des leurres de la sphère des
mirages ce qui nécessite un effort
constant pour y accéder par
l'élévation verticale. Pour cela il faut manier
verticalement
la baguette de la danseuse sacrée c'est à dire
qu'il faut apprendre à se mettre
en contact direct, vertical, avec la sphère de l'Esprit
Saint. Il nous dit
aussi que la sagesse qui résulte de la
vérité rendue accessible par la
compréhension
de la création est celle de l'élan
créateur d'un artiste et non pas l’œuvre
d'un ingénieur technicien ; que la
révélation authentique est le plus souvent
le fruit d'un chuchotement intérieur à peine
audible et qu'elle ne s'impose
jamais par la force mais se vit comme une évidence
jusqu'alors seulement
dissimulée. Ce qui nécessite pour tout
ésotériste d'apprendre d'abord à
être
dans le silence et le labeur pour se rendre capable de percevoir ce qui
se
passe dans le murmure de l'univers et la profondeur de l'âme
où se révèle la
vérité spirituelle. tout cela est
résumé dans notre vingt et
unième image sacrée
par la baguette tenue dans une 'nain par opposition au filtre tenu par
l'autre
et qui est la source de l'ivresse bruyante des illusions-mirages tenues
pour
des révélations. Pour terminer,
le mouvement perpétuel symbolisé ici,
signifié par la guirlande et la danse du
personnage principal de l'Arcane, est le reflet de la croissance
immanente, de
l'instinct primordial dont les quatre aspects sont
représentés par le taureau,
l'aigle, le lion et l'ange, posés aux quatre coins de la
Laine, qui ne
représentent ni les substances chimiques de l'oeuvre
opérative ni les quatre
états de la matière mais les
différentes sortes de mouvement immanent animant
toute substance composant la vie ; ce sont les quatre points cardinaux
du
monde, les quatre étoiles bornes du zodiaque, la
représentation figurative du
Tétragramme Divin qui n'est que le
périmètre, la circonférence commune
(unique).à tout, ce qui se meut, à tout ce qui
est mû. Ces quatre personnages
significatifs du mouvement perpétuel de la
matière et de la création placés
dans les angles de la Lame avec la danseuse sacrée au centre
de la guirlande
sont une représentation magistrale (du
magistère) des enseignements d'Hermès
Trismégiste (le trois fois mage): «Divise ta
pierre en quatre éléments (les
quatre éléments de la Prima Materia) ...
réunis les en unité dans la Quinta
Essentia (ou éther des anciens) et tu auras le
magistère entier». Ces quatre«personnifications» nous enseignent que le Principe de
vie se trouve déposé
dans le quaternaire du Tétragrammaton ou
Tétragramme Divin qui est le
symbole parfait de l'alliance originelle avec la source de tout et qui
ne se
prononce pas mais s'absorbe de l'intérieur car Dieu n'est
pas quelqu'un ou
quelque chose mais il est expérience, relation
intime et individuelle. Eu égard
à ce
qui précède, rencontrer en chemin la
«Daine du Monde», vingt et unième Arcane
Majeur, est assurément le second plus bel
événnement que puisse espérer
l'adepte du Livre de Thot parce que cela signifie pour lui qu'il se
trouve
désormais à la conjonction parfaite de
la Création Divine artistique tout en
ayant échappé à la sphère
des mirages et à son corollaire : l'enfer des
illusions ;
l'apparition de cet Arcane
signifie donc pour le «joueur
sacré» que la méthode pour aboutir
à la consécration
de ses entreprises en ce monde est appréhendée de
manière correcte et qu'il ne
reste plus qu'à la mettre en oeuvre. Patrick-Gilbert FRANCOZ Maçon de la Vieille Egypte |
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