GLMFMM | Bulletin : Khalam | 02/2008 |
Editorial
Redresser la flèche Ecrasé
par sa temporalité,
l'homme n'est conscient que de la seule horizontalité de la
flèche du devenir
humain. Pour l'initié au contraire, le devenir humain ne
prend sa signification
que dans la mesure où la flèche redresse sa
trajectoire vers la voûte étoilée. «Le seul
véritable voyage n'est pas d'aller vers d'autres paysages
mais
d'avoir d'autres yeux» disait M. Proust dans sa recherche du
temps perdu. Ces
autres yeux sont ceux de l'initié qui perçoit que
la seule intellectualité est
fermée sur elle-même alors que la conscience
initiatique est au contraire une
Co-naissance au monde et à soi- même. Il ne pourra
refuser dès lors que le sens
habite la nature, que celle-ci est un agrégat de
phénomènes dont l'esprit
humain est capable de déterminer certaines lois et
combinaisons. Pour
méditer cette apparente contradiction, le Rite Ancien et
Primitif
de Memphis-Misraïm invite l'initié à se
saisir du « fil » de sa destinée qui
passe d'abord par la conscience de son unité, de sa
spécificité, de sa liberté.
Puis il accèdera progressivement à
l'évidence de son insuffisance d'être,
à une
carence qui appelle, en compensation, un complément. La
Maçonnerie du Rite offre à tout homme et toute
femme de bonne volonté
la construction et l'accès à cette
complétude en l'invitant à voyager à
travers
les réalités ultimes que nous ont
légués les rameaux hermétiques,
gnostiques et
ésotériques de la Tradition initiatique. Il s'agit d'une
tâche individuelle que chacun accomplit en soi. La voie initiatique
amène à acquérir un autre regard,
celui ouvert sur
l'espace du dedans; pour autant, la claire lumière de la
raison n'est pas à
rejeter, niais elle ne peut à elle seule
révéler la totalité du sens des
phénomènes qui nous entourent; son explication de
la nature n'est qu'un
ensemble des reflets d'un être qui se dérobe
derrière les apparences. Enfin, la
seule raison ne peut répondre par ses propres moyens
à la question fondamentale
posée par Leibniz de savoir pourquoi il y a quelque chose
plutôt que rien. Utiliser la
pensée pour aller de la dualité à
l'unité, c'est courir sur
place. À travers
la lente conquête de sa véritable nature,
l'initié mûrira
lentement la conviction qu'il n'est pas le débris pantelant
exposé sur l'étal
sanglant d'une histoire sans fin prolongée vers un but sans
cesse repoussé.
L'univers en effet se propose à lui à la fois
dans une expansion infinie mais
aussi dans la courbure de l'espace temps se refermant sur
lui-même. L'initié se
pénétrera de cet inconcevable positionnement: se
situer à la fois dans
l'éternel retour du temps sacré et dans
l'éternel futur de sa propre
progression spirituelle et celle de l'humanité. La
nécessité de marcher dans sa propre voie n'est
pas facile à admettre;
laissés à nos seules forces, il faut
déceler le fugace, le contradictoire, le
relatif: épreuve redoutable. Il est si agréable
de se réfugier dans des
certitudes rassurantes, accueillantes et ... endormantes. Aucun instructeur,
aucun prophète si grand soit-il ne peut nous aider si
nous ne nous aidons pas nous-mêmes. Les enseignements
les plus élevés et les plus sublimes sont certes
utiles pour créer une arrière plan mental propice
à l'évolution de la
conscience; l'exemple des autres peut certes nous instruire, mais le
saut est à
faire sans aide extérieure en se fiant à ses
propres ailes dûment déployées. Ce que
réclame la vie spirituelle, et il en va de même
dans la vie
matérielle car les mêmes lois les
régissent, c'est le courage d'aller de
l'avant, de s'engendrer soi-même. Les directives finiront par
venir du dedans
parce que c'est la vie elle-même qui est !e plus grand
instructeur. Alors que
« les dieux se disputent la clientèle humaine et
l'humanité ne
cesse d'en mourir », l'homme n'a d'autres choix que s'initier
lui-même, dans un processus qui enseigne et
renseigne sur soi sans avoir besoin d'autres maîtres que soi. En ce sens, on peut
dire que la Franc- Maçonnerie n'est ni ancienne ni
moderne puisqu'elle est intemporelle. Les idéologies
passent, la spiritualité
demeure. En cette
période de vœux pour une heureuse
année, il n'est pas inutile
d'observer que le nouvel an n'est pas seulement une date exprimant un
« début »
fêté dans l'échange et la joie avec nos
amis, nos proches, nos Frères et Sœurs. Nul n'est
abusé par cette expression qui laisserait entendre que c'est
le temps qui marque le changement. C'est bien
l'attitude intérieure qui témoigne du changement
dans cette
capacité à nous libérer (lu
passé que nous laissons derrière afin
d'être
capable d'entrer dans l'avenir, ce qui suppose en définitive
un changement
perpétuel de nous-mêmes. Alors, à
nos flèches ! Sabine DOUMENS Président
du Souverain Sanctuaire Mixte |
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