GLMFMM Bulletin : Khalam 10/2008

Osiris s’élance à nouveau...


Comme fondement à toute civilisation, on trouve toujours sous forme poétique, allégorique, récits de bataille ou autres, un mythe dit des origines, censé relier d’un point de vue cosmique et religieux la cité et son peuple à une divinité. On parle sou­vent de mythe fondateur. Il représente un schéma intellectuel à la fois initiateur et guide culturel des sociétés qui s’y réfè­rent. Le mythe est ce qui unit les hommes dans un destin commun, dans une vision commune du Monde.

HIRAM, dont l’étymologie procède de Hir, qui signifie ville, et de Ram qui a le sens d’élévation, roi de la ville élevée, était architecte en chef de la construction du temps de Salomon. En Franc-maçon­nerie, le mythe de la mort d’Hiram consti­tue à la fois la cérémonie d’élévation au grade de maître, mais aussi le départ de la recherche de la parole perdue. Autrement dit, la mort rituelle d’Hiram provoque la dissolution au sein de la terre de l’initié suprême, homme cosmique par excel­lence. Aux sources de la légende d’Hiram, on retrouve dans le compagnonnage le meurtre de Maître Jacques par les disci­ples de Soubise, et plus loin encore , en Égypte, la mort d’Osiris tué par son frère Seth.

1 - À QUOI CORRESPOND LA MORT D’HIRAM ?
Le mythe d’Hiram ou d’Osiris est une très ancienne métaphysique : le but ter­restre de l‘Homme est de jouer un rôle au plan cosmique. Et pour cela, il lui faut développer sa conscience jusqu’à la per­fection pour la mettre définitivement en harmonie avec la Nature.

Les trois coups portés à Maître Hiram sur la gorge, la nuque et le front sont des­tinés à mettre en inconscience les plans physique, psychique et mental, de sorte que dans cette inconscience ou dissolu­tion naisse une vie nouvelle en esprit.
Hiram, alors mort, est enseveli sous terre et personne ne sait où il se trouve. C’est pendant ce sas ténébreux de retrait de soi que le défunt voyage sous terre dans les ténèbres. Ce parcours souterrain est accompli autant de fois que néces­saire tant que l’âme n’est pas jugée suffi­samment affinée pour suivre son aventure de transformation. Il va falloir abandonner son état, c’est-à-dire mourir à son état antérieur : les petites morts sont néces­saires au principe de vie.

En fait, notre Tradition (héritées des traditions primor­diales) propose allégoriquement à l’initié d’expérimenter de son vivant et en pleine conscience « la mort ». En hermétisme, l’âme (associée à l’eau) est susceptible d’emprunter trois états : la Terre (le corps), la vie ordinaire, l’Air quand l’âme après le décès flotte dans le cône d’ombre de la Terre, donc non exposée au Soleil : période de latence, en isolement complet même psychique, et enfin le Feu quand la Lune (lumière d’Osiris), réflexion de celle de Ra, balaye les âmes vers la lumière du Soleil. La mort d’Osiris montre que la mort est dissolution alors que la vie est associa­tion. Elle montre aussi que le principe de vie se déploie en plusieurs étapes et prend plusieurs «formes» ou « états ».

Osiris est ensuite démembré et ses membres éparpillés. À l’instar de l’alcool qui subit plusieurs « distillations » avant de devenir presque pur, Osiris subit l’épreuve de la séparation. Les alchimistes du Moyen Âge appelaient ce processus « séparer le subtil de l’épais ». On retrouve cette théorie dans la relativité d’Einstein. La matière brute fissionne, se démembre et libère l’énergie subtile radioactive pro­ductrice de chaleur ou d’électricité néces­saire et vitale à toute activité humaine. De même, il appartient au maître maçon de « rassembler ce qui est épars » afin de recréer, après un passage par la mort, une vie nouvelle, une renaissance à la lumière.

Cependant, le cadavre d’Hiram, tout comme celui d’Osiris, ne répond plus à l’appel de la vitalité. Son ancienne vie ne le fera pas revivre. Il a besoin à présent d’un nouveau souffle, d’une régénération.

2 - QUEL EST LE PRINCIPE DE RÉGÉNÉRATION QUI VA PERMETTRE À OSIRIS-HIRAM DE S’ÉLANCER À NOUVEAU ?
Isis est la grande déesse d’Égypte, elle figure la femme, l’être généreux, puis­sant et doux, par qui l’espèce intelligente se continue dans ce monde. Elle symbo­lise la Nature, la génératrice des choses, la grand-mère universelle, la source de vie, la matière et le mouvement.

Isis sera l’actrice du travail de retour à l’unité, elle rassemblera ce qui est épars (les membres d’Osiris). Son objectif est de renverser la tendance à la dispersion, d’al­ler vers l’Unique, le Tout.

Dans les rites solaires des écoles de mystères, le Dieu (Osiris-Tammuz-Dionysos­Attis) est inévitablement associé à une compagne qui tient le rôle essentiel dans la dramaturge de résurrection.

Isis, qui était une divinité « multiple » maîtrisant la magie et la guérison et qui était associée à la Lune et à la mer, est parfois représentée aux côtés de sa sœur Nephtys (qui joue également un rôle important) et derrière Osiris en soufflant sur la tête de celui-ci en symbole de réno­vation et de force. Isis possède l’esprit saint qu’elle transmet par le souffle à Osiris qui, avant cette transmission, ne l’avait pas. Il y a d’abord remembrement (travail sur soi) et ensuite transmission. «Aide toi et le ciel t’aidera ».

Tout comme Osiris, Hiram ne peut se relever seul. « Sa chair a quitté les os », tout l’existentiel, tout l’aspect égotique de l’individu n’est plus là, reste présent l’Être, notre vrai maître intérieur entre Ciel et Terre, celui que nous avons perdu et qu’il nous faut retrouver.

La force, la régénération, le nouveau souffle dont Hiram a besoin pour renaître sur un autre plan lui seront transmis par les cinq points de la maîtrise. Ces cinq points, nous dit le 1er surveillant dans notre rituel, sont à mettre en rapport avec Anubis : le conducteur des morts de la Vieille Égypte, celui qui menait les âmes au Souverain Tribunal du Dieu Ineffable. Anubis est le gardien de la nécropole et le protecteur de la tombe contre les forces du chaos, il est aussi le guide qui conduit le défunt à travers le royaume des morts jusqu’à la salle des deux Maât, le présente au tribunal divin et veille au bon déroule­ment de la pesée du cœur.

Lorsque Hiram se relève, il a besoin d’être protégé et guidé. Osiris, lui, se redresse grâce à l’intervention magique d’Isis qui l’avait pleuré dans tout le pays. Les lamentations d’Isis permettent la résurrection. Le pharaon mort devient Seigneur des Cieux et Maître des Enfers par l’intervention magique d’Isis. Comme l’affirment les écrits égyptiens, Isis est la « Créatrice » et c’est elle qui est le rédemp­teur originel et non Osiris. Elle possède (comme d’autres femmes dans d’autres cosmogonies) le pouvoir d’engendrer par elle-même, sans intervention masculine puisqu’il parvient à concevoir, un enfant: Horus.

Le Soleil ressuscité, voilà Horus ! Tant qu’il est demeuré dans les bras de la nuit, il s’appelait Osiris, le soleil nocturne, fils de Geb, c’est-à-dire de la Terre enveloppée dans les ténèbres. Il éclairait la demeure des morts. Le dieu ressuscité comme Hiram, le soleil couchant se lève alors dans les lueurs frémissantes de l’aube et l’enfant succède au vieillard disparu.

« OSIRIS S’ÉLANCE À NOUVEAU »
Hiram, maître architecte, nous apprend à découvrir la science des états d’être dans le temple intérieur, il apprend à goû­ter les saveurs du contact de l’être avec la Source Ultime. Il nous montre la nécessité de se tourner vers d’autres valeurs que celles de l’avoir au profit de la construction d’un être éternel capable de traverser vic­torieusement l’épreuve de la mort, car le but ultime est bien de ne plus renaître et de réintégrer la Source.


Solange MASOERO -ARRIGHINO
Premier surveillant, Respectable Loge Sothis, Orient de Nîmes.

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 26 - Octobre 2008

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