La Perpendiculaire, bijou du premier surveillant
GLMFMM Bulletin : Khalam 10/2009

La Perpendiculaire,
bijou du premier surveillant

À la gloire du Grand Architecte de l'Univers !
Vénérable Maître et à vous tous, mes sœurs et mes frères, en vos grades et qualités.

Quand ce sujet me fut proposé... (J'ai failli dire ce pro­blème), j'ai eu un petit moment de panique. Effet madeleine de Proust, certainement. Je me suis revu, cinquante ans plus tôt, au lycée, où le seul mot de “sur­veillant” me collait, en perma­nence, des boutons, et où la perspective d'une “Interro” de Math, algèbre ou géométrie ne me donnait qu'une envie : celle de prendre la tangente.
Je me suis vite ressaisi, recen­tré en quelque sorte.

Or donc, les mots Perpendi­culaires et Perpendicularité nous viennent du latin “per­pendiculum ”, et trouvent leur racine dans “pendere” : pen­dre. Une ligne perpendiculaire est une ligne qui fait deux angles droits avec la ligne ou le plan qu'elle rencontre, quelle qu'en soit la direction par rapport à l'horizon... alors qu'une ligne verticale est une ligne qui passe par le Zénith du lieu où l'on se trouve. Mais il ne faut pas confon­dre la perpendiculaire avec le fil à plomb. Le fil à plomb donne la verticale du lieu où l'on est, la perpendiculaire implique l'exis­tence d'un deuxième plan par rapport auquel se vérifie la per­pendicularité.

Perpendicularité ! Propriété importante tant en géométrie, en trigonométrie qu'en topographie... Et, inévitablement, en Astronomie.
Si pour les Maçons opératifs, elle est le fil à plomb qui donne la verticale d'un lieu et permet d'en vérifier l'aplomb, la perpendiculaire, emblème maçonnique du Second Surveillant, est davantage un instrument de la Géométrie Universelle qu'un simple outil. Alors que le niveau, emblème de Premier Surveillant sert à vérifier l'horizontalité, la perpendiculaire permet, elle, de vérifier non seulement la verticalité d'un mur, mais aussi sa pla­néité. Réunis en l'équerre du Vénérable Maître, ces deux ins­truments complémentaires tra­cent donc le schéma fondamental de la croix tridimensionnelle, de cet espace que définit toute architecture, et plus précisément celle du Temple. Pour élever le Temple en prolongeant l’œuvre du Grand Architecte de l'Univers, une loge maçonnique se doit de trouver l'Axe qui structure et réunit.
En Franc-maçonnerie, la Per­pendiculaire est représentée fixée au centre d'un arceau. Elle symbolise, à la fois, la profondeur de la Connaissance et la Rectitude... Rigueur, exactitude!
Elle prévient de toute déviation ou tentative de déviation. C'est à cette condition que la construction pourra atteindre son har­monie.


Ce qui nous amène au rôle du Second Surveillant symbo­lisé par la Perpendiculaire.
Le second surveillant guide les apprentis dans leur décou­verte de la Franc-maçonnerie et les encadre dans leurs recher­ches. La tâche de préparation des jeunes Sœurs et Frères revêt une importance essen­tielle ; comme tout travail de transmission, c'est une mission capitale, d'autant que l'enseignement doit porter sur des domaines aussi variés que le rite, l'histoire de la maçonnerie, la tradition et surtout sur le symbolisme et la mise sur le chemin initiatique.

Le Second Surveillant devra faire comprendre à l'apprenti qui recherche sa vérité que l'on ne peut accorder, aveuglément, toute sa foi et sa confiance aux apparences ; il devra le rassu­rer devant ses interrogations quant à la signification des outils tout en lui révélant que les symboles deviendront évidents s'il sait se laisser guider et aller au fil de la perpendiculaire, et ce, dans le but de revenir à l'Essentiel, au Primordial. Ainsi, ce qui paraissait obscur deviendra évident.

La perpendiculaire ajoute au principe de rectitude du Fil à plomb la notion d'ajustage.
Perpendiculaire et fil à plomb définissent l'axe par lequel doit passer l'apprenti pour se construire, ils montrent le chemin de la Règle, cet axe qui traverse les mondes. S'appuyant sur le principe du fil à plomb, la perpendiculaire permettra au Second Surveillant de vérifier la conformité de la réalisation des travaux, d'assurer à l'apprenti l'élévation aux principes énon­cés par le Plan de l’Œuvre.

Ce rôle du Second Surveillant me fait un peu penser à Seshat.
Déesse de l'écriture et des pro­jets d'architecture ; elle déterminait la justesse des plans et des tracés lors de la construc­tion des temples et édifices sacrés. C'est elle qui présidait à la cérémonie “Tirer la corde”. Au cours de ce rituel, grâce à ses connaissances en mathé­matiques et en astronomie, elle assistait “Pharaon” pour délimiter à l'aide d'une corde le tracé exact du futur édifice.
Et en évoquant le rituel “tirer la corde”, je me mets à penser qu'il est souhaitable d'éviter, tout au long de notre parcours maçonnique, de se laisser aller à “trop tirer la corde à soi”. Cela vaut, certes, pour nous, les apprentis, mais aussi pour ceux qui tracent notre route. Car si je m'en réfère à l'image de rectitude, de droiture, de bon posi­tionnement par rapport au plan d'équilibre structurel que nous évoque la “perpendicularité”, il va s'en dire que la moindre déviation, voire déviance, peut transformer notre fil à plomb en un pendule désorienté, allant dans tous les sens et cherchant de façon désordonnée des sources profanes... Toujours trop profanes. La perpendiculaire, justement, doit nous éviter d'emprunter ces voies parallèles; certes, il paraît qu'elles se rejoignent à l'infini, mais qui peut nous dire si l'infini... ment ou pas.

D'ailleurs, le troisième paragraphe de la “DÉCLARATION DE PRINCIPE DES CONSTITUTIONS ET RÈGLEMENTS GÉNÉRAUX DE LA GRANDE LOGE MIXTE FRANÇAISE DE MEMPHIS-MISRAÎM” nous engage vivement sur cette voie d'où sont exclus les comportements égoïstes, l'ambition, l'orgueil et l'ignorance.
Mais reprenons le fil du sujet, si je puis dire. La perpendiculaire, communément appelée, comme nous l'avons vu, fil à plomb, évoque la profondeur de la connais­sance. Cet instrument détermine la verticale qui sollicite l'esprit de chacun à descendre et à monter vers le “Connais-toi, toi-même”.

L'apprenti doit, avant tout, comprendre que le chemin initiatique va se parcourir dans un sens et dans l'autre, du Nadir vers le Zénith : Approfondir, descendre au cœur des choses jusqu'au centre d'où jaillira la lumière pour mieux élever son esprit.

Toutes les grandes traditions ésotériques de notre Histoire Universelle, Égyptiens, Nubiens, Grecs, Mayas, Indiens, Indous, Chinois, Celtes, Gaulois ... ont cherché à percevoir l'origine de toute chose, le monde réel et l'axe du Monde, “Axus Mundi” :
Pierre dressée, Omphalos de Delphes, Totem, Arbre de vie, notamment dans la Kabbale, cet arbre d'où émane la vie d'en Haut. Le chemin pour y parve­nir peut être symbolisé par le fil à plomb qui permet de descen­dre au plus profond de soi pour remonter et aboutir par la conci­liation des contraires. Une fois encore, je m'en référerai à Hermès Trismégiste et à la table d'Émeraude pour énoncer que “Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; ce qui est en haut, comme ce qui est en bas”. Donc, en amorçant notre descente, ce sont nos propres défauts que nous découvrirons ; puis, en nous élevant au-dessus de notre réalité devenue par trop banale, nous excuserons ceux des autres. À partir de ce moment-là, l'harmonisation
de notre propre temple intérieur sera possible à condition de ne pas oublier que si le fil à plomb définit la hauteur du temple, il en précise également sa pro­fondeur sans jamais dévier de l'axe primordial. Car le temple ne peut se construire qu'à l'image de l'Univers.

Il me faut citer, ici, le dieu “Khnoum” qui, lui, connaît l'axe vital, cet axe invisible qui fait que les éléments s'unissent entre eux de manière cohérente et harmonieuse. C'est cet axe qui lui a permis de façonner, sur son tour de potier, l’œuf primordial qui donna naissance à l'Univers. Ensuite, il modela les dieux, les pharaons, et égale­ment les hommes, dit-on.
D'ailleurs, que l'axe soit manifesté ou non, il existe bien, entre le ciel et la terre, cet axe immua­ble qui les relie et autour duquel s'organisent l'Univers et le Temple.

Contrairement à la majorité des rituels maçonniques, le fil à plomb n'est pas matérialisé à l'intérieur de notre Temple. Mais notre initiation ne nous a-t-elle pas déjà démontré que, chez Memphis‑Misraïm, c'est souvent ce que l'on ne voit pas qui est le plus évident, le plus important ? Ceux qui ont assisté à l'Illumination du triangle Maât en son rituel à l'Orient de Saint-Tropez, cérémo­nie poignante, pleine d'un enseignement mystique et ésotérique de très “haut grade” ont pu apprécier lors du “tirer de corde” toute la symbolique autour de l'axe invisible marquant l'épicentre de ce lieu sacré sur lequel s'érige le NAOS. Nul besoin d'un fil à plomb.

Pour revenir à la Perpendi­culaire, dans le Temple, elle se trouve au Nord et c'est, aussi, sur la colonne du Nord que l'apprenti est placé en loge.
C'est du Nord qu'émane la lumière spirituelle qui nous illu­mine. Il faut savoir que dans la tradition de l'ancienne Égypte, le Nord est doté d'une très riche symbolique; là sont “les lumières qui ne s'effacent jamais”, ces “étoiles impérissables”, lieu de séjours des pharaons défunts ; le Nord est source de l'énergie structurante qui évolue conformément à l'axe polaire, l'axe du monde.
De plus, comme nous l'avons vu plus haut, “Perpendere” signifie “Peser précisément”, apprécier, évaluer avec exactitude et “Per­pendiculum” “ce qui suspendu”. On peut donc affirmer que la Perpendiculaire est, là encore, en correspondance évidente avec la “Pesée du coeur” de notre LIVRE DES MORTS.

Et si j'aborde, à présent, la Perpendiculaire sous un autre angle, l'angle est précisément l'expression d'une rencontre et pour que cette rencontre soit bonne, il faut que l'angle formé soit juste. La Perpendiculaire est donc l'outil ancestral qui nous permet d'orienter toute réflexion constructive avec mesure et justesse.
Quant à la notion de Rectitude de ce qui part de la Terre pour se diriger vers le Ciel, elle s'inscrit dans une dynamique d'élévation et de réalisation de soi. Encore une fois, je cite le LIVRE DES MORTS ; à la question posée par la Porte : Quel est mon nom ? Celui qui veut passer doit répon­dre : Rectitude est ton nom !
Cette rectitude que nous, apprentis, espérons intégrer ; peut-être le jour où nous pour­rons reprendre, enfin sans com­plexe, à notre compte, cette maxime: “Je suis d'aplomb, tu es de niveau, nous sommes d’équerre”. Mais, à ce stade, j'ai bien conscience, mes sœurs, mes frères, que sur le chemin qui mène à la Gnose et à la Connaissance de soi, la Vérité ne tient qu'à un fil. À nous de trouver assez d'aplomb pour tenir en équilibre dessus et le plus longtemps possible.

J'ai dit Vénérable Maître.

Bob Addrizza, apprenti,
Respectable Loge Sothis, Orient de Nîmes
Publié dans le Khalam - Bulletin N° 29 - Octobre 2009

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