GLMFMM Bulletin : Khalam 06/2010

Les Abeilles
 
Le rite principal de la religion mithraïque était le banquet rituel, les aliments offerts durant ce banquet étaient le pain et le vin. Les “Corbeaux”, ainsi appelait- on les apprentis, remplissaient la fonction de serveurs. Dans l'Odyssée, pour Ulysse et ses compagnons, la fin de chaque aventureux épisode est marquée par un repas. On peut imaginer les banquets virils des officiers 3 culturels ont pu nous parvenir, c'est vraisemblablement l'hy­dromel qui tenait la place d'hon­neur dans les festins. L'hydromel est produit grâce à la fermenta­tion d'un mélange de miel et d'eau. Et à l'instar de notre Frère Robert Ambelain qui décla­re : “C'est aux îles de Lérins dans le vieux monastère ... que j'ai enfin compris intuitivement les liens qui unissent ... le Pythago­risme éclos au beau soleil hellé­nique et le celtisme né tout près des eaux glauques d'Armorique”. Laissons-nous porté par L'abeille butineuse pour découvrir les liens qui ont guidé ce travail.

Dans la mythologie grecque, on raconte qu'un jour, les abeilles d'Aristée, fils d'Apollon, étant tou­tes mortes d'une maladie apportée par les Dryades, Aristée demanda secours à Cyrène, sa mère. Celle-ci lui dit que Protée pouvait lui apprendre comment réparer le désastre. Ainsi, Protée lui enjoignit de sacrifier un tau­reau aux dieux, de laisser la carcasse sur les lieux et d'y retourner après trois jours. Quand Aristée revint, il trouva un essaim d'abeilles dans la carcasse et la rapporta dans son rucher. Les abeilles ne connurent plus jamais la maladie. La question de la sur­vie des abeilles inquiétait donc déjà les grecs de l'antiquité !

Si l'abeille disparaissait de la surface du globe, l'hom­me n'aurait plus que quatre années à vivre”.

Certains attribuent cette pré­diction à Einstein, mais aucun document ne l'atteste. Seraient- ce des paroles de Rudolf Steiner, cela semble plus probable, car celui-ci a étudié les insectes et a publié un ouvrage sur ce sujet, mais rien ne le prouve égale­ment. Peu importe après tout, cette phrase, pour pessimiste et alarmiste qu'elle soit, com­porte pourtant une part de réa­lisme. Je suis fils d'apiculteur et je connais l'importance de l'abeil­le, non seulement en tant que productrice de miel, mais aussi en tant que polinisatrice, notam­ment des arbres fruitiers, or les abeilles sont aujourd'hui en dan­ger. Vous avez tous entendu par­ler entre autres du syndrome d'effondrement que subissent les colonies, je ne m'étendrai pas ici sur la question, mais je souli­gnerai seulement que le phéno­mène est bien réel et que les pertes en terme de cheptel sont importantes, dans certaines ré­gions du monde, elles devien­nent même catastrophiques.

J'ai évoqué Rudolf Steiner, pourquoi Steiner ? Parce que cet autrichien, né en 1861 et mort en 1925, est le fondateur de l'an­throposophie, il qualifie cette doc­trine ésotérique de “chemin de connaissance”, celle-ci vise à “restaurer le lien entre l'Homme et les mondes spirituels”. La doc­trine de Rudolf Steiner est à l'ori­gine de projets aussi divers que les écoles Waldorf, l'agriculture biodynamique ou les produits Weleda. Steiner était un grand ésotériste comme on pouvait en rencontrer au début du XXe siè­cle, il a été initié au rite de Mem­phis et Misraïm sous l'égide de John Yarker. Et de même que notre Frère le docteur d'En­causse, plus connu sous son pseudonyme “Papus”, qui outre ses écrits pléthoriques, s'est épuisé à soigner ses malades, Steiner avait une activité débor­dante et particulièrement impli­quée dans son siècle.

C'est sur la biodynamie que je voudrais insister. La biodynamie, comme l'agriculture biologique, a pour but d'obtenir des plantes saines avec un rendement optimum, tout en évitant d'épuiser les sols par une exploitation trop inten­sive. En biodynamie, aussi bien qu'en agriculture biologique, les sols sont fertilisés au moyen d'une fumure organique, le com­post. L'emploi d'engrais solubles, naturels ou non, et celui de pes­ticides de synthèse sont évidem­ment proscrits. La biodynamie s'applique aussi à l'apiculture. En fait, il s'agit d'une technique
qui respecte autant l'homme

que la terre. Si nous repensons aux questions du Testament Philosophique, nous pourrions les résumer ainsi : “quels sont les devoirs de l'homme envers lui-même, envers l'humanité et envers le créateur ?” La réponse me semble évidente : le respect. Le Respect envers nous-mêmes, le respect envers l'humanité et le respect envers la création.

Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants. Voilà pourquoi, en tant que Francs- Maçons, nous nous devons d'être sensibles à ces problèmes. Le temps de ce rituel est celui des bilans et des résolutions, tel le Janus aux deux visages Jean nous invite à regarder vers l'ave­nir tout en gardant le passé pré­sent à l'esprit. Or, l'avenir est préoccupant, la “maison Dieu” brûle et il nous appartient de ne pas laisser plus longtemps as­sassiner Déméter. Nous nous devons d'écouter les messages que nous ont laissés des hom­mes, des Frères devrais-je dire, tel que Rudolf Steiner.

D'autre part, il n'a échappé à personne que l'abeille est pré­sente dans le sceau de notre or­dre : une ruche en paille d'où s'envole une nuée d'abeille. L'a­ beille symbolise la sagesse, l'ordre, le travail, la vigilance, le courage, le dépassement de soi, l'union et la loyauté. Cette abeille est très présente dans la symbo­lique du Premier Empire. L'his­toire de la Franc-Maçonnerie et celle de Napoléon Bonaparte sont liées. Sous le Consulat et le Premier Empire, la Maçonnerie fut à la fois favorisée et étroite­ment contrôlée. Sur les vingt-cinq maréchaux d'Empire, dix-sept sont Francs-Maçons, dont Bernadotte, Brune, Kellermann, Lannes, Mac Donald, Masséna, Murat et Ney. Joseph Bonaparte lui-même, le frère de l'Empereur, est initié. Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie et Murat, roi de Naples sont aussi Grands- Maîtres en leur royaume ; de ces temps, nous avons hérité nos santés quelque peu militaires. À la suite de l'expédition du Caire, la France a versé dans une intense égyptomanie. Pendant cette période, les frères Bédar­rides développèrent le rite de Misraïm (Misraïm signifiant “Égyp­tien” en hébreu). Rien ne prouve cependant que Napoléon lui- même ait été Franc-Maçon. On peut noter aussi que l'on retrouve nombre de ses partisans chez les Carbonari qui, je le rappelle, est un mouvement politique qui tire sa tradition des rites des charbonniers et des compagnons forestiers, elle-même, semble-t- il, héritière des traditions drui­diques.

Mais plus que tout ceci, je retiendrai pour ma part, comme me l'a soufflé un de nos frères, un autre aspect symbolique de l'abeille : celle-ci butinant de fleurs en fleurs s'en va transpor­tant la substance fécondante végétale : le pollen.

Et comme l'abeille féconde les vergers en fleurs...
Et comme l'eau du Nil féconde la terre de Memphis ...
Vous connaissez la suite, mes Sœurs et mes Frères.

Pour conclure, j'invite à notre table un personnage dont les écrits mériteraient un décryptage symbolique. Telle cette phrase énigmatique, conclusion du cha­pitre 45 de Pantagruel intitulé : “Comment la pontife Bacbuc présenta Panurge devant la dive Bouteille”. Ici, nous allons retrou­ver les abeilles d'Aristée sous la plume de François Rabelais : “Quand, de la bouteille sacrée, sortit un bruit tel que celui que font les abeilles naissant de la chair d'un jeune taureau occis... Alors fut entendu ce mot TRINC”.

Trinquons donc mes sœurs et mes frères.

Banquet d'ordre,
Respectable Loge Abou-Simbel, Orient de Roquebrune-sur-Argens

Publié dans le Khalam - Bulletin N° 31 - Juin 2010

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