“On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux” dit le Renard au Petit Prince.
“Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu...
“Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous...” (Évan­gile selon Saint Jean).
“L’âme de l'homme est la terre naturelle du Verbe”, nous dit notre rituel.

Pour le reçu maçon dans le temple de la Lumière, l'écriture maçonnique, désignée sous les termes pièce d'architecture ou planche est : ... au-delà de la mise en formes verbales d'une expérience intrinsèque et ima­ginative, intuitive, philosophique et spirituelle, une transcription sincère de la présence de l'Invisible dans le visible ; le Khalam, d'un voyage intérieur, subtil et alchimique.
Cet écrit, au-delà, de l'ins­cription d'une mémoire sur le papyrus de l'humanité, et du tracé d'hiéroglyphes sur les colonnes sacrées de notre temple inté­rieur, est un hymne à la Cons­cience du Vivant, un hymne au visible et à l'Invisible iissociable.

Sous l'impulsion initiale de l'étude des sens occultes et ésotériques, d'un symbole, d'une phrase ou d'une pratique rituelliques révélés en Loge, cette écriture hiératique, spirituelle en son essence, se construit signe à signe en transcrivant les per­ceptions de notre regard inté­rieur sur nous-mêmes et sur les mondes, comme les entende­ments de nos oreilles inté­rieures...

Regard chaleureux des yeux du cœur, éclairé par la lumière fécondante de l'intuition spiri­tuelle dynamique, guidée par l'esprit igné de la pensée Universelle et maçonnique.

Éveil des sens subtils et purs de l'âme, devenu réceptacle, à son tour...

Désir fervent d'animer la flamme intérieure de notre âme cé­leste, “De dorer au feu divin notre argile grossière, D'unir notre chant intérieur au concert de l'immensité visible et invisible.”* (Constant Che­villon).

De rassembler en nous ce qui est épars...
Écriture d'une alchimie intérieure, invisible, et néanmoins vivante et perceptible, reliant :
Le personnel à l'Universel.
L'atemporel : la Source à l'origine de toute vie créée et incréée, au temporel : l'être humain, en conscience cosmique dans l'espace temps de son existence, l'Être, humain, incarnation évolutive et participative du Tout en sa dimension tripartite, corps, âme, esprit...

... Écriture spirituelle, moment privilégié d'un espace temps, redressé vers l’éternité...

Traditionnellement, toute pièce d'architecture (tracé d'étude) débute par les termes :
“À la gloire du Grand Architecte de l'Univers et des mondes” et s'achève par la locution : “J’ai dit”.

Elle préfigure une transmission orale dans le temple maçonnique, lors d'une tenue solennelle.
Et comme les travaux régu­liers en loge, la transcription ver­bale intérieure de toute étude symbolique et ésotérique, sin­cère et profonde, nous met sur la voix de l'intelligibilité opéra­tive de l'ésotérisme particulier de notre rite, nous invitant, en préalable, à l'éveil et à l'activation de notre Connaissance intuitive globale et à l'intégration vivante de la symbolique du rite, au travers d'un sujet d'étude spécifique.

Le mouvement d'écriture, ensa formulation concise et trans­missible, met en résonance formelle et active cette révéla­tion intérieure.

Exercice d'écriture parfois difficile, qui suppose une imbibi­tion goutte à goutte de la matière cérébrale et un recueillement totale en notre for intérieur.

Saisir sa plume, son calame-outil, pour dessiner, transmettre les hiéroglyphes d'une expérience symbolique spirituelle, éclairée à la lumière de la sagesse et des préceptes de notre rite, c'est graver, en préalable, inscrire en notre conscience, cœur âme et esprit, les fruits d'une expérience introspective, réflexive et illuminative.

L'âme, vivifiée et purifiée par ce travail, s'incarne alors, dans son essence universelle, s'har­monise avec le monde et l'Univers cosmique.

Le Calame-outil glisse sur le papyrus, s'appliquant à restituer, avec harmonie et justesse, la forme imaginale perçue ; notre Être vibre à l'unisson de la Lumière, désirant transmettre à l'extérieur, ce qu'il a vécu à l'intérieur.

Alors, le geste d'écriture porté par la main du cœur et de l'es­prit, puis la voix et le corps s'unisent pour répondre à ce désir de concrétisation extérieure, par la transmission écrite et orale puis par l'action, comportements, actes et attitudes projetés dans le monde extérieur...

“C’est en notre âme et en l'âme de nos semblables que nous devons semer le verbe, afin qu'ils produisent des fruits de tout genre et de toute espèce”, nous rappelle le rituel, en fermeture de nos travaux réguliers.

Écrire les expériences de nos voyages symboliques intrinsèques et de nos révéla­tions spirituelles, c'est ouvrir les travaux en notre Loge inté­rieure et les prolonger en loge extérieure pour leur donner forme et force vivante...

L'écriture maçonnique est initiatique en son principe, en nous révélant dans la compré­hension des mystères et de leurs manifestations invisibles, elle nous apprend à exprimer l'inex­primable, l'indicible qui anime toute chose créée par le Verbe divin...

Elle nous éveille à nous- mêmes de la présence mystérieuse, en notre âme, d'une énergie divine germinative, en latence vibratoire, germe de notre essence véritable, verbe à s'exprimer...

Elle nous invite à nous définir dans notre tri-dimension, corps, âme esprit.

Elle est un outil de connais­sance intérieure et de re-connais­sance universelle :
“Homme connais-toi, toi-même... Et tu connaîtras l'Univers et les dieux...” Socrate.

L'Écriture maçonnique, initiatique, nous fonde dans notre verbe intérieur, qui prend forme vivante dans sa manifestation et nous élance, dans notre quête de Connaissance et de Reliance du Soi individuel et véritable au Tout, du Soi personnifié au Collectif, à l'humanité et à la Nature dans ses manifestations universelles, nous élance, dans notre quête de Connaissance et de Reliance du Soi essentiel, incarné, à l'Innommable, incommensurable et mystérieuse force de Vie originelle, créatrice de tous les mondes.

“L’âme de l’homme est la terre naturelle du Verbe”, nous dit notre rituel.

Le Khalam ou processus initiatique d'écrire est une rencontre avec notre “dieu” intérieur, un processus de libération et d'harmonisation globale de notre verbe incarné, un élan d'élévation philosophique, spirituelle et vibratoire vers le Verbe Origine : Originel, Créateur et Unificateur de tous les mondes.

En essence, cette écriture hié­ratique est lettre vivante et opé­rative, purifiant notre mental de toute pensée et verbiage superficiels, égotistes ou froidement intellectuels.

C'est un don de Soi, une offrande verbale sincère, livrée avec le cœur et l'âme libérée de ses carcans matérialistes et dog­matiques.

C'est une écriture spirituelle d'unification du Cœur et de l'âme, âme supérieure libérée de la gangue de l'âme inférieure stérile et lettre morte.

C'est une œuvre de purification de notre être de matière, une méditation en verbes ...
Un inspire, une inspiration de Lumière et d'émanations d'étoiles, de nobles énergies et pensées, et un expire d'ombres et de pensées illusoires dans un premier temps.

Puis, dans un second temps, une écoute et un regard inté­rieurs.

Le symbole se dessine en nous. L'équilibre entre les choses d'en bas et les choses d'en haut s'opère, notre cœur s'enflamme (s'ouvre), notre temple intérieur s'illumine.

Puis c'est un inspire de Lu­mière et d'Amour et un expire de re-Connaissance et d'Amour.

L'Écriture prend forme de l'invisible...

L'espace temps matériel s'amenuise, se fond avec l'Intemporel, le temps s'abolit.
Nous sommes en communion avec l'indicible éternité...

Elle est un présent des Dieux fait aux humains, un présent de l'éternité, un temps sus­pendu entre la terre et l'Infini où passé, présent, futur se concentrent.

En sa tradition hermétiste, héritée des Temples égyptiens de Memphis, l'écriture maçonnique est, par analogie, Archi­tecture spirituelle du temple intérieur de l'être humain ; Architecture spirituelle du temple intérieur de l'Homme- Esprit.

L'écriture, le Khalam, œuvre comme une science sacrée, dans la construction stable et l’édification sacrée du temple intérieur de l'Homme, de tout reçu maçon, en chemin vers la Conscience spirituelle et cardiaque de la Création, en chemin vers la Gnose.

Temple intérieur de l'Homme, enveloppe sacrée du Naos, cœur du chœur du Sanctuaire de notre Être essentiel...

Comme des vestales, cepen­dant libres, nous veillons à gar­der allumer la flamme de notre bougie cosmique, éternelle tentant d'éloigner tout souffle matérialiste.

Par l'écriture sincère et spirituelle, nous œuvrons à faire grandir et rendre opérative la flamme – étincelle divine de notre Être essentiel...

En ancienne Égypte, c'est Thot/Hermès et sa parèdre Séchât qui président à la fonda­tion du Temple, considéré comme le lieu du cœur et merveille des mystères révélés, la divinité Sé­chât est, par là même, “la Dame aux Écritures” qui insuffle la grâce d'écrire...

Et Thot /Hermès est, quant à lui, le Scribe bien connu des Dieux, dépositaire des principes issus des Origines, Seigneur de la pensée, associé par les égyp­tiens aux fonctions du Cœur.

Vous l'aurez compris :

Écrire une planche, une pièce d'architecture, dans le principe du Khalam est une alchimie spi­rituelle opérative...

C'est évoluer, petit à petit, sur le chemin de la Gnose, de notre correspondance directe avec l'invisible,

C'est se libérer de la matière, s'alléger en renvoyant l'image de notre voyage à sa source origi­nelle, dans la simplicité du com­plexe,

C'est ouvrir notre cœur et notre esprit à la sincérité, déve­lopper de nobles pensées à pratiquer...

Élever notre esprit,

Transmuter notre conscience matérialiste en conscience cos­mique, Nous relever, tels des djeds, archétype de l'éternelle renaissance,

Nous ériger à la verticale, les pieds sur terre, la tête dans les étoiles,

S'harmoniser, vibrer à l'unisson du chant de la Nature et du Cosmos,

Vivre et transmettre cet émerveillement,

C'est passer du virtuel : de l'idéel des choses, à l'état de réalité concrète,

C'est s'inscrire dans le temple de l'humanité, comme des pierres, colonnes vivantes de lumière et d'Amour, dorées au feu divin.

Strasbourg, le 24 juin 2010
Patricia Calmès, Second surveillant de la Respectable Loge Philae-Isis, Orient de Paris