GLMFMM | Bulletin : Khalam | 02/2011 |
L'écrit
et la parole
en Franc-Maçonnerie de rite égyptien “J'ai
parfois l'impression de parler une
langue parallèle
qui en dit davantage parce qu'elle échappe à une logique cartésienne; j'ai plaisir à la chanter parce que sa signification est ouverte à la vie”. Alain Baschung (Entretien accordé au quotidien Le Monde) Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, Chers frères et sœurs, Donc,
pour ne s'en
référer qu'aux intervenants
précédents, un être humain
écrit pour retrouver le
fil de son existence et, parfois, découvrir celui
de son histoire future par
induction; les collèges initiatiques écrivent
dans la même dimension appliquée
à l'humanité tout entière,
à travers les rituels et les rites initiatiques,
afin de concourir à l'avènement d'un monde
meilleur, sinon du meilleur des
mondes. L'écrivain
est un
aventurier du monde de l'intérieur, à la
recherche de l'intime collectif et des instincts
individuels; il a pour vocation d'exprimer l'inavouable pour
rétablir les ponts
coupés entre le corps et
l'esprit afin de tenter de faire coïncider
l'existence à l'être. Pour cela il
doit : “Tirer l'étincelle et le
feu des
entrailles du verbe” (Marcel
Moreau). Les
états supérieurs
de conscience autorisent toutes les connexions et
peuvent atteindre des
niveaux surprenants chez les êtres
évolués (cette notion d'évolution
n'ayant
rien à voir avec l'instruction ou le niveau social, mais
relevant de la
capacité de percevoir au-delà des sens
objectifs). Or, nous savons que la
conscience dépend de l'intention préalable, de la
pensée ; transformons la
pensée et notre conscience se modifie, c'est le but de tout
système qui tend à
l'amélioration de l'individu comme ceux des rites
maçonniques de tradition. Derrière
tout
écrit, individuel ou collectif (rituel), il y a une
pensée, une intention,
qu'il nous faut rechercher en tant que lecteur-acteur si l'on veut
comprendre
les mots employés; c'est cela la lecture en esprit que nous
suggèrent les
idéogrammes hiéroglyphiques de la Vieille
Égypte et les écrits de nos rituels;
il nous faut en lisant tenter de pénétrer la
pensée de l'auteur pour devenir
des opérateurs conscients de la vie. Car il y a en chaque
écrit une part
d'ombre autonome qui se manifeste au fil des mots, comme si ceux-ci,
pourtant
activés par le mental et transcrits par la main,
acquéraient par leur
agencement une vie propre. Peut être est-ce
dû au fait que certains ouvrages
écrits sont le fruit de l'inconscient en action, souvent de
manière diffuse,
plus que de l'intellectualité acquise, reflétant
en cela la pensée placée en
exergue du présent essai. À partir de mes
innombrables lectures et de quelques
écrits personnels, je me suis convaincu que, si
l'écriture paraît relever a
priori de l'intellect et du geste, il y en chaque livre une part extra
dimensionnelle dont l'auteur n'est que le canal, le plus souvent
à son insu.
Quel rédacteur peut en effet affirmer que
l'épilogue de son ouvrage s'imposait
à lui lorsqu'il écrivit la
première
ligne du prologue ? C'est aussi par cet aspect quasi
métaphysique de toute La
parole et
l'écriture sont provisoirement nécessaires pour
transmettre les méthodes qui
permettent de transformer le comportement de
l'initié ayant perdu le contact
avec la Nature et son environnement puis, ensuite, lorsqu'il est devenu
“le
vivant symbole” de ce qu'il porte dès
l'entrée en lui du premier souffle de
vie, seul son comportement suffit à la transmission de
l'essentiel dans le
silence de la danse sacrée personnifiée
par le geste juste silencieux de
l'officier de loge officiant (cf. là encore notre arcane XXI
du Livre de
Thot-Hermès). Certes,
il est
indéniable que l'écriture humaine est de
portée relative, parce qu'inscrite
dans le temps et dans
l'espace d'une existence personnelle par nature changeante; raison pour
laquelle les grands avatars
de l'humanité se sont toujours méfiés,
non pas de l'écriture en elle-même, mais
de son usage et des interprétations scolastiques en tant que
forme figée du
verbe; voilà pourquoi, malgré leur immense savoir
et leur maîtrise parfaite du
verbe, Jésus et Siddhârta (comme Socrate
d'ailleurs dont toute la mécanique de
pensée imprègne les rituels initiatiques
occidentaux) n'écrivirent jamais rien
afin d'empêcher ce que pourtant firent contre leurs
volontés leurs prétendus
adeptes, c'est-à-dire la création en leurs noms
de religions et d'églises
par
nature réductrices de la pensée et asservissantes
des êtres. Ces deux Pilotes
de l'humanité ont
écrit l'histoire sacrée de l'humanité
avec leur comportement, par l'exemple du geste juste
suggéré
aux membres d'une loge maçonnique par la mise en
œuvre parfaite d'un rituel par
le collège des officiers en œuvre du rituel. Il
semble donc nécessaire
d'aborder ce qui peut apparaître comme paradoxal s'agissant
de l'écriture qui
est à la fois véhicule, support,
conservateur de la pensée humaine et de
l'histoire des hommes, et aussi, selon son usage,
déformatrice, réductrice,
manipulatrice de celles-ci ; de l'écriture, phase
intermédiaire indispensable à
la révélation et à l'expression de la
nature humaine individuelle, mais totale‑ Il
nous faut donc
considérer l'usage de l'outil sacré qu'est le
Khalam comme temporaire dans le
cheminement ésotérique car il n'est qu'une phase,
certes sa crée et
indispensable mais néanmoins
intermédiaire et transitoire, dans l'attente de
la lecture cardiaque des êtres et des choses ;
d'où la nécessité
pour l'Initié, comme pour toutes les autres sciences
sacrées précitées, de
savoir l'abandonner lorsque que son œuvre d'extraction de
l'inconscient et de
communication utilement inspirée sera achevée,
pour laisser place à la relation
directe du Réalisé avec son Créateur
et la Création, puisque l'Être
réalisé
devient lui-même le Logos incarné n'ayant plus
besoin de support ou d'ustensile
autre que lui-même et de vecteur autre que son comportement.
Là encore,
l'exemple des Grands Initiés phares de l'humanité
que furent Jésus et Siddhârta
nous montre clairement le mode d'emploi. Mais dans l'attente de cette
phase
ultime d'expression terrestre de l'être,
l'écriture nécessite, comme tout outil
sacré, un usage soutenu afin d'être
maîtrisée au-delà de la seule
transcription
des apparences quotidiennes, pour l'abandonner ensuite lorsqu'elle
n'est plus
nécessaire, c'est-à-dire lorsque le Khalam s'est
fait geste, acte, juste et
utile. L'écrit
possède
donc des vertus propres, bien qu'il soit de valeur temporaire,
voire temporel,
parce que toute la saga humaine connue démontre que l'Homme
à l'état conscient
ne retient de l'histoire des hommes que ce qui est écrit,
dans la pierre ou sur
le papier ; parce que les images fugaces transcrites sur les
écrans de télévisions
ou d'ordinateurs n'existent pas au-delà de l'instant
présent et qu'il n'en
restera rien dès les instants suivants, car ces
images-là ne sont que
l'apparence tronquée et impermanente de l'acte et de la
pensée, oubliant
systématiquement l'essentiel, c'est-à-dire les
êtres humains qui se trouvent
derrière ces instantanés visuels. Et
puis, tracer un mot, cela permet de se
l'approprier de manière durable, de fixer dans notre
mémoire génétique l'idée,
et non le sens, qu'il porte, avec, surtout, la possibilité
de vivre et faire
vivre cette idée qu'il renferme en la libérant
pour laisser place à d'autres
pensées; d'où la nécessité
de toujours en faire l'usage qu'il convient car quel
outil plus efficace que le mot juste pour sauver l'être en
déshérence, quelle arme
plus redoutable que le mot qui peut détruire celui qui n'est
pas en état de le
recevoir ? In fine, le mot juste est celui qui a
été pensé au préalable dans
le
nécessaire silence intime de l'auteur. Il
nous est
enseigné que le Verbe (l'énergie cosmique
universelle conférant la vie) est
Divin ; se priver du Verbe serait donc se priver de Dieu ; mais
à quel verbe la
Tradition fait-elle référence ? Ce
qui est dérangeant
et est donc occulté par beaucoup des systèmes
initiatiques que l'on rencontre
aujourd'hui, c'est que l'Initiation a pour vocation première
de mettre en
lumière d'abord et avant tout la part d'ombre que tout
être humain porte en lui
afin que consciemment et paisiblement il puisse la transformer en son
exact
contraire blanc par inversement de la polarité de
la force à l'œuvre. Nos
rituels maçonnique, dès celui du premier
degré symbolique de la F.M., nous
informent sur cette fonction primordiale, mais cela est
évacué au profit de
dissertations philosophiques sur la condition humaine sans
beaucoup d'intérêt
au regard de la tâche
essentielle
qui se présente à tout nouvel
initié. Comment
d'ailleurs
pourrait-il en être autrement puisque, pour mettre
en avant la part de lumière
à laquelle nous pouvons prétendre, il nous est
indiqué à longueur de
cérémonies
que nous devons nous défaire de cette “partie
diabolique” qui habite l'homme,
nous suggérant que le diable n'est en
réalité ni l'antéchrist ni un
personnage
anthropomorphe quelconque, mais la partie sombre de
nous-mêmes, et que l'enfer
n'est pas un lieu particulier (concept en réalité
conçu de toute pièce fictivement
par certaines religions pour assurer l'asservissement des
êtres humains), et
qu'il nous faut l'accepter dans un premier temps afin de la regarder en
face
pour ensuite pouvoir
s'en défaire au bénéfice de ce qui
peut nous sauver : c'est-à-dire faire
émerger la partie divine de l'être en se
défaisant de la partie obscure liée à
la copulation quasi permanente des hommes avec le monde de la
matière lourde.
Cet objectif initiatique fondamental me paraît
constituer la vraie raison de
l'abandon du chemin initiatique par beaucoup d'appelés sur
cette voie car les
remises en causes qu'il génère paraissent souvent
insupportables, parce qu'il
est plus facile de s'abandonner à l'illusion de
l'intellectualité et aux apparences de la
vie matérielle que de les considérer comme le
principal handicap à l'évolution
et la régénération. L'écriture
maçonnique, à travers essentiellement celle des
rituels et de nos travaux,
n'est pas celles des “grandes oeuvres” au sens
littéraire et elle ne sert pas à
l'apprentissage de la langue ou à élever le
niveau de la syntaxe ; elle sert à
faire entendre l'inouï, l'ineffable, par l'exploration du
monde et des
blessures de l'âme ; c'est celle qui est active par son
rythme et son ton
générateur du sens véritable. L'homme
initié
grâce à des symboles mis en action par un rituel
ayant fait ses preuves
s'intègre dans un autre monde ; quittant le monde profane,
il ne cherche plus
le pouvoir, et grâce à l'atmosphère
sacrée et à la pensée
traditionnelle, il
peut atteindre la connaissance spirituelle, à l'aide de son
imagination
intuitive, l'initié parvient à concevoir un autre
état, il se crée, c'est
en ce sens que “l’on s'initie
soi-même” et que la F. M. et la loge ne font que
remettre en mains ce qui permet de déclencher le processus. En
attendant,
l'écriture, opération d'alchimie interne
complexe transcrite par le Khalam outils d'écriture
sacrée,
n'est pas un art au sens profane du terme mais que, en participant de
l'Art
Royal par excellence, elle est une science sacrée au
même titre que ses trois
consœurs en Méta-Physique, sans
méconnaître toutefois la portée
relative des
sciences sacrées qui ne sont pas la finalité de
la quête, mais des outils que
le compagnon en chantier doit savoir abandonner (voire
détruire comme le font
les compagnons du Tour de France)
lorsque l’œuvre
est
achevée. Et j'ai la certitude que nos vies
d'initiés, usagers privilégiés de
ces sciences du Mystère que nous ont
léguées Thot le Sage parmi les sages et
Hermès le Trois Fois Mage, sont la naturelle contrepartie de
l'usage approprié
ou non que l'on en fait, dans
le respect des
préceptes posés plus avant et peut-être
de quelques autres qu'ils nous restent
à découvrir sur la courbe de notre propre temps
individuel. Dès lors,
l'écriture intime, c'est ce qui nous permet de
délimiter de manière concrète
notre temple intérieur, comme le font les Patriarches
consécrateurs lors de
l'installation de nos Loges, sous la direction de Séshat, la
“Dame aux
écritures”, en transposant sur Terre l'orbe
céleste des corps stellaires en
mouvement. Le
mystère du
rituel, écrit et visuel, qui touche au plus profond de
l'Être, c'est d'ouvrir
les portes secrètes de la conscience dont on ignore le plus
souvent l'existence
ou que l'on croyait verrouillées à jamais ; ils
ont la faculté de rendre
intelligible l'esthétique intérieure que porte
tout homme qui s'est libéré du
despotisme de sa part d'ombre (les oripeaux dont il est question dans
la
cérémonie du premier degré symbolique)
; il permet, ce mystère
dévoilé par le
rituel compris, de révéler au lecteur
initié la banalité du Réel
imperceptible
sous les couches
ssuccessives d'une
actualité confectionnée pour les besoins de la
morale et des convenances
sociales. Et
la prétendue
Parole perdue, qui ne l'est que pour ceux “qui n'ont pas
d'oreilles pour
entendre”, se reflète dans le silence des pierres
des pyramides, des cathédrales
et des temples, est perceptible pour ceux “qui ont des yeux
pour voir”, car la
Connaissance cachée vit dans les symboles des temples et
s'offre au regard de
tous dans les légendes et les allégories
des rites en ne se dévoilant qu'aux
ressuscités qui reviennent à la vie
réelle muets à jamais, car les élus
admis
aux mystères sont fiancés au silence. Le
rituel, à la
fois mouvement, paroles et silence, pour rendre
compréhensibles ces pierres des
temples, des cathédrales, des pyramides... qui parlent
à l'intimité de l'être
et qui assurent parmi les hommes l'éternité de ce
qu'ils sont. Dans
un Rite
authentique, les mots ne sont que la ponctuation du silence qui seul
existe à
l'état naturel primordial et qui est la condition
indispensable pour entendre
la musique
céleste du Grand Architecte à
l’œuvre ; dans le rituel de Loge, même si
nous
bavardons beaucoup, l'essentiel ne se déroule-t-il pas en
silence (entrée et
sortie du temple, déambulations d'activation,
préparation des cérémonies,
pensées de la chaîne d'union...). En
paraphrasant
Baudelaire, celui qui parle dans l'espace-temps particulier de la Loge
maçonnique est le sujet, la chose, du double qui l'habite et
qui l'incite à
transcrire les choses qui ne sont pas de ce monde et qui ne sont pas,
encore,
admises par la pensée dominante. C'est pour cela qu'une
planche (c'est-à-dire
nos travaux individuels en Loge) ne relève d'aucun
commentaire de valeur (ce
qui est la manifestation absolue de l'orgueil), puisqu'elle n'a pour
seules
vertus que de permettre à son auteur de faire le point sur
lui-même, et pour
ceux qui
l'écoute de
mieux connaître l'orateur et de
réfléchir sur un sujet donné et non
sur un être
vivant, lequel, en tout état de cause, ne relève
pas des hommes pour son
évaluation. Énoncer
et dérouler
le rituel, c'est se réfugier dans le laboratoire silencieux
de l'être intime,
c'est reconstruire pas à pas, morceau par morceau,
l'album de La vie et de la
Création telle qu'on l'aurait voulue, ce que d'aucun
considère comme un
égarement dans le temps; c'est organiser son absence dans
l'espace commun en
s'installant dans le monde de l'imagination universelle; c'est tenter
de se
guérir de la “maladie de l'attachement qui
présente les symptômes d'une mort
non apparente” ; c'est se fabriquer grâce
au Rite un remède personnel inaccessible
aux laboratoires scientifiques qui n'ont pas accès aux
molécules de l'âme dès
lors qu'ils se limitent volontairement à celle de la lourde
matière. C'est en
cela que le rituel initiatique prévaut depuis la nuit des
temps sur les
protocoles académiques car il constitue la seule
véritable “trousse à outils”
permettant la conjonction intelligible des atomes subtils et lourds
cohabitant
en l'être vivant. À
l'image du Tout
cosmique, dans une mécanique de précision comme
celle de l'horloge intemporelle
de Memphis-Misraïm, chaque rouage doit être en
situation et en capacité
d'accomplir la tâche qui lui est propre sans se
mêler de celle du rouage d'à
côté dès lors que, dans un tel
ordonnancement sophistiqué, l'un des
éléments ne
peut se substituer aux autres lorsque la mécanique occulte
est lancée ; sinon
le mouvement du pendule s'interrompt et la vie s'échappe
ailleurs, par
attraction vers d'autres ensembles en état de
fonctionnement adapté.
Tel est le
sens de tout rituel dont celui qui a été mis en
oeuvre aujourd'hui, tel est la
fonction du collège d'officiers : être
une mécanique humaine de précision
permettant de réinsérer momentanément
quelques humains dans la mécanique de
précision cosmique perpétuelle. Cela
étant, la
parole est une étape préalable
nécessaire à la véritable initiation
intime;
j'ai longtemps considéré que, dans les loges
maçonniques, nous parlions
beaucoup pour ne rien dire, sans résultat tangible, souvent
pour s'écouter
soi-même sur des sujets bateaux plus où moins
intéressants parce que mille
fois ressassés depuis trois siècles que
les colonnes du temple nous entendent
ahaner les mêmes lieux communs. Et puis, un soir de tenue
dans ma loge mère,
j'ai compris en m'entendant moi-même pontifier sur une
question sans véritable
importance, que l'emploi de la parole en ce lieu magique du temple
maçonnique
“réactivé” par la mise en
œuvre appropriée du rituel et l'usage respectueux
des
symboles, a pour Cela n'a
rien à voir
avec les psychothérapies individuelles ou collectives
pratiquées dans les
cabinets spécialisés, car il ne s'agit pas ici de
faire entrer la vie,
l'intimité d'un individu, dans des mots qui, de toute
manière, ne revêtent
jamais la même signification pour deux interlocuteurs
distincts. En loge, en
réalité, les mots importent peu, ce qu'ils
signifient littéralement ne présente
pas d'intérêt particulier; ce qui importe ici
c'est ce que l'on exhale
avec le
souffle de vie libéré, avec le vent du verbe
enfin manifesté à titre personnel.
En fait en loge, dans le cadre du rituel, nous ne parlons pas aux
autres, nous
ne dissertons pas collectivement, nous apprenons à
communiquer à haute voix
avec nous-mêmes, nous apprenons à nous accepter
tel que nous sommes, phase
préalable à la nécessaire
transformation alchimique interne portée par les
initiations successives auxquelles nous sommes admis. En loge,
avec les mots,
nous mettons en œuvre le V.I.T.R.I.O.L. de la chambre
de
réflexion, c'est-à-dire que nous apprenons
à descendre dans la caverne intime
de nos ombres et obscurités pour en extraire “l'or
du millième matin” qui n'est
pas un minerai ou un métal, mais notre conscience
régénérée enfin libre, et
nous accomplissons deux fois par mois cette opération
d'alchimie
transcendantale de la plus belle eau. Cette manifestation de
notre authentique
parole personnelle, à travers le souffle du verbe
incarné, manifeste la dans permanente
de
l'esprit à laquelle nous sommes invités pour nous
sentir vivre et habiter enfin
réellement le monde, pour faire en sorte que le
verbe maîtrisé devienne action
véritable, comme nous y invite le XXIe Arcane majeur (Le
Monde en mouvement
avec sa danseuse sacrée) du Livre de Thot-Hermès.
Ce chant et cette danse
intimes, rendus possibles par la dramaturgie sacrée du
rituel, constituent à la
fois les outils et les étapes du pèlerinage
intérieur auquel nous sommes invités
dès notre réception au premier degré
symbolique et que nous accomplirons de
manière continue tout au long de notre parcours
initiatique. La
mise en œuvre du
rituel rend le Rite visible et sonore, en d'autres
termes
elle permet aux vibrations de l'espace-temps sacré de
pénétrer à l'intérieur
des présents
et de
modifier leur perception des choses, par modification
vibratoire des
molécules dont ils sont composés. En loge, une
fois le rituel activé, les mots
portent la pensée collective
accumulée du groupe dont les silences, traduits
dans les gestes justes des officiers, sont la ponctuation. Car tel est
le but
du système maçonnique de faire en sorte
que cette e émergence
temporaire de l'être cardiaque
devienne
pérenne pour que le Franc-Maçon de loge le soit
à titre permanent. La loge
réactivée par le rituel juste dans le temple
consacré, c'est donc un équipage
compétent aux commandes d'un vaisseau spatial
évoluant au-delà du temps et de
l'espace, permettant ainsi aux molécules physique et
chimique de s'alléger en
densité pour ne faire plus qu'unes avec celles de
l'âme. La
grande erreur de
certains cénacles qui se disent initiatiques, toutes
obédiences confondues,
c'est de vouloir donner aux textes sacrés des significations
anthropomorphiques,
humaines, philosophiques et intellectuelles alors qu'ils sont
écrits en
langage de l'âme pour être
interprétés par la conscience
spécifique de l'âme. (Exemples:
Anges,
plans de conscience, ouvreurs des portes sur les plans de conscience
et d'incarnation;
Géants de Sirius (Livre d'Enoch) les grands en esprit et non
au plan physique ;
Sirius, Ishtar, Vénus, siège
allégorique de la source originelle de
l'énergie
vitale qui est à l'origine des cycles naturels de la vie
manifestée dans les
mystères égyptiens par la crue du Nil,
etc.). La
véritable
transmission est celle qui se fonde sur l'exemple, qui rend visible le
silence
intérieur de celui qui a reçu et
assimilé le mouvement juste, c'est-à-dire
celui qui concoure à l'équilibre de
l'équilibre naturel et qui est capable de
le restituer au bon moment, dans l'espace temps approprié
qui est celui de
l'égrégore réactivé ; car
tel est le véritable sens de tout rituel initiatique
ou religieux: rendre visible l'invisible par l'acte juste
fondé sur une
intention véritable. Il
faut savoir
entendre les voix qui nous arrivent de “derrière
les portes” qui séparent le
royaume des morts, c'est-à-dire du monde profane qui se
croit vivant, et le monde
des vivants,
c'est-à-dire celui de la Réalité en
Esprit accessible par la spiritualité quel
qu'en soit le vecteur. Il faut apprendre à inverser les
valeurs couramment
admises qui ont elles-mêmes inversé la
vérité entre l'actualité et la
réalité
des choses ; c'est le propre du mythe d'Hiram -Abif fondateur
de toute la F.M.
que de nous l'enseigner en rétablissant la
réalité du cycle de la vie et de la
mort, ou plus exactement en faisant disparaître le
despotisme de cette
dernière en l'apprivoisant par l'apprentissage du processus
de régénération et
de résurrection en esprit pour en faire un
élément de la vie perpétuelle (cf.
La Clef d'Hiram). Les
véritables
enseignements ne sont pas apparents dans les rituels, ou plus
exactement ils le sont
de telle
manière que l'aide d'un ancien
“enseigné” est indispensable
pour s'en
approprier la substance et en prendre le nécessaire. Car
depuis Clément
d'Alexandrie, nous savons que: “Les mystères,
comme Dieu... se transmettent de
façon mystérieuse d’initiateur
à initié, d’intelligence à
intelligence”, que
les rituels aussi sophistiqués soient- ils, ne comportent
pas de manière écrite
l'essentiel, qu'ils ne sont que le support matériel
“d'autres choses” laissées
à la capacité cardiaque de communication
des transmetteurs et perception des
récepteurs. Là se trouve la
véritable signification de la
célèbre phrase de
l'Apocalypse de Jean reprise dans nos rituels
hermétiques: “que ceux qui ont
des oreilles entendent et des yeux voient”. Comment
cela se
manifeste-t-il ? Prenons l'exemple de l'usage volontaire du
“vous” hiératique
en loge, lequel participe de cette dépersonnalisation dont
il est question lors
de la réception au premier
degré et de
l'absorption de la boisson d'oubli ; il constitue la transcription
orale de
cette nécessaire dépersonnalisation par abandon
de l'égo personnifié par le
“tu” démotique. C'est l'outil, avec la
tenue vestimentaire uniformisée, de
l'effacement des individualités re-fondues dans
l'Unité primordiale
synthétisée par la loge ré-unie dans
le temple consacré à la
reproduction de
l'universalité de tout ce qui contribue à
l’œuvre collective au service du
Bien-Être Général, au
bénéfice de l'Unité
retrouvée de toutes les personnalités
en mouvement dans le cadre du grand inspire collectif
réactivé par le rituel.
Le tutoiement, participe lui de “la violence totalitaire de
la séduction”,
c'est une façon de se rassurer sur ses
interlocuteurs en instaurant une
promiscuité
qui est censée préserver de la critique tout en
faisant entrer l'autre
dans le
cercle de la connivence. Or en loge nous ne sommes pas des
interlocuteurs mais
des frères et sœurs à
égalité, sans distinction de grade ou de classe
sociale,
nous ne sommes pas en connivence sociale mais en symbiose impersonnelle
ésotérique, nous n'avons pas besoin
d'être rassurés puisque nous sommes
installés dans la sécurité
parfaitement égalitaire au plan des esprits dans le
cadre de la Grande Architecture Universelle. Bien sûr,
certains, préférant le
domaine factice du mental et de l'intellectualité, font
valoir que le “vous”
était l'apanage des aristocrates de l'ancien
régime qui se l'étaient approprié
pour marquer leur
différence
avec les classes dites inférieures. Et alors ? Parce qu'ils
s'étaient approprié
une valeur sûre, nous devrions la
répudier et nous en
priver ? Ne sommes-nous pas
tous ici des nobles de la pensée et ne tendons-nous pas
à la noblesse de
comportement, la vraie qui vaille ? Ce
“vous” impersonnel personnalisant
l'égrégore unitaire d'une loge, d'un
groupe aux aspirations hautes, me fait penser à cette blouse
grise ou bleue que
nous portions enfants dans les écoles publiques des hussards
noirs de la
République ; blouse qui avait pour vocation de gommer les
différences sociales
dans des classes où nous nous retrouvions à
égalité, sans distinctions, enfants
de mères célibataires, de médecins, de
chefs d'entreprises, de directeurs
d'écoles (comme c'était le cas à
l'école commandant Arnaud de la Croix Rousse). Si
l'on y réfléchit
bien, le “vous” interpellatif ou interrogatif
énoncé dans le cadre du rituel,
loin d'être ringard ou risible, est l'exemple parfait du
verbe action, vecteur
de trois siècles de pensée et de
comportement maçonnique, en quatre petites
lettres car : “Le choix d'un mot
est déjà une
interprétation du monde” (Boris Cyrulnik, Le Monde
du 17 juillet 2007). Patrick-Gilbert
FRANCOZ Passé Grand Maître
Général Publié dans le Khalam - Bulletin N° 33 - Février 2011 |
K033-5 | L'EDIFICE - contact@ledifice.net | \ |