GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 1T/1974 |
La
Septiesme repue Franche
de François VILLON Les Repues Franches Un recueil fut imprimé plusieurs fois dans le XVe siècle et la première moitié du XVIe. Il n'est pas de Villon mais le poète y joue un tel rôle qu'on ne peut se dispenser de le joindre à ses oeuvres, ce qu'on fait du reste depuis trois cents ans. Il est écrit presque tout entier en strophes de huit vers, ce que les précédents éditeurs n'avaient pas assez remarqué, comme l'a dit M. A. de Montaiglon. Il y a vers la fin quelques strophes que je n'ai pu compléter, bien que j'ai consulté plusieurs éditions anciennes, y compris celle de Jean Trepperel que je crois la première. (Commentaire extrait des notes p. 226). Œuvres complètesde François Villon Edition
préparée
par La Monnoye,
mise au jour avec notes et glossaire par M. Pierre Jannet. LA SEPTIESME REPUE Fait auprès de Montfaulcon Pour passer temps joyeusement, Raconter vueil une repeue Qui fut faite subtillement Et diray la desconvenue Qu'il advint à de fins ouvriers ; Aussi y sera ramenteue La finesse des escolliers. Ilz ne cherchent que compaignie ; Plusieurs ont leurs vins vendangez Et beu quasy jusqu'à la lye. Or advint qu'une grand mesgnie De compaignons se rencontrèrent .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. . .. .. .. .. .. .. .. .. .. . Et sans trouver la saison chère, Chascun deulx se resjouyssoit Disant bons motz, faisant grant chère Par ce point le temps se passoit. Mais l'ung d'iceulx promis avoit De coucher avec une garce, Et aulx aultres le racontait, Par jeu, en manière de farce. Tant parlèrent du bas mestier, Que fut conclud, par leur façon, Qu'ilz yroyent ce soit-là coucher Près le gibet de Mont f aulcon Et auroyent pour provision Un pasté de façon subtile, Et méneroyent, en conclusion, Avec eulx chascun une fille. Fut faict sans demander qu'il couste, Car il y avoit six chapons, Sans la chair que point je n'y boute. On y eust bien tourné le coute, Tant estoit grant, point n'en doubtez., Le Prince des Sotz et sa routte En eussent été bien souppez. Qui ne scavoyent rien que tromper Sans prendre conseil d'advocatz Ilz se voulurent occuper Pensant à eux, comme atrapper Les pourroyent d'estoc ou de trenche Car ilz voulloyent ce soir soupper Et avoir une repeue franche. Sans aller parler au devin L'ing prist ce pasté de façon, L'autre emporta un broc de vin, Du pain assez, selon raison, Et allèrent vers Mont f aulcon, Où estoit toute l'assemblée Filles y avaient à foyson Faisant chère demmesurée. Aussi juste comme l'orloge Par devis et bonne manière, Ilz entrèrent dedans leur loge, Espèrant de faire grant chière Et tastoient devant et derrière Les povres filles, haut et bas. .. .. .. .. .. .. .. .. Les escholliers sans nulle fable, Voyant ceste desconvenue, Vestirent habits de diable, Et vindrent là sans attendue ; L'ung, ung croc, l'aultre une massue, .. .. .. .. Pour avoir la franche repeue, Vindrent assailir les gallans. Disant : «A mort !à mort !à mort ! Prenez à ces chaines de fer, Ribaulx, putains, par desconfort, Et les amenez en enfer ; Ilz seront avec Lucifer, Au plus profond de la chaudière, Et puis, pour mieux les éschauffer, Guettez seront en la rivière ! » L'ung des gallans, pour abbreger, Respondit : « Ma vie est finée ! En enfer me fault héberger. Vecy ma dernière journée ; Or suis-je bien ame dampnée ! Nostre péché nous a attains, Car nous yrons, sans demourée, En enfer avec ces putains ! ». Se vous les eussiez veu fouyr, Jamais ne vistes si beau jeu, L'ung amont, l'autre aval courir ; Chascun d'eux ne pensoit qu'à Dieu. Ilz s'en fouyrent de ce lieu, Et laissèrent pain, vin et viande, Criant sainct Jean et sainct Mathieu, A qui ilz feroyent leur offrande. Noz escolliers voyant cecy, Non obstant leur habit de diable, Furent alors hors de soulcy,.. .. Et s'assirent trestous à table ; Et dieu scait si firent la falle Entour le vin et le pasté, Et repeurent, pour fin finale, De ce qui estoit appresté. C'est bien trompé, qui rien ne paye, Et qui peut vivre d'advantaige, Sans desbourser or ne monnoye, En usant de joyeux langaige. Les escolliers, de bon couraige Passèrent temps joyeusement, Sans bailler ny argent ny gaige, Et si repeurent franchement. Si vous voulez suyvre l'escolle De ceux qui vivent franchement, Lisez en cestuy prothocolle, Et voyez la façon comment ; Mettez-y votre entendement A faire comme ilz faisoyent, Et, s'il n'y a empèchement, Vous vivrez comme ilz vivoyent. La
septiesme repue franche de François Villon
Commentaire du texte
Ce
texte bien que
très connu, marque incontestablement une étape de
l'histoire de la
Franc-Maçonnerie Française. En
1325, les
Maîtres-Maçons légifèrent
à Strasbourg (57). Ces dispositions statutaires
seront reprises en 1459, et un article précisera
les conditions d'admission
dans l'organisation d'un homme ne faisant pas partie du
métier, par exemple, un
intellectuel, ou un marchand. En
1326 (1), le
Concile d'Avignon condamne des sociétés
laïques de gens qui s'assemblent en
secret, et c'est vers 1500 que les Compagnons iront banqueter dans leur
loge
avec des victuailles et des filles. Si
l'on perçoit
nettement un fond initiatique chez Vilart de Honecourt, vers 1250, au
moins
l'évocation sommaire d'un rituel dans la condamnation de
1326 ; aux alentours
de l'an 1500, la loge n'est plus qu'un simple local, bon pour tout
faire,
travailler ou forniquer. I. LA PRATIQUE DEVIENT THEORIEDe
nombreux faits
viendront démontrer cette vérité qui
peut sembler sévère : après la
première
pierre de Saint-Ouen de Rouen en 1318, les Compagnons ne feront plus de
géométrie. Ils
perdront leur
droit de juridiction particulière, comme en
témoigne l'aventure advenue à
Jacques de Chartres, maître charpentier du roi
Charles V, lequel comparu vers
1360, par-devant les juges ordinaires pour avoir tué l'amant
de sa femme, mais
ne fut point pendu, car on lui fit grâce de la vie, ayant
pris en considération
le fait qu'il était cocu (58). Les
intellectuels,
chercheurs, scientifiques de tous ordres, vont recueillir les
éléments de
science et tenter d'en dégager au cours des
siècles suivants les principes
fondamentaux. Holywood
publie en
1523 un livre intitulé : « Algorism »
dans lequel il tente de rassembler les
connaissances de son époque concernant l'art du calcul, et
publie une table de
multiplication écrite avec des chiffres arabes. Par la suite
cette forme de
table prendra le nom de Pythagore. Albert
Durer fait
paraître en 1535 : « Institution
Géométrique » (60), qui fait
suite à : «
Instructions sur la mesure au compas et à
l'équerre » parues en 1532 (61). Johannes
de Sacro
Bosco reprend, en 1576, d'autres éléments dans :
« La Sphère de Sacro Bosco »
(62). En
1640, Girard
Desargues (2) fait paraître un ouvrage : « La
Pratique du Trait à Preuve ».
Abraham Bosse (3) en parlera en 1643 pour le défendre et
prendre parti contre
les attaques dont son ami Desargues était l'objet. «
Le Trait à Preuve
» est une codification de la
stéréotomie des constructeurs
médiévaux et
représente par rapport à Vilard de Honecourt un
immense progrès dans
l'expression des connaissences technologiques. Cet ouvrage
contient tous les
éléments dont Gaspard Monge fera un corps de
doctrine sous le nom de «
Géométrie Descriptive ». Comment
donc, par
quel chemin, la géométrie vectorielle,
utilisée au moins en 1320, comme en
témoigne la pierre de Rouen (4), fut-elle
enseignée et transmise ? Dans quelle
école, sinon dans une loge maçonnique (43) ? En
1326, le Pape
condamne des gens qui se cachent pour penser. En 1640, Desargues est
attaqué
pour avoir divulgué (3) la géométrie
des Tailleurs de Pierre, que les
Compagnons débouchés de l'an 1500 connaissaient
peut-être encore mais dont la
Loge n'était plus le lieu où elle
était enseignée. On
peut se demander
comment un mathématicien, homme d'étude,
confiné en son bureau, a pu connaître
une science née sur les chantiers des
cathédrales, entre le temps de Vilard de
Honecourt et celui de Colin de Berneval (6). Deux
hommes, au
demeurant fort différents, ont certainement connu les
secrets de géométrie et
ce que l'album de Vilard peut nous enseigner de la philosophie des
constructeurs. Le premier est Albert Durer (1471-1528), dont la plus
grande part
de l'oeuvre gravé est imprégnée de
symbolisme, particulièrement la planche
représentant la Mélancolie,
représentant la Veuve découragée de
voir se
disperser les hommes, les secrets, les outils du métier (5).
L'autre est
Galilée (1564-1642) dont l'un des titres scientifiques le
plus connu est
d'avoir affirmé, face à l'Eglise, la rotation de
la Terre, mais dont rien dans
ce qui subsiste de son oeuvre nous permet d'y trouver une
démonstration. Pourtant
cette
démonstration existe, et c'est après l'avoir
reçue de la Tradition et analysée
scientifiquement que Galilée découvrit
l'isochronisme des faibles oscillations. Voici
comment : il
faut, chaque fois que l'on construit un bâtiment, placer en
un point élevé,
situé sur un axe de symétrie, un fil à
plomb. Ce fut fait dans la majorité des
cathédrales, et dès la mise en place des nervures
de la nef centrale, on mit à
l'aplomb d'une clé de voûte le centre du
labyrinthe. On peut remarquer que dans
la majorité des cathédrales, les labyrinthes
furent détruits par les chanoines,
sauf à Chartres, dont la partie centrale fut
détruite avec tant de précautions
qu'il n'en subsiste même pas un croquis. En ce centre venait
se placer la masse
tendant le fil. Il est bien évident que recevant
même une faible impulsion,
cette masse se mettait à osciller. Il était alors
facile de constater que la
durée des oscillations était constante,
simplement en comparant les battements
du pendule avec la cadence des chants religieux
exécutés pendant les offices
(24). Il était possible d'observer que la rotation du plan
d'oscillation
s'effectuait toujours dans le même sens et toujours
à la même vitesse. Ce fait
permettait aux maîtres d’œuvre et aux
compagnons de connaître l'heure, en tout
temps, qu'il y ait du soleil ou qu'il n'y en ait pas. Au-delà
de cette
simple connaissance, à la portée de tout
individu quelque peu observateur, et
les Bâtisseurs ne faisaient point défaut de cette
qualité, il était possible
pour un esprit scientifique de conclure à la
rotation de la Terre. Ce que fit
Galilée, dont on sait qu'il était fils de
musicien, et qu'il passe pour être le
fondateur de la science expérimentale. Il
étudia les lois du pendule, celles
de la chute des corps, mais tant de titres ne furent d'aucun poids
devant la
haine que lui portaient les tenants de la Scolastique qui ne lui
pardonnèrent
point les preuves expérimentales qu'il apporta à
l'appui du système de Copernic
et le laissèrent pourrir dans un cachot. En
1646, un savant
anglais de réputation mondiale, Elias Ash- mole (8) est
reçu Franc-Maçon le 16
octobre. Cela apporte la preuve Irréfutable qu'au XVIIe
siècle en Angleterre un
homme n'appartenant pas au métier peut
être reçu dans la corporation. Une
preuve supplémentaire en est fournie par les Statuts de
Ratisbonne, qui, tout
au moins dans leur rédaction de 1628 (9), au plus tard, sont
bien précis : « On
peut accepter dans la fraternité des gens
extérieurs au Métier ». Il
est,
d'autre part, incontestable qu'il existait des
sociétés secrètes depuis 1326,
et des témoignages font état de l'existence d'une
société de Rose-Croix en 1623
(10). On
conserve le
souvenir d'une condamnation du Compagnonnage et de ses rites
par la Sorbonne
en 1655. Il est juste d'observer que cette condamnation ne concerne que
des
pratiques, des rites de réception, mais que, à
aucun moment il n'est question
de secret de métier. Il n'en sera partiellement question que
sous Louis XIV, où
dans une ordonnance, il est précisé
qu'après son élection le maître de la
Compagnie des Maçons sera conduit devant le sergent
du Châtelet où il prêtera
serment, puis ensuite devant les maîtres du Métier
qui lui donneront « Le Trait
Géométrique ». Mais celui-ci est connu
depuis Desargues, il ne peut donc s'agir
d'un secret qui se serait transmis depuis le Moyen Age. Le
processus suivant
peut donc être considéré comme proche
de la vérité. Sur
les chantiers
des cathédrales, lieu de rencontre de la théorie
et de la pratique, de la
science expérimentale à ses débuts et
de la philosophie aristotélicienne sur
son déclin, on perçoit la naissance de la
technologie moderne : la Géométrie
descriptive, avec la taille des pierres, le Calcul vectoriel avec la
pierre de
Rouen, la Chimie métallurgique avec la
cémentation et la trempe du fer et de
l'acier, la mécanique appliquée avec les engins
de levage (11) (12) (13) (14)
(15). A
la fin du Moyen
Age, les Maîtres d'oeuvre disparaissent. Ils sont
remplacés par les Architectes
dont l'apparition sera marquée par le retour aux
procédés de constructions
gréco-romains dont Vitruve a donné toutes les
recettes dans son magistral
ouvrage. Les
Compagnons du
métier vont conserver intacte leur technique de taille des
pierres ou
stéréotomie (16). Ce
« retour au
classicisme » des constructeurs va provoquer une sorte de
scission dans la
corporation. Les
Compagnons vont
survivre en tant que groupement, mais leur lien ne sera plus la
grandeur de la
tâche. Ils vont cesser de regarder le ciel pour
considérer les hommes et la
Cité. Il
ne faut point
dauber sur des hommes qui en baissant la tête ne virent plus
que le reflet des
étoiles dans une assiette de soupe. Ils furent les premiers
à concevoir la
solidarité humaine, et ils en formuleront les lois
d'application. C'est de
leurs caisses de secours et de l'obligation de visiter les malades que
naîtra
la fonction d'hospitalier dans la Loge, que les obédiences
élargiront à la
dimension de caisses de secours à vocation
générale d'où, par la suite,
procèderont les Compagnies d'Assurances, qui se donneront
toutes le nom d'une
Loge. Ensuite,
viendront
les Assurances sociales dont la première forme fut
expérimentée par les
Francs-Maçons du Rite Ecossais Ancien et Accepté
en 1894. Il n'est que de
relire les statuts de la « Société de
secours des Francs-Maçons - 8, rue
Puteaux à Paris » pour en être convaincu
(29). Les
Compagnons
vivant, comme Villon le décrit, les registres de police (18)
seront témoins,
sans discontinuer, du XVe au XIXe siècle de leurs
écarts de conduite, mais à
aucun moment la possession de leur part d'un secret
scientifique n'apparaîtra
(19) (20). Seule
une
technique, presque un tour de main : Le Trait, forme très
élémentaire de
Géométrie descriptive fort bien adapté
au tracé des charpentes de bois et à la
taille des pierres (21) (22) (23) forme le fond des secrets
compagnonniques des
deux branches rivales : Les Enfants de Maître Jacques, ou
Compagnons du Devoir,
toujours attachés au pèlerinage de Saint-Jacques
de Compostelle, et les
Enfants de Salomon, Compagnons du Devoir de Liberté, ou
Compagnons Etrangers,
descendants des constructeurs de forteresses en pays musulman (49). Ces
deux courants
compagnonniques vont tant bien que mal vivre côte
à côte sur le chemin de
Saint-Jacques, au moins jusqu'à Saint-Gilles du Gard, et
à la Sainte Baume
(48). Les
Enfants de
Salomon, roi juif, constructeur du Temple de Jérusalem, vont
être les supports
de la tradition biblique, dont on retrouvera maints
témoignages dans le
symbolisme maçonnique à partir de l'Empire. L'autre
courant du
Compagnonnage va demeurer sur la terre ferme et continuer de cheminer
en
direction de l'Espagne, tout au moins jusqu'au XVIII°
siècle, car au XIXe
siècle, Agricol Perdiguier limitera son Tour de
France aux seules routes
intérieures. Pourtant
c'est du
voyage en Espagne que le Compagnonnage rapportera le symbolisme de
l'Etoile,
car, à l'aller, les Chemins de Saint-Jacques se
réunissent en Espagne, en un
petit bourg dont le nom est en espagnol : « La Estella
» à partir duquel il
n'existe qu'un seul chemin : « El Camino Frances »
pour aboutir à
Saint-Jacques. Au retour, à partir de ce village, il faut
toujours regarder
l'Etoile, c'est-à-dire la Polaire, pour retourner en France.
N'est donc
Compagnon que celui qui après avoir suivi « La
Route aux Etoiles » en se
retournant connaît l'Etoile qui lui sert de guide, et lui
permet de retourner à
son point de départ. Pendant
toute cette
période couvrant approximativement la période
qu'il est convenu d'appeler la
Renaissance, les maîtres d'oeuvre vont entrer en contact avec
des savants
vivant retirés du monde, en ermites de la science. Sous
couvert de
l'alchimie ils vont faire progresser la science
expérimentale, et la science
appliquée, par exemple les techniques de calcul
(44), réalisant la liaison
entre les mathématiques Idéalistes
héritées des Grecs et les applications
pratiques permettant d'obtenir un résultat
déterminé d'avance. En
assimilant des
forces à des grandeurs, ils vont transformer les
mathématiques (45), la
géométrie (46), la mécanique (47),
pour en faire des éléments de culture (28)
empiétant ainsi sur le domaine jusqu'alors
réservé à la Scolastique et
à ces
messieurs de la Sorbonne. De
très grandes
découvertes résulteront de cette
conjonction des maîtres d'oeuvre et des
savants (40), mais, l'exemple de Galilée étant
là pour rendre prudent, elles ne
seront connues qu'aux alentours du XVIIe siècle (41) (42)
(44). Ils
vont donc
oeuvrer à l'abri d'une science officielle :
l'Alchimie, qui justement ne
prendra son essor et l'aspect que la littérature
moderne lui a donné qu'à
partir de la fin du XVe siècle et fournira au monde savant
la théorie du
phlogistique dont l'écroulement sera le fait de la
méthode expérimentale
introduite dans l'analyse des phénomènes
physiques par Lavoisier. Contrairement
à une
opinion trop répandue, l'Alchimie ne fait jamais appel
à la magie, mais demeure
constamment dans le domaine expérimental. Aucun alchimiste
même parmi les
religieux, et il en fut, à commencer par au moins un pape,
Jean XXII, ne fait
appel à la prière pour obtenir un
résultat. Entre
les
Alchimistes des rencontres s'organiseront, des liens ne manqueront pas
de se
nouer, des groupes manifesteront leur existence (31), certains de
façon
particulièrement éphémère
(32) (33). II. LA RESURGENCE DES LOGESQuel
rôle ont pu
jouer des organisations point tellement secrètes
puisqu'elles ont laissé des traces
(55) : l' « Achriston » des humanistes de la
Renaissance, l' « Agla » des
imprimeurs (50), de même que les premières
assemblées des protestants dans lesquelles
nous retrouverons Jean Valentin Andrea, l' « Inventeur
» de la Fraternité des
Rose-Croix, Michel Maier, Robert Fludd (25) (26), alchimistes
célèbres. Agrippa
de
Nettesheim (Cologne 1486 - Grenoble 1534) organisa une
société secrète en
France : « La Communauté des Mages »
vers 1500 (56). Cela pourrait bien nous
donner le maillon manquant dans la chaîne qui relie
la transmission des
connaissances expérimentales du Moyen Age à la
science utilitaire de la Renaissance
(27). Où
se sont donc
rencontrés ces savants, en dehors de toute
considération religieuse ?
Certainement pas à la Sorbonne, qui obligea Albert le Grand
d'enseigner sur une
place. A titre d'hypothèse de travail on pourrait
retenir le Collège de France
qui, à partir de sa fondation en 1530, exercera une
influence réelle sur la
diffusion des idées modernes. Pendant
cette
période, en Angleterre, survivent des Loges
fondées au Moyen Age, en grande
part par des Maîtres d’œuvre
français. Les registres conservés au moins depuis
1599 pour la Loge d'Edimbourg font état de la
présence dans la Franc-Maçonnerie
anglaise de gens n'appartenant pas au métier, et ce sont les
Loges écossaises
qui vont, les premières, devenir spéculatives.
Or, nous savons que la présence
des Ecossais en France se manifeste dès le XVIIe
siècle, tant à
Saint-Germain-en-Laye qu'à
Aubigny-surNère dont la Loge sera inscrite
officiellement sur les registres de la Grande Loge d'Angleterre en
1735, alors
que la création de la Grande Loge d'Ecosse date de
l'année suivante, le 30
novembre 1736 à Edimbourg. Louis
XIV meurt en
1715, l'Europe peut enfin relever la tête. L'Angleterre la
première va tenter
de s'implanter partout où ses Intérêts
commerciaux devront être défendus. En
1723, paraît le
« Livre des Constitutions », charte
maçonnique élaborée par des
partisans
d'une expansion économique et politique de l'Angleterre dont
la lutte contre
les « Ancient » du rite d'York, de tendance
isolationniste, ne prendra fin
qu'en 1813, par la fondation de la Grande Loge Unie d'Angleterre,
lorsque l'Europe
pourra de nouveau relever la tête après la chute
de Napoléon. Cette
fusion
intéressera les Loges Anciennes et Modernes (51), dont on
pourra suivre le
développement au fur et à mesure de
l'établissement de comptoirs anglais dans
les colonies. En
réalité, comme
le fait apparaître le « Tableau gravé
des Loges » (34), la nouvelle obédience
va se trouver partout dans le monde où le commerce
britannique s'implantera : «
Les Anglais et les Hollandais, zélés partisans de
cette société, l'ont portée
avec leur commerce dans les régions les plus
éloignées, de sorte qu'il y a des
Francs-Maçons à Constantinople et dans toutes les
échelles du Levant, dans les
Indes, à la Chine, même jusque dans le Japon.
» (64) . Le Lloyd's, l'une des
principales compagnies d'assurances du monde fut
créée en 1716. Entre
1720 et 1736,
la France va se couvrir de Loges maçonniques de
type anglais qui pour autant
n'adopteront pas la Réforme et resteront catholiques
romaines. Faisant
le compte,
en 16 ans, il va se trouver en France plus de maçons qu'une
seule obédience
aurait pu en créer, ce qui pose la question de savoir
d'où venaient ces
nouveaux maçons et ces nouvelles loges dans lesquelles on
trouve des
survivances de géométrie opérative,
alors qu'il n'y avait aucun homme de métier
dans les Loges Françaises, où l'on rencontrait
des nobles, des roturiers (comme
en 1326) des banquiers, des diplomates, des Imprimeurs, des juristes,
mais pas
un. homme . de l'art, ce qui rend difficile l'explication de la
présence du
tapis de Loge, inconnu en Angleterre. Le ruban y est bleu, comme en
France,
mais ne présente pas tout à fait la
même forme. Le
ruban bleu et
rouge, du Rite Ecossais Ancien et Accepté, est d'origine
française, datant de
l'union entre le Chapitre de Clermont et la Grande Loge de
France à laquelle
il vint s'agréger en 1772 (8) tout en conservant sa
personnalité en plaçant le
ruban bleu des Chevaliers du Saint-Esprit, adopté par
l'ancienne Grande Loge,
sur le ruban rouge du Chapitre de Clermont donnant ainsi naissance au
ruban
actuel. Pour
ce qui
concerne le tapis, il faut convenir que la forme sous laquelle nous le
connaissons
est relativement moderne, car, aux premiers temps de la
maçonnerie française,
il était tracé à la craie sur le sol
(18). Or, il s'agit bien là d'une
survivance opérative, ainsi que d'une pratique du
Compagnonnage. La question
se pose de savoir, pourquoi, en Angleterre, les Loges d'hommes du
métier
n'ayant accepté que vers le XVII° siècle
des gens n'appartenant pas à la
profession, on ne retrouve rien d'opératif dans
lés rituels anglais. La
présence
d'éléments géométriques
dans le rituel des Loges françaises milite en faveur de
la thèse d'une survivance autochtone de la
maçonnerie des cathédrales. Un
élément du
tableau d'apprenti semble apporter un argument en faveur de
cette thèse : « La
Pierre Cubique à Pointe n. Cette dénomination ne
peut que surprendre car dans
aucun texte, aucune mention ne permet d'affirmer qu'il s'agit bien
d'une
pierre. Par contre, on trouve dans un ouvrage (65) le même
dessin représentant
le « Pavillon à Toit Carré »
dont un modèle typique est fourni par les cabanes
de cantonniers se trouvant en bordure des routes. Leur charpente est
exécutée
suivant le « Trait » par un
procédé très simple (37) (23), On
trouve également
dans un ouvrage consacré à l'histoire de la
Franc-Maçonnerie (66) la reproduction
d'une gravure du XVllle siècle dans laquelle on distingue la
hache posée sur la
seule charpente du pavillon ; il ne peut donc s'agir d'une pierre. Pour
fabriquer
cette charpente, on trace sur le sol un pentagone
régulier, et on réalise
seulement quatre des cinq panneaux. En les réunissant on
obtient bien les
quatre panneaux d'un toit. Ce dessin n'est autre qu'un moyen
mnémotechnique. Nous
retrouvons là
un élément opératif
antérieur à la date d'introduction de la
maçonnerie en
France. Un autre élément est constitué
par l'allumage des flambeaux, pratique
rituelle dont l'origine est à rechercher dans les textes
anciens, mais dont on
ne peut s'empêcher d'observer que la valeur symbolique est la
même que celle du
feu autour duquel se rassemblent les voyageurs. Là,
en cette pratique, semble
résider la différence fondamentale entre
les deux rites. Le Rite Ecossais est
ambulatoire, l'autre, le Rite Anglais, est statique,
sédentaire. Le premier présente
un caractère tribal, expliquant la forte proportion qu'il
recèle de gens
voyageant par nécessité professionnelle,
artistes, représentants, exilés,
reconstituant un coin de la mère patrie, le second rassemble
en majorité des
sédentaires, notables provinciaux, administratifs,
militaires de carrière,
enseignants, compensant leur instabilité
fonctionnelle par une stabilité
personnelle. Le premier rassemble des hommes d'action proches
de leurs
semblables, créateurs en 1885 de la
Sécurité sociale (52), le second a
formé
des administrateurs ayant créé sous la
Restauration les sociétés d'assurances
modernes et par là même tenté
d'améliorer la Cité. Les
deux rites ne
sont pas opposés, mais complémentaires, comme le
Droit Coutumier et le Droit
Ecrit. CONCLUSIONAucun
texte ne
permet de faire remonter l'histoire de la Franc- Maçonnerie
au-delà du début du
Moyen Age. Force est donc de conclure qu'elle est née sur
les chantiers des
cathédrales. Elle
fut la
première école technique, alliant la
théorie et la pratique, formant un corps
d'ingénieurs et créant de toutes
pièces une société de secours mutuels. L'arrêt
des
constructions gothiques provoque une scission qui va séparer
les maîtres
d'oeuvre, éléments instruits, qui vont entrer en
contact avec les savants de
l'époque par l'intermédiaire des imprimeurs,
seuls véhicules de la science et
de la technologie, et les compagnons charpentiers ainsi que
les tailleurs de
pierre, auxquels vont s'agréger par la suite les autres
corps de métiers. Les
intellectuels,
dépositaires de la technologie, ne trouveront d'autres
moyens de communiquer
qu'en se rassemblant par petits groupes, fondant des
sociétés souvent secrètes,
toujours éphémères, dont
l'échange de correspondances personnelles sera la
seule preuve d'existence. Dans
la majorité
des cas, elles procèderont les unes des autres, se
transmettant leurs
connaissances en marge de la science officielle, jusqu'à ce
qu'une forme
d'organisation créée à
l'étranger en permette la libre expression. Dès
le début, il y
a opposition, puis rupture, entre la forme de Maçonnerie
importée de Londres,
et une forme originale, nationale, apparaissant comme une
résurgence d'une
ancienne tradition autochtone. 1. Points de Vue Initiatiques, n° 8. 2. DESARGUES. La Pratique du Trait à Preuve (1643). 3. BOSSE A. La Pratique du Trait à Preuve de M. Desargues (1643). 4. VIEUX M. L'Ingénieur médiéval (1974). 5. DURER A. Institutionorum Geometricarum (1535). 8. ORESME N. De Proportionibus Proportionorum (1505). 7. DURER A. Undermeissungen der Meinung (1525). 8. MARCY H F. Essai sur l'Histoire du Grand-Orient. 9. VIEUX M. Les Statuts de Ratisbonne. Bull. G.O.D.F. n° 51. 10. NAUDE. Instruction sur la Vérité de l'Histoire des Rose-Croix. 11. ms. Ffr.2 021.m. Algorisme (X111° siècle). 12. HONECOURT V. de. ms. Ffr. 19 093 (c. 1240). 13. BACON R. Opus Tertium (fragment inédit). 14. ROBERT LANGLAIS. Traité du Quadrant (XIII° siècle). 15. CHUQUET N. Le Triparty en la science des Nombres (1484). 16. DERAND F. L'Architecture des Voûtes (1643). 17. LIBAVIUS. Commentarium Alchymia (1606). 18. Arch. Nat. Rituel Maçonnique et Papiers Personnels de Compagnons. 19. JANNET C. Les précurseurs de la Franc-Maçonnerie aux XVI° et XVII°. 20. JEANTON G. Compagnons du Devoir et Compagnons de Liberté au XVII°. 21. FOURNEAU N. L'Art du Trait de Charpenterie (1791). 22. BLANCHARD E. Traité de la Coupe des Pierres (1729). 23. JOUSSE M. L'Art de Charpenterie (1702). 24. FRANKLIN A. La Mesure du Temps (1888). 25. HUTIN S. Histoire des Rose-Croix. 26. SEDIR. Les Rose-Croix. 27. AGRIPPA C. Paradoxe sur l'Incertitude (éd. 1617). 28. BERTHELOT M. Science et Libre Pensée (1889). 29. Arch. Nat. Le Secret des Compagnons Cordonniers. 30. ms. Ffr. 32 964. TYRRY. Héraud d'Armes des Stuart à Saint-Germain. 31. HOLBEIN H. Portrait d'un astronome (musée du Louvre). 32. HOLBEIN H. L'Alphabet de la Mort. 33. ERASME. L'Eloge de la Folie. 34. LANE J. Handy Book. 35. LINDSAY R.S. Scottish Rite for Scotland. 36. An. Jachin and Boaz. Accusation and defence (1723). 37. BULLET P. L'Architecture Pratique (1695). 38. MONGE G. Géométrie Descriptive (1799). 39. MASCHERONI Ab. Géométrie du Compas. 40. BOMBELLI. Calculs Appliqués. 41. CARDAN J. De la Stabilité (1584). 42. DIGGES. Traité d'Arithmétique Militaire (1577). 43. HEIDELOFF. Die Bauhutte des Mittelaelters in Deutschland. 44. VIGENERE. Traité du Feu et du Sel. 45. BETTINO. Apiaria. 46. MULLER J. Tables de Projection et de Direction. 47. KIRCHER le P. Arithmologia (1665). 48. MAMEROT S. Passages faicts Qultre Mer (1473). 49. BRACQUEHAYE. Défi des Compagnons passants et des Etrangers. 50. BRUNET. Dictionnaire de Librairie. 51. An. (B. N.). Grande Loge des Maçons du Rite d'York (1849). 52. An. (B. N.). Société de Secours Mutuels des Francs-Maçons, 8, rue Puteaux, 53. RICHARD. Histoire des Institutions d'Assurance. 54. An. Archives de la Société des Hauts Fourneaux d'Allevard. 55. LE MASSON J.B. Calendrier de toutes les Confréries de Paris (1621). 56. HUTIN S. Les Sociétés secrètes. 57. VIEUX M. Les Statuts de Ratisbonne. 58. DELACHENAL R. s. t. 8° Ln 27-65 312 pièce (B. N.) . 59. HOLYWOOD. Algorism (1523). 60. DURER A. Les Quatre Livres de A. Durer. 61. DURER A. Instructions sur la Mesure à l'Equerre et au Compas. 62. SACRO BOSCO J. La Sphère de Sacro Bosco. 63. An. Livre de la très Noble Fraternité (1739). 64. EYERRE. L'Alphabet du Charpentier. 65. SERBANESCO. Histoire de la Franc-Maçonnerie. |
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