GLDF Revue : Points de Vue Initiatiques 4T/1974


Loge de Compagnon

Discours pour une réception de ce grade, le 17 Novembre 1765

Mes chers Frères,

Sans affecter de vous faire valoir comme une grâce parti­culière, celle que la loge vous accorde aujourd'hui, en vous faisant passer si rapidement à la seconde classe des ouvriers du Temple ; je ne dois point vous laisser ignorer que dans les temps primitifs, il fallait cinq années d'apprentissage, pour obtenir le grade de Compagnon : l'usage d'abréger ces interstices a prévalu depuis que nos travaux sont réduits à des spéculations ; cependant nous ne les épargnons pas totalement à tous les sujets, et ceux qui comme vous, mes Frères, en sont exemptés, doivent le regarder comme une faveur, qui tacitement les invite à s'en rendre dignes ; peut-être au premier coup d'oeil n'aurez-vous pas saisi les diffé­rences de cette seconde réception : une décoration pareille, rien de nouveau dans ce cérémonial, peu de chose ajouté au Tableau, un signe, un mot de plus, ne semblent pas vous annoncer des objets bien essentiels ; cependant ce grade vous en offre, mes chers Frères, qui méritent la plus profonde méditation, et vous allez en convenir. En troquant la pierre brute, symbole de l'état d'Apprentis pour la pierre cubique à pointe, attribut des Compa­gnons, vous devez concevoir d'abord que ce second grade suppose déjà plus de connaissances, plus d'aptitude au travail ; vous portiez les pierres pour l'édifice, vous êtes déjà destiné à leur recoupe ; aiguisez vos outils en conséquence, mais souvenez-vous que ce langage figuré ne parle qu'à votre coeur, qu'il soit votre premier maître. Jettez maintenant les yeux sur le Tableau, sept marches que vous avez régulièrement montées vous ont conduit au portique, arrêtez-vous sur le dernier degré, mes chers Frères, pour vous souvenir sans cesse des choses que ce symbole renferme. Les sept jours que le Grand Architecte emploie à construire le monde, votre coeur se tourne nécessairement vers l'Etre suprême, vous vous rappeliez la grandeur de ses oeuvres, le respect suit l'admira­tion, la reconnaissance et l'amour en sont la conséquence infail­lible.

Les sept années que Salomon emploie à construire le Temple : cette merveille ne s'achève malgré la sagesse et la profusion du Monarque, qu'après un si long temps, vous en devez conclure que la confiance, le zèle et l'assiduité au travail, sont les seuls mobiles de la perfection.

Les sept vertus que tout bon maçon doit pratiquer sans relâche. A cette explication vous observez sans doute qu'un édifice dont le portail est orné de chiffres aussi magnifiques, doit être l'asile de la sagesse, le temple du bonheur, et que vous destinant à en devenir ouvrier, vous ne pouvez y parvenir que par l'escalier mystique des vertus qu'il recommande, en les adoptant tellement qu'elles se massent, pour ainsi dire, dans votre cœur, pour se développer dans chacune de vos actions.

Les sept vices capitaux que tout Maçon doit fouler aux pieds : cette définition reproduit à la fois les obligations religieuses du Chrétien et les devoirs de l'honnête homme : orgueil, avarice, luxure, colère, gourmandise, envie, oisiveté, vices honteux dont l'existence n'accrédite que trop la fable de Pandore, vous n'aurez jamais de prise sur le cœur des Maçons, vous aviliriez le vulgaire, il nous méprise, nous faisons, mieux, nous osons vous braver.

Les sept arts libéraux auxquels les Maçons doivent s'appliquer particulièrement et dont le cinquième qui nous est le plus recom­mandé s'annonce par la lettre initiale qui occupe le centre de l'étoile. A ce précepte séduisant pour l'esprit d'un candidat, il démêle bien vite que nos loges ne sont pas des séances frivoles, où l'on se borne à une doctrine sèche et à des cérémonies bur­lesques et décousues ; non content d'épurer l'âme, l'Ordre veut encore l'embellir par des connaissances utiles, qui soient avanta­geuses dans toutes les positions de la vie, et qui nous sortent de cette espèce de végétation, dans laquelle on ne languit que trop souvent, faute d'exercer la portion de talent que chacun a reçu de la nature et dont il doit compte à la Société. Voilà les vrais morceaux d'architecture qui nous plaisent et qui nous conviennent, il est permis, il est beau, il est de précepte que l'on s'essaye sur tout ce qui peut concourir au bien être, ou à l'ins­truction de l'humanité ; c'est aux services qu'on lui rend en effet, que se reconnaît un bon Compagnon, c'est à ce titre et dans cet espoir, mes chers Frères, que je m'applaudis de vous avoir en ce jour reçu comme tels.

* * *

N.B. On n'avait peut-être jamais imaginé de pérorer sur le grade de Compagnon, parce que par un abus criant on le confère en même jour après l'apprentissage et que le candidat encore ébloui des premières cérémonies, n'y aperçoit point d'accrois­sement de lumières ; cependant en se donnant la peine d'en assortir les allégories, on peut avec adresse en tirer les symboles utiles qui viennent d'être déduits, et qui ne sont pas sans quelque mérite ; je crois que l'étude d'un Vénérable devrait toujours être d'amuser l'esprit et de nourrir le coeur par d'ingénieuses applica­tions ; mais il faudrait un peu de choix dans les chefs : ceux qui ne voient rien au-delà des grimaces pectorales, gutturales ou pédestres, sont proprement des automates qui prêchent à des machines.

Publié dans le PVI N° 16 - 4éme trimestre 1974  -  Abonnez-vous : PVI c’est 8 numéros sur 2 ans

P016-1 L'EDIFICE  -  contact@ledifice.net \