GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 1T/1975 |
Travail de Maître Discours prononcé à une réception de ce grade le 16 septembre 1764 Mes Chers Frères, Le grade de Maître,
que l'Ordre par dispense a bien voulu vous conférer aujourd'hui, ajouterait peu
de choses aux connaissances premières de la maçonnerie, si bornant vos
réflexions au seul spectacle que cet appareil lugubre vous présente, je ne vous
aidais à en développer l'allégorie. Vous avez appris à votre initiation, que
notre Ordre avait pour objet dans son institution primitive, la reconstruction
du Temple de Salomon ; que dans la continuation de nos pratiques mystérieuses
nous nous en occupons encore dans un sens moral, et déjà vous avez connu le
but, le plan, les principes et l'étude des Maçons, le surplus n'est précisément
qu'une marche symbolique, nécessaire pour filer avec agrément et variété, la
sage morale que contient essentiellement notre doctrine. Chaque grade auquel
vous parviendrez, sera en effet un plus grand degré de sagacité, un plus grand
développement d'idées, un mode nouveau, qui rendra notre système plus lumineux. Aujourd'hui
l'Ordre, par des vues raisonnables et prudentes, occupe vos regards d'une
décoration funèbre, tout y est relatif : le vêtement des Frères, leur maintien,
les lumières du tableau, les crayons qu'il présente, la cérémonie de votre
réception, les signes que je vous ai appris, le mot même que je vous ai
conféré, tout enfin dans ce moment doit retracer une époque douloureuse, quoi
qu'elle ne soit pas consignée dans l'histoire ; la tradition qui lui équivaut
souvent en a tellement perpétué le souvenir, qu'aucun Maçon n'hésite de donner
des larmes sincères à la perte de leur chef. Celui que l'Ordre
regarde comme tel, périt sous les coups géminés des traîtres qui l'assassinent,
l'ambition aiguise leur poignard, l'avarice préside au complot et la perfidie
guide leur main sacrilège. Le Père de la Maçonnerie dont la mort même ne peut
ébranler la constance, expire avec son secret, victime de la trahison et de sa
propre fidélité. Tel est le précis du grade que vous venez d'acquérir, précis
sec, froid, monotone, et qui n'aurait pas de quoi vous satisfaire, mes chers
Frères, si vous n'en suiviez l'allégorie dans tous ses points. La perte du Maître
de l'Ordre mérite sans doute tous nos regrets, mais enfin le temps passe
l'éponge sur les événements les plus tristes et si nous n'avions pas un point
de vue plus réel, une commémoration sérieuse suffirait aux cendres du Père des
Maçons. Mais en examinant pied à pied les circonstances malheureuses de cette
mort tragique, nous y trouvons des exemples trop frappants, des leçons trop
utiles, pour n'en pas faire l'objet d'une méditation profonde. Ici le tableau
des excès auxquels se livre tout homme qui écoute les penchants vicieux de la
nature, là ce que peut sur une âme pénétrée de ses devoirs, la force de ses
engagements et de ses promesses. Tel est succinctement le résultat moral des
considérations que présente ici l'Ordre dans l'historique de ce grade. Rien de
plus affligeant pour nous, mes Frères, que d'avoir à penser que des Maçons ont
pu être auteurs d'une telle énormité : rien de plus triste que de voir de nos
jours se renouveler des scènes aussi effroyables. Le secret de l'Ordre, voilà
le véritable Hiram, l'indiscrétion des Frères qui le divulgueraient ou l'exposeraient à profanation, voilà le meurtre,
voilà les assassins ; l'ambition, l'avarice, furent le pivot d'un premier
crime, elles peuvent l'être encore. Un troisième mobile non moins dangereux
prépare peut-être de nouvelles atrocités : l'amour n'est pas à son coup d'essai
pour causer des désordres ; on sait les faiblesses qu'il autorise. Je me hâte
d'écarter ces funestes images, les préceptes sont superflus, ou les précautions
ne sont pas nécessaires, ou les explications ne peuvent trouver place : les
sentiments de ceux qui composent cette respectable loge, les mettent infiniment
au-dessus du besoin d'instruction à cet égard ; les vôtres, mes Frères nouveaux
reçus, dont nous avons pour gage, naissance, nom, éducation, état, esprit,
m'auraient suffisamment dispensé d'un si long détail, si je n'avais cru par ma
place, en vous ouvrant le sanctuaire de la vérité, être obligé de vous la
découvrir sans aucun voile : c'est par cette route peu frayée du vulgaire, que
la Maçonnerie conservera toujours l'estime qu'elle mérite ; la dignité de Maître
à laquelle vous venez d'être élevés, est le prix du rapport de vos sentiments
aux nôtres, il exige qu'à l'avenir nous communiquions avec vous de la façon la
plus intime, la plus complète, la plus ingénue ; c'est ainsi que, marchant à la
suite, de grade en grade, jusqu'au dernier but de notre association, vous y
reconnaîtrez toujours cette morale sage et solide, qui présentant d'un côté,
sous les surfaces de nos allégories, tous les monstrueux abus que le caprice,
l'indiscrétion, l'avidité, l'orgueil, l'ambition, l'amour et la haine peuvent
enfanter, fournissent de l'autre un antidote sûr, contenu dans les sages
maximes de l'Ordre, dans les vertus qu'il inspire, dont cette respectable loge
vous donnera des exemples constants, et qui conviennent, on ne peut mieux, mes
chers Frères, à la beauté de votre âme, et à ce caractère que nous aimons en
vous. N.B. Il est bon de
savoir tirer parti de tout. Les apologues sont la meilleure de toutes les
leçons, on ne peut ranger une hypothèse dans la même classe que les fables : en
ce cas, celle de la mort du Chef que les Maçons ont admise, deviendra une
invention utile, si l'on sait en prendre occasion d'admonester le vice et de
prêcher la vertu : j'approuve l'entreprise, mais je voudrais qu'un Maître fût
soigneux de ne pas hasarder des paradoxes : par exemple, les penchants vicieux
de la nature, cette phrase n'est pas supportable, les bons Philosophes ne
peuvent la protéger. Justifie-t-on des enfants criminels, en déshonorant leurs
mères ? Les vices ne sont point dans la nature, ils sortent au contraire de
l'ordre et du cercle qu'elle-même a circonscrit ; nous ne tenons pas d'elle le
goût et l'aptitude aux atrocités, mais l'abus des droits naturels nous y
conduisent quelquefois. Tout homme naît pour le bien, supposer le contraire,
c'est accréditer un blasphème : celui qui créa tout, fit deux lots ; à droite,
il plaça les vertus ; à gauche, la fatale boîte aux crimes : il dit à l'homme :
tu es libre, choisis : les arguments civils ne touchèrent point au petit
trésor, ils ajoutèrent beaucoup au grand coffre de la perversité, l'homme y
puisa de préférence, est-ce la faute de la nature ? ObservationLa foule des grades
qui suit immédiatement les trois premiers, produit également un tas de
discours analogues aux rêveries qui sont l'essence de ces modernes inventions,
on se dispense d'en donner aucun de cette espèce, parce qu'il serait indécent
de dialoguer sur des objets, dont on croit d'ailleurs avoir assez montré
l'absurdité ou le ridicule : au surplus, comme ces grades n'ont pas une forme
fixe, et qu'ils varient suivant la chaleur d'imagination ou l'intérêt
particulier de ceux qui les administrent, et qu'en général, hors de la France,
ils ont un très petit crédit, les discours prononcés en conséquence ne peuvent
intéresser ni instruire. La Maçonnerie semble être parvenue à son nec plus
ultra, lorsqu'on arrive à l'Ecossisme, moyennant que par une juste estimation,
l'on rejette vingt-cinq chimères qui portent ce nom, pour s'attacher au seul
grade qui le mérite, et qui est connu de peu de personnes. Comme il est assez
simple que chacun soit de son pays, l'on croit devoir donner la préférence à
l'Ecossisme d'Ecosse, intitulé de Saint André ; les choses sérieuses et
raisonnables qu'il contient vaudraient bien, si cela se pouvait, une
dissertation particulière et lumineuse ; mais l'on se bornera aux prérogatives
et privilèges acquis aux Maçons qui ont obtenu ce grade, cette ébauche suffira
pour en donner une idée avantageuse. Il fut Conseiller au Parlement de Metz. Il publia en 1752 deux ouvrages : « Etrenne au Pape des Francs-Maçons vengés » et « Le Vatican vengé «, où il attaque les condamnations pontificales de la franc-maçonnerie ; enfin « L'Etoile Flamboyante » d'où ont été extraits, les trois discours, aux Apprentis, aux Compagnons, aux Maîtres, qui ont été successivement publiés dans les Points de Vue Initiatiques (n°' 15, 16). Il semble avoir eu une certaine influence sur le développement du Rite Ecossais, en France et en Europe. |
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