GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 4T/1976 |
Qui est le Dieu de la
Kabbale ? Pour ses zélateurs
— c'est-à-dire tous ceux qui un jour ont commencé à pénétrer dans ses arcanes —
la Kabbale n'est pas une quelconque branche des sciences humaines, c'est la
Science par excellence, la
Science de la Vie et de la Mort, ou plus exactement de l'Arbre de vie
et de l'Arbre de mort. Eliphas Levi a dit
que la Kabbale pouvait être appelée « la mathématique de la pensée humaine.
Elle est l'algèbre de la foi ; elle résout les problèmes de l'âme comme des
équations en découvrant l'inconnu ». Algèbre,
mathématique, équations, oui, puisque dans la langue hébraïque tout est nombre.
Puisque chaque lettre de cette langue étonnante, sans origine connue, possède
une valeur numérale. Or la numération a
pour base ces dix premiers nombres. D'où les dix « Sephiroth ». Les dix « Sephiroth
» sont ainsi, comme le souligne le professeur Scholem de l'Université de
Jérusalem, les dix catégories primitives qui constituent le monde de l'Unité
divine en développement. Les Sephiroth sont les puissances et façons d’agir du
Dieu vivant. C'est le mythe de
la création raconté par les symboles et les images. C'est — qu'on me
permette cette définition toute personnelle — le « développement exotérique de
Dieu ». Pour la Kabbale et
par les Sephiroth, Dieu sort de son secret et de l'inexprimable. Car les mondes
de la création, secrets ou visibles, sont le reflet et la répétition dans leur
structure du monde de l'être divin intérieur... Nous sommes proches, on le voit,
de la grande leçon d'Hermès Trismégiste, pieusement conservée par la
Franc-Maçonnerie. Dieu donc apparaît
dans les branches et le tronc de l'arbre séphirotique qui est un arbre
théogonique et cosmogonique. C'est l'histoire de la création, telle que la
décrit le Zohar. « Au
commencement, lorsque la volonté du Roi commença à agir, il grava des signes
dans l'Aura céleste. Une flamme sombre jaillit dans le royaume le plus caché,
du mystère de l'infini, comme un nuage sans forme, se trouvant dans l'anneau de
cette Aura, ni blanc, ni noir, ni rouge, ni vert, et d'aucune couleur. D'abord,
lorsque cette flamme grandit et s'élargit, elle fit naître des couleurs
resplendissantes. Au plus profond de cette flamme, c'est là que jaillit une
source, débordant de couleurs, cachée dans le mystère le plus secret de
l'infini. La source ne perça pourtant pas l'éther environnant et demeura tout à
fait inconnue jusqu'à ce que, par la suite, la puissance de sa percée ait
éclairé le point le plus haut et le plus caché. Au-dessus de ce point, il n'y a
rien de reconnaissable et c'est pourquoi il s'appelle Reschith, le premier des
dix mots de la création par lesquels le Tout fut créé. » Mais le Dieu qui se
dévoile dans les Sephiroth est en fait représenté par l'homme originel — c'est
un Dieu anthropomorphique car l'Homme créé à l'image de Dieu est contraint de
rendre la pareille à son créateur — dans sa forme la plus pure : celle de
l'Adam Kadmon l'homme « originel » de double essence. A cet égard il
n'est pas inutile de souligner que l'arbre des Sephiroth est à la fois mâle et
femelle et que sa grande originalité est l'affirmation par la 10e Sephirah :
Schekina (appelée aussi Malkouth) d'un élément féminin en Dieu. C'est l'un des
progrès les plus riches de la Kabbale sur la tradition rabbinique. Cela grâce à
son exégèse gnostique. La Schekina est en
effet le lieu de la psyché et comme telle reliée à la très vieille symbolique
lunaire, c'est l'Arbre de mort opposé à l'Arbre de vie. Mais en même temps elle
est l'épouse du Roi (et aussi la mère d'Israël...), en fait le démiurge. Son
union avec Dieu est le signe de la Rédemption (on voit quel utile rapprochement
pourrait être fait dans ce sens avec le culte marial. Rien en fait ne s'oppose
dans la religion chrétienne à la conception kabbalistique...) * * * Et voici donc
comment est constitué l'Arbre séphirotique : — Au sommet Kether, la Couronne, première
manifestation de l'indicible, de l'incogniscible Aïn Soph, l'infini. La
Couronne arrose l'arbre et propage la sève à travers les branches et les
rameaux. C'est par elle que le non-être se fait être et que s'effectue le
passage de la puissance à l'acte. C'est le point initial, la lumière
primordiale, la source de toute lumière. De la Couronne,
première Sephirah naissent deux principes : — Hokhmah, la Sagesse, 2e sephirah, le
Père, masculin ; — Binah, l'Intelligence, 3e sephirah, la
Mère, féminin. A partir de ces
deux Sephiroth, l'indifférencié se développe. Unies entre elles, elles
engendrent Da'ath, la Science, la Connaissance. Ces trois premières
Sephiroth constituent le « Grand Visage », trinité indivisible, située
au-dessus du Trône et correspondant au monde de l'émanation. Elles sont la
manifestation des principes divins, la Trinité de la religion chrétienne. Le
triangle formé est pointe en haut. C'est notre Delta flamboyant, les triangles
pointes en bas, tournés vers la matière étant réservés aux deux autres séries
de Sephiroth, dites de « construction ». Rappelons le mot de
la Genèse : « L'homme après avoir commis le péché originel, s'était caché. Il
ne pouvait plus contempler le visage de Dieu ». L'homme tombé dans la matière
ne peut voir ni comprendre l'Absolu. Dieu néanmoins dans sa jeunesse suprême se
fait pressentir par l'Intelligence omnisciente émanée de la Couronne dominant toute
la Création. C'est encore le
chiffre trois qui commande donc le système séphirotique au sommet (les trois
premiers commandements du Décalogue — il y a dix commandements comme il y a dix
sephiroth — sont précisément réservés à Dieu). Le deuxième groupe de
l'Arbre séphirotique est donc constitué par six sephiroth dits de construction
qui constituent le « Petit visage » et répondent aux six jours de la
création-réalisation dans le monde créé de l'émanation du ternaire suprême. — Deux sephiroth
émanent donc l'une de Hokhmah ; c'est Chesed (la Grâce) ou Gedullah (la
Clémence) et Geburah (la Rigueur) appelé aussi Dïn (le Jugement). Ces quatrième
et cinquième sephiroth sont les deux bras du Maître du Tout, la parure du
Trône royal. Mais elles
s'unissent au coeur de l'Arbre séphirotique pour donner la sixième Sephirah
celle qui est vraiment le coeur du Maître du Tout, celle du Bien et de
l'Harmonie, la merveilleuse Tiphereth, la Beauté, qui symbolise l'Idéal placé
au centre de l'oeuvre divine. Ces trois sephiroth
correspondent aux trois premiers jours de la Création : Chezed à la Lumière,
Geburah à l'étendue conçue le second jour et Tiphereth à la première
manifestation de la Vie universelle par le règne végétal, à la réalisation du
mouvement dans l'espace, l'eau et la Terre. — La septième Sephirah, Nezah correspond à
la création des astres. C'est la Victoire. Il est dit dans la Genèse que les
astres ont été créés pour « éclairer l'intelligence de l'homme ». C'est par la
compréhension des astres que l'homme a pu vaincre la matière et deviner les voies
du Créateur... — Hod, la huitième Sephirah, la Gloire,
voit l'achèvement de l'oeuvre divine
dans l'individualité de la Vie universelle à travers les espèces. Mais Nezah et Hod
s'unissent en Yesod, la neuvième Sephirah, le Fondement, véritable principe
générateur de l'Univers. C'est la Création de l'homme, Adam, dont le chiffre
est précisément 9, en numération hébraïque (Adam : 40+4+1 = 4+5 = 9). Adam est
l'esprit incarné. Toute la Création aboutit
ainsi à la pénétration dans la matière de l'Etincelle divine, du feu premier et
par suite à sa purification. Ce processus
accompli, l'Etincelle se libérera de son individualité et retournera à sa
Source. Le chiffre neuf,
celui d'Adam termine donc le Travail divin. Il faut à présent revenir au
commencement, à l'unité. — C'est le but de
la dixième Sephirah, Malkouth, qui à elle seule forme le troisième et dernier
groupe de l'Arbre. Malkouth, la Royauté (mâle et femelle puisqu'elle porte
aussi le nom de Chekinah, épouse et reine) est aux pieds du Trône dans le
Monde de l'action. C'est par Malkouth qu'Ain Soph établit son règne. Par Malkouth
l'Esprit ayant totalement pénétré la matière et atteint à son individualisation
maxima, revient à son origine. Malkouth est le
septième jour de la Création, celui du repos et du retour à la Source. Ainsi est indiquée
la voie de l'Unité entre les mondes d'en haut et d'en bas. Aïn Soph en haut,
Malkouth en bas. L'Arbre est complet et redevient possible l'unification du Nom
brisé. C'est pourquoi il est écrit : « En ce jour le Seigneur sera Un et Son
nom sera Un ». Ainsi apparaît
l'union dans l'éternité de l'infiniment petit et de l'infiniment grand. Voici donc ces
Sephiroth qui contiennent l'infini et embrassent toutes les lois mécaniques de
l'Univers. Elles sont dix et
non neuf car nous resterions dans le domaine de la terre avec le culminant de
la Création sur la terre, le nombre d'Adam. Elles sont dix et non onze car onze
est inaccessible à notre compréhension. C'est le passage au plan supérieur qui
nous est fermé dans notre condition humaine. Celui peut-être qu'à l'heure de
notre initiation suprême nous pourrons découvrir. |
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