GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 4T/1976 |
La Pérennité de la Pensée
Eschatologie et Prospective Pourquoi venir
s'enfermer dans une salle alors que le Soleil brille dans l'univers entier,
brille en nous ? Ne sommes-nous pas au solstice d'été ? En regardant les fleurs
s'épanouir, en prenant en main un caillou, en humant les senteurs de l'herbe,
de la moisson, n'apprendrions-nous pas plus qu'en nous gorgeant de mots
pesants, souvent rébarbatifs ? En honorant notre patron Saint Jean, ne
pouvons-nous nous joindre à cette ronde sans fin, à cette chaîne qui oscille
sous le rythme de la danse et du chant ? Car durant cette nuit la plus courte
de l'année, tout est clair, chaud, sensuel ; et le temps est encore aboli par
cette flamme qui monte vive, qui se voit à plusieurs lieues à la ronde et qui
annonce toute la profonde aspiration de l'homme, ce besoin de sentir son sang
couler frais et puissant car il sait sa fragilité devant l'abîme du temps.
L'homme se rassure ainsi lui-même ; il puise dans les mystères les plus
anciens, dans la tradition la plus authentique dont il conserve la nostalgie,
de ce passé qu'il ne connaît plus ou fort mal. Car au-delà de nos saints
chrétiens existait déjà l'habitude de fêter les solstices et même les
équinoxes. Nous connaissons quelques rites de cette cérémonie périodique et
cyclique, que ce soit chez les Phéniciens, chez les Romains au temps d'Ovide,
aux fêtes d'Adonis, d'Osiris, d'Atys ou chez nos amis, nos ancêtres, les
celtes. C'est que de tout
temps l'homme s'inspire de son passé, tente de renouer avec la Tradition et que
de là il veut rayonner à partir de ce centre immuable pour marquer sa vie, pour
influencer ses actes à venir. Et c'est peut-être là, dans cette projection dans
l'avenir, dans ces impulsions de forces, de pensées, qui veulent atteindre «
quelque chose «, que se retrouvent et que se confondent ce que nous voulons
nommer l'eschatologie et la prospective. Je ne suis pas apte
à faire un cours de Thélogie, à chercher la finalité de l'homme, à vous parler
du jugement dernier, de la résurrection. Mais peut-être, pouvons-nous nous
interroger sur les perspectives offertes à l'homme dans notre civilisation,
essayer de cerner son originalité, sa profonde recherche qui se double d'une
grande détresse. Car il veut atteindre « quelque, chose », mais quoi en réalité
? Au fur et à mesure que nous nous instruisons toutes nos limites
s'élargissent, se dilatent et nous restons aussi solitaires, aussi désemparés
que nos aïeux. Que faut-il penser de notre civilisation qui se développe et qui
ne nous apporte pas encore tout le bonheur souhaité ? Que devons-nous penser de
l'homme vu sous l'angle de la pensée Traditionnelle, de la pensée ésotérique,
initiatique ? * * * Car mon propos sera
axé sur l'Ordre Traditionnel, la connaissance supra-humaine et éternelle.
Pensons à ces simples coutumes, comme ces fêtes de la Saint Jean, que l'on
peut étudier dans tous les pays du monde, mais dont l'origine est souvent
récente. Ce sont là des faits d'ordre humain, qui puisent parfois dans notre
grande Tradition qui, elle, a le sens de transmission et de rattachement à un
centre primordial, de nature divine, à caractère intuitif, d'où nous provenons
et que nous tentons de réintégrer en particulier par le truchement de
l'initiation. Pour pouvoir juger sainement, pour dépasser notre propre
condition, pour pénétrer les règles obscures de ce qui nous entoure, il faut
pouvoir se placer au centre, au point central d'où tout provient et où tout
revient, point de départ et point d'aboutissement, point d'équilibre. Car tout
est rythme. « Le chaos nous anime » disait Paul Valéry. Bien entendu nous
devons rester dans le siècle, suivant l'heureuse expression de nos Pères. Nous
devons lier notre compréhension de l'Ordre cosmique à la réalité humaine. Il
est heureux que l'homme puisse être à la fois acteur et spectateur, qu'il sache
observer l'éclatement de nos structures économiques et morales. Mais son rêve
du collectif et de la pensée commune naît dans l'atmosphère des machines
électroniques et des cerveaux mécaniques, qu'il se forge. L'humanité est
partout présente, dans tous les coins du globe, grâce à ses moyens
d'information et de communication qui uniformisent le monde. Après la notion du
clan nous parvenons à celle du continent. L'homme fuit la solitude, car il a
peur de lui-même, de sa propre réflexion. Et cependant il reste seul. Aussi
vit-il dans de grands ensembles et tant pour abriter les nouvelles industries
aux besoins accrus que pour héberger les familles florissantes, il imagine les
centres collectifs. Le monde se développe, s'agrandit et partout sur notre
terre il revêt le même visage, car il faut construire vite, à la mesure de cet
univers en gestation. Nous perdons ainsi
cet aspect de l'individualisme, mais entrés dans une voie d'expansion, nous
échappant à l'attraction terrestre pour entreprendre des voyages
interplanétaires — nous ne semblons plus pouvoir ni raisonner, ni voir comme
autrefois sur le plan technique cela s'entend. Dans la technique
des ouvrages utilitaires, un autre rythme donne une physionomie particulière à
nos constructions. C'est la rigueur géométrique des volumes et des timides
essais de l'architecture où l'homme se sent diminué. La route, cette
route-moteur traverse maintenant le paysage, coupe ou surplombe notre sol. La
notion de l'espace-temps ne permet plus la réalisation d'un chemin collant à la
terre, musardant aux reliefs naturels. Il faut tout niveler, aplanir ; il faut
que tout soit semblable, comparable. Dans l'Art Royal, des ouvrages d'art,
ponts, tunnels prennent ainsi des proportions jusqu'ici inconnues, car les
hommes ont besoin d'être liés plus rapidement entre eux, et cette chaîne
d'union de la fraternité humaine permet l'instauration d'un esprit d'équipe,
tandis que toutes nos réalisations sont elles-mêmes inspirées par la même unité
de vue. Mais dans ces
constructions récentes l'homme, l'ingénieur ou l'architecte, n'est-il que
tributaire des matériaux, de ses calculs, de sa résistance des matériaux ? En
fait une énorme poésie émane encore du chantier, même lorsque celui-ci
s'oriente vers la préfabrication, vers des éléments standardisés. Il y a encore
une étroite relation entre le créateur et son milieu, et nous retrouvons le lien
entre l'homme et le monde cosmique. Bien entendu à
notre époque il y a le désir de bousculer, d'ébahir le public, et même de le
tromper ; l'homme se laisse prendre à l'insolite, à tout ce qui inquiète et
surprend. L'homme est blasé ; il a peur que l'on se moque de lui. Pour se
mettre à la page il prône parfois « l'avant-garde », il se « gargarise » avec
des mots dont il ne comprend pas toujours le sens mais qui font bien dans un
milieu qui a perdu le goût de l'équilibre. Notre société oublie trop souvent la
valeur humaine, le sens du concret, et se baigne avec ravissement dans des
questions philosophiques oiseuses. On cherche à dépasser ses propres qualités,
mais dans le mauvais sens, car finalement la pensée Traditionnelle nous apprend
à réaliser, puis à éveiller. Notre époque se
plaît aux larges conférences, aux tables rondes, aux séminaires où l'on se
recycle, comme si de tous temps l'homme ne s'était pas recyclé de lui-même, par
lui-même, au contact effectif. Bien entendu on m'objectera que maintenant la
science et les techniques progressent plus rapidement qu'autrefois, que l'homme
doit participer et apprendre les nouvelles recettes. Mais l'homme ne
cherche-t-il pas son perfectionnement, ne désire-t-il pas venir vers une
compréhension intuitive de lui-même ? Il faut savoir se remettre en question,
car le doute n'est qu'un passage. Pour être purifié il faut passer par le Feu,
le subir, mais savoir le traverser impunément car si nous sommes dignes, les
flammes ne peuvent nous atteindre. Bouddha cherche, mais après le vide qu'il a
su faire en lui, plongé dans sa contemplation près de l'Arbre, il trouve les voies
de la Sagesse. Ce n'est plus qu'un être spirituel qui rayonne, qui illumine car
il est au-delà de toutes choses. Il est devenu celui qui sait parce qu'il a su
faire le vide en lui, qu'il a pu descendre au centre de l'Idée, qu'il a puisé
dans la Sagesse Traditionnelle. Mais qui est celui qui sait ? Sans doute faut-il
avoir le courage de reconnaître le bienfait de l'action, de l'acte pur et
désintéressé parce que d'essence spirituelle. Agir c'est aussi s'unir, se
transformer. On a souvent voulu
opposer la science et la spiritualité et il est souvent annoncé, gravement, que
Teilhard de Chardin avait su réconcilier le rationalisme et la spiritualité.
Mais Galilée, et plus près de nous Newton avant d'arriver à Kepler et tant
d'autres savants, étaient-ils opposés à la spiritualité ? Je pense que si nous
avions fréquenté des chercheurs du XIXe siècle, réputés par leur intransigeance
envers l'Eglise Catholique, nous serions surpris de découvrir que leur
dénigrement s'adressait à une religion dogmatique, souvent décadente, ce qui
n'impliquait nullement leur désintéressement pour une religion universelle,
cosmique, pour une pensée métaphysique. Comment prendre autrement cette « gnose
de Princeton » ; tous ces ouvrages où des savants réputés ont besoin de venir
vers une spiritualité, où ils expliquent en termes clairs et très humains le
sens de leurs découvertes ? des recherches de savants orientés qui découvrent
finalement que ce que d'autres penseurs dans les civilisations archaïques
avaient déjà découverts, c'est-à-dire le sacré qui est enclos en chacun de
nous. Einstein nous a montré une vision plus élargie et nous pouvons aussi à ce
stade recommander la lecture des ouvrages de Jean-E. Charon, Jean Heidmann,
Roland Omnes, physiciens et philosophes qui reflètent des recherches
scientifiques approfondies doublées d'un humanisme réconfortant. Mais ne
devons-nous pas songer plus profondément à Einstein dont c'est à un mois près
le vingtième anniversaire de la mort, ce savant qui nous est particulièrement
cher à nous autres « les fils de la lumière » puisque ses travaux en 1921 ont
mené à la découverte du photon, une des particules de base, d'où cet élan vers
la physique fondamentale moderne. N'ayons pas
l'outrecuidance de croire que c'est seulement à notre époque que nous faisons
des découvertes orientées vers des valeurs matérielles. Chacun ne peut
découvrir qu'une parcelle de la vérité. On ne peut réaliser une synthèse de
toutes les découvertes que l'on a tendance d'ériger en dogmes universels. Trop
de savants se croient infaillibles ; cependant les plus grands sont les plus
humbles, car ils savent qu'ils ne peuvent pénétrer toute la réalité, et surtout
l'ensemble de la pensée. * * * Ne faut-il pas
parler du Haut Moyen Age, de ce siècle de la foi qui chante l'épopée et les
croisades ? car l'époque médiévale est celle de l'éclosion. L'homme puise alors
aux sources antiques mais par sa liberté il associe à son imagination la poésie
et le goût du sacré. Les étudiants arrivent à Paris de tous les coins de
l'Europe, les métiers assurent leurs techniques, les compagnons voyagent et
s'instruisent, les chansons de gestes éduquent et amusent. Cette verve apparaît
dans ces pierres travaillées avec un goût très sûr. Le diable entre
naturellement dans la composition de la sculpture romane qui nous étonne et
nous ravit. Ce n'est assurément pas le monde de l'obscurantisme, mais une
période de synthèse. C'est un monde lumineux, à la fois pacifique et violent,
intellectuel et positif, spirituel et industriel. L'ouvrier, au Moyen Age, est
libre. Très nombreuses sont les fêtes chômées et le travail s'établit sur cinq
jours par semaine. Les esprits hardis, en accord avec un roi comme Louis Le
Gros, soutiennent une révolution en faveur des droits de l'intelligence et ils
s'affranchissent des doctrines établies ; ils réclament pour l'individu le
droit de juger et de critiquer. L'action suit la réflexion. Les citoyens se
constituent en sociétés par actions pour créer des moulins à eau ; ils
inventent l'arbre à came qui transforme le mouvement circulaire en mouvement
alternatif et l'énergie hydraulique sert à toute une industrie qui naît :
agriculture, fabriques, tannages, forges. Douze siècles plus tôt, les Gaulois
avaient très certainement inventé les systèmes hydrauliques qui actionnaient mécaniquement
les marteaux des forgerons, des souffleries ; les Celtes qui jouissaient d'un
grand prestige dans l'art de travailler le métal avaient donc une ingéniosité
comparable à celle du Moyen Age qui construit aussi les moulins à vent, les
moulins à marée. L'attelage du cheval s'est transformé, la sangle à la gorge
est remplacée par le collier d'épaule ; le métier à tisser se perfectionne ; on
invente le rouet, la pendule mécanique ; on creuse des puits artésiens. La
boussole, le gouvernail d'étambot deviennent d'un emploi courant et vont
faciliter la navigation. Un moine, au portail de la cathédrale de Meaux, porte
des besicles, nouvelle invention qui apparaît avec le miroir. On fabrique le
papier et toutes ces multiples techniques influent sur l'art du constructeur ;
l'emploi de pierres, plus dures accroît la sûreté dans l'art de bâtir. C'est à
cette époque qu'apparaît la brouette. Ne croyez-vous pas
que ces époques ont eu ainsi de grands bouleversements techniques ? A chaque
période on pense être les seuls réalisateurs et notre acquis paraît de peu de
poids envers ce que nous inventons. Mais il faut rapporter ces différents
climats dans le contexte de l'époque, essayer d'avoir un commun dénominateur. Jacquard en
inventant son métier à tisser crée aussi une rupture : les ouvriers ripostent,
refusant cette machine maudite. On jette des pierres, on veut casser et ruiner
son invention, mais ensuite cette réalisation s'incorpore dans la société. Et
de combien de clivages semblables pourrions-nous parler. Car si Copernic en
1543 restait incompris dans les Universités, croyez-vous qu'en 1975 la
Relativité Générale d'Einstein soit enseignée dans toutes les facultés ? Et que dire de la
pensée médiévale ? Voici la théologie
abailardienne défendue par Héloïse, la
théorie
de l'invention selon laquelle tous les hommes de vertu égale
seront traités
également devant Dieu, quelle que soit leur religion de base.
Seule l'intention
détermine la valeur de l'acte ; un acte coupable en soi, mais
dicté par un
sentiment d'amour pur, est par là-même innocent. Les
Gnostiques recherchent une
connaissance plus parfaite du Créateur ; et subsiste encore
l'enseignement
druidique avec ses préoccupations astrologiques, si souvent
visibles aux
portails de nos cathédrales. Nous pourrions parler aussi de
l'adepte du Grand
OEuvre, du symbolisme perçu par la plupart des travailleurs. A d'autres époques
les hommes paraissent avoir oeuvré dans un esprit différent du nôtre ; peu
sensibles aux bénéfices matériels ils se sont peu intéressés aux sciences
appliquées pour cultiver des pensées philosophiques, elles aussi facteurs de
progrès. A notre époque de
découvertes et de fort avancement technique, ne voyons-nous pas des
cartomanciennes, des aigrefins vivre sur la crédulité publique ? Aux côtés des
Sages combien y a-t-il de pseudo-sages qui règnent sur une foule d'adeptes
ignorants qui gaspillent leur temps dans de stériles exercices psychiques ? Ne
faut-il pas dénoncer ces faux-sages, ces pseudoinitiés qui sous le couvert de
découvrir leur « moi » vivent aux crochets de leurs concitoyens ? Ne
voyons-nous pas des hommes, venus de leur pays pauvre et déshérité, prêcher la
bonne parole ? Alors que leurs
semblables meurent de faim, qu'ils sont dans une détresse pénible, que leurs
niveaux de vie et que leurs niveaux intellectuels sont des plus bas, ces
illuminés, ces « sages » veulent communiquer des moyens d'acquérir la
Connaissance, tout en restant incapables de la transmettre à leur entourage.
Ils ne viennent d'ailleurs prêcher la bonne parole que dans les pays riches,
qui peuvent largement les rétribuer. Bien entendu bien loin de moi de douter de
la valeur des védas, de la Bhagavad-Gîta, de tous ces textes sacrés ; mais
notre société doit lutter contre tous ces modernes « spiritualistes » de petite
nature, de toutes ces dames aux chapeaux verts à ces mégalomanes qui
s'auscultent, s'étudient, se radioscopient, et en définitive s'admirent le plus
souvent. Et dans notre société ne faut-il pas parler de tous ces intoxiqués, de
ces drogués, même de cette criminalité qui s'accroît et qui prouvent une
recherche désespérée d'une spiritualité artificielle ? L'homme blasé cherche à
s'évader grâce aux paradis artificiels ou par la violence, car l'on ressent
cette confusion, cette inversion des valeurs. Mais s'il y a avilissement de la
personne, n'y a-t-il pas anémie spirituelle de la société ? Ce serait tracer un
large réquisitoire contre notre monde, en cette période radieuse de la
Saint-Jean. Mais il faut bien admettre que nous avons soif d'autres valeurs. * * * Ainsi nous venons
de voir que à chaque époque il y a eu des inventions, que le monde s'est
transformé, et qu'à certains moments il y a eu accélération des découvertes
scientifiques. Nous venons de voir également qu'en notre siècle la spiritualité
est souvent reléguée, alors que le sacré devrait baigner notre vie, imprégner
tous nos gestes. Si nous étions très avancés, à notre technologie nous devrions
associer une correspondance symbolique en rapport avec les grandes lois
cosmiques ; cela se faisait en ancienne Egypte. Notre vie est-elle
réglée en fonction de celle de l'Univers ? Va-t-on vers la mort en pensant
retrouver la paix des grandes lois sidérales ? Cependant ces antiques
civilisations qui n'avaient pas d'automobiles, de trains, d'avions, de fusées
possédaient des valeurs spirituelles qui animaient non seulement certaines cérémonies
mais aussi tous les actes de la vie quotidienne. Il est exact que
nos connaissances se sont affirmées. Pascal pensait que l'espace était « une
sphère dont le centre est partout et la circonférence nulle part » ; ce qui
conduirait à penser que nous avons une pluralité d'infinis, proposition fausse,
car si tous ces infinis se limitaient l'un l'autre, ils ne seraient plus
infinis. Mais malgré nos recherches on peut se demander comment figurer notre
temps, et comment imaginer sa courbe d'évolution. Est-ce un plan rectiligne,
une ligne ouverte, ou est-ce une courbe fermée où la dernière cause est aussi
le premier effet ? N'avons-nous pas là
la figure emblématique du grand oeuvre où le serpent Ouroboros par son
mouvement circulaire laisse entendre que nous y trouvons l'immortalité ? Ce
serait le principe de la conservation, de la béatitude puisqu'il n'y a ni
commencement ni fin. Ce serpent en entourant le zodiaque éternel tue la mort,
C'est le temps continu dans lequel apparaît l'initié qui connaît la pomme, une
sphère pulpeuse et initiatique puisque coupée apparaît en son centre l'étoile à
cinq branches, emblème du libre arbitre que nous retrouvons aussi il est vrai avec
l'oursin. Mais le Logos crucifié n'est peut-être que le résultat de l'expérience
de Eve. Eve appartient à la pensée judéo-chrétienne, mais le Féminin Supérieur
se retrouve en réalité dans bien d'autres traditions. Grâce à la notion
de l'espace-temps relativiste nous sommes à la fois futur et passé, le présent
n'étant qu'un instant très fugitif. Avec ces cercles
dont nous parlions nous pourrions emplir l'Univers ; ce serait une infinité
d'ondes ayant des fréquences multiples de l'onde initiale, des harmoniques ; en
passant d'un cercle à l'autre nous pourrions voyager dans le passé, nous
installer à quelques millions d'années lumière de notre planète ; nous
pourrions alors prendre connaissance de ce qui s'est effectué sur la terre à un
moment bien antérieur à notre propre existence, à un moment où nous n'existions
pas encore. Le cosmos est ainsi formé à l'instant précis de présent, de passé,
d'avenir. Placés sur un autre cercle nous ne pourrons voir ce moment présent
que dans des millions d'années. Dans ce bloc rigide l'avenir est constitué
d'éléments déjà vécus. Ainsi tout se déforme ; passé et avenir existent de
toute éternité ; tout est conditionné et sans doute prédéterminé. Bien plus, en
passant d'harmoniques en harmoniques le même personnage jugerait avec une
infinité de « moi », car il pourrait vivre simultanément chaque phase de sa vie
sur une ligne d'ondes différente. L'homme contiendrait la multiplicité. Mais heureusement
cet univers aux n. dimensions ne nous est pas accessible. Ce vaste réservoir
chargé de matière et d'énergie, ne parle qu'imparfaitement à nos sens ; nous ne
connaissons rien de ces univers parallèles. Par ces conceptions
nous rejoignons tous les rêves, toutes les utopies ou même la science-fiction.
Nous devons donc revenir sur terre, dans notre propre système, en liant notre «
moi » à l'aventure cyclique terrestre de nos éléments constitutifs. Car la matière
n'est-elle pas que rayonnement ? En pénétrant l'essence des choses nous devons
nous considérer comme un amas de molécules très indépendantes les unes des
autres, un agglomérat de particules élémentaires régies par une certaine courbure
de l'Espace-Temps. Peut-être, vu sous une autre échelle, le corps de l'homme,
le caillou ne sont-ils que l'image de ce ciel que nous découvrons, de cette
voûte emplie d'étoiles toutes distinctes les unes des autres, et cependant
toutes soudées, toutes unies pour faire vivre un immense organisme que nous ne
concevons pas ? Que savons-nous de ces forces gravitionnelles qui gouvernent
les mouvements de tout l'Univers ? Peut-être que tout a la même figuration, la
même structure. Peut-être que toutes choses se répètent à l'infini. Alors
l'homme n'est qu'un insecte, qu'un très petit élément dont la vie cependant
concourt à l'harmonie générale. L'homme devant l'univers reflète l'image des
neurones qui vivent sur lui, en lui, qui sont indépendantes de son corps, et
qui cependant en vivent. Une cellule dans notre corps participe directement à
la vie du milieu qui l'entoure ; elle appartient au tissu vivant tout comme
nous participons à la vie d'un organisme infiniment plus grand. Toutes ces
bactéries ne nous connaissent pas, nous ignorent comme nous les ignorons ; et
cependant nous sommes dépendants les uns des autres ; elles vivent de notre
propre vie. Par leur rupture notre corps peut mourir, ce qui entraîne
partiellement la leur. Chacun se crée à partir de sa propre structure la
préservation de son existence ; il faut survivre. D'où la nécessité de se
reproduire, de donner naissance, d'essayer de se survivre en transmettant.
L'ordre succède au chaos et à l'échelle moléculaire, tout s'organise. Mais il faut aussi
que ces cellules, pour vivre, préservent la vie de ce qui les entoure ; il faut
se concilier les forces qui sont près d'elles. L'action individuelle débouche
sur un ensemble collectif. L'homme n'est ainsi qu'un reflet du cosmos ; il est
aussi un microcosme dans lequel l'univers est enfermé. Il est l'image du
métabolisme cellulaire. Dans cette
recherche de l'Inaccessible identifions-nous à la vie des puissances célestes.
S'identifier à une force extérieure, c'est aimer, absorber, se confondre avec
cette force. Cette communion est la base de notre survie ; tant que nous nous
raccorderons à notre cercle, à notre serpent Ouroboros nous vivrons. Il faut
rattacher le Tout au Tout, former cette vaste Chaîne d'Union puisque notre
pensée progresse du pourtour vers le centre, qui se réduit en un point où
réside le Divin. Ne nous éloignons
pas trop sur tous ces cercles, sur ces tranches de durée ; avec la fuite des
étoiles constatons les divers mouvements des faisceaux vibrants qui dessinent
des spirales ; et toutes ces volutes admirables foisonnent comme des flammes
qui conduisent à réimaginer un Univers où tout vit selon un système hélicoïdal
qui se visse dans l'étoffe spatiale. Nous avons parlé de
cercles et dans la première partie de cet exposé nous avons montré que dans
diverses civilisations l'homme était resté le même ; que de tout temps il avait
voulu progresser, et cependant que nous étouffions dans notre société tournée
vers la sexualité, les hippies et la drogue. C'est que nous traversons une
dispersion de la pensée, que nous ne découvrons qu'une parcelle de la vérité.
A cette époque des mesures, des statistiques, le bonheur, la beauté, l'Amour peuvent-ils
se comptabiliser sur une machine à calculer, sur un ordinateur ? Parce que nous
avons perdu le sens du sacré les plus grands deviennent humbles ; et les savant
de Princeton réinventent une gnose qui montre qu'ils ne font que redécouvrir la
pensée métaphysique de nos ancêtres. Car ne faut-il pas déclarer hautement que
leur gnose est en-dessous de nos valeurs traditionnelles, que la parfaite
interprétation de nos symboles nous a déjà mis sur la voie. A la limite nous
pouvons constater que les sciences exactes rejoignent la pensée ésotérique,
qu'elles montrent la pérennité de cette valeur initiatique. Mais nous, ne le
savions-nous pas ? L'homme a toujours
ressenti l'appel du sacré ; le sentiment religieux est au coeur de l'homme,
c'est un moyen de transcendance spirituelle. On va à la découverte du Grand
Architecte de l'Univers. Cette recherche du sacré, de l'Incommunicable a fait
naître religions et voies initiatiques. On devient plus heureux, plus humain en
recherchant la lumière. Dès le début de son
existence l'homme a songé que la matière n'était qu'illusion ; sans doute
nécessaire pour nos sens imparfaits elle n'est qu'un moment de notre existence.
L'homme a recherché la Connaissance par l'Esprit. Jean-E. Charon, en cherchant
une théorie unitaire de l'Univers conclut : « Le Monde « n'est » pas, il est
simplement ce que l'homme est capable de penser de lui «. L'Esprit domine
notre platitude, notre intellectualité qui ne représente pas l'intelligence
pénétrante. La spiritualité se situe dans cette dignité, dans cette Valeur qui
est au-dessus de tout, qui communique avec le centre primordial, avec cet Eden
dont nous avons la nostalgie. Avant de vouloir rejoindre le point oméga dans un
avenir hypothétique cherchons notre origine, le Point Originel, le Lieu Sacré.
Car il faut bien aller rejoindre ce monde où les symboles vivent et prennent
leur plein épanouissement. Il faut rejoindre ce Centre Traditionnel que nous ne
pouvons évoquer que sous son sens initiatique. Ainsi de tout temps
l'homme a oeuvré dans la même direction, il a recherché dans la même voie, pour
l'accomplissement de son être, pour son perfectionnement intérieur. Et toujours
il a voulu transmettre car il voulait Eveiller les mêmes sentiments, les mêmes
pensées qu'il avait su découvrir. Toujours ... «
L'homme serait-il donc millénaire ? » L'homme reste toujours lui-même,
comparable à ce qu'il a été, à ce qu'il sera, si passé et avenir ont encore un
sens. Nous pensons que
notre transformation doit être ascendante, qu'elle converge vers un point
hypothétique. Teilhard de Chardin va jusqu'à affirmer que la société se
cérébralise, que l'homme devient de plus en plus intelligent. Mais nous avons
cependant dépassé le stade selon lequel nos ancêtres étaient des brutes,
peut-être de belles brutes, mais des êtres élémentaires et stupides. Nous avons
appris depuis les plus récentes découvertes que l'homme à l'origine avait créé
des rites pour accompagner son compagnon à sa dernière demeure terrestre ; dans
ces tombes nous avons trouvé des foyers, puis des objets funéraires prouvant
l'esprit inventif de l'homme ; nous avons discerné sa profonde pensée, son goût
de la parure, avec des talismans parfaitement décorés. Nous connaissons ces
grottes aux habiles dessins qui prouvent qu'une civilisation riche, ordonnée
savait livrer sa culture. L'étude de l'évolution de l'humanité nous confond par
la somme des mystères qui surgissent à chaque instant. Que des hommes, dans des
époques où la science était apparemment moins avancée que dans la nôtre, aient
découvert des lois que nous retrouvons, semble paradoxal. Il y a plus que de
l'intuition, car par exemple, comment composer un calendrier ? Or le nôtre
existait déjà du temps de l'ancienne Egypte et les propriétés des grandes pyramides
nous prouvent que ces hommes connaissaient des lois qui nous échappent. Que
savons-nous de la science des parfums ? Nos calculs scientifiques rigoureux
étaient donc remplacés par une autre science aussi précise que la nôtre, car en
fait malgré notre pénétration de plus en plus poussée le contour de l'Univers
reste toujours insaisissable. Cette évolution
ascendante devient ainsi moins certaine ; il semble seulement que les problèmes
soient posés différemment. Il apparaît que nous sommes en présence de la
pérennité de la pensée humaine. Tout dans la nature
nous conduit à la connaissance de l'aspect de l'immuable. Un animal à vie très
courte, en voyant la mer se retirer peut songer que la mer s'éloigne
continuellement ; mais après sa mort la mer revient, redonne la même
physionomie aux mêmes rivages ; la mer est étale. Un animal à vie encore plus
courte pensera que la poitrine de l'homme se dilate jusqu'à éclater. Mais à
l'inspiration succède l'expiration, au flux le reflux. Ne sommes nous à l'image
de cet animal à vie très courte en considérant les étoiles rouges qui semblent
s'éloigner de nous ? Mais si ces étoiles revenaient vers leur point de départ
après leur folle trajectoire ? Car tout vit, tout respire dans la nature. Tout
se dilate, se contracte car tout est rythme. On sait maintenant que même la
terre respire, se dilate, qu'elle participe à un rythme. Si nos
connaissances ont pu se modifier, l'intelligence reste un bien immuable. On ne
peut dire qu'Einstein est plus intelligent que Pascal ou que Platon, mais
seulement qu'Einstein a résolu dans son temps d'autres problèmes. Peut-être
parce que l'intelligence semble être une propriété universelle de la matière
mais qu'elle est surtout la donnée fondamentale de notre expérience. Mais par
matière il faut encore concevoir une essence spirituelle. N'est-il pas encore
plus étonnant de voir que de nombreuses découvertes ne font que confirmer ce
que d'autres avaient déjà entrevu ? Si pour Gamow l'univers est infini, ouvert,
pour Einstein, Jean-E. Charon le monde est fermé, mais l'Evangile de Saint Jean
nous l'avait déjà appris. Ces vérités anciennes entrevues font ainsi penser à
certains que des civilisations très avancées ont pu disparaître car elles
étaient à l'apogée de toutes leurs connaissances ; ou encore d'autres imaginent
que des hommes sont venus d'autres planètes avec un savoir immense. Peut-être
est-ce plus simplement dans l'homme, avec des visions et des connaissances
différentes, que nous retrouvons cette pérennité affective. Car nous restons
soumis à la conscience cosmique, ce principe intemporel qui provient du Centre
primordial, un centre inconditionné. Même de nos jours
certaines tribus de l'Afrique équatoriale ont conservé des vertus et des sens
que nous n'avons plus, car nos sentiments se sont émoussés. L'étude de problèmes
humains, des races, du folklore conduit à penser que l'homme fut préalablement
initié mais que cette connaissance se perdit. D'ailleurs tous les livres sacrés
ne reflètent-ils pas cette conception ? Dans la Bible Adam est en communication
avec Dieu ; il participe à son esprit et il est initié en chaque chose pour
devenir l'Initié, l'Etre total. Chassé du Paradis il transmettra à ses enfants,
puis à ses petits enfants une parcelle de sa foi, de sa connaissance. Mais à
chaque transmission il y a perte d'énergie, perte d'une partie de la pensée.
Que vont recueillir les dernières générations qui écoutent l'ancêtre plus ou
moins distraitement ? * * * Notre
transformation ne se fait pas selon une hélice convergente, une spirale qui
s'orienterait vers le point Oméga car elle ne peut être ni cyclique ni
linéaire. On peut imaginer notre vie selon une spire qui s'enroule autour d'un
axe elliptique, dans la dissymétrie du temps. D'où la valeur du symbole du
Caducée où les deux serpents s'enlacent autour de l'axe vertical pour résorber
leur dualité apparente dans ce mât central, ce pilier du Monde. Mais dans la notion
fondamentale de l'Espace-Temps ne peut- on songer, en se référant à la
géométrie euclidienne, à cette étonnante bande de Môbius ? Comme on le sait on
réalise une telle bande en retournant une des extrémités et en la collant à
l'autre. On peut ainsi joindre par une ligne droite indiscontinue un point
d'une face à un point situé sur l'autre face de la bande. Il semble que l'on
passe ainsi d'un espace à un autre ; on change de monde tout en restant
prisonnier du même univers, car la bande de Môbius est en fait une surface à
une seule face. Et l'on songe aussi à la figure encore plus mystérieuse, la
bouteille de Klein : le goulot se raccorde à un trou de corps par l'intérieur.
La bouteille n'a qu'un côté et tout en étant fermée elle n'a ni intérieur ni
extérieur. L'homme serait-il
prisonnier de son propre cycle ? Se trouve- t-il dans cette bande Môbius tel un
écureuil dans sa cage ? Peut- être. Mais pourquoi ne
pas accorder un répit à l'homme, et comme pour Faust lui laisser une
possibilité d'évasion ? Que trouvons- nous dans la nature à l'image de l'homme
? Toutes les forces nous montrent que la nature ne connaît ni le cercle ni la
ligne droite. Ce que nous trouvons ce sont des ellipses et principalement des
lignes spiralées. De même la pensée ésotérique a mentionné ces forces qui se
vrillent dans l'éther ; on a insisté sur ces figurations que l'on trouve dans
la nature et qui par une étrange loi répondent à la loi
harmonique, à la variation du nombre d'Or. La spirale ne figure-t-elle pas à
Vézelay, dans nos grandes églises romanes, dans ces Christ en Majesté qui ne
s'étaient pas encore inclinés devant les Christ crucifiés ? Toute l'époque
romane, reprenant l'idée celtique a exalté cette ligne continue et ouverte qui
laisse à l'homme le pouvoir de s'évader ; l'escargot porte sur sa coquille ce
signe qui ne deviendra un symbole et qui tourmente aussi l'idée du labyrinthe. Ainsi la
progression de notre vie, associée à la vis cosmique, pourrait être représentée
selon une spirale logarithmique, un énorme pas de vis avec son mouvement
continu qui s'enroule autour d'un axe, sans doute une ligne ayant la forme d'un
arc, un arc qui suit l'élan divin d'un cercle. Nous pensons ainsi au mouvement
de la fuite centrifuge des nappes sidérales, de toutes les galaxies. Ainsi tout est
mouvement, tout se vrille, rien ne saurait être stationnaire, mais tout est
équilibre. Même le centre, le moyeu d'une route, immobile, donne le mouvement à
la roue. Cette stabilité dans le mouvement reste sans doute la base du bonheur.
Pour qu'il y ait vie il faut que la force de propulsion émane de l'extérieur ;
c'est l'élan intérieur replié pour sa projection. Ainsi descend le Feu dans la
matière. Sommes-nous
prisonniers ? Devons-nous nous désespérer ? Pouvons-nous nous échapper vers
l'Unité grâce à la force centripète ? Ou resterons-nous prisonnier de la force
centrifuge qui nous disperse ? Cette courbe n'est sans doute pas constante et
les durées sont rythmées, selon les lois de la divine proportion qui montre les
éternels retours, l'action dans la passivité, le rythme de l'éternel
espace-vivant. Dans ce monde fini,
limité, nous subissons les passages décalés dans ce temps. Il y a similitude
mais jamais correspondance. Cette invariabilité
dans le changement n'est que le reflet de la vie que nous opposons à l'inerte.
Tout se meut et vit dans l'univers : la terre dans son champ de gravitation,
le virus dans la complexité de notre corps. Ainsi l'homme est lié à l'ensemble,
à la collectivité, au cosmos car toutes les énergies sont conservées dans
l'Univers. C'est ce que découvre Galaad en se penchant sur le Graal, la coupe
sanctifiante. C'est ce que nous offre l'initiation car il faut savoir que la
parole a été perdue et qu'il n'est pas facile de s'approcher de ce point
immuable, de l'axe du monde. Conservons la
certitude que quelque chose doit se passer. Même si nous ne savons plus qui
nous sommes, d'où nous provenons, si nous avons égaré la liaison avec notre
origine et le secret, conservons l'Espérance. Nous chercherons et peut-être
arriverons- nous à trouver la parole perdue, ce sésame qui nous ouvrira la
vraie porte basse de la Connaissance. Ainsi nous avons
dépassé la pensée de l'eschatologie celle qui va vers un but égoïste, et par là
bien suspect, l'espérance de recevoir une récompense personnelle. Cette nouvelle
perspective ennoblit et spiritualise l'homme celle de donner, de transmettre,
d'Eveiller. Le sage sait que tout est vivant, qu'il n'y a rien d'inerte, que
tous les hommes sont Frères, qu'ils doivent partager entre eux le même pain,
boire le même vin ; mais l'initié sait aussi regarder avec amour tout ce qui
l'entoure, l'animal, le végétal, le minéral. Il sait prendre un simple caillou
dans la main et sans raisonner sur la cohésion apparente de la matière, il sait
que toute une vie y est enclose, et en même temps, il se réjouira au parfum
d'une simple fleur, et parfois d'une rose. Comment alors ne pas songer à cette
rose placée sur une croix de bois, sur une croix de pierre, et dont la
projection s'étend sur nous tous ? Dans ce chant magnifié, chacun se sacrifie,
s'élève en s'inclinant vers la terre, vers le plus humble. L'initié, le sage
s'identifie à Dieu, mais dans un geste d'humilité il est le simple compagnon de
chacun ; il ne s'abaisse pas mais il est compréhension totale. Il est amour.
Un rituel maçonnique dit : — Le plus humble de tous. — Pourquoi le plus humble ? — Parce que le plus éclairé et que toute science vient d'en haut. L'homme qui se penche avec amour sur son frère, l'homme qui se penche avec amour sur une fleur, l'homme qui se penche avec amour sur le simple caillou du chemin, ne sanctifie-t-il pas l'Evolution ? Ce principe de conservation ne peut se dresser que sur un plan permettant de se disposer symétriquement autour d'un élément neutre. Le dualisme se résorbe finalement dans l'Unité. Depuis le signe d'ordre du Bon Pasteur à la forme du caducée tout nous conduit à cette proposition unitaire, à cet esprit Un où les distinctions du Beau et du Laid, du vrai et du faux, du bien et du mal disparaissent dans la conception de l'Absolu, et de la Loi d'Amour. |
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