GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 1T/1979 |
Science, Philosophie, Religion Et Grand Architecte de l’Univers Science,
philosophie, religion prétendent amener l'homme à
la « connaissance »,
c'est-à-dire, lui fournir une « explication
» de lui-même et du monde qui
réponde au schéma scolastique : « Quis
? Quid ? Ubi ? Quibus auxiliis ? Cur ?
Quomodo ? Quando ? » (Qui ? Quoi ? Où ? Par quels
moyens ? Pourquoi ? Comment ?
Quand ?), questions qui délimitent toutes les sortes
d'interrogations que l'on
peut se poser à propos d'un fait quelconque. Pour toutes les
trois le but est
donc identique, seul le point de vue diffère. La science
entend prouver par
l'expérience ce qui lui permet, à partir d'un
fait particulier, de dégager des
lois générales valables dans tous les cas
similaires, lois que l'on peut généralement
vérifier en les soumettant à la reproduction
expérimentale à moins que l'on
n'aboutisse à une certitude d'évidence ;
la philosophie veut enseigner la
sagesse par la connaissance intellectuelle en faisant appel
à la raison
raisonnante qui détermine une attitude face à
soi-même et au monde ; la
religion fournit une réponse dogmatique,
c'est-à-dire admettant une partie non
vérifiable par la raison sur le pourquoi et le comment des
êtres et des choses. Dès
lors, puisque
science, philosophie, religion, comme nous venons de le voir,
s'assignent un
but apparemment identique, d'où provient leur
spécificité propre ? De leur
méthode sans aucun doute mais aussi de leur
finalité. L'on peut à bon droit se
poser la question de savoir si chacune d'elle répond
à toutes les questions, ou
mieux, au « tout » de l'homme. C'est ce que nous
essaierons de vérifier. * * * La
science «
commence par l'étonnement et finit par son contraire
» selon Aristote. Savoir
ne consiste pas pour autant à ne plus s'étonner
mais à comprendre et à
reproduire. Le savoir empirique n'est que de la science en gestation
car cette
dernière repose sur la connaissance rationnelle et
même dogmatique en un
certain sens (l'on parle d'ailleurs en pédagogie «
d'enseignement dogmatique »)
puisqu'elle se fonde sur un système
élaboré par les savants afin d'en faciliter
la transmission par l'enseignement. C'est pourquoi la
première condition que
suppose l'esprit scientifique est une remise en question des
« vérités acquises
» sans quoi la science serait figée. Or la
dynamique qui lui est propre
l'entraîne inexorablement vers le changement dans un
approfondissement sans
cesse croissant de la connaissance rationnelle. Le
savant travaille
sur des hypothèses qu'il lui importe de vérifier,
de mesurer : il pense atteindre
la vérité mais « la
vérité n'est pas la science, elle est
l'idéal de la
science
». Heidegger a été le premier
à dissocier
« vérité de la
connaissance » et « vérité de
l'être
» faisant ainsi ressortir l'ambiguïté du
mot « vérité ». La
connaissance scientifique
prétend conduire à la
vérité de
l'être mais la vérité du «
connaître
» masque celle de « l'être »
qui pourtant
la fonde. La formule mathématique d'une loi physique,
même
fondamentale, peut
satisfaire l'intellect mais elle ne saurait apporter à
l'homme
cette vérité
dont il a besoin dans son être. La
vérité
théorique n'est qu'une sorte
d'extrait de la vérité de l'être. C'est
pourquoi la
connaissance scientifique
ne saurait suffire pour répondre à toutes les
dimensions
de l'homme. La réponse
qu'elle fournit est d'ordre tangible, démontrable,
reproductible, c'est-à-dire
d'essence positiviste sinon matérialiste. Fondée
sur une
méthode rigoureuse, une objectivité que l'on
croit totale, la science est
incapable de satisfaire le « tout » de l'homme.
D'ailleurs, admettre qu'un jour
plus ou moins proche, la science pourra répondre
à toutes les questions de
l'homme dans n'importe quel domaine, revient à nier l'homme,
à condamner
l'humanité à une vie dans laquelle l'intelligence
sera effacée au profit de la
mémoire puisqu'elle n'aura d'autre possibilité
que la répétition : tout aura
été dit, il ne restera rien à
découvrir ou inventer. Bref, soutenir une telle
proposition c'est faire du scientisme primaire. La
« Religion de la
Science » a vécu pour finalement céder
la place
à un « sur-rationalisme »
scientifique qui donne à la science un « espace
»
plus en rapport avec
l'abstraction qui la nourrit. D'un âge positiviste l'on passe
à un nouvel âge
scientifique fondé sur la spéculation
intellectuelle, non
que la raison y perde
ses droits, bien au contraire, mais ce qui change
profondément
c'est la
conception de la réalité qui, selon un terme
à la
mode, se voit « déchosifiée
».
Einstein a dématérialisé la
matière selon
l'hypothèse astronomique qui
soutient que l'espace est consistant et que sa déformation
constituerait
justement la matière. Ce qui a « l'être
»,
c'est la relation puisque la réalité
est différente suivant le système de relations
dont elle
peut faire partie.
(Exemple du champ magnétique pour un système de
coordonnées qui peut être en
même temps électrique pour un autre
système en
mouvement par rapport au
premier). C'est
ainsi que
nous voyons la science évoluer vers des conceptions
spéculatives et non plus
s'en tenir uniquement à « ce qui est » :
le réel est réalisation, l'expérience
est relative, le complexe est premier et non le simple, etc. Dans une
certaine
mesure la science retourne à ses origines, la philosophie. * * * Etre
philosophe, ce
n'est pas posséder une sagesse, sorte de
remède-miracle qui permette de
traverser dans une superbe indifférence les
épreuves de la vie, réfugié dans la
tour d'ivoire de Dame Philosophie. C'est essentiellement une attitude
que l'on
essaie de réaliser, un esprit que l'on s'efforce de vivre.
Ce n'est ni
l'optimisme béat, ni la neurasthénie ou la
misanthropie, ni la médiocrité
bourgeoise du « juste milieu ». C'est une
recherche, paradoxale parfois, d'une
voie qui conduit à la connaissance du monde et de l'homme,
une tentative
d'organisation systématique des données de
l'expérience humaine. Il ne s'agit
donc pas essentiellement d'une connaissance livresque mais
d'une attitude de
fond, une conquête de soi-même qui mène
à la réalisation de la conscience et
fait passer de la vie à l'existence. Le
philosophe,
nouveau démiurge, ne se contente pas d'imiter mais
d'inventer, de rechercher,
d'organiser. Sa réflexion s'applique aussi bien aux
lois de la pensée qu'aux
principes de la conduite morale ou sociale pour en saisir le mouvement
profond,
en scruter la signification et la valeur. Tout
homme est
amené un jour ou l'autre à se poser les trois
questions classiques : « D'où
venons-nous ? Qui sommes-nous ? Où allons-nous ?
» C'est alors qu'il
philosophe car selon le dilemme célèbre
d'Aristote : « Vous dites qu'il faut
philosopher ? Alors il faut en effet philosopher. Vous dites qu'il ne
faut pas
philosopher ? Alors il faut encore philosopher pour le
démontrer. De toute
manière il est nécessaire de philosopher
». La
philosophie peut
se définir comme « l'étude
rationnelle de la pensée humaine »
étude
menée du double point de vue de la connaissance et de
l'action. Elle
s'intéresse aux causes dernières ou au sens
ultime, c'est-à-dire à ce qui est à
la limite ou en dehors des moyens d'investigation scientifique
proprement dits.
C'est aussi une réflexion sur la science, tout aussi bien
que sur la religion
mais elle ne peut s'identifier ni à l'une ni à
l'autre car son point de vue est
différent. La philosophie consiste à
opérer une réflexion totale (au contraire
de la science qui fragmente à l'infini) et d'amener
à une expression d'idées
claires et distinctes (ce en quoi elle est incompatible avec la
religion et son
« mystère »). André Malraux
définit fort bien la philosophie lorsqu'il lui
assigne comme but de « transformer en conscience une
expérience aussi vaste que
possible ». Il n'y a donc de philosophie que rationnelle et
logique, même la
philosophe de l'Absurde. Pour
le philosophe,
l'on peut dire que « tout est clair » : point de
mystère mais avec la
restriction d'Alain : « Toute vérité
devient fausse au moment où l'on s'en
contente ». La philosophie rejette donc tout dogmatisme :
rien n'est jamais
définitif, ce qui revient à dire qu'il n'y a
point de certitude, ce que nombre
de disciples ont la fâcheuse tendance d'oublier. Il suffit
pour s'en convaincre
de citer Chaulieu : « Ce que Marx a dit de vrai, de profond,
d'important et de
nouveau sur la Société et l'Histoire, il le dit
malgré un « ailleurs » qui
commande toute sa pensée : que l'Histoire doit aboutir
à la Société sans
classes... L'essentiel de ce qu'il découvre ne peut
être accommodé dans son
propre système. » (Socialisme et
barbarie). L'on pourrait conclure de ce
passage que marxisme et religion ont d'étranges points
communs... * * * C'est
en effet sur
un « ailleurs » — Paradis ou
Nirvâna, plénitude de vie ou fusion dans
le Tout
— que reposent toutes les grandes religions, «
ailleurs » qui échappe à la
raison et suppose, de la part du croyant, un acquiescement
intérieur, véritable
acte de foi. En ce qui concerne le christianisme, il convient de
discerner
entre religion et foi, la première n'étant que la
dimension sociohistorique de
la seconde, un « avatar » de la foi en quelque
sorte. La foi chrétienne est une
espérance fondée sur la rencontre
personnelle avec un Dieu-Sauveur
révélé par
le médiateur entre ce Dieu et les hommes,
Jésus-Christ. Cette
religion «
historique » est encore abusivement
assimilée au
christianisme alors qu'elle
n'en est que la caricature, la contre-façon, qui,
à
partir d'un message d'amour
universel, de liberté totale, érige un
système
d'oppression des consciences. La
« Lettre » déformée par une
exégèse accommodatrice, l'appel à
l'argument de
convenance ou d'autorité, la « Tradition
»
codifiée et confisquée par les «
clercs », la légitimation d'usages profanes
élevés à la hauteur de dogmes
intangibles, la certitude orgueilleuse (et quelque peu
puérile
!) d'être seul
détenteur de la « Vérité
» et par
conséquent seul dépositaire de la
volonté
révélée de Dieu, voilà les
connotations
ordinaires de ce pseudo-christianisme
véhiculé par les églises
dites « de
masse ». Ce dernier terme est d'ailleurs
antinomique de christianisme car l'Evangile suppose toujours
la
libre adhésion
personnelle dans une rencontre individuelle, unique dans ses
modalités propres,
avec le Dieu « Père de toute sagesse et
vérité », rencontre qui est don
gratuit, élection divine, grâce qui touche au plus
secret
de l'être. Démarche
indicible, expérience incommunicable où l'on
adore
« en Esprit et en Vérité ».
Qu'il est loin et dérisoire le « ex-opere operato
»
d'une religion mécanique où
la magie remplace la réflexion personnelle, dialogue entre
l'Homme et son Dieu. La
religion voit
dans l'homme une dimension supplémentaire que rejette la
science et la
philosophie encore que pour cette dernière la
métaphysique aboutit à une
attitude intellectuelle dans laquelle Dieu peut avoir sa place mais
privée du
rapport affectif, personnel, que l'on trouve dans la foi qui est
plénitude de
l'être pour le croyant. Si véritablement, comme
nous le croyons, l'homme est un
animal particulier, singulier, la religion apporte une
réponse que
la science et
la philosophie sont incapables de donner ; non qu'il s'agisse de nier
la
possibilité d'un athéisme logique,
éclairé, rationaliste mais plutôt
d'affirmer
vigoureusement que l'homme est un être à part,
différent, unique, car autrement
sur quoi pourrait- on fonder la dignité de la personne
humaine et le respect de
l'individu ? Si
l'homme n'est
que le résultat du hasard d'une longue évolution
de combinaisons physico-chimiques,
« un miracle sans intérêt »
selon la formule de Jean Rostand, pourquoi ne pas
instaurer l'eugénisme planifié, la
lobotomie systématique pour assurer
l'harmonie sociale, l'euthanasie institutionnelle pour
éliminer les
non-producteurs, etc. ? L'on
a parfois
reproché — et souvent fort injustement —
à la religion d'être d'abord un
savoir-mourir avant que d'être un savoir-vivre mais sa vision
de l'homme ne
peut se borner au sensible, au matériel : pour elle,
« l'essentiel est
invisible avec les yeux, l'on ne voit bien qu'avec le coeur »
selon la formule
de Saint-Exupéry. Cette attitude fondamentale des religions
est susceptible
d'évolution quant aux affaires terrestres — on le
voit bien de nos jours — et
c'est pourquoi la célèbre formule de Marx souvent
attribuée à Lénine : « La
religion c'est l'opium du peuple » n'est qu'une
généralisation hâtive.
Projection subjective ? Certainement mais le plus instructif
pour notre propos
est de constater que les tenants de cette doctrine, prenant la
formule au pied
de la lettre, sous prétexte de chasser l'opium ont tout
simplement tué
l'homme... D'ailleurs il faut rétablir la
vérité sur ce propos de Marx, qui
montre le danger des citations tronquées. En effet, dans sa
« Contribution à la
critique de la philosophie du droit de Hegel » Marx
écrit ceci : « La religion
est le soupir de la créature accablée, le coeur
d'un monde sans coeur, comme
elle est l'esprit d'une époque sans esprit. Elle est l'opium
du peuple ». Comme
quoi l'on n'est jamais trahi que par les siens... Il
faut donc
admettre que l'homme ne peut se réduire à la
simple animalité, qu'il porte en
lui, comme nous l'affirmons, une « étincelle de
divin » quel que soit par
ailleurs ce que nous entendons par « divin
», étincelle qui fonde sa dignité
d'être particulier, animal, certes, mais
différent, « autre ». Chacun
d'entre nous
doit choisir, en son for intérieur, sa voie pour vivre, pour
assumer, sa «
divinité » : il y a plusieurs demeures dans la
maison du Père, ce qui revient à
affirmer que nul ne possède la Vérité,
qu'il soit savant, philosophe ou
croyant. Si personne ne la possède et que chacun la
recherche, la pluralité des
opinions est inévitable et par conséquent,
légitime, avec pour corollaire
obligé la tolérance, qui est respect de l'autre
en tant qu'autre, différent. * * * Science,
philosophie, religion, peuvent toutes trois conduire à une
vision organisée de
l'homme et du monde et pour cela il faut qu'elles se rejoignent, par le
sommet.
Nicolas de Cuses affirme : « La
Vérité crie sur les places publiques et ce
qu'elle crie c'est qu'elle habite sur les sommets ». Notre
époque, qui est
celle de la séparation outrancière des
disciplines de l'esprit dans une
spécialisation qui frise l'absurde, semble justifier le mot
célèbre de Bernard
Shaw : « Les spécialistes sont des gens qui en
savent de plus en plus sur de
moins en moins de choses de telle sorte qu'à la fin ils
savent tout sur rien. » Notre
époque, donc,
éprouve le besoin de revenir à des
pratiques plus saines et l'on se gargarise
de la pluridisciplinarité. Le savoir humain
dépasse de beaucoup les
possibilités d'un seul homme : aussi est-il de plus en plus
nécessaire que tous
ceux qui cherchent dans des branches différentes du savoir
puissent confronter
la justesse de leurs conclusions lorsqu'elles les conduisent
en dehors du
champ de leur spécialité propre. Un exemple
concret permettra de comprendre,
mieux que ne sauraient le faire tous les exposés discursifs,
ce que recouvre
cette notion de pluridisciplinarité et son
importance capitale. Examinons
quelques-unes des hypothèses qui concernent tout
à la fois la science, la
philosophie et la religion. Il s'agit d'un sujet très ancien
mais inépuisable :
celui qui traite des questions posées par l'existence et
l'organisation de la
matière. Deux
positions : ou
bien la matière est éternelle ou bien elle a
été créée. Nous nous
contenterons
d'examiner la première de ces hypothèses : la
matière est éternelle. Dans
un petit livre
de grande diffusion dans les écoles, « La
découverte du cosmos par
l'astronomie, l'astrophysique et l'astronautique »
de Philippe de la
Cotardière on lit ceci dans la préface de
Jean-Claude Pecker, président de la
société astronomique de France : « La
cosmologie est, de tous les aspects de
l'Astronomie, celui qui touche de plus près à la
philosophie, voire à la
métaphysique. Le « premier quart d'heure
» de l'expansion, après le « Grand
Boum » ? — ou, au contraire, l'univers stationnaire
infini et éternel ?... Que
d'implications qui énervent les esprits confus !... Je suis
personnellement
séduit plutôt par un autre type d'univers.
L'idée de « création du
désordre »
ne me satisfait guère, non plus que les acrobaties sur la
notion de temps. Un
Univers éternel, illimité (relativiste),
statistiquement stable, mais localement
fluctuant, ne semblerait plus acceptable... » (p. 3
et 4). Ce n'était que la
préface. Quant
à l'auteur
lui-même, vice-président de la
société astronomique de France, voici ce
qu'il
écrit dans le chapitre « Origine et
évolution de l'Univers » : « Admettre
que
l'Univers eut un commencement pose le problème de son
origine. D'où provenait
l'atome primitif ? Etait-il l’œuvre d'un
Créateur ? S'était-il formé par la
contraction d'un Univers ayant existé auparavant ? Ce sont
là des questions
auxquelles ne peut répondre la science. » Ce qui
ne l'empêche nullement de
conclure le chapitre p. 80, en écrivant à propos
de la théorie de Pecker,
Roberts et Vigier : « L'hypothèse du big-bang est
éliminée au profit d'un
modèle quasi-statique d'Univers, c'est-à-dire
invariable dans son ensemble et
sans origine ni fin dans le temps. » Donc
certains
savants, et non des moindres, et aussi certains philosophes,
s'imaginent qu'en
soutenant la théorie d'un univers éternel, ou
d'un recommencement éternel et
cyclique de l'univers, ils échappent ainsi à la
doctrine hébraïque de la
création et répondent au
problème posé par l'existence même de
l'univers. C'est
là une
illusion et une faute de raisonnement car l'on voit mal comment l'on
pourrait
établir positivement, scientifiquement,
l'éternité de l'univers car la notion
même d'éternité est
antiscientifique quoique accessible au niveau du concept
théorique. Constatons qu'en affirmant que l'univers est
éternel l'on ne répond
absolument pas au problème posé par son existence
même. En
effet, dans
l'hypothèse d'un univers éternel, il faut rendre
compte d'une éternité d'être,
ontologique. Le problème est donc augmenté
à l'infini. Même si l'on admettait
l'hypothèse préférée par
certains savants selon laquelle le modèle cosmique
comporterait des cycles d'expansion et de contraction, de
dégradation et de
restauration, le problème posé par l'existence de
cette série infinie d'univers
qui se succèdent, ne serait pas pour autant
résolu, ni même abordé : il serait
simplement multiplié ! Notons que la
démonstration scientifique de la
vérité
d'un modèle d'univers limité temporellement et
spatialement pourra peut-être se
faire un jour tandis que l'on voit mal comment la science positive
pourrait
établir l'éternité et
l'infinité de l'univers, infinité spatiale et
temporelle.
Les deux hypothèses sur univers créé
ou univers éternel ne sont donc pas
symétriques au départ, c'est-à-dire de
même valeur du strict point de vue de la
philosophie des sciences. Si
l'on repousse
l'idée d'un premier commencement de l'univers, il
restera à expliquer les
multiples commencements qui marquent et constituent
l'évolution d'un univers
éternel : la difficulté sera la même.
Bref, l'on n'aura rien gagné : en
éliminant un commencement premier, il restera tous
les autres... Sur
le plan des
principes, l'on peut aussi remarquer que, si certains savants et
philosophes
professent l'éternité de l'univers et veulent s'y
tenir pour écarter la
doctrine juive de la création, c'est qu'ils introduisent,
plus ou moins
consciemment, l'idée de nécessité. Il
est nécessaire que l'univers soit éternel
parce qu'ainsi l'on peut maintenir qu'il est l'Etre absolu, l'Etre
nécessaire,
et que par le fait même l'on se trouve
débarrassé des questions suscitées par
son existence. C'est là un sophisme, un paralogisme, qui ne
répond absolument
pas à la question posée par l'existence de
l'univers : c'est tenter d'éliminer
cette question en allongeant infiniment cette existence afin de ne pas
en voir
le bout... Mais
admettons
encore cette idée que l'univers est éternel. On
sait, de manière certaine, que
l'univers est en évolution : c'est donc cette
évolution cosmique qui est
éternelle, sans commencement ni fin dans le
renouvellement des cycles. Or nous
la connaissons sur quelques milliards d'années.
Donc, il faudra admettre, si
l'on veut à tout prix maintenir
l'éternité de ce processus cosmique, qu'il est,
soit inépuisable, soit qu'il se reconstitue lorsqu'il est
épuisé, en quelque
sorte, qu'il revient sur lui-même quand il a fini sa course.
Il faudra imaginer
que cette évolution de la matière que nous voyons
commencer par des atomes
relativement simples, pour s'orienter vers l'édification
d'atomes plus
complexes, a connu, auparavant, et de toute
éternité, une évolution
antérieure,
qui nous conduirait vers des structures de plus en plus simples. C'est
une
probabilité logique si nous suivons la courbe
d'évolution de la matière telle
que nous la connaissons scientifiquement et en l'extrapolant dans le
passé. Mais
cette tendance
à des structures de plus en plus simples que nous devons
reconnaître si nous
suivons l'évolution de la matière en remontant le
cours du temps, n'aura pas de
fin si nous soutenons l'éternité de la
matière. Cette matière qui se simplifie
de plus en plus du point de vue structural au fur et à
mesure que nous
remontons le cours du temps, ne peut être, du point de vue de
l'hypothèse d'un
univers éternel, que l'Etre absolu, celui qui ne
dépend d'aucun autre. Il nous
faut donc faire appel à une autogenèse,
à une autocréation, qui est impensable,
puisque, c'est évident, pour se créer, il faut
déjà être... Suivons
maintenant
l'évolution de l'univers et de la matière dans
l'autre sens, celui de l'avenir.
Nous constatons qu'au cours du temps la matière s'oriente
vers des structures
de plus en plus complexes mais aussi comme en conviennent la plupart
des
savants, cette matière vieillit, s'use, se
dégrade, se consume. Il faut donc
imaginer pour que la matière soit éternelle dans
l'avenir et que l'univers
n'ait pas de fin, soit que la matière trouve le moyen de se
regrader, de se
régénérer, ou bien, qu'il y a
création continuée de matière nouvelle
(théorie
de l'expansion illimitée de l'univers). Ce sont
là des hypothèses gratuites :
du point de vue scientifique, nous sommes en pleine utopie. Donc
cet univers
éternel existe seul, il est incréé, il
ne dépend d'aucun autre et s'il évolue,
il le fait par ses ressources propres : il est, comme l'affirme Marx,
en régime
d'auto-évolution, d'auto- genèse. Traduisons : il
est l'Etre absolu, se
suffisant à lui-même puisqu'il est sa propre cause. Ainsi
nous voilà
revenus aux doctrines des premiers philosophes grecs,
Anaximandre de Milet,
Anaximène et Héraclite d'Ephèse, entre
autres, qui imaginaient une substance
matérielle éternelle, originelle, toujours jeune,
qui façonnait les mondes. Ces
philosophes semblent avoir poussé jusqu'au bout les
conséquences qui résultaient
de leur point de départ commun à tous, d'un
univers divin, modèle repris plus
tard par les Stoïciens. « Il en est de Dieu et de la
Matière comme du miel qui
passe à travers les rayons » enseigne
Zénon de Cittium. Si
l'on trouve
quelque difficulté à admettre que cet univers
divin soit en devenir — ce qui
est contraire au caractère de la divinité qui est
immuable — l'on sera tenté de
considérer ce devenir comme une apparence et l'on retournera
à la métaphysique
de l'Un à la suite de Xénophane de Colophon qui
« promenant son regard sur
l'ensemble de l'univers matériel assure que l'Un est Dieu
». Cependant,
un
élément nouveau entre en jeu dans notre
analyse : la connaissance que nous
avons effectivement de l'univers et de son évolution. Ce
devenir évolutif
manifeste une orientation Irréversible dirigée
dans un certain sens : de la
matière relativement simple à la
matière vivante, puis à la matière
pensante
avec l’avènement d'un animal capable de penser
l'univers, l'homme. La question
est de savoir si, malgré cette connaissance de l'univers, en
adoptant le
principe, le point de départ des philosophes grecs, les
esprits positivistes
partisans de l'éternité de la matière,
peuvent échapper aux conclusions qui
furent celles de leurs devanciers grecs : le
panthéisme et l'animisme
cosmique, c'est-à-dire Dieu est dans tout, tout est Dieu ou
bien une « âme »
cause première en tout. Partant d'un même
point il paraît normal qu'on
aboutisse à des conséquences analogues. * * * L'univers
a une
histoire, tout le monde est d'accord sur ce point, il est un processus
temporel
irréversible, il est évolution. La
matière a une histoire naturelle : la
formation des noyaux lourds est relativement récente ; la
matière organisée est
encore plus récente : trois milliards d'années
environ. Il y a quelques
milliards d'années, dans notre système solaire et
vraisemblablement dans notre
galaxie et dans les autres galaxies dans la mesure où elles
nous sont connues,
il n'y avait pas encore de matière vivante,
animée. L'apparition des êtres
pensants est toute récente si l'on tient compte de
l'échelle du temps. Or, dans
la perspective étudiée, non seulement l'univers
existe seul et par lui-même,
mais, de plus, il produit constamment les
éléments qui le constituent afin de
se maintenir dans une éternelle jeunesse. Mais ce n'est pas
tout. Il
y a trois
milliards d'années environ, la matière, sur les
obscures planètes au moins,
s'est mise à s'organiser en molécules de plus en
plus complexes. Plus tard, les
premiers organismes vivants monocellulaires sont apparus. Cela encore
c'est
l'oeuvre de l'univers, puisqu'il est seul. C'est lui qui a
organisé la matière
qui le constitue pour produire les êtres vivants, qui a
inventé les espèces
vivantes, toujours dans le même sens, du plus simple au plus
complexe, vers des
organisations de plus en plus perfectionnées, vers des
systèmes nerveux de plus
en plus riches en connexions, de plus en plus
céphalisés. C'est lui, l'univers,
qui a inventé les organes qui font l'admiration des
anatomistes et des
physiologistes, qui a mis au point les fonctions biologiques, qui a
adapté le
vivant au milieu. Qui serait-ce d'autre puisqu'il est seul ? Tout
ce que nous
voyons apparaître en lui historiquement, c'est l'univers qui
l'a fait de
lui-même. Il s'ensuit nécessairement que s'il a su
par ses propres forces
produire les êtres vivants et pensants avec la
merveilleuse organisation que
nous avons décrite, c'est donc qu'il avait en lui de quoi
les produire, c'est
qu'il avait en lui, de toute éternité, la vie et
la pensée. Car, s'il ne les
avait pas eues, comment aurait-il pu les produire ? Nul ne peut donner
ce qu'il
n'a pas ; nul ne peut produire, par ses ressources propres, plus que ce
qu'il a
en lui-même. C'est bien connu : la plus belle fille du monde
ne peut donner que
ce qu'elle a et c'est déjà beaucoup... Si
l'univers a su
produire en lui-même la vie et la pensée c'est
que,
manifestement, il avait
déjà de tout temps, de toute
éternité
— puisqu'il est supposé éternel
— la vie
et la pensée. Nous ne nous en doutions pas :
l'hydrogène
et l'hélium qui
constituent la majeure partie de l'univers étaient pourvus
d'un
génie créateur
insoupçonné. Nous avons été
bien injustes
à leur égard. Les
bons
matérialistes du siècle dernier estimaient que,
pour penser, un cerveau était
nécessaire et que pour vivre, il faut être un
corps organisé. Ils se
trompaient. Il faut reconnaître que
l'hydrogène et l'hélium, en nuages
diffus,
contenaient déjà, au moins à
l'état « potentiel », la vie et la
pensée et tout
le génie créateur que l'on verra s'exprimer dans
les oeuvres de l'homme. Mais
diront nos
philosophes marxistes, l'univers n'avait certes pas la vie et la
conscience
comme nous les voyons aujourd'hui. L'univers physique avait en lui la
vie et la
pensée d'une manière potentielle »,
« virtuelle », « en puissance »
seulement.
Ainsi Ils pensent échapper à ce qu'avait d'un peu
gros la conclusion qui
s'était imposée à nous par la force
des choses. Mais en quel sens faut-il
entendre ces expressions et que contiennent-elles ? Si
je dis qu'une
graine contient « en puissance » l'arbre qui va se
développer à partir d'elle,
j'entends par là que l'arbre n'était pas contenu
réellement en elle comme le
pensaient les préformationnistes mais que la graine
a cependant en elle « de
quoi » rendre compte du développement de l'arbre.
Elle est « capable » de le
produire. Les généticiens nous diront qu'elle a
reçu « l'information
génétique
» nécessaire pour reconstituer un arbre, ou, plus
généralement, un organisme
semblable à l'organisme qui a donné la semence. Passons
donc de la
puissance à l'acte pour reprendre Aristote et constatons que
cela n'est
possible que parce qu'il y avait auparavant un être
en acte, c'est-à-dire un
organisme adulte qui avait donné l'information
nécessaire à la semence chargée
de reproduire l'organisme paternel. Est-ce
en ce sens
que l'univers avait en lui la vie et la pensée «
en puissance » et d'une
manière « virtuelle » ? Si c'est en ce
sens germinal, il faut immédiatement se
demander d'où notre univers a reçu cette
« puissance », cette « information
génétique » qui lui permettra de
reproduire la vie et la pensée. La
tiendrait-il d'un univers antérieur ? Mais il resterait
à expliquer cette série
d'univers antérieurs ayant en eux l'information
nécessaire pour produire la vie
et la pensée et la transmettre à leurs fils... Et
si l'on refuse de rechercher
ailleurs qu'en lui-même l'origine de cette «
puissance » de produire la vie et
la pensée, qui se trouvait dans notre univers, nous revenons
à notre point de
départ : ce « germe », cette «
virtualité », était son oeuvre s'il est
seul,
éternel, incréé. Il est bien le
père de tout ce qui est issu de lui, la vie et
la pensée. Cela ne se voyait pas il y a dix milliards
d'années : mais, d'une
manière occulte, il avait en lui la vie et la
pensée puisqu'elles sont apparues
au terme d'une longue évolution. On
n'a absolument
rien gagné, on le voit, à minimiser le plus
possible la présence de la vie et
de la pensée dans l'univers en déclarant que
cette présence n'était que «
potentielle » car de cette potentialité
même il faut encore rendre compte. On
voit mal d'ailleurs comment et en quel sens la vie et la
pensée seraient
contenues d'un manière « germinale »
dans l'univers d'il y a dix ou quinze
milliards d'années. Bref, l'on a usé d'une
métaphore qui, en fait, n'était
qu'un subterfuge, mais sans issue. * * * Puisque
l'univers a
su produire en lui la vie et la pensée par ses ressources
propres, il faut donc
reconnaître, d'une manière ou d'une autre, qu'il
avait en lui la vie et la
pensée. Il faut revenir dans son
intégrité à la doctrine des anciens
Grecs et
avoir le courage de le proclamer : l'univers existe seul,
incréé ; il produit,
seul, la matière dont il a besoin pour se renouveler ; il
produit, seul, la vie
et la conscience qui apparaissent en son sein. Il est donc un
« grand Vivant »
selon la formule de Platon, d'Aristote, de Chrysippe, etc.,
éternel, incréé,
créateur de tout ce qui naît en lui au cours du
temps. Bref, il a tous les
caractères que les théologiens
attribuaient, à tort, à Dieu ! Voici,
Israël, ton
Dieu qui t'a fait sortir d'Egypte, et qui t'a
créé : ce n'est pas un veau d'or
fabriqué par la fonte des bracelets et des colliers. NON,
c'est une nuée
d'hydrogène et d'hélium, principalement.
Elevons-lui un temple ; adorons ce
dieu nouveau né des noces du marxiste et de l'astrophysique ! Il
faut être
logique avec soi-même, avoir le courage d'aller jusqu'au bout
des conclusions
nécessaires, inévitables, qui
résultent des principes que l'on a
posés. Si
l'on veut être un matérialiste
conséquent, il faut, compte tenu de ce que nous
savons sur l'univers, aller jusqu'au bout des conséquences
que cela comporte et
l'avouer, le professer : l'univers incréé,
éternel, ne devant rien à personne,
est l'Etre, le Vivant, le Pensant, génial
créateur des êtres vivants et
pensants, qui a en lui par nature et par lui-même tout ce qui
est nécessaire
pour expliquer tout ce qui naît en lui et se
développe en lui : la vie et la
pensée. Ainsi
l'on passe du
matérialisme athée à l'animisme
cosmique et au panthéisme, sous une forme
stable ou sous une forme théogonique
(c'est-à-dire de représentation du
monde), pour peu que l'on réfléchisse sur ce
qu'est le monde, sur ce qu'il
contient, sur ce qu'il devient au cours du temps. * * * Mais
dira-t-on,
comment se fait-il qu'aujourd'hui tant de gens se disent
athées dans des
milieux cultivés notamment de formation scientifique et qui
répugneraient
manifestement à admettre de telles conclusions sur l'univers
? La
réponse est
simple. D'abord, peu de gens vont jusqu'au bout des
conséquences impliquées par
leurs propres principes, comme nous avons essayé de le faire
en mettant
cruellement en lumière les conséquences
cachées, impliquées, tapies. Le plus
souvent on laisse ces conséquences dans une ombre propice
à leur perpétuation.
Comme les bactéries anaérobies, certaines
conséquences impliquées et
cachées
gagnent à ne pas prendre l'air : cela les tuerait. Le
panthéisme
secret de toute philosophie matérialiste
conséquente ne peut pas aujourd'hui
se présenter à visage découvert : la
lumière lui serait fatale à cause du
développement des sciences positives. Paradoxe : les
matérialistes ne sont-ils
pas les premiers à faire la guerre à l'animisme
qu'ils prétendent sous-jacent à
toute religion ? Ce qui est absolument faux en ce qui concerne la
théologie
juive et chrétienne qui s'est justement
constituée contre l'animisme. De
plus, peu de
philosophes contemporains réfléchissent sur
l'univers. Le travail, qui relève
de ce qu'Aristote appelait la « philosophie
première » est considéré
communément comme impossible. La philosophie de la nature
est mal famée et l'on
renonce à constituer une cosmologie. Les philosophes
préfèrent méditer sur le
cogito : celui de Descartes, de Kant ou de Husserl. Ils sont presque
exclusivement tournés, si l'on excepte Bergson et Blondel
pour la génération
passée, vers une réflexion sur le sujet
connaissant humain. Aussi ont-ils
écarté de leur champ la réflexion sur
le monde, la nature, la vie, la
conscience qui précède l'homme, ce que Blondel a
appelé « la pensée cosmique ». Les
savants, eux,
découvrent les problèmes philosophiques qui se
posent à l'horizon de leur
travail scientifique, de leurs découvertes. Mais comme ils
n'aperçoivent pas de
philosophes qui veuillent prendre en main le travail rationnel requis,
à partir
du donné qu'ils découvrent eux-mêmes,
les savants sont portés à penser qu'en
somme seule la science expérimentale a
compétence pour penser le problème
cosmologique. Puisque aucun philosophe ou presque ne se
présente pour
travailler avec eux, les savants en viennent à conclure que
peut-être l'univers
n'est plus un objet de réflexion pour le philosophe. L'objet
privilégié de réflexion
pour le philosophe d'aujourd'hui, c'est semble-t-il, le philosophe
lui-même en
train de philosopher. Mais
il y a plus
grave : ne trouvant pas de philosophe pour traiter ces
problèmes rationnels qui
se posent inévitablement à la pointe de la
recherche scientifique, le savant
est tenté de se débrouiller tout seul, en faisant
appel à ses souvenirs
scolaires, à la formation philosophique qu'il a
reçue autrefois. Dans la
plupart des cas, faut-il le dire, il arrive que cette formation
philosophique
soit très nettement insuffisante pour traiter d'une
manière technique
rigoureuse les problèmes ardus qui se posent. Les exemples
foisonnent : citons
pour mémoire le fameux livre de Jacques Monod, «
Le Hasard et la Nécessité »
dont les théories, simplistes sur le plan philosophique,
connurent un vif
succès. La réfutation vigoureuse de M.
Barthélémy-Madaule en a fait justice et
le silence est retombé sur ces « hardiesses
»... d'un jour ! Les
matérialistes
d'aujourd'hui, avoués ou implicites, s'en tirent donc
à bon compte,
relativement, dans une époque que l'on peut
déjà qualifier, dans le domaine de
la pensée, de post-marxiste. Ne
réfléchissant pas aux problèmes que
pose
l'univers dans son existence et sa structure, son contenu et son
évolution, ils
s'en vont répétant que la matière est
éternelle. Ils ne semblent pas avoir
aperçu ce que cela implique nécessairement comme
nous l'avons vu : que
l'univers est divin. A
titre d'exemple,
l'un d'entre eux, F. Jeanson, écrit candidement au
début d'un de ses livres, «
La foi d'un incroyant », p. 14 : « Vous ne
comprenez pas
comment il peut y
avoir un Monde si ce Monde n'a pas été
créé
? Moi non plus... ». On pourrait
faire remarquer à l'auteur que, dans ces conditions, avant
d'écrire son livre,
il eût peut-être été
préférable
de réfléchir à cette question. Car
tout est
là
: si l'on ne sait pas, eh bien, dans ce cas il vaut mieux continuer
à chercher
en attendant. Encore a-t-il l'honnêteté de le dire. * * * Voilà
donc où nous
a conduit cette réflexion sur Science, Philosophie,
Religion. Si j'ai choisi ce
thème de réflexion sur la cosmologie c'est, il
faut bien le dire, avec une
arrière-pensée. Nous
affirmons dans
notre rituel du ter degré que « la Franc-
Maçonnerie proclame comme elle a
proclamé dès son origine l'existence d'un
principe créateur sous le nom de
Grand Architecte de l'Univers ». Bien sûr, nous
sommes libres, fort
heureusement, de définir chacun pour notre propre compte ce
que nous entendons
par ce symbole qui guide notre démarche d'initiés
rituels, ou virtuels, comme
l'on voudra. J'ai donc voulu rappeler un principe fondamental du Rite
Ecossais
Ancien Accepté et faire toucher du doigt en quelque sorte
l'extraordinaire
complexité des problèmes que voile ce symbole
tout autant qu'il les révèle, si
l'on veut bien se donner la peine de le méditer. Notre
rite est
l'héritier d'une longue Tradition initiatique et cela suffit
pour refuser de
réduire la Franc-Maçonnerie à
n'être, comme certains l'ont fait, qu'une
société
de pensée. Nous sommes donc restés
fidèles au symbole du Grand Architecte de
l'Univers et nous avons voulu en montrer la signification et
l'importance dans
une société profane infiltrée par des
doctrines matérialistes insidieuses,
diffuses, qui nous agressent parfois à notre insu. Souvenons-nous
de
ce qui nous a été dit : « Vous
n'accepterez aucune idée que vous ne compreniez
et ne jugiez vraie. Ne profanez pas le mot de
Vérité en l'accordant aux
conceptions humaines. La Vérité absolue est
inaccessible à l'esprit humain ; il
s'en approche sans cesse mais ne l'atteint jamais. » Nous nous sommes voués à la recherche de la Vérité : cultivons sans relâche son jardin secret, construisons ce temple intérieur, espace sacré qui débouche sur l'éternel. |
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