GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 2T/1979 |
Réflexion sur les origines Du symbolisme Maçonnique A lire certains
auteurs on peut être amené à penser que la Franc-Maçonnerie s'est appropriée
des signes et attouchements existant dans les sociétés secrètes de divers
peuples. On trouve par
exemple chez les musulmans d'Asie des rites, signes et attouchements,
correspondant à ceux de notre Ordre. C'est ainsi que chez les derviches
iraniens, le candidat à l'initiation entre au temple presque complètement
déshabillé. On lui enlève ses métaux et il a les yeux bandés. Au cours de la
cérémonie, il lui est dit : « Avant qu'Allah ait créé le monde, il y avait le
Chaos, tout était plongé dans les ténèbres, ces ténèbres ne t'ont pas encore
quitté. Que désires-tu ? » Le candidat répond : « La Lumière ». Le Sheik
s'adressant à son aide dit : « Rends la lumière matérielle à notre frère ».
Cela fait, on lui met une ceinture blanche, emblème de l'innocence. La tradition
prétend que Richard Cœur de Lion consacra Saladin chevalier durant les croisades
et qu'en contre-partie Saladin initia Richard et plusieurs chevaliers, dont
certains Templiers, aux trois premiers degrés des derviches. Peut-être est-ce
par ce canal que le rituel des derviches est parvenu en Europe ? Les Druses,
habitant la Syrie et le Liban, se considèrent comme descendants des Phéniciens
qui bâtirent le temple de Jérusalem. Ils ont un système d'initiation à
différents degrés avec signes et attouchements semblables aux nôtres. En 1918, lors de
l'occupation de Jérusalem, des FF. appartenant à l'armée néo-zélandaise eurent
l'idée d'avoir une tenue rituelle sur l'emplacement même du Temple de Salomon,
occupé par la mosquée d'Omar. Ils demandèrent la permission de le faire au
sheik et à leur étonnement celui-ci la leur donna, car il était F.-M. lui-même,
et leur servit même de couvreur ! De son côté,
l'hindouisme a un symbolisme très développé et les idées cachées sous des
symboles rappellent très souvent le sens ésotérique que nous leur attribuons
nous-mêmes : triangle équilatéral avec pointe en haut ou en bas, triangle
entrelacé, deux colonnes, point dans le cercle, etc. Ainsi la Grande Trinité
Brahma-Vishnu-Siva. Le constructeur Brahma, est représenté par le triangle la
pointe en haut ou en bas avec un point à l'intérieur, Vishnu, le Conservateur,
c'est le triangle pointe en bas (descente de force spirituelle), Shiva, le
Destructeur est représenté par le triangle pointe en haut, emblème de la
flamme. Le signe de la Trinité n'est autre que le Sceau de Salomon, avec un
point à l'intérieur. On trouve dans les
temples des statues faisant le signe de notre 2C degré, les adorateurs de
Shiva, eux se reconnaissent en faisant notre signe du 3e degré. La Chine est le
pays par excellence des sociétés secrètes. « La Confrérie du Ciel et de la
Terre », très ancienne avait essaimé des Loges partout où sont expatriés des
Chinois. Chacune est dirigée par une triade : Koh le frère aîné, Hong le second
frère et Thi, le frère cadet. Chaque frère portait un morceau d'étoffe en forme
de pentagone portant le sceau de l'ordre. Dans un livre
d'histoire écrit 1200 ans avant J.-C. on trouve cette phrase « Officiers du
Gouvernement, appliquez le compas ». Mencius, disciple de Confucius a écrit : «
Les hommes doivent appliquer l'équerre et le compas moralement dans la vie et
se servir outre cela du niveau et de la règle pour marcher droit dans le chemin
de la sagesse. » En Afrique, chez
les tribus primitives on trouve des signes, attouchements et symboles, mais il
est souvent difficile de distinguer ceux propres à une certaine tribu de ceux
appartenant à des sociétés secrètes. En effet, il est procédé dans toutes les
tribus à une initiation en principe, après la puberté, afin d'instruire les
éphèbes de leurs devoirs envers la communauté. Parfois rattachée à la circoncision,
cette initiation se fait par une série d'épreuves après que les récipiendaires
ont vécu seuls, à l'écart pendant un certain temps en tenant compte de nombreux
tabous : pas de rapports sexuels, pas de viande, obligation d'employer une
langue particulière. Certaines tribus du
Haut-Nil utilisent le signe d'apprenti, d'autres tribus du Mozambique se
servent de l'attouchement du 3e degré. Les pygmées de l'Afrique Centrale ont un
signe pour désigner le Grand Esprit : une croix oblique fixée à une baguette.
Certaines tribus utilisent pour leurs initiations des tabliers en feuilles de
palmier. En Afrique occidentale, le triangle est souvent considéré comme sacré
et en Afrique du Sud les Makalanges disposent dans chaque hutte un triangle
formé de trois pièces, dans lequel on place les jours de fête une hache ou un
marteau. En Australie (où se
trouvent les hommes appartenant à l'échelon le moins élevé de l'échelle
humaine), des cérémonies se déroulent, dans des tribus, devant deux colonnes,
représentant les étoiles polaires des deux pôles. L'initiation se fait à
plusieurs degrés. Parmi leurs symboles, on trouve la pyramide, la croix, le
swastika et le triangle. Mais c'est chez les
Peaux-Rouges que l'on retrouve le plus d'insignes maçonniques, ils proviennent sans
doute de la tradition dont les vestiges ont été trouvés dans les antiquités
mexicaines. Au musée de l'homme, au palais de Chaillot, il est facile de constater
les nombreuses analogies des symboles des Indiens avec les nôtres. Que conclure de
tous ces faits ? Est-ce une coïncidence que l'identité de certains gestes chez
les Primitifs et chez les Francs- Maçons ? Ou bien nos symbolismes ont-ils une
origine commune ? Une hypothèse,
rattache notre symbolisme à l'ancienne Egypte. Les rites africains auraient pu
garder certaines traditions disséminées sur le continent noir par les anciens
initiés. Sur le continent américain, les rites de l'ancien Mexique, seraient
venus également d'Egypte par l'intermédiaire de la légendaire Atlantide. Pour
les Indes et la Chine, la diffusion aurait été plus facile. Mais pour
l'Australie ? * * * Il me paraît simple
d'admettre que tout le symbolisme de notre globe a une source commune, plus
ancienne que les pyramides. Il semble, en effet, d'après la vie des tribus
primitives contemporaines, que l'homme à l'aube même de l'existence de la race
humaine, avait un symbolisme rudimentaire et des cérémonies initiatiques,
souvent magico-religieuses, tentant d'expliquer la vie de l'au-delà et les
attributs du grand esprit supérieur. Tous les hommes
n'ayant pas l'intelligence assez développée pour comprendre cet enseignement,
il fallut faire une sélection par une série d'épreuves et cacher la vérité sous
des symboles. Ceux qui, par l'étude, formèrent une élite transmettaient la
tradition sacrée d'une génération à l'autre. Les mages
d'autrefois avaient, c'est certain, des connaissances occultes. Quand,
graduellement, les croyances primitives se transformèrent
en religions, le
mage se transforma en prêtre et les symboles devinrent les
emblèmes sacrés.
Mais, au cours des siècles la caste des prêtres voulut
monopoliser
l'enseignement spirituel. Les réformateurs apparurent et
Moïse fut l'un des
premiers. Leur but a été généralement de
populariser les connaissances ésotériques
que la caste sacerdotale voulait accaparer à son profit. Mais,
tout réformateur
fonde une religion et les prêtres de cette religion retombent
dans la même
erreur. C'est pourquoi, dès
les temps les plus anciens, à côté des religions officielles, des hommes
éclairés se réunissaient pour conserver et transmettre la vraie tradition
ésotérique. Ils se servaient des mêmes symboles que les hiérophantes, mais en
y attachant un sens plus profond. Voilà, sans doute, l'origine des mystères
antiques. Voilà la raison d'être de la Maçonnerie. Et pour nous, Francs-Maçons
n'oublions pas le lien qui unit notre symbolisme aux traditions de ceux qui
construisirent des édifices. Le premier homme
qui ramassa quelques pierres et en fit un abri plus solide que la hutte de
branchages, fut certainement un génie. En s'efforçant de perfectionner leur
architecture primitive, les premiers constructeurs durent commencer à étudier
les mystères de la géométrie. Ils furent ainsi conduits à fréquenter les
hommes intelligents qui cherchaient à pénétrer les secrets de la nature,
sorciers ou mages. Voilà, semble-t-il, le lien entre l'initié et le maçon.
Voilà pourquoi les idées trouvèrent leur première expression dans les figures
géométriques et dans les instruments dont se servaient les constructeurs. Quand le prêtre
voulut construire un temple à sa divinité, il dut faire appel au maçon, il dut
l'initier à certains symboles qu'il fallait reproduire dans la construction.
Ainsi le maçon fut naturellement toujours plus instruit que les autres
artisans. En Egypte, les maçons formaient une confrérie aux secrets jalousement
gardés. En Grèce, selon Strabon et Eusèbe, existait la société secrète des
architectes dyonisiens dont le symbolisme était rattaché aux instruments de
travail. Ils rayonnèrent jusqu'aux Indes. Lorsque Salomon
entreprit la construction du Temple de Jérusalem, la nation juive, pastorale
et agricole, n'avait pas d'architectes. Il s'adressa à des étrangers. Le Maçon
Hiram et des compagnons phéniciens constituèrent le premier noyau de constructeurs
auxquels vinrent s'adjoindre des Grecs, et peut-être même des Egyptiens. Il put
y avoir eu aussi une rencontre de membres de différentes organisations et l'on
peut supposer qu'il se produisit un échange ou un mélange de traditions et de
symboles. Ainsi s'expliquerait pourquoi tout ce qui se rattache à la
construction de ce temple laisse une si profonde empreinte dans les sociétés
secrètes. L'imagination des confréries initiatiques dut être fortement impressionnée
par le symbole même de la bâtisse, cet hommage suprême rendu à l'idée du
Monothéisme intégral et intransigeant. Les organisations occultes devaient
reconnaître le principe de l'enseignement ésotérique. Nous avons conservé
une légende d'Hiram qui est contredite par certains historiens. Elle ressemble
fort à des mythes solaires analogues où la mort est suivie d'une résurrection :
telles les légendes d'Osiris, d'Adonis et de Mithra. Les mythes de l'Orient
méditerranéen s'entrelacent de façon curieuse. La légende d'Hiram cependant
apparaît ancienne et, en créant ce nouveau symbole, lié à la construction du
temple de Jérusalem, les sociétés secrètes lui ont donné un sens analogue à
celui des mythes antiques c'est- à-dire celui de l'immortalité du principe
créateur. Ainsi les maçons,
constructeurs du Temple dédié à la gloire du Grand Architecte de l'Univers, en
donnant un nouvel essor aux idées qu'ils avaient reçues, ont constitué un
anneau dans la chaîne qui nous relie aux mystères de l'antiquité et laissé leur
empreinte dans notre tradition occulte. Un des anneaux
suivants fut les collèges de maçons romains qui suivaient les légions dans
leurs conquêtes. Leur symbolisme est proche du nôtre. Beaucoup d'entre eux
appartenaient au culte de Mithra. Ce culte antérieur au christianisme avait un
système d'initiation en sept degrés et des épreuves symboliques semblables aux
nôtres. Parmi ses symboles, il y avait des instruments d'architecture. Quand
apparut le christianisme avec son idéal élevé, très naturellement il trouva
beaucoup d'adeptes parmi les maçons romains et certains furent des martyrs. Dans le chaos
général qui suivit l'affrontement de l'empire romain, un collège de maçons se
réfugia dans une petite île du lac de Côme appelée Comacina, où il résista, en
conservant les traditions de leur métier et leur symbolisme. Il se composait
d'architectes, d'ouvriers-maçons et d'artisans du bâtiment. En 643, le roi des
Lombards leur accorda des privilèges pour la reconstruction des bâtiments du
Nord de l'Italie. En 712, ils ont un Grand Maître et s'assemblent dans des
loges à deux degrés. Sous Charlemagne, des maîtres, sortis de cette école,
sont disséminés dans toute l'Europe. Et c'est à leur influence que l'on
attribue l'apparition presque simultanée du style gothique dans de nombreux
pays. Ils se servaient de la main-d'oeuvre locale et c'est grâce à eux que les
traditions artistiques et symboliques se communiquèrent aux associations de
constructeurs du Moyen Age. Cette grande organisation avait disparu vers le
XlVe siècle. La tradition ésotérique
parvient en Europe par une autre voie, celle des Templiers. Paul Naudon a écrit
à ce sujet un très bel ouvrage particulièrement documenté. D'ailleurs, les
rapports des Templiers avec les sociétés secrètes d'Orient, les idées et les
symboles qu'ils rapportèrent en Europe, l'apparition des Rose- Croix, la fusion
des sociétés d'initiés avec les confréries de maçons opératifs, et la création
de la Franc-Maçonnerie moderne, tout cela appartient à l'histoire. J'ai simplement
tenté de vous indiquer à quel point l'art architectural et la tradition
ésotérique ont été toujours rattachés l'un à l'autre dans cette filière
ininterrompue qui, de l'homme primitif, nous amène aux sources de la
Franc-Maçonnerie actuelle. Ainsi, au travers des siècles, les mots se défigurent,
mais les symboles et les gestes se sont conservés. Ces mêmes gestes et
ces mêmes symboles furent transmis d'une génération à une autre depuis l'homme
primitif jusqu'à nos jours dans les tribus les moins civilisées, les plus
diverses. Elles n'ont pas eu de maçonnerie pour conserver la tradition et son
symbolisme rudimentaire n'en n'existe pas moins sans avoir été exprimé dans des
temples et des cathédrales. Les pygmées, vous
ai-je dit, ont pour symbole du Grand Esprit supérieur une baguette à laquelle
sont attachées deux courtes baguettes obliques. Une migration vers le Nord se
produisit, selon la théorie de Churchward, et le signe primitif devient une
double croix aux traverses horizontales. La migration atteignit l'Egypte et le
culte devint stellaire. Il exista une
société secrète de Horus, dieu du Nord, qui bâtit le premier temple à Edfou, en
Haute-Egypte. Ses adeptes fondèrent les premiers mystères. Par des vagues
d'émigrations successives, le symbolisme fut ensuite transporté dans le monde
entier. C'est ainsi que les mystères grecs se rattachent étroitement à
l'ancienne Egypte. Je n'ai cité cette théorie que pour vous montrer que notre
symbolisme actuel et celui de la brousse africaine ont peut-être une origine
commune. Aussi l'objectif de
fraternité universelle de notre Ordre devrait pouvoir être facilement atteint
avec tous les peuples, s'ils deviennent conscients de leurs traditions, car
leurs symboles et les nôtres ont des
racines profondes sur toute la surface du globe et puisent leur inspiration à
une même source aussi ancienne que l'humanité elle-même. Peut-être est-ce un
beau rêve, mais sans rêve pourrions-nous aider à la construction du Temple ?
Pour ce faire, il faut, avant tout, connaître l'origine de nos symboles et
comprendre leurs significations. |
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