GLDF | Revue : Points de Vue Initiatiques | 1T/1980 |
La Franc-Maçonnerie
diffère essentiellement des Sectes Au moment où les
jeunes sont si souvent à la recherche d'une spiritualité qui conduit les uns
vers la Franc-Maçonnerie et les autres vers certaines sectes, il importe de
bien expliquer en quoi la Franc-Maçonnerie diffère essentiellement des sectes. Bien entendu il ne
peut s'agir ici d'ouvrir une polémique contre les sectes ni de dresser un
catalogue complet de ces dernières et de leurs croyances. Notre propos consiste
simplement à montrer les profondes différences qui existent entre un groupe
sectaire, quel qu'il soit, et une loge maçonnique, afin que personne ne soit
tenté d'attendre de nous ce que nous ne pouvons pas donner. Un mot tout d'abord
sur une ressemblance qui a sans doute joué son rôle dans la confusion entre le
phénomène sectaire et les loges au point que certains anti-maçons du XIX`
siècle ont pu parler de Secte Maçonnique ou encore de Secte des Francs-Maçons.
Par son incontestable dimension communautaire et fraternelle notre ordre peut
en effet donner toutes les apparences d'une secte. Une loge digne de ce nom est
en effet un véritable famille dans laquelle chacun est appelé à se soucier de
son frère et éventuellement à l'aider à porter ses fardeaux. Dans une société
comme la nôtre où les grandes concentrations humaines isolent de plus en plus
les individus, la fraternité et les partages de toutes sortes qu'elle implique
sont ressentis comme des besoins. D'où le succès aujourd'hui de tout groupe
proposant de faire sortir l'homme de son isolement, objectif que la
Franc-Maçonnerie et les sectes ont réellement en commun. Mais c'est bien là le
seul, il ne faut pas s'y tromper. Par nature même, la
démarche maçonnique est fondamentalement différente de la démarche sectaire.
Avec plus ou moins de fanatisme, en effet, chaque secte propose à ses adeptes
une doctrine faisant appel à une foi religieuse. Par l'obéissance à cette
doctrine, elles promettent le bonheur sur la terre (accessoirement) et dans
l'au-delà. Ouvrons une parenthèse pour faire remarquer au passage que les
quelques lignes définissant la secte pourraient aussi bien s'appliquer à une
église. Cela dit non pas dans un but polémique mais simplement pour montrer
combien il est difficile, en termes laïcs et par voie de conséquence,
juridiques, de distinguer une secte d'une Eglise. Il doit donc être clair que,
dans un Etat laïc, le problème des sectes ne peut relever que de la conscience
individuelle et non de la Loi. Telle est du moins la seule attitude qui
permette de sauvegarder la liberté de pensée. L'adhésion à une doctrine
religieuse quelle qu'elle soit, si elle regarde donc la conscience de chacun,
ne saurait se confondre avec l'entrée en Maçonnerie. Celle-ci n'a d'ailleurs
aucune doctrine à enseigner, tout au plus possède-t-elle une Tradition, des
règles de fonctionnement et des rituels d'initiation. Soit, dira-t-on ! Mais
n'est-ce pas une manière d'avoir quand même une doctrine, une manière
pernicieuse même parce qu'inavouée ? Ceux qui ne nous connaissent pas peuvent
bien entendu le croire. Tel n'est, en tout cas, pas notre sentiment. Aucun
Maître Maçon tant soit peu averti de la réalité initiatique n'oserait prétendre
enseigner à autrui des vérités extérieures à lui. Le rite initiatique en effet
n'apporte rien à l'individu qui n'existe déjà en lui-même. Il ne met en lumière
que des vérités dont l'initié est déjà porteur. Ce sont les symboles qui
opèrent ces différents déclics et non des mots: Ainsi chaque initié vivra-t-il
une initiation différente de celle de son frère. Jamais celles-ci ne culmineront
dans un credo uniforme. Et si, d'aventure, une loge obtenait un pareil
résultat, elle serait immédiatement suspecte aux yeux de maçons respectueux de
la Tradition. Car ce qui doit unir les maçons est d'une autre nature que
l'accord religieux, philosophique ou politique, c'est la constante recherche
de la Vérité au travers des vérités particulières à chacun. Si le rite
maçonnique ne délivre donc aucune doctrine et n'assigne, de par ses principes
mêmes, aucune limite à la recherche de la Vérité, il ne s'en vit pas pour
autant n'importe comment. Ce rite est traditionnel. En lui communient plusieurs
traditions ésotériques ainsi que les expériences initiatiques séculaires. Ces
traditions comme ces expériences ont engendré des règles qu'il serait sot et illogique
de ne pas observer. Sot, parce que celles-ci ont fait leur preuve et qu'il
serait vraiment stupide d'aller contre ce qui a toujours été efficace.
Illogique, parce que ce serait se couper de la Tradition, attitude pour le
moins paradoxale pour un ordre initiatique. Qu'on ne s'y trompe donc pas,
l'Obéissance aux us et coutumes de l'Ancienne Maçonnerie, aux landmarks
diraient les historiens de la Franc-Maçonnerie, obéissance à laquelle la Grande
Loge de France est particulièrement attachée, ne relève pas de l'idolâtrie du
passé. Nous ne sommes pas ces conservateurs honteux, et encore moins des
doctrinaires inavoués. Nos règles ne nous entravent d'aucune manière mais nous
permettent au contraire d'accomplir notre quête initiatique, ce qui constitue
à nos yeux une entreprise de Libération et non d'aliénation de la liberté. On ne s'étonnera
donc pas de ne point trouver en Maçonnerie de Maître à penser, autre différence
importante par rapport aux sectes. Certes le rayonnement spirituel et
intellectuel de certains maçons est quelquefois tel qu'il les détache de
l'ensemble pour les transformer en points de référence, voire de guides. Cependant
aucun d'entre eux n'a jamais prétendu incarner la Maçonnerie à lui tout seul et
jamais une Obédience ne les a érigés en penseurs officiels. En fait les grands
maçons, que ce soit par leur exemple ou par leurs ouvrages, jouent un rôle
analogue à celui du rite. Ils ne font que provoquer et stimuler une réflexion,
ils n'apportent ni dogmes, ni croyance. Il en va de même pour ceux qui exercent
des responsabilités au service de la Loge et de l'Obédience. Leur
responsabilité consiste simplement à veiller à ce que tout se passe
conformément à la Tradition et aux règlements. Ils ne définissent aucune
doctrine et ne délivrent aucun mot d'ordre. Signalons à propos de ce dernier
point le souci tout particulier de la Grande Loge de France de le respecter. De
son strict respect, dépendent la liberté des Frères dans le monde profane et le
maintien de la Loge maçonnique comme centre d'union des hommes véritablement
différents. Une prise de position politique ou morale d'une Obédience
maçonnique (cas extrêmes mis à part, comme par exemple tout ce qui touche aux
droits de l'homme) a toujours pour effet de gêner considérablement les Frères qui
n'ont pas fait le même choix, et d'écarter de la Maçonnerie, et ce pour des
raisons étrangères à l'initiation, des hommes qui y auraient pourtant leur
place. De même qu'une loge est libre au sein d'une Obédience, un maçon reste
toujours libre dans sa loge, comme dans sa vie de chaque jour, de faire les
choix qui lui conviennent pourvu que ceux-ci ne s'opposent ni à la Loi civile
ni à la Loi Maçonnique. Ce que nous voyons
de la grande majorité des sectes nous révèle de leur part une attitude bien
différente. Celles-ci pratiquent l'intervention à haute dose dans tous les
domaines de la vie de leurs membres, même au niveau de la vie privée. Là, en
effet, il ne s'agit pas de faire s'épanouir des personnalités dans une
diversité enrichissante, au contraire on supprime les individualités pour
parvenir à un modèle unique correspondant à l'aliénation la plus complète, à
la « possession » même pourraient dire certains. Ce qu'un homme pourra porter
en lui d'original effraiera toujours une secte. Elle s'efforcera alors
d'amoindrir, sinon de détruire, toute forme d'originalité alors qu'au contraire
l'initiation maçonnique s'efforcera de la développer. Que ceux qui se
sentent en mal d'Eglise et qui souffrent du manque de fraternité humaine ne se
trompent donc pas de porte. Si ce sont là leurs seules motivations, seules les
sectes pourront leur apporter quelques satisfactions qui rapidement seront
très chèrement payées. Si, par contre, ils ont en plus une soif de connaissance
et de recherche de la Vérité, exigeante et surtout lucide, ils peuvent alors
tenter de frapper à la porte de nos temples. Ils n'y trouveront, s'ils sont
admis, aucune doctrine toute faite. On ne leur apprendra aucun catéchisme. Ils
seront simplement placés sur un chemin que d'autres ont parcouru avant eux et
ils devront avancer seuls. Ils ne seront pas invités à découvrir la pensée de
gourous proches ou lointains. Ils iront à la découverte d'une réalité à la fois
plus précieuse et plus mystérieuse : eux-mêmes. |
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